Convention collective SYNTEC : 12 juin 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/06938

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Convention collective SYNTEC : 12 juin 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/06938

8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°228

N° RG 19/06938 –

N° Portalis DBVL-V-B7D-QGCE

SAS ISF EVENT

C/

M. [J] [V]

Infirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me Caroline AUTRET

– Me Jean-Christophe DAVID

Copie certifiée conforme à :

– AGS-CGEA DE RENNES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 JUIN 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 17 Mars 2023

devant Madame Gaëlle DEJOIE, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame [C] [G], Médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 12 Juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

La SASU ISF EVENT dont le siège se situait [Adresse 8] aujourd’hui en liquidation judiciaire

Prise en la personne de son mandataire liquidateur :

La S.C.P. de Mandataire Judiciaire [E] [K] prise en la personne de Me [E] [K] ès-qualités de mandataire liquidateur de la SASU ISF EVENT, appelée en intervention forcée à la cause

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Bernard MORAND substituant à l’audience Me Caroline AUTRET de la SELARL PARTHEMA AVOCATS, Avocats au Barreau de NANTES

INTIMÉ et appelant à titre incident :

Monsieur [J] [V]

né le 23 Janvier 1967 à [Localité 7] (44)

demeurant [Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me Jean-Christophe DAVID, Avocat au Barreau de NANTES

…/…

AUTRE INTERVENANTE FORCÉE, de la cause :

L’Association UNEDIC, DÉLÉGATION AGS CGEA DE RENNES prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège :

[Adresse 2]

[Localité 3]

PARTIE NON CONSTITUÉE

=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=

M. [J] [V] a été embauché à compter du 2 mai 1988, successivement dans le cadre d’un contrat à durée déterminée puis d’un contrat à durée indéterminée, par la société ISF EXPOSITION, en qualité de poseur, puis à compter du 1er mars 2004 en qualité de chef d’équipe, en application de la convention collective nationale de la publicité. A partir de décembre 2012, M. [V] a été positionné en qualité de chef d’équipe, statut agent de maîtrise, position 2.2., coefficient 310.

A compter du 1er janvier 2013, le contrat de travail de M. [V] a été transféré à la SA GL EVENTS SERVICES à l’issue d’une opération de fusion-intégration ; la relation a été régie 15 mois après la reprise, soit à compter du 1er avril 2014, par la convention collective SYNTEC.

À compter du 1er janvier 2016, le contrat a été transféré à la SASU ISF EVENT suite à la cession, par la SA GL EVENTS SERVICES, du fonds de commerce de l’établissement du Bignon.

Par courrier du 16 mars 2018, M. [V] a demandé à son employeur la réévaluation de sa classification professionnelle en référence à la Convention Collective SYNTEC et sollicité la position 3.1 et le coefficient 400. Le 16 mai 2018, l’employeur a refusé d’accéder à sa demande, la SASU ISF EVENT indiquant que son positionnement actuel ayant été décidé avant le transfert de son contrat de travail, toute erreur de positionnement relèverait de la responsabilité de GL EVENTS LIVE et non de la SASU ISF EVENT.

Le 25 juin 2018, M. [V] avait saisi le Conseil de prud’hommes de Nantes aux fins de voir :

‘ dire et juger que la position de M. [V], dans la convention collective SYNTEC, est la position 3.1, coefficient 400,

‘ constater l’absence d’objectifs assignés à M. [V],

‘ condamner la SASU ISF EVENT à verser :

– 9.924,60 € bruts de rappel de salaire au niveau 3.1 pour la période de juin 2015 à juin 2018,

– 992,46 € bruts de congés payés afférents,

– 1.200 € bruts de prime d’objectifs,

– 120 € bruts de congés payés afférents ;

‘ ordonner la remise d’un bulletin de salaire récapitulatif et tous documents conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 100 € par jour de retard,

‘ condamner la SASU ISF EVENT à verser 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ assortir les condamnations des intérêts de droit à compter de l’introduction de l’instance pour les sommes ayant un caractère de salaire et à compter de la décision à intervenir pour les autres sommes,

‘ capitalisation des intérêts (article 1154 du code civil),

‘ fixer la moyenne mensuelle brute des salaires à la somme de 2.142,24 €,

‘ ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir pour toutes les sommes pour lesquelles cette dernière n’est pas de droit en application des articles 514 et 515 du code de procédure civile,

‘ condamner la partie défenderesse aux entiers dépens.

