11 mai 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
20/01499
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 11 MAI 2023
N° RG 20/01499 –
N° Portalis DBV3-V-B7E-T6P5
AFFAIRE :
[F] [W]
C/
S.A.S. AUSY
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Mai 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Section : E
N° RG : 19/00118
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Etienne MORTAGNE
Me Paul VAN DETH
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE ONZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, devant initialement être rendu le 06 avril 2023 et prorogé au 20 avril 2023 puis au 11 mai 2023, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :
Monsieur [F] [W]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Etienne MORTAGNE de l’AARPI L2M AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D653
APPELANT
****************
S.A.S. AUSY
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Paul VAN DETH de la SELEURL Société d’Exercice libéral d’Avocat ISNAH, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J094
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 février 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,
Greffier en pré-affectation lors des débats : Domitille GOSSELIN,
Vu le jugement rendu le 14 mai 2020 par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt,
Vu la déclaration d’appel de M. [F] [W] du 16 juillet 2020,
Vu les conclusions de M. [F] [W] du 28 septembre 2022,
Vu les conclusions de révocation de l’ordonnance de clôture de la société Ausy du 14 novembre 2022,
Vu les conclusions de la société Ausy du 14 novembre 2022,
Vu l’ordonnance de révocation de l’ordonnance de clôture du 23 novembre 2023,
Vu l’ordonnance de clôture du 4 janvier 2023.
EXPOSE DU LITIGE
La société SAS Ausy ‘ dont le siège social est [Adresse 3] est spécialisée dans l’expertise technique d’ingénierie, la consultation informatique, les systèmes d’information et de réseaux pour les grands comptes des secteurs industriels et tertiaires. Elle emploie plus de dix salariés.
La convention collective applicable est celle des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs conseils, sociétés de conseil.
M. [F] [W], né le 17 avril 1981, a été engagé par la société Ausy par contrat de travail à durée indéterminée le 27 octobre 2010 à compter du 1er février 2011 en qualité d’ingénieur position 2.1 pour un salaire mensuel initial brut de 2 592,59 euros sur 13,5 mois.
En dernier lieu, il occupait les fonctions d’ingénieur position 2.3 coefficient 150 pour un salaire de 3 217,82 euros sur 12,12 mois avec un intéressement annuel de 3 000 euros.
Il a été élu délégué du personnel suppléant le 31 mars 2015, puis titulaire à titre temporaire et titulaire à titre permanent à compter de janvier 2017.
Il a également été désigné membre du CHSCT le 18 mai 2017.
Par courrier du 23 avril 2018, M. [W] a pris acte de la rupture de son contrat de travail dans les termes suivants :
‘Je soussigné, [F] [W], salarié de la société au titre d’ingénieur depuis le 1er février 2011, vous informe de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur pour les motifs suivants : discrimination syndicale et harcèlement moral, dont je fais l’objet, au sein de la société.
Suite à ces événements, des problèmes de santé sont apparus sur ma personne, et je ne peux continuer à supporter ces événements plus longtemps.’
Par lettre du 24 avril 2018, la société Ausy a accusé réception de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail à compter du 23 avril au soir et a contesté les manquements qui lui étaient reprochés.
Par requête reçue le 1er février 2019, M. [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de faire constater les fautes graves imputables à la société Ausy, analyser la prise d’acte de la rupture du contrat de travail comme un licenciement nul, constater le défaut de formation et voir condamner l’employeur au versement de diverses sommes indemnitaires et/ou salariales.
La société Ausy avait quant à elle conclu à la condamnation de M. [W] à lui verser une somme de 9 651 euros au titre du remboursement de l’indemnité compensatrice de préavis de 3 mois et 1 500 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 14 mai 2020, la section encadrement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a :
– constaté que les manquements évoqués par M. [W] à l’appui de sa prise d’acte ne sont pas établis,
– jugé que la prise d’acte de M. [W] produit les effets d’une démission,
– jugé que la société Ausy n’a pas manqué à ses obligations contractuelles,
– jugé que M. [W] doit être en position 3.1 coefficient 170 de mai 2015 à avril 2018,
– fixé le salaire mensuel à 3 473,10 euros brut,
– condamné M. [W] au paiement de la somme de 9 651 euros à la société Ausy au titre de l’indemnité compensatrice de préavis de départ,
– condamné la société Ausy à verser à M. [W] 10 219,60 euros au titre de rappel de salaire de mai 2015 à avril 2018, 1 022 euros au titre des congés payés afférents, 102 euros au titre de la prime de vacances,
– jugé qu’il y a lieu d’opérer une compensation entre le remboursement de l’indemnité compensatrice de préavis et le rappel de salaire de M. [W],
– ordonné à la société Ausy de remettre à M. [W] un certificat de travail, un certificat [sic] pour le Pôle emploi et un bulletin de salaire rectificatif,
– débouté M. [W] du surplus de ses demandes,
– débouté la société Ausy du surplus de ses demandes,
– dit que les intérêts légaux seront calculés selon les dispositions de l’article 1231-7 du code civil,
– dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement au-delà des dispositions de l’article R. 1454-28 du code du travail, le salaire à retenir étant de 3 473,10 euros,
– condamné la société Ausy aux dépens.
