Convention collective Syntec : 14 avril 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/04683

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Convention collective Syntec : 14 avril 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/04683

14 avril 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG
21/04683

14/04/2023

ARRÊT N°2023/183

N° RG 21/04683 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OPQ2

MD/LT

Décision déférée du 14 Octobre 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 19/00037)

A.DJEMMAL

Section encadrement

S.A.R.L. FACILITY GROUPE

C/

[X] [B] épouse [I]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 14 avril 2023

à Me CULIE, Me FRECHIN

Ccc à Pôle Emploi

le 14 avril 2023

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUATORZE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

S.A.R.L. FACILITY GROUPE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Fanny CULIE de la SELARL CCDA AVOCATS, avocat au barreau D’ALBI

INTIM »E

Madame [X] [B] épouse [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Renaud FRECHIN de la SCP CABINET DENJEAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. DARIES, Conseillère chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUM », présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par S. BLUM », présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

FAITS ET PROCÉDURE:

Mme [X] [B] épouse [I] a été embauchée le 1er mars 2017 par la sarl Facility Groupe, dirigée par son époux, M. [R] [I], en qualité de directrice des ressources humaines suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel régi par la convention collective nationale Syntec.

En septembre 2017, est né grand prématuré un second enfant [P] lequel a nécessité beaucoup de soins et une présence maternelle constante pendant plusieurs mois.

Une procédure de divorce a été engagée par M. [I] au mois de mai 2018 et est toujours en cours.

La société Facility Groupe a mis en demeure la salariée à plusieurs reprises:

-le 20 octobre 2018 pour justifier son absence depuis le 7 août 2018,

-le 11 décembre 2018 et le 21 janvier 2019, pour absence injustifiée.

La salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 11 janvier 2019 pour faire reconnaître la résiliation judiciaire du contrat aux torts de son employeur et demander le versement de diverses sommes.

Après avoir été convoquée par courrier du 5 février 2019 à un entretien préalable au licenciement fixé au 18 février 2019, elle a été licenciée par courrier du 26 février 2019 pour faute grave.

Le conseil de prud’hommes de Toulouse, section encadrement, par jugement du 14 octobre 2021, a :

-fixé le salaire brut moyen à 2 591,01 euros,

-prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail au 26 février 2019 emportant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-condamné, en conséquence, la société Facility Groupe à payer à Mme [X] [B]:

.7 773,03 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

.1728 euros à titre d’indemnité de préavis outre 777,30 euros pour congés payés y afférents,

. 7773,03 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

. 5184,02 euros à titre de rappel de salaires pour les mois de novembre et décembre 2018 outre 518,40 euros de congés payés afférents,

-rejeté le surplus des demandes,

-ordonné à la société Facility groupe à remettre à Mme [B] les bulletins de paie, l’attestation Pôle emploi et le certificat de travail conformes au présent jugement, sans astreinte,

-ordonné l’exécution provisoire de droit,

-condamné la société Facility Groupe aux entiers dépens et à payer à Mme [B] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 25 novembre 2021, la sarl Facility groupe a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 26 octobre 2021, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

PRÉTENTIONS DES PARTIES:

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 11 juillet 2022, la société Facility Groupe demande à la cour de :

*infirmer le jugement déféré en ce qu’il a:

-prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail au 26 février 2019 emportant les effets d’un licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

-condamné en conséquence la société Facility groupe à verser à Mme [B] les sommes suivantes:

-7 773,03 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

-1 728 euros à titre d’indemnité de licenciement,

-7 773,03 euros à titre d’indemnité de préavis, outre 777,30 euros de congés payés afférents,

– 7 773,30 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

– 5184,02 euros à titre de rappels de salaire pour les mois de novembre et décembre 2018, outre 518,40 euros de congés payés afférents,

-ordonné à la société de remettre à Mme [B] les bulletins de paie, l’attestation Pôle Emploi et le certificat de travail conformes au jugement,

-condamné la société à verser à Mme [B] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

-débouté la société Facility Groupe de ses demandes,

*statuant à nouveau:

-s’agissant de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

-rejeter la demande de résiliation judicaire du contrat de travail de Mme [B] et la débouter de ses demandes à ce titre,

-s’agissant de la contestation du licenciement:

à titre principal:

-déclarer recevable la contestation du licenciement,

-débouter Mme [B] de ses demandes à ce titre,

à titre subsidiaire:

-juger que le licenciement pour faute grave de Mme [B] est parfaitement fondé et justifié et débouter Mme [B] de ses demandes à ce titre,

-s’agissant des autres demandes:

-débouter Mme [B] de l’ensemble de ses demandes, à savoir:

.dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail (20 000 euros),

.rappels de salaire pour les mois de novembre et décembre 2018 (5184,02 euros outre 518,40 euros de congés payés afférents),

.article 700 du code de procédure civile (3 000 euros)

.remise des documents de fin de contrat conformes sous astreinte,

.condamnation aux dépens,

*en toute hypothèse:

-condamner Mme [B] à verser à la société la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 4 mai 2022, Mme [B] demande à la cour de :

confirmer le jugement sauf à l’infirmer sur le quantum des dommages et intérêts alloués au titre de l’exécution fautive et déloyale du contrat de travail,

*à titre principal:

-prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et juger que cette rupture doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ce faisant, condamner la société Facility Group à lui verser les sommes suivantes:

.indemnité de préavis: 7 773,03 euros et 777,30 euros au titre des congés payés,

.indemnité de licenciement: 1 728 euros,

.dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat travail et notamment le non versement des salaires et la non restitution du poste après un congé pour cause de maternité : 20 000 euros,

.dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 7 773,03 euros (3 mois),

*à titre subsidiaire, juger que le licenciement pour faute est sans cause réelle et sérieuse et en conséquence, condamner la société Facility Group à verser les sommes suivantes:

.indemnité de préavis: 7 773,03 euros et 777,30 euros au titre des congés payés,

.indemnité de licenciement: 1 728 euros,

.dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat travail et notamment le non versement des salaires et la non restitution du poste après un congé pour cause de maternité : 20 000 euros,

.dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 7 773,03 euros (3 mois),

*en tout état de cause, condamner la société Facility Group à verser à titre de rappel de salaire sur les mois de novembre et décembre 2018 la somme de 5 184,02 euros augmentée de celle de 518,40 euros au titre des congés payés,

-condamner la société Facility groupe à lui remettre un certificat de travail ainsi qu’une attestation pôle emploi conformes, sous astreinte de 40 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement,

-la moyenne des trois derniers mois de salaire s’établissant à la somme de

2592,01 euros,

-condamner la société Facility Groupe à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 27 janvier 2023.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION:

L’article 1224 du code civil permet à l’une ou l’autre des parties à un contrat synallagmatique d’en demander la résolution judiciaire en cas d’inexécution des obligations découlant de ce contrat.

Les manquements de l’employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d’une gravité suffisante.

Lorsque, comme en l’espèce, un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail est justifiée par des manquements de l’employeur d’une gravité suffisante et, dans le cas contraire, doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.

Mme [B] épouse [I] sollicite la résiliation judiciaire du contrat de travail emportant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en invoquant les manquements graves de l’employeur au titre:

– de la suspension injustifiée de versement de salaires,

-du défaut de transmission de documents entraînant l’absence d’indemnisation par la sécurité sociale,

– d’une exécution de mauvaise foi du contrat de travail,

– d’une reprise de travail non évoquée et sans cesse reportée,

– d’une atteinte à sa dignité.

Mme [B] expose que:

– à partir de novembre 2018, l’employeur a cessé de verser les salaires sous le prétexte de la non-justification de ses absences, son refus étant en réalité lié au fait de considérer qu’il pourvoyait aux besoins de la famille par le versement de pensions alimentaires,

– l’employeur n’a pas transmis les bulletins de salaires à la Sécurité Sociale et elle n’a pas perçu les indemnités journalières dues pour 2018 et n’a pas été indemnisée de son arrêt de travail pour maladie justifié du 27 novembre au 28 décembre 2018.

