Convention collective SYNTEC : 13 janvier 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/07051

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Convention collective SYNTEC : 13 janvier 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/07051

AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 19/07051 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MUI7

[M]

C/

SASU AIN GEOTECHNIQUE

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation de départage d’OYONNAX

du 17 Septembre 2019

RG : 17/00035

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 13 JANVIER 2023

APPELANT :

[U] [M]

né le 29 Décembre 1979 à [Localité 14]

[Adresse 15]

[Adresse 15]

[Localité 2]

représenté par Me Gaël SOURBE de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat postulant inscrit au barreau de LYON,et représenté par Me Thomas NOVALIC de la SELARL TN AVOCATS, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON

INTIMÉE :

SASU AIN GEOTECHNIQUE

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Sylvia CLOAREC, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 20 Octobre 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Béatrice REGNIER, Présidente

Catherine CHANEZ, Conseiller

Régis DEVAUX,

Assistés pendant les débats de Ludovic ROUQUET, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 13 Janvier 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Présidente, et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société Ain Géotechnique a pour activité la réalisation d’études techniques, concernant les sols, la géologie, la géotechnique et les risques qui peuvent en résulter. Elle applique la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des société de conseil, dite SYNTEC (IDCC 1486). Elle emploie moins de onze salariés.

M. [U] [M] a été embauché par la société Ain Géotechnique, en qualité de collaborateur assimilé cadre technique (position 1.1 avec un coefficient de 90 au sens de l’annexe II de la convention collective), dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 19 mai 2006. Au dernier état des relations contractuelles, sa rémunération était celle d’un cadre classé au coefficient 115 de la convention collective.

Par lettre recommandée du 22 avril 2016, l’employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à une mesure de licenciement, fixé au 9 mai 2016. Par lettre recommandée avec accusé réception du 13 mai 2016, Monsieur [U] [M] a été licencié pour faute grave.

Le 25 février 2017, M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes d’Oyonnax, en contestation de ce licenciement.

Par jugement du 17 septembre 2019, le conseil de prud’hommes d’Oyonnax a :

– débouté M. [U] [M] de l’ensemble de ses demandes ;

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;

– débouté la société Ain Géotechnique de ses demandes reconventionnelles ;

– condamné M. [U] [M] aux entiers dépens.

M. [U] [M] a interjeté appel de ce jugement, par déclaration au greffe le 11 octobre 2020. L’acte d’appel précise que M. [M] demande l’infirmation du jugement, en ce qu’il l’a débouté de toutes ses demandes, qui sont expressément rappelées.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions, notifiées le 9 septembre 2022, M. [U] [M] demande à la Cour de :

– confirmer le jugement du 17 septembre 2019, en ce qu’il a débouté la société Ain Géotechnique de ses demandes reconventionnelles

– réformer le jugement du 17 septembre 2019, pour le surplus

Statuant à nouveau,

– déclarer que les faits reprochés dans sa lettre de licenciement sont prescrits

– déclarer que les faits reprochés dans sa lettre de licenciement se heurtent au principe non bis in idem

– déclarer que les faits reprochés dans sa lettre de licenciement se heurtent à l’épuisement du pouvoir disciplinaire de la société Ain Géotechnique

En conséquence,

– déclarer que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse

– condamner la société Ain Géotechnique à lui payer la somme de 49 278,24 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Sur l’indemnité compensatrice de congés préavis et l’indemnité conventionnelle de licenciement :

A titre principal,

– condamner la société Ain Géotechnique à lui payer la somme de 12 316,56 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 1 231,95 euros de congés payés afférents

– condamner la société Ain Géotechnique à lui payer la somme de 13 669,38 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement

A titre subsidiaire,

– condamner la société Ain Géotechnique à lui payer la somme de 9 094,50 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 909,45 euros de congés payés afférents

– condamner la société Ain Géotechnique à lui payer la somme de 10 090,96 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement

A titre infiniment subsidiaire,

– condamner la société Ain Géotechnique à lui payer la somme de 7 578,74 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 757,87 euros de congés payés afférents

– condamner la société Ain Géotechnique à lui payer la somme de 8 409,11 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement

Sur la classification conventionnelle

A titre principal,

– déclarer que la classification conventionnelle de M. [M] est position 3.1, coefficient 170

– déclarer que la rémunération minimale de M. [M] s’élève à 120% des minimas conventionnels pour la position 3.1., coefficient 170, soit 4 106,52 euros

– par conséquent, condamner la société Ain Géotechnique à lui payer la somme de 57 592,12 euros à titre de rappel de salaire, outre 5 759,21 euros de congés payés afférents

A titre subsidiaire,

– déclarer que la classification conventionnelle de M. [M] est position 2.3, coefficient 150

– déclarer que la rémunération minimale de M. [M] s’élève aux minimas conventionnels pour la position 2.3., coefficient 150, soit 3 422,10 euros

– par conséquent, condamner la société Ain Géotechnique à lui payer la somme de 18 443,39 euros à titre de rappel de salaire, outre 1 844,33 euros de congés payés afférents

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

– condamner la société Ain Géotechnique à lui payer la somme de 10 000,00 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail

Sur l’article 700 du code de procédure civile, les dépens et les demandes reconventionnelles de la société Ain Géotechnique

– débouter la société Ain Géotechnique de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires

– condamner la société Ain Géotechnique à lui payer la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamner la société Ain Géotechnique aux entiers dépens.

M. [M] fait valoir que, pour une partie des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement, ceux-ci ne peuvent pas être retenus, car il se heurtent à la régle non bis in idem, et, en outre, pour le surplus de ces griefs, son employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire, dans la mesure où il lui avait adressé deux courriers d’avertissement les 11 mars et 25 mars 2016. Par ailleurs, M. [M] allègue que les faits qui lui sont reprochés sont prescrits et qu’en tout état de cause, son employeur s’est placé sur le terrain disciplinaire, alors que ces faits relèveraient plutôt d’une prétendue insuffisance professionnelle. Il soutient que, alors qu’il réalisait des études de manière parfaitement autonome et avait été recruté dans le cadre d’une convention de forfait en jours, son emploi aurait dû être classé au coefficient 170 ou au moins 150, au sein de la classification définie par la convention collective. M. [M] ajoute que son employeur s’est montré déloyal dans l’exécution du contrat de travail, en laissant perdurer une ambiguïté quant aux fonctions qui lui étaient confiées et, en conséquence, à la classification de son emploi, outre le fait que celui-ci a, en janvier 2016, modifié son coefficient, le baissant de 125 à 115.

Dans ses conclusions portant le n° 4, notifiées le 4 octobre 2022, la société Ain Géotechnique, intimée, demande pour sa part à la Cour de :

Sur le licenciement, à titre principal,

– confirmer le jugement entrepris

– débouter M. [M] de l’ensemble de ses demandes

A titre subsidiaire,

– dire et juger à tout le moins que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse

– dire que l’indemnité du préavis s’élève à 7 578,75 euros, outre 757,86 euros au titre des congés payés afférents

– dire que l’indemnité conventionnelle de licenciement s’élève à 8 409,14 euros

– en conséquence, débouter M. [M] de l’ensemble de ses demandes indemnitaires

Sur la classification conventionnelle,

– confirmer le jugement entrepris

– débouter M. [M] de ses demandes d’autre classification conventionnelle et de rappel de salaire subséquentes

Sur la prétendue exécution déloyale du contrat par l’employeur,

– confirmer le jugement entrepris

– débouter M. [M] de ses demandes

Sur l’exécution déloyale du contrat par le salarié,

– infirmer le jugement entrepris

– condamner M. [M] à lui verser la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts

En tout état de cause,

– condamner M. [M] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamner M. [M] aux dépens

– débouter M. [M] de l’ensemble de ses demandes.