Par déclaration du 16 juillet 2020, M. [F] [W] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions en date du 28 septembre 2022, M. [F] [W] demande à la cour de :
– infirmer la décision du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’elle a débouté M. [W] de ses demandes,
– infirmer la décision du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’elle a fait droit à la demande de ‘remboursement du préavis de départ sollicité’ par la société Ausy,
Et, statuant de nouveau et en toute hypothèse de :
– constater les fautes graves imputables à la société Ausy,
– analyser la prise d’acte [de la rupture] du contrat de travail comme un licenciement nul,
– constater le défaut de formation,
– débouter la société Ausy de sa demande de remboursement,
Et en conséquence
à titre principal, infirmer la décision déférée et,
statuant de nouveau :
– constater les fautes graves imputables à la société Ausy,
– analyser la prise d’acte [de la rupture] du contrat de travail comme un licenciement nul,
– constater le défaut de formation,
– prononcer la reclassification de M. [W] en position 3.2,
– fixer sa rémunération à hauteur de 4 290,30 euros,
– condamner la société Ausy à lui verser la somme de 41 162,9 [sic] euros à titre de rappel de salaire de mai 2015 à avril 2018, ainsi que 4 116 euros de congés payés et 412 euros de prime de vacances,
– condamner la société Ausy à lui fournir des bulletins de paie rectificatifs de mai 2015 à avril 2018, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à venir,
– condamner la société Ausy à verser à M. [W] la somme de 77 220 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,
– condamner la société Ausy à verser à M. [W] la somme de 12 870 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, ainsi que 1 287 euros de congés payés,
– condamner la société Ausy à verser à M. [W] la somme de 10 010 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– condamner la société Ausy à verser à M. [W] la somme de 25 741,80 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination,
– condamner la société Ausy à verser à M. [W] la somme de 25 741,80 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– condamner la société Ausy à verser à M. [W] la somme de 12 870 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de formation,
A titre subsidiaire, infirmer la décision déférée et, statuant de nouveau :
– constater les fautes graves imputables à la société Ausy,
– analyser la prise d’acte [de la rupture] du contrat de travail comme un licenciement nul,
– constater le défaut de formation,
– confirmer la reclassification de M. [W] en position 3.1,
– confirmer la fixation de sa rémunération à hauteur de 3 473,10 euros,
– confirmer la condamnation de la société Ausy à lui verser la somme de 10 219,6 [sic] euros à titre de rappel de salaire de mai 2015 à avril 2018, ainsi que 1 022 euros de congés payés et 102 euros de prime de vacances,
– confirmer la condamnation de la société Ausy à lui fournir des bulletins de paie rectificatifs de mai 2015 à avril 2018,
– mais statuant de nouveau, assortir cette communication d’une astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à venir,
– condamner la société Ausy à verser à M. [W] la somme de 62 515 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,
– condamner la société Ausy à verser à M. [W] la somme de 10 419 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, ainsi que 1 042 euros de congés payés,
– condamner la société Ausy à verser à M. [W] la somme de 8 104 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– condamner la société Ausy à verser à M. [W] la somme de 20 838 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination,
– condamner la société Ausy à verser à M. [W] la somme de 20 838 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– condamner la société Ausy à verser à M. [W] la somme de 10 419 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de formation,
A titre infiniment subsidiaire, infirmer la décision déférée et, statuant de nouveau :
– constater les fautes graves imputables à la société Ausy,
– analyser la prise d’acte [de la rupture] du contrat de travail comme un licenciement nul,
– constater le défaut de formation,
– constater les fautes graves imputables à la société Ausy,
– requalifier la prise d’acte [de la rupture] du contrat de travail comme un licenciement nul,
– constater le défaut de formation,
– fixer la rémunération mensuelle de M. [W] à hauteur de 3 217 euros,
– condamner la société Ausy à verser à M. [W] la somme de 57 906 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,
– condamner la société Ausy à verser à M. [W] la somme de 9 651 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, ainsi que 965 euros de congés payés,
– condamner la société Ausy à verser à M. [W] la somme de 7 506 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– condamner la société Ausy à verser à M. [W] la somme de 19 302 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination,
– condamner la société Ausy à verser à M. [W] la somme de 19 302 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– condamner la société Ausy à verser à M. [W] la somme de 9 651 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de formation,
En tout état de cause :
– condamner la société Ausy à fournir à M. [W] des documents de fin de contrat, rectifiés, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à venir,
– condamner la société Ausy à verser à M. [W] 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– assortir ces condamnations de l’intérêt au taux légal,
– condamner la société Ausy aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 9 novembre 2022.