La cour est saisie d’un appel régulièrement formé par la SASU ISF EVENT le 21 octobre 2019 du jugement du 19 septembre 2019 par lequel le Conseil de prud’hommes de Nantes a :

‘ dit que la SASU ISF EVENT est pleinement et seule responsable de l’exécution du contrat de travail de M. [V],

‘ débouté la SASU ISF EVENT de sa demande de mise hors de cause,

‘ déclaré hors de cause la SA GL EVENTS LIVE venant aux droits de la Société GL EVENTS SERVICES,

‘ dit que c’est à bon droit que M. [V] doit être satisfait de sa demande de réévaluation de sa classification professionnelle et dit dès lors que la classification professionnelle de M. [V] doit être réévaluée sur la base d’une position 3 .1 coefficient 400,

‘ condamné la SASU ISF EVENT à verser à M. [V] la somme de :

– 9 924,60 € bruts en application des rémunérations conventionnelles minimales pour les périodes de juin 2015 à juin 2018,

– 992,46 € bruts de congés payés afférents,

‘ lesdites condamnations étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2018, date de saisine du conseil,

‘ lesdits intérêts produisant eux-mêmes intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil,

‘ ordonné à la SASU ISF EVENT de remettre à M. [V] un bulletin de salaire rectificatif dès notification du présent jugement,

‘ condamné la SASU ISF EVENT à verser à M. [V] la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ rappelé qu’en application de l’article R. 1454-28 du code du travail, l’exécution provisoire du présent jugement est de droit, le salaire mensuel moyen de référence de M. [V] étant fixé à la somme de 2.142,24 € bruts,

‘ déclaré son incompétence pour se prononcer sur une éventuelle demande en garantie de passif et a considéré comme sans objet le surplus des demandes formulées par la SA GL EVENTS LIVE venant aux droits de la société GL EVENTS SERVICES,

‘ condamné la SASU ISF EVENT à verser à la SA GL EVENTS LIVE venant aux droits de la société GL EVENTS SERVICES la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

‘ condamné la SASU ISF EVENTS aux dépens éventuels.

Par ordonnance du 26 mai 2020, le magistrat de la mise en état a constaté l’extinction partielle de l’instance entre l’appelante et la SA GL EVENTS LIVE, venant aux droits de la société GL EVENTS SERVICE, l’instance se poursuivant entre la SASU ISF EVENT et M. [V].

Par jugement du 29 mai 2020, le tribunal de commerce de Nantes a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la SASU ISF EVENT. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 6 janvier 2021.

Par actes signifiés le 31 août 2022, M. [V] a fait assigner en intervention forcée Me [E] [K] en qualité de liquidateur de la SASU ISF EVENT et l’AGS – CGEA de RENNES.

L’AGS CGEA de Rennes n’a pas constitué avocat et a seulement fait savoir par courrier du 1er septembre 2022 qu’elle n’entendait pas intervenir à l’instance.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 16 septembre 2022, suivant lesquelles SELARL [E] [K], liquidateur judiciaire de la SASU ISF EVENT demande à la cour de :

A titre principal,

‘ juger prescrite l’action prud’homale initiée par M. [V] le 25 juin 2018 aux fins d’obtenir la condamnation de la SASU ISF EVENT à lui verser des rappels de salaires sur la base d’une revalorisation de sa classification professionnelle,

‘ infirmer en conséquence le jugement du Conseil de prud’hommes de Nantes en ce qu’il a condamné la société ISF EVENT à lui verser :

– 9.924,60 € de rappel de salaires,

– 992,46 € de congés payés afférents,

A titre subsidiaire,

‘ juger que le positionnement conventionnel d’un agent de maîtrise obéit à la méthode de classification fondée sur les missions réelles telle que décrite aux termes de l’Annexe I de la convention collective SYNTEC et en aucun cas, à l’application automatique de l’article 39 de ladite convention,

‘ juger, en conséquence, que M. [V] n’apporte aucun élément probant pour justifier que les fonctions exercées correspondent à une position 3.1, coefficient 400,

‘ juger que la classification conventionnelle de M. [V] en tant qu’ETAM, position 2.2, coefficient 310 de la convention collective SYNTEC est conforme aux fonctions réellement exercées,

‘ infirmer en conséquence le jugement en ce qu’il a condamné la SASU ISF EVENT à lui verser :

– 9.924,60 € de rappel de salaires,

– 992,46 € de congés payés afférents,

En tout état de cause,

‘ infirmer le jugement dès lors que M. [V] a perçu un salaire mensuel brut supérieur à la rémunération minimale conventionnelle revendiquée,

‘ dire que le CGEA de Rennes fera l’avance des sommes qui pourraient être allouées à M. [V],

‘ condamner M. [V] à verser à la SELARL [E] [K] la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu les écritures signifiées le 31 août 2022, suivant lesquelles M. [V] demande à la cour de :

‘ confirmer en toutes dispositions le jugement du conseil de prud’hommes,

‘ réformer le jugement sur le quantum des condamnations,

Et, procédant à l’actualisation à la date du 25 mars 2019,

‘ dire et juger que Me [K] ès-qualités de mandataire liquidateur de la SASU ISF EVENT devra inscrire à l’état des créances et régler par priorité à M. [V] les sommes de 16.136,40 € de rappel de salaire et de 1.613,64 € au titre des congés payés pour la période s’étendant de juin 2015 à mars 2020,

‘ dire qu’à défaut de disposer des liquidités nécessaires, Me [K] ès-qualités devra, dans les délais prévus par les textes effectuer les demandes d’avance auprès du CGEA en qualité de gestionnaire de l’AGS,