L’intimée argue que M. [I] est de mauvaise foi, jouant sur la confusion entre ses statuts d’ex-mari et d’employeur: il l’a dispensée par SMS ou mail de venir travailler en connaissant sa situation puis l’a mise en demeure de justifier ses absences qu’il a acceptées à la suite des échanges réguliers pour s’accorder sur la garde alternée de leurs deux enfants: [H] (5 ans) et [P] (1 an) et alors qu’il connaissait l’état de santé de son fils, grand prématuré, ayant subi de graves opérations, ce qui nécessitait une présence permanente de la mère.

L’employeur ne répondait pas quand elle le relançait quant au devenir de son emploi et qu’elle avait manifesté une volonté non-équivoque de revenir travailler.

Il n’a pas organisé de visite de reprise après le congé maternité ou maladie et elle a accepté ses dispenses, n’ayant pas d’autre solution pour garder ses enfants, le père ayant à partir d’avril 2018, décidé d’arrêter de payer les frais de garde.

Une tentative d’entretien a eu lieu le 05 juin 2018 soit quatre mois après la fin du congé maternité mais elle a subi ‘un véritable règlement de compte personnel’ par des reproches divers sans que soit évoqué son avenir professionnel. Elle a relaté l’entretien par mail adressé à M. [I]. Cet entretien était une atteinte à sa dignité.

Mme [B] considère que ces manquements sont suffisamment graves pour justifier de la résiliation judiciaire du contrat.

En outre, elle soutient que le comportement de M. [I] est constitutif d’un harcèlement moral ayant dégradé ses conditions de travail et de santé.

Sur ce:

* Sur les manquements à l’exécution du contrat de travail:

Mme [B] a été placée en arrêt-maladie jusqu’au 6 août 2018. A l’issue, elle n’a pas repris le travail.

Par courrier du 07 septembre 2018, la responsable administrative et comptable lui a demandé de faire parvenir un nouvel arrêt maladie pour régularisation, le dernier arrêt se terminant le 06 août.

Le 01 octobre 2018, la société lui demandait de préciser sa situation en l’absence de tout arrêt-maladie.

Le 20 octobre 2018, l’employeur lui adressait une mise en demeure de régulariser sa situation depuis le 07 août ou de reprendre son poste.

Mme [B] faisait parvenir un arrêt de travail pour la période du 27 novembre au 27 décembre 2018.

La société adressait une 2ème mise en demeure le 11 décembre 2018, réclamant de nouveau le justificatif de son absence entre le 07 août et le 26 novembre 2018.

Une 3ème mise en demeure était notifiée à Mme [B] le 24 janvier 2019 pour rappeler le défaut de régularisation de sa situation pour la dite période outre depuis le 28 décembre 2018.

– Mme [B] reproche à l’employeur de se servir de la procédure de divorce pour ne plus exécuter ses obligations salariales. Or elle ne démontre pas que M. [I] n’a pas exécuté la décision du juge aux affaires familiales rendue début novembre 2018.

– S’agissant de la suspension des salaires à compter de novembre 2018 et du défaut de transmission des documents à la CPAM, l’employeur objecte que Mme [B] n’a pas communiqué ses arrêts de travail aux services de la sécurité sociale et la société n’étant pas subrogée dans ses droits, elle devait communiquer ses relevés d’indemnités journalières afin qu’il verse le complément de salaire, ce qu’elle n’a pas fait. Par ailleurs elle n’a pas perçu d’indemnités.

Il est à rappeler que l’employeur peut assurer un maintien de salaire même s’il n’a pas connaissance des indemnités journalières de sécurité sociale, dès lors que conformément à l’article L 1226-1 du code du travail, il a reçu justification par la salariée de sa situation d’arrêt-maladie et donc de prise en charge par l’organisme social.

Le cabinet comptable de la société a selon courriel du 05 février 2019, contacté les services de la sécurité sociale, qui ont indiqué que l’intéressée n’avait pas envoyé ses arrêts de travail et que la sécurité sociale ne pouvait payer les indemnités journalières dues.