Aux termes de ses conclusions en date du 14 novembre 2022, la société Ausy a sollicité la révocation de l’ordonnance de clôture, laquelle a été révoquée par ordonnance du 23 novembre 2022.
Aux termes de ses conclusions en date du 14 novembre 2022, la société Ausy demande à la cour de :
– confirmer la position du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt ayant requalifié la prise d’acte du contrat de travail par M. [W] en démission,
– infirmer la décision rendue en première instance par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’elle a prononcé un repositionnement de M. [W] en position 3.1 et prononcé des rappels de salaire et primes de vacances y afférents,
En conséquence,
– constater que les manquements évoqués par M. [W] à l’appui de sa prise d’acte ne sont pas établis, de sorte que la rupture sera requalifiée de démission,
– fixer le salaire mensuel à 3 217 euros,
– condamner M. [W] au remboursement de son préavis à hauteur de 9 651 euros,
– débouter M. [W] de l’ensemble de ses demandes en les déclarant mal fondées,
En outre,
– constater que M. [W] ne rapporte aucunement la preuve qu’il aurait dû occuper une position supérieure à la sienne, ses fonctions correspondant parfaitement à la position 2.2 [sic 2.3] qu’il occupait effectivement avant sa décision de quitter l’entreprise,
– débouter M. [W] de l’ensemble de ses demandes de rappels de salaire en les déclarant mal fondées,
A titre reconventionnel,
– condamner M. [W] à verser à la Société Ausy la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [W] aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l’audience et rappelées ci-dessus.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 4 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail
L’appelant, salarié protégé, fait valoir qu’il a pris acte de la rupture de son contrat de travail au motif que l’employeur s’est rendu coupable de discrimination syndicale et a refusé de lui accorder la classification dont il doit relever au vu des fonctions qu’il a réellement exercées.
L’intimée soutient que le salarié n’a, dans la prise d’acte de la rupture, décrit aucune situation ni développé un grief ou manquement fautif de l’employeur, n’a en outre jamais alerté en amont, ni n’a sollicité de positionnement et/ou de poste qu’il aurait considéré comme celui qu’il aurait dû occuper, et enfin, qu’il procède par voie d’affirmations en apportant des éléments circonstanciés particulièrement légers.
En vertu des dispositions de l’article L. 1231-1 du code du travail, le contrat de travail peut être rompu à l’initiative de l’employeur ou du salarié.
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail consiste pour le salarié à reprocher par écrit à l’employeur un ou plusieurs faits considérés comme fautifs, l’amenant à prendre l’initiative de la rupture.
Cette prise d’acte entraîne la cessation immédiate du contrat de travail, tout comportement ou initiative postérieur par l’une des parties à la prise d’acte étant sans incidence sur la qualification de la rupture, de sorte qu’il appartient au juge de déterminer si la prise d’acte est ou non justifiée.
Le salarié protégé qui prend acte de la rupture de son contrat de travail peut invoquer à l’appui de sa demande des manquements de l’employeur à l’égard tant de son contrat de travail que de son mandat.
Pour que la prise d’acte soit justifiée, il faut que les manquements invoqués par le salarié soient suffisamment graves pour justifier une rupture immédiate du contrat : les manquements suffisamment graves sont ceux qui empêchent la poursuite du contrat de travail et qui imposent une rupture immédiate du contrat.