La société Ain Géotechnique soutient que M. [M] ne justifie pas qu’il remplissait les conditions pour voir son emploi associé à un coefficient 150 ou 170, au sein de la classification conventionnelle. Elle ajoute qu’il n’était pas soumis à une convention de forfait en jours. Elle affirme que les incompréhensions et fautes majeures commises par M. [M], malgré sa formation, son ancienneté et les rappels verbaux qui lui étaient adressés, à l’occasion de la rédaction des rapports visés dans la lettre de licenciement rendaient impossible son maintien dans l’entreprise.

La clôture de la procédure est intervenue le 11 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la classification conventionnelle de l’emploi du salarié

L’article 39 de la convention collective nationale SYNTEC prévoit que la fonction remplie par l’ingénieur ou cadre est seule prise en considération pour son classement dans les emplois prévus par la classification figurant en annexe II de ladite convention.

L’annexe II de la convention collective nationale précise :

Position

Fonction

Coefficient hiérarchique

Position 2

2.1

Ingénieurs ou cadres ayant au moins 2 ans de pratique de la profession, qualités intellectuelles et humaines leur permettant de se mettre rapidement au courant des travaux d’études. Coordonnent éventuellement les travaux de techniciens, agents de maîtrise, dessinateurs ou employés, travaillant aux mêmes tâches qu’eux dans es corps d’état étudiés par le bureau d’études :

– âgés de moins de 26 ans » » » » » »’

– âgés de plus de 26 ans » » » » » »’…

105

115

2.2

Remplissent les conditions de la position 2.1 et, en outre, partant d’instructions précises de leur supérieur, doivent prendre des initiatives et assumer des responsabilités que nécessite la réalisation de ces instructions ; étudient des projets courants et peuvent participer à leur exécution. Ingénieurs d’études ou de recherches, mais sans fonction de commandement

130

2.3

Ingénieurs ou cadres ayant au moins 6 ans de pratique en cette qualité et étant en pleine possession de leur métier ; partant des directives données par leur supérieur, ils doivent avoir à prendre des initiatives et assumer des responsabilités pour diriger les employés, techniciens ou ingénieurs travaillant à la même tâche

150

Position 3

3.1

Ingénieurs ou cadres placés généralement sous les ordres d’un chef de service et qui exercent des fonctions dans lesquelles ils mettent en ‘uvre, non seulement des connaissances équivalant à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances pratiques étendues sans assurer, toutefois, dans leurs fonctions, une responsabilité complète et permanente qui revient en fait à leur chef

170

Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail de démontrer qu’il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique

En l’espèce, M. [M] remplissait la condition tenant à 6 ans de pratique, dès le mois de mai 2012. En revanche, il n’allègue pas qu’il devait avoir à prendre des initiatives et assumer des responsabilités pour diriger les employés, techniciens ou ingénieurs travaillant à la même tâche. Il ne peut donc pas prétendre à une classification au coefficient 150.

De même, M. [M] ne démontre nullement qu’alors qu’il était salarié de la société Ain Géotechnique, il ait exercé des fonctions dans lesquelles ils mettaient en ‘uvre des connaissances équivalant à celles sanctionnées par un diplôme et aussi des connaissances pratiques étendues. Etant observé que la soumission alléguée à une convention individuelle de forfait annuel en jours n’est pas un élément pris en compte dans la définition conventionnelle de la position 3 au sein de la classification des emplois, M. [M] ne peut pas plus prétendre à une classification au coefficient 170.

En conséquence, le rejet des demandes de rappel de salaire fondé sur une reclassification conventionnelle de l’emploi de M. [M] mérite d’être confirmé.

Sur la majoration du salaire en suite d’une convention individuelle de forfait annuel en jours

Il résulte de l’article 4.4 de l’avenant du 1er avril 2014 à l’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, rattaché à la convention collective SYNTEC, que le personnel soumis à une convention de forfait en jours doit bénéficier d’une rémunération annuelle au moins égale à 120 % du minimum conventionnel de sa catégorie sur la base d’un forfait annuel de 218 jours travaillés ou sur la base du forfait défini en entreprise.