Si Mme [B] n’a pas transmis d’arrêt de travail à l’employeur pour le mois de novembre 2018, pour le mois de décembre, elle a fait parvenir un arrêt maladie à la société, laquelle ne contestant pas le principe du maintien du salaire, devait procéder au paiement pour ce mois. Pour la période suivante, elle n’a pas justifié de sa situation.

Le manquement de la société est donc limité à un mois.

– Mme [B] se prévaut également que l’employeur ‘instrumentalise son contrat de travail pour faire pression sur elle’.

La société relève qu’il est fait obligation à tout salarié de justifier de ses absences auprès de son employeur, quels que soient les liens extra-professionnels pouvant exister entre le représentant de la société employeur et le salarié.

Il n’est pas contestable qu’à la suite de la naissance de [P], la présence d’un parent et particulièrement de la mère était nécessaire auprès de lui et préconisée par les médecins. L’employeur et époux en a tenu compte puisqu’il a maintenu le salaire jusqu’à octobre 2018 inclus, malgré le défaut de communication d’arrêt de travail depuis le 07 août.

Il a également expressément dispensé Mme [B] d’activité 2 jours en mai 2018, par mail du 23 mai: ‘ Je ne considère pas en effet que venir au bureau avec [P] soit une bonne idée. Tu peux rester chez toi. Concernant sa garde pour une éventuelle reprise de ton poste, il existe des solutions avec la nounou et éventuellement mes parents, tu n’es qu’à mi-temps.’.

Mme [B] produit un SMS adressé à ‘[R]'([I]) du 08 septembre en ces termes: ‘j’ai pas pu obtenir un arrêt maladie, [C] et [J] m’ont dit non car ça faisait bcq donc tu m’as dit qu’en l’état actuel des choses et en attendant d’y voir plus clair je dois attendre ton feu vert pour reprendre ou pas le travail; j’attends tes consignes en la matière, à toi de me dire’.

Il est à relever que ce SMS a été rédigé le lendemain du jour où le service administratif a sollicité de la salariée qu’elle précise sa situation d’absence depuis la fin d’arrêt de travail du 07 août. Il n’est pas communiqué de réponse de M. [I].

Si Mme [B] écrit dans un courrier du 19 décembre 2018, qu’elle a répondu par email du 08 octobre, suite à une nouvelle demande de justification de sa situation du 01 octobre, au service gestion de l’entreprise qu’elle est ‘ pour le moment rémunérée et dispensée de se présenter à son travail sauf consigne contraire de M. [I]’, elle ne communique ni ce courriel, ni une dispense expresse d’activité par l’employeur à compter du 07 août 2018.

La pièce 4 reproduisant le texte partiel d’un SMS non daté, sans destinataire ni auteur, rédigé en ces termes: ‘ bonjour, j’ai bien noté que tu me demandes de ne pas me présenter à mon travail. J’attends de toi que tu clarifies ma situation par écrit; Il devient évident qu’après nous avoir sorti du domicile conjugal avec les enfants, tu cherches à me sortir de l’entreprise’, ne permet pas de corroborer une volonté de M. [I] de la dispenser de travail ou de s’opposer à son retour, au regard des courriers de demande de justification de sa situation.

Mme [B] affirme qu’elle souhaitait reprendre son emploi et elle verse un SMS adressé à ‘[R]’, dans lequel elle indique qu’elle a été arrêtée un mois, que le médecin ne fait pas des arrêts de complaisance et elle ajoute: ‘ Tu considères qu’on peut plus travailler ensemble, alors propose moi des solutions, ne me laisse pas dans l’impasse car moi je souhaite reprendre mon travail et je tiens à préserver mon emploi, je peux pas me permettre de le perdre. Peux-tu m’éclairer sur ce sujet  ».

Mais ce SMS comme le précédent, n’est pas daté et aucune réponse de M. [I] n’est produite, permettant d’éclairer la période ou le contexte.