Y additant,

‘ déclarer opposable la décision à l’AGS – CGEA de Rennes,

‘ fixer le montant de la créance de M. [V] au passif de la liquidation judiciaire de la SASU ISF EVENT au titre de ses frais irrépétibles à la somme de 2.500 €,

‘ statuer ce que de droit sur les dépens.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 12 janvier 2023.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

* * *

*

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

La SELARL [E] [K] ès-qualités fait valoir que la demande salariale présentée par M. [V] repose exclusivement sur l’application de l’article 39 de la Convention collective SYNTEC, laquelle était applicable dès le mois d’avril 2014 à la relation contractuelle, que M. [V], était agent de maîtrise a minima depuis le mois de décembre 2012 , qu’en outre il a, en qualité de délégué du personnel, participé activement aux réunions entre les élus du personnel et la direction de la société GL EVENTS pour évoquer les transferts des niveaux et qualifications et leur transposition en raison du changement de Convention Collective de la Publicité vers la convention collective Syntec, que des tracts syndicaux ont été diffusés au sein de l’entreprise pour relayer l’information, notamment sur la possibilité pour les salariés de contester leur niveau de qualification, qu’à l’issue du délai de négociation de 15 mois pour harmoniser les statuts, qui s’est achevé sans qu’un accord soit trouvé entre les partenaires sociaux, M. [V] avait donc une parfaite connaissance, dès le 30 avril 2014, des faits lui permettant d’exercer son action judiciaire, qu’en application de l’article L3245-1 du code du travail, M. [V] aurait dû saisir le conseil de prud’hommes avant le 30 avril 2017, que l’action introduite par M. [V] le 25 juin 2018 est donc prescrite dès lors qu’elle intervient plus de quatre ans après la date à laquelle l’intimé a eu connaissance des éléments lui permettant d’agir.

M. [V] rétorque pour confirmation que ce n’est qu’à compter de la réception de chacun de ses bulletins de salaire qu’il a pu avoir connaissance de son positionnement, de sorte que c’est à chacune de ces échéances qu’il convient de considérer qu’il avait connaissance des faits lui permettant d’exercer ses droits, que sa saisine du conseil de prud’hommes date du 25 juin 2018, ce qui lui permet de former une demande de rappel des salaires sur toute la période remontant jusqu’au 25 juin 2015.

Aux termes de l’article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, entrée en vigueur le 16 juin 2013, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat est rompu, sur les trois années précédant la rupture du contrat.

Il est établi que le seul envoi d’une demande de la part du salarié à l’employeur, y compris par courrier recommandé, n’est pas interruptif de prescription, pas davantage qu’un courrier de l’employeur s’opposant à la revendication du salarié.

M. [V] en l’espèce ne forme sa demande de repositionnement que sur une application de l’article 39 de la convention collective SYNTEC dont il estime qu’elle impose qu’il soit, en qualité d’agent de maîtrise, classé dans le groupe 3 avec le positionnement minimal 3.1.

Il ressort des éléments produits (notamment pièces n°3 et 12 de l’appelante) que M. [V], qui a participé en qualité de délégué du personnel au dialogue social après la fusion avec GL EVENTS SERVICES en janvier 2013 et l’ouverture d’une période de 15 mois pendant laquelle devait se dérouler une négociation sur le transfert des conventions collectives Publicité/Syntec, a été informé des conditions dans lesquelles serait appliquée la convention collective, en particulier s’agissant de la grille des niveaux et qualifications, de sorte qu’en l’absence d’autres éléments de nature à établir qu’il aurait pu ignorer plus longtemps les éléments lui permettant d’exercer son action, M. [V] ne peut prétendre que le délai de prescription n’aurait pas commencé à courir au plus tard le 30 avril 2014, après l’entrée en vigueur des dispositions le concernant de la convention collective SYNTEC au sein de l’entreprise.

Ainsi, la remise de chaque bulletin de salaire ne peut pas constituer le point de départ d’un nouveau délai de prescription de son action en paiement de rappels de salaire, laquelle ne repose pas sur un changement de classification en considération des fonctions réellement exercées au sein de la société mais uniquement sur l’application des dispositions de la convention collective dont il connaissait la date et les conditions d’entrée en vigueur depuis plus de trois années au moment de la saisine du conseil de prud’hommes.

Le jugement sera donc infirmé, les demandes de M. [V] étant intégralement prescrites et donc irrecevables en application des dispositions précitées.

Sur les frais irrépétibles

L’équité et la situation économique des parties commandent de laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles exposés au cours de chaque instance, d’infirmer en conséquence le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et de débouter les parties de toutes leurs demandes présentées en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire rendu en dernier ressort :

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Nantes le 19 septembre 2019,

Statuant de nouveau,

DÉCLARE irrecevables comme prescrites toutes les demandes de reclassification au coefficient 400, position groupe 3.1 de la Convention collective SYNTEC et de rappels de salaire formées par M. [J] [V],

DEBOUTE les parties de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [J] [V] aux dépens de l’instance d’appel,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

 


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