En l’espèce, le contrat de travail prévoit que M. [M] est embauché pour un poste à temps complet et que l’horaire minimum auquel il sera astreint est « de 205 jours ou 1 600 heures par an (semaine de 35 heures) ».

M. [M] n’est pas fondé à conclure, à la lecture de cette seule clause de son contrat de travail, qu’il était soumis à une convention individuelle de forfait annuel en jours. En conséquence, le rejet des demandes de rappel de salaire fondé sur le fait qu’il était soumis à une telle convention individuelle mérite d’être confirmé.

Sur le bien fondé du licenciement

En application de l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

La cause réelle du licenciement est celle qui présente un caractère d’objectivité. Elle doit être exacte. La cause sérieuse suppose une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.

Aux termes de l’article L. 1232-6 alinéa 2 du code du travail, la lettre de licenciement comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur. Ces motifs doivent être suffisamment précis et matériellement vérifiables. La datation dans cette lettre des faits invoqués n’est pas nécessaire. L’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier des motifs. Si un doute subsiste, il profite au salarié, conformément aux dispositions de l’article L. 1235-1 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce.

Si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l’encontre du salarié et les conséquences que l’employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.

En outre, la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il incombe à l’employeur d’en rapporter la preuve.

En l’espèce, la lettre de licenciement adressée à M. [U] [M], datée du 13 mai 2016, est rédigé en ces termes :

« (‘) Or j’ai constaté d’importants manquements à vos engagements et obligations contractuelles et ce malgré mes différentes alertes et rappels à l’ordre.

Tout d’abord, j’ai pu relever un manque de travail et d’implication ainsi qu’une désinvolture manifeste dans l’exercice de vos fonctions.

Ceci est édifiant lorsqu’on fait un comparatif entre votre travail et celui de M. [O] [P] qui a occupé les mêmes fonctions que vous.

Au mois de février 2016, M. [O] [P] a produit 10 rapports alors que vous n’en avez produit que 5.

Au mois de mars 2016, M. [O] [P] a produit 10 rapports alors que vous n’en avez produit que 7.

Au mois d’avril 2016, M. [O] [P] a produit 8 rapports alors que vous n’en avez produit que 6.

Je vous ai alerté, à plusieurs reprises, sur votre manque de travail et d’implication particulièrement flagrant.

Vous n’avez pas jugé utile de prendre en compte mes remarques.

De fait, vous faites peser sur vos collègues la responsabilité d’effectuer votre travail puisqu’ils sont obligés d’effectuer une partie des rapports qui vous incombent.

Ensuite, les quelques rapports que vous produisez comportent des erreurs telles que vous nuisez gravement à la bonne marche de l’entreprise faisant peser sur elle un risque financier important du fait de vos graves erreurs.

Vous le savez parfaitement puisque votre responsabilité a été établie dans le sinistre du glissement de [Localité 11] toujours en cours et évalué à 1 000 000 €.

L’entreprise est exposée à ce jour à hauteur de 257 000 €.

Je vous ai alerté, à plusieurs reprises, sur la nécessité d’effectuer pour chaque rapport une coupe schématique représentant la topographie du terrain, ses caractéristiques géologiques et géotechniques, ainsi que l’emprise d’éventuels terrassements. (‘)

Vous n’avez aucunement tenu compte de ces demandes expresses car depuis j’ai été forcé, à plusieurs reprises, de vous demander de refaire vos coupes qui comportaient des erreurs de pente, de hauteur, de distance non représentative, d’absence de prise en compte des avoisinants, des emprises de terrassement’ (‘)

Il ne s’agit pas du seul grief vous concernant, des erreurs professionnelles graves ont été constatées sur différents rapports que vous avez rendus récemment.

A titre d’exemple, je citerai vos rapports récents concernant les sites de :

– [Localité 7] :

Des indications erronées figurent sur ce rapport.