Mme [B] dit qu’elle a été empêchée de reprendre son emploi après le congé maternité, du fait de l’absence d’organisation d’une visite de reprise par l’employeur et des dispenses d’activité qu’elle a dû accepter car M. [I] ne prenait pas en charge les frais de garde des enfants.

Néanmoins, la question d’une reprise avait été évoquée par M. [I] dans le mail du 23 mai et Mme [B] indique que celui-ci l’avait convoquée à un entretien le 05 juin 2018 ( soit 4 mois après la fin du congé maternité) pour discuter du poste de travail ( ce qui a priori constituait une démarche en faveur d’une reprise).

Mme [B] déclare que lors de cet entretien, elle a subi des reproches personnels ayant porté atteinte à sa dignité et elle a adressé le jour même un courriel à M. [I] par lequel elle se plaint de cette entrevue et de la vie privée de son époux, dont celui-ci réfute les termes.

La cour constate que le contenu de ce courrier relève plus du litige familial que du contentieux prud’homal et ne peut à lui seul, établir une atteinte portée à la dignité de la salariée par son employeur lors d’un entretien.

Le 20 octobre 2018, l’employeur a mis en demeure l’intéressée, soit de régulariser sa situation, soit de reprendre immédiatement son poste de travail ce d’autant qu’il devait prendre contact avec le service santé pour organiser une visite de reprise.

Il ne peut lui être reproché de ne pas avoir organisé de visite de reprise dès lors que Mme [B] n’a pas apporté de réponse à la mise en demeure non équivoque, ne s’est pas rendue sur le lieu de travail ( la visite pouvant avoir lieu dans les 8 jours de la reprise effective), n’a pas transmis d’arrêt de travail avant celui du 27 novembre 2018 ni pour la période postérieure à compter du 28 décembre 2018.

Si selon certificat médical du 03 août 2018, il était recommandé que l’enfant [P] jusqu’à l’âge de 2 ans, ne soit pas confié à une garde en collectivité, rien n’excluait de confier l’enfant à un tiers, au domicile, ce qui avait déjà été mis en place notamment auprès des grands-parents paternels et évoqué par M. [I] dans son SMS du 23 mai.

Selon ordonnance de non conciliation du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Toulouse du 02 novembre 2018, il est d’ailleurs relevé que Mme a demandé un droit de visite et d’hébergement chez ces derniers et il a été fixé à la charge du père, une pension alimentaire au titre du devoir de secours, une contribution aux frais d’entretien et d’éducation des enfants mais aussi les frais de nourrice.

L’état de santé de l’enfant [P] et le fait que l’employeur soit aussi l’époux et le père de l’enfant a eu une incidence sur les rapports employeur-salariée, lesquels ont pu après la naissance, relever d’un accord des parties puis d’une tolérance de l’employeur jusqu’à fin octobre 2018, date d’arrêt de paiement des salaires.

Mais il n’est pas démontré par Mme [B], que l’employeur s’est opposé à la reprise effective de son emploi à temps partiel par des dispenses expresses de travail ou en n’exécutant pas ses obligations financières, alors même que l’intéressée disposait de son salaire, de ressources personnelles et qu’un relai familial existait.

– Sur le harcèlement moral:

En application de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aux termes de l’article L 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à des faits de harcèlement au sens de l’article L 1152 – 1 du code du travail, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il appartient à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Mme [B] argue qu’elle était placée dans un état de subordination à l’égard de M. [I], à travers leur relation de travail salariée et que ce dernier utilisait son statut d’employeur pour en faire un instrument de vengeance personnelle. Elle a été peu à peu évincée de la société.

Elle fait valoir que l’incertitude de retrouver son poste de travail dans un contexte de situation financière précaire ajoutée à la garde de deux enfants en bas-âge l’a conduite à un état de stress réactionnel puis à un état dépressif. Son état de santé a nécessité quatre arrêts de travail successifs.

Les éléments allégués se réfèrent à ceux précédemment développés et qui ont été écartés.

Le fait que Mme [B] ait bénéficié en avril, juin et juillet 2018 d’arrêts de travail, traduit le ressenti difficile de la salariée dans un contexte difficile qu’aucun élément ne permet d’imputer à l’employeur.