Elles sont incohérentes quant à la profondeur du sol d’assise des fondations, ce qui induit un risque important de sinistre.

Cette faute est d’autant plus grave que vous avez la formation et l’expérience vous permettant d’analyser correctement la structure du sol.

Comme vous le savez, il s’agit de notre coeur de métier et l’entreprise et vous-même n’avez pas droit à l’erreur sur ces questions.

Vous avez même recommandé d’effectuer un « joint de rupture » entre deux dalles séparées par un mur, ce qui n’a aucun sens.

Ces erreurs que même un stagiaire ne ferait pas peuvent avoir des répercussions commerciales graves, mais également en cas de sinistre où la responsabilité de Ain Géotechnique peut être recherchée.

– [Localité 12] :

Des éléments importants du projet n’ont pas été pris en compte dans votre étude. Or, il s’agit du respect de notre cahier des charges.

Alors que vous êtes venu me voir tous les jours pendant 3 jours sur ce dossier, vous avez volontairement omis de me parler des coupes projet qui étaient l’un des éléments les plus importants dans le contexte du site. Cette rétention d’information m’a amené à vous conseiller des solutions techniques erronées et à demander à notre client des éléments dont nous disposions déjà.

En outre, vous n’avez pas suivi les consignes pourtant claires que je vous avais données.

Vous avez notamment supprimé un paragraphe important relatif aux principes de fondation que je vous avais expressément demandé de laisser dans le rapport.

Vous vous rendez donc coupable d’insubordination manifeste.

– [Localité 8] :

Dans votre rapport, vous avez encore une fois noté des informations incohérentes sur le sol d’ancrage de la fondation de l’ascenseur.

Il y a une incohérence entre le sol d’ancrage que vous indiquez sur le rapport et celui qu’on va trouver réellement sur la base de nos sondages.

– [Localité 5] :

Dans votre rapport, vous n’avez pas pris en compte les risques naturels liés au terrain et au sol.

La parcelle était inondable ainsi que cela résulte clairement du plan de prévention des risques.

De manière absolument infondée, vus avez indiqué que la parcelle était non inondable.

Cela est inadmissible.

Il n’est pas tolérable qu’un ingénieur de votre expérience qui travaille dans un bureau d’études spécialisé dans l’étude de sol, n’ait pas le souci de reporter une information pourtant clairement identifiable et figurant sur le plan de prévention des risques tel que le caractère inondable ou non de la parcelle.

De plus, le sous-sol de la parcelle est compressible du fait de la présence de remblais et de sols médiocres. Cela n’apparaît pas. (‘)

En outre, pour les contraintes géotechniques, vous avez pris comme référentiel les contraintes liées à des fondations sur puits alors que le bâtiment allait être fondé sur micropieux.

– [Localité 4] :

Alors que nous avons évoqué le problème quelques heures plus tôt, vous reproduisez la même erreur que pour le dossier [Localité 5] concernant le risque d’inondation.

La carte d’aléas du plan de prévention des risques indique qu’une partie du terrain peut être soumise à un risque d’inondation torrentielle.

Mais une nouvelle fois vous concluez arbitrairement que le terrain n’est pas inondable tout en indiquant qu’une partie du terrain serait classé en aléa fort pour les manifestations torrentielles.

Encore une fois vous fournissez des informations incohérentes. Cela est inadmissible.

Ces exemples ne sont que les plus récents et les plus graves.

De nombreux autres manquements antérieurs vous sont imputables sur les projets de [Localité 9], la construction sur la commune de [Localité 6], le projet immobilier Eden Park, [Localité 13], [Localité 10], [Localité 16], ‘

La persistance dans votre comportement fautif révèle clairement vos graves carences, ce que je ne peux tolérer plus longtemps.

Vous aviez été alerté à de nombreuses reprises par moi-même et par mon prédécesseur sur de nombreuses fautes.

Vous n’avez pas cru devoir y porter l’attention nécessaire afin d’y remédier.

Votre conduite met en cause la bonne marche de l’entreprise.

Les explications recueillies auprès de vous lors de notre entretien du 9 mai 2016 et une nouvelle erreur le jour même, ne m’ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet.

En conséquence, je vous informe que j’ai décidé de vous licencier pour faute grave, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible ».

Ainsi, la société Ain Géotechnique a licencié M. [M], pour avoir fait preuve d’un manque de travail et d’implication, révélé en comparant le nombre de rapports rédigés par, d’une part, le salarié et, d’autre part, un collègue, M. [P], et également avoir commis des erreurs professionnelles graves, apparues à la lecture des rapports rédigés par le salarié, malgré éventuellement les instructions et alertes formulées par l’employeur.

S’agissant du manque d’implication de M. [M], la Cour relève que l’intimée ne produit aucune pièce de nature à démontrer la réalité de celui-ci. En outre, la seule comparaison, sur trois mois, du nombre de rapports rédigés par l’intéressé et par un collègue, tel que l’employeur l’a fait dans la lettre de licenciement, n’est pas de nature à caractériser un comportement fautif susceptible d’être sanctionné par un licenciement disciplinaire. Ce grief ne peut donc pas être retenu.

S’agissant de la rédaction déficiente des cinq rapports, cités nominativement dans la lettre de licenciement, l’employeur a adressé à M. [M] un courrier, daté du 11 mars 2016 (pièce n° 6 de l’appelant), par lequel il exprimait son regret de constater que les manquements du salarié, quant à la qualité de son travail et les délais d’exécution, perduraient. Il détaillait alors les erreurs commises dans les rapports dits [Localité 7], [Localité 12] et [Localité 5], et les points sur lesquels M. [M] devait porter ses efforts. L’employeur a adressé à M. [M] un second courrier, daté du 25 mars 2016 (pièce n° 8 de l’appelant), dans lequel il n’est fait nulle mention à ces rapports.

Surtout, aucun de ces deux courriers n’emporte une quelconque mesure de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. Ils ne constituent donc pas des sanctions disciplinaires, au sens de l’article L. 1331-1 du code du travail, ce qui rend inopérants les moyens de l’intimé tirés de la règle non bis in idem et de l’épuisement du pouvoir disciplinaire de l’employeur.

M. [M] a rédigé les rapports dans les dossiers [Localité 7], [Localité 12], [Localité 5] et [Localité 4] respectivement les 25 février 2016, 29 février 2016, 8 mars 2016 et 9 mai 2016 (pièces n° 18-1, 15-1, 16-1 et 17-1 de l’intimée) et dans le dossier [Localité 8] en mars 2016 (selon l’indication de la société Ain Géotechnique ‘ sa pièce n° 27, qui n’est pas contredite par le salarié). M. [M] a été convoqué à l’entretien préalable à un éventuel licenciement par lettre recommandée du 22 avril 2016. En conséquence, aucun des faits qualifiés de fautifs par l’employeur, pour justifier le licenciement, n’a eu lieu plus de deux mois auparavant. La lettre de licenciement peut légalement viser ces cinq faits, qui échappent ainsi à la prescription prévue par l’article L. 1332-4 du code du travail.

La société Ain Géotechnique produit, pour les dossiers concernant les sites de [Localité 7], [Localité 12], [Localité 5] et [Localité 4], copie du rapport rédigé par M. [M] et copie de ce même rapport, après correction par un supérieur hiérarchique de ce dernier. Elle ne verse pas aux débats le rapport relatif au site de [Localité 8]. Dès lors, le reproche tenant au fait que M. [M] aurait reporté des informations incohérentes sur le sol d’ancrage de la fondation de l’ascenseur par rapport aux résultats des sondages, n’est matériellement pas établi.