Aussi elle ne démontre pas l’existence d’un harcèlement moral, pour lequel dans le dispositif, elle ne réclame pas de dommages et intérêts spécifiques.

De ce fait, le seul manquement de l’employeur au paiement du salaire du mois de décembre 2018, au regard du contexte du litige, n’est pas suffisant pour emporter le prononcé d’une résiliation judiciaire ayant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

II/ Sur le licenciement:

Tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle et sérieuse.

Aux termes de l’article L. 1232-6 du code du travail, l’employeur est tenu d’énoncer dans la lettre de licenciement, le ou les motifs du licenciement. La lettre de licenciement fixe les limites du litige. Il ressort de ces termes que l’employeur retient la qualification de faute grave comme motif de licenciement du salarié.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La charge de la preuve de la faute grave incombe à l’employeur. Le juge doit tenir compte des éléments qui lui sont alors soumis pour apprécier la gravité de la faute soutenue. En cas de doute, celui-ci profite au salarié.

La lettre de licenciement du 26 février 2019 est ainsi libellée:

‘Aussi, à défaut d’explications pertinentes et d’absence totale de justifications de votre comportement, nous avons le regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave.

Conformément aux dispositions légales, nous vous informons que cette mesure se justifie en raison du fait que depuis le 7 août 2018, vous avez abandonné votre poste de travail, sans nous donner la moindre information, ce qui constitue :

-D’une part, une violation grave, délibérée, caractérisée et réitérée de vos obligations contractuelles ;

-D’autre part, une absence injustifiée et irrégulière à votre poste de travail, causant un préjudice important pour notre Société.

Ainsi cet abandon de poste injustifié et votre absence de communication pendant toute la procédure, malgré trois mises en demeures des 7 septembre, 1er octobre et 20 octobre 2018, constituent un manquement inadmissible à vos obligations qui perturbe anormalement la bonne organisation et la bonne marche du travail au sein de l’entreprise.

Après réflexion, et compte tenu de votre absence totale d’explication pertinentes qui se poursuit encore à ce jour, nous considérons que les faits exposés ci-dessus sont constitutifs d’une faute grave et rendent incompatible tout poursuite de votre contrat de travail dès ce jour.

Ce sont les raisons pour lesquelles nous vous notifions votre licenciement pour faute grave. »

– L’employeur soulève l’irrecevabilité de la demande de contestation du licenciement au motif que Mme [B] l’a ajoutée postérieurement à sa requête du 11 janvier 2019 devant le conseil de prud’hommes, par voie de conclusions de première instance, cette demande ne présentant pas de lien suffisant avec les prétentions originaires en application de l’article 70 du code de procédure civile. La salariée devait saisir de nouveau le conseil de prud’hommes.

Aux termes de l’article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

En l’espèce, la demande de résiliation judiciaire de Mme [B] tend à faire reconnaître que la rupture du contrat de travail résulte des manquements de l’employeur et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La contestation du licenciement prononcé postérieurement à la demande initiale tend aux mêmes fins de prononcé d’une rupture abusive et d’obtention de paiement d’indemnités et dommages et intérêts à ce titre.

Aussi la cour considère que la demande est recevable.

– Sur le fond:

La procédure de licenciement a été engagée plusieurs mois après la fin du congé maternité de Mme [B] et dans une période où elle ne justifie pas d’un arrêt de travail.

Madame [B] conteste avoir abandonné son poste, opposant comme précédemment qu’elle a été mise dans l’impossibilité par son époux également employeur de revenir travailler à son poste.

La société conclut au bien fondé du licenciement.

Sur ce:

Il ressort des éléments précédemment développés concernant la demande de résiliation judiciaire que si l’employeur a sollicité le 07 septembre 2018 et le 01 octobre 2018 que Mme [B] justifie de sa situation depuis la fin de l’arrêt de travail au 07 août, ce dernier, malgré l’absence de réponse, a maintenu le salaire de l’intéressée jusqu’au 30 octobre 2018.