Concernant le dossier [Localité 7], M. [M] a mentionné des données incohérentes quant à la profondeur du sol d’assise des fondations et recommandé d’effectuer un joint de rupture entre deux dalles séparées par un mur. Concernant le dossier [Localité 12], M. [M] a omis, dans le rapport, tout le chapitre intitulé « Principe de fondation » et n’a pas pris en compte des informations pourtant importantes, résultant des coupes de projet, dont il a dit de manière erronée qu’elles n’étaient pas en sa possession. Concernant les dossiers [Localité 5] et [Localité 4], M. [M] a mentionné que la parcelle était non-inondable, en contradiction avec le plan de prévention des risques.

M. [M] ne fournit aucune explication au sujet de ces incohérences et erreurs, alors même que son employeur avait verbalement puis, le 11 mars 2016, par écrit appelé son attention sur la nécessité de faire preuve de plus de rigueur dans la rédaction des rapports. Le caractère grossier des erreurs commises, rapporté à la qualification et à l’ancienneté de M. [M], caractérise un réel comportement fautif dans l’accomplissement de ses tâches, plutôt que l’insuffisance professionnelle de ce dernier.

En outre, le comportement de M. [M] qui, à deux reprises en l’espace de deux mois, a méconnu, à l’occasion de la rédaction des rapports concernant les sites de [Localité 5] et d'[Localité 4], les prescriptions du plan de prévention des risques naturels, constitue une violation des obligations découlant des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré, en ce qu’il a débouté M. [M] de l’ensemble de ses demandes fondées sur le fait que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur le caractère loyal de l’exécution du contrat de travail par l’employeur

L’article L. 1222-1 du code du travail énonce que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

En l’espèce, M. [M] soutient que son employeur a commis des manquements à ses obligations contractuelles, en faisant perdurer une ambiguïté quant aux fonctions qui lui étaient confiées, sa classification et sa rémunération, en modifiant en janvier 2016 son coefficient de 125 à 115, en le privant de tout entretien professionnel, à l’exception de celui réalisé en juillet 2015, alors qu’il était soumis à une convention de forfait en jours.

Toutefois, M. [M] ne démontre pas la réalité des manquements ainsi imputés à l’employeur : il n’y a eu aucune ambiguïté, au cours de l’exécution du contrat de travail, concernant les fonctions qui lui étaient confiées, sa classification et sa rémunération ; le fait que son coefficient soit passé de 125 à 115 en juillet 2015 (ainsi que cela apparaît sur les bulletins de paie ‘ pièces n° 18 de l’appelant), s’il n’est pas expliqué, n’a eu aucune conséquence sur sa rémunération ; il n’était pas soumis à une convention de forfait en jours.

Dès lors, il convient de confirmer le rejet de la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur.

Sur le caractère loyal de l’exécution du contrat de travail par le salarié

L’article L. 1222-1 du code du travail énonce que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

En l’espèce, le 8 mars 2016, M. [M] a adressé à son employeur un courrier dans lequel il lui demandait instamment de cesser son « harcèlement permanent » afin de pouvoir exercer sereinement ses fonctions et de s’engager dans une démarche de progrès, plutôt que « de chercher à faire pression sur [lui] avec de prétendues insuffisances » (pièce n° 9 de l’intimée).

Ce seul courrier, qui est le support, selon la société Ain Géotechnique, d’accusations mensongères de harcèlement moral, est l’expression du ressenti du salarié mais ne caractérise pas de la part de ce dernier un acte démontrant l’exécution déloyale du contrat de travail.

Dès lors, il convient de confirmer le rejet de la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par le salarié.

Sur les dépens

M. [M], partie perdante, sera condamné aux dépens de première instance et d’appel, en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile

La demande de M. [M], partie perdante, en application de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Pour un motif tiré de l’équité, M. [M] sera condamné à payer à la société Ain Géotechnique la somme de 1 500 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en appel.

La Cour

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes d’Oyonnax du 17 septembre 2019, en toutes ses dispositions déférées ;

Ajoutant,

Condamne M. [U] [M] aux dépens aux dépens de première instance et d’appel ;

Rejette la demande de M. [U] [M], en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [U] [M] à payer à la société Ain Géotechnique la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en appel.

Le Greffier La Présidente

 


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