S’il n’est pas établi que M. [I] a accordé expressément à Mme [B] des dispenses de présence au travail, il y a lieu de considérer qu’il existait une tolérance de sa part envers l’absence sans arrêt de travail de Mme [B] jusqu’en octobre.

C’est par courrier du 20 octobre que l’employeur a mis en demeure la salariée, à défaut de justifier du motif de son absence, de reprendre son travail, l’informant également d’un arrêt de versement du salaire à compter du 01 novembre.

Malgré ce, elle est restée taisante et n’a adressé un arrêt de travail que pour une période postérieure à compter du 26 novembre au 28 décembre, ce sans autre explication, avant de nouvelles absences sans avis médical.

Si Mme [B] produit un certificat médical du 11 février 2019 précisant que l’enfant nécessite la présence de sa mère du 11 février au 09 mars 2019, cette période est postérieure à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement, intervenue après 2 autres mises en demeure du 11 décembre 2018 et 24 janvier 2019.

Au regard du contexte familial et professionnel existant entre les parties et de la tolérance de l’employeur pendant une certaine période après la fin du congé maternité et des arrêts de travail, la cour considère que l’absence injustifiée de la salariée constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement sans qu’il y ait lieu de prononcer un licenciement pour faute grave.

Sur les demandes financières:

– Sur l’indemnisation de la rupture du contrat:

Il sera alloué à Mme [B], bénéficiant d’une ancienneté de 23 mois et d’un salaire mensuel de 2592,01 euros:

– une indemnité compensatrice de préavis d’un montant de 7773,03 euros ( telle que fixée par le conseil de prud’hommes et non contestée par l’employeur) outre 777,30 euros au titre des congés payés afférents,

– une indemnité de licenciement d’un montant de 1296,01 euros (conforme au calcul de l’employeur).

La salariée sera déboutée de sa prétention au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le licenciement étant fondé.

III/ Sur les autres demandes financières:

– Sur le rappel de salaires:

Mme [B] réclame paiement de 5.184,02€ au titre des salaires de novembre et décembre 2018, outre celle de 518,40€ au titre des congés payés, ce à quoi la société s’oppose.

Au regard des développements précédents, la société sera condamnée à payer le salaire du mois de décembre 2018, pour lequel elle a adressé un arrêt de travail, soit 2592,01 euros outre 259,20 euros de congés payés afférents.

– Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail:

Mme [B] invoque notamment le non versement des salaires et la non restitution du poste après un congé pour cause de maternité.

La société conclut au débouté.

Au regard des développements précédents, la salariée ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui réparé par le paiement du salaire. Elle sera déboutée de sa demande.

IV/ Sur les demandes annexes:

La Sarl Facility Groupe devra délivrer une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail conformes au présent arrêt, sans qu’il y ait lieu à astreinte,

La Sarl Facility Groupe, partie partiellement perdante, sera condamnée aux dépens d’appel.

Mme [B] est en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés à l’occasion de la procédure. La Sarl Facility Groupe sera condamnée à lui verser une somme de 2000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS:

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable la contestation du licenciement formée par voie de conclusions en première instance par Mme [B],

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné la sarl Facility Groupe à verser à Mme [B] un rappel de salaire pour le mois de décembre 2018, une indemnité de préavis et les congés payés afférents, des frais irrépétibles et les dépens,

L’infirme pour le surplus,

Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant:

Dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Condamne la Sarl Facility Groupe à payer à Madame [X] [B] épouse [I] :

-1296,01euros d’indemnité de licenciement,

Déboute Mme [B] de ses demandes de rappel de salaire pour le mois de novembre 2018 de résiliation judiciaire et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et exécution fautive du contrat de travail,

Dit que la Sarl Facility Groupe devra délivrer une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail conformes au présent arrêt, sans qu’il y ait lieu à astreinte,

Condamne la Sarl Facility Groupe à verser à Madame [B] une somme de 2000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la Sarl Facility Groupe de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sarl Facility Groupe aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par S. BLUM », présidente et C. DELVER, greffière.

LA GREFFI’RE LA PR »SIDENTE

C. DELVER S. BLUM ».

 


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