L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture ne fixe pas les limites du litige. Le juge est donc tenu d’examiner les manquements de l’employeur invoqués devant lui par le salarié.
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié protégé aux torts de l’employeur produit soit les effets d’un licenciement nul si les manquements invoqués par le salarié sont avérés, soit les effets d’une démission dans le cas contraire.
En l’espèce, la prise d’acte de la rupture par le salarié fait état d’une discrimination syndicale et d’un harcèlement.
Cependant, aux termes de ses écritures tant devant le conseil de prud’hommes que devant la cour, M. [W] n’a formé aucune demande au titre d’un harcèlement moral, ni developpé le moindre argument à ce titre, comme l’a relevé le conseil de prud’hommes.
En revanche, il allègue désormais, à l’appui de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail, le fait que l’employeur ne lui a pas attribué la position 3.2 de la convention collective applicable et des faits de discrimination syndicale comprenant notamment le fait de ne pas avoir bénéficié d’une telle position.
– sur la classification revendiquée
Le salarié soutient que, classé position 2.3 de la convention collective des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs conseils et sociétés de conseil (Syntec), il aurait dû, selon les tâches réellement exercées, bénéficier de la classification 3.2 de ladite convention.
L’employeur fait valoir que les seuls salariés occupant une telle position 3.2 au sein de l’entreprise exercent des fonctions de direction, que M. [W] encadrait des chefs de projets et ingénieurs ayant la même qualification que lui et exerçant des missions opérationnelles équivalentes aux siennes ; il indique qu’il relevait de son pouvoir de direction de recruter un salarié pour le poste de directeur technique, M. [W] n’ayant jamais été pressenti pour occuper ce poste.
Hors le cas de la reconnaissance volontaire par l’employeur d’une qualification, la classification se détermine par les fonctions réellement exercées par le salarié.
En cas de contestation sur la catégorie professionnelle dont relève le salarié, il appartient au juge de rechercher la nature de l’emploi effectivement occupé par ce dernier et la qualification qu’il requiert.
Il appartient au salarié qui revendique une position différente de celle qui lui était attribuée d’en rapporter la preuve, les juges du fond appréciant souverainement les éléments qui leur sont soumis.
En l’espèce, M. [W] a été engagé en 2011 selon la position 2.1 de la convention collective applicable (Syntec).
L’annexe II de ladite convention relative à la classification des ingénieurs et cadres stipule que cette position s’applique aux ‘Ingénieurs ou cadres ayant au moins 2 ans de pratique de la profession, qualités intellectuelles et humaines leur permettant de se mettre rapidement au courant des travaux d’études. Coordonnent éventuellement les travaux de techniciens, agents de maîtrise, dessinateurs ou employés, travaillant aux mêmes tâches qu’eux dans les corps d’état étudiés par le bureau d’études :
– âgés de moins de 26 ans
– âgés de 26 ans au moins.’
Le salarié se prévaut d’une expérience de plusieurs années à la date de l’embauche mais ne produit que la première page d’un contrat de travail à compter du 6 mars 2006 conclu au sein de la société Gedas en qualité de ‘junior specialist – catégorie cadre -position I.1 coefficient 100″ sans mention de la convention collective applicable (pièce n°79 appelant).
Le profil LinkedIn de M. [W] produit par l’intimée (pièce n°6) donne des informations confuses et contradictoires entre 2006 et 2012, la société Ausy n’apparaissant qu’en avril 2012 alors que le salarié a été engagé le 1er février 2011 (pièce n°1 appelant).
Selon les avis de situation salariale de M. [W] (pièces n°5 intimée), le salarié a été positionné 2.2 coefficient 130 à compter du 1er février 2013.
Cette position est ainsi rapportée dans l’annexe II de la convention collective : ‘2.2. Remplissent les conditions de la position 2.1 et, en outre, partant d’instructions précises de leur supérieur, doivent prendre des initiatives et assumer des responsabilités que nécessite la réalisation de ces instructions ; étudient des projets courants et peuvent participer à leur exécution. Ingénieurs d’études ou de recherches, mais sans fonction de commandement’
A compter du 1er mars 2014, M. [W] a bénéficié de la position 2.3 coefficient 150 qui est celle occupée par le salarié à la date de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail : ‘Ingénieurs ou cadres ayant au moins 6 ans de pratique en cette qualité et étant en pleine possession de leur métier ; partant des directives données par leur supérieur, ils doivent avoir à prendre des initiatives et assumer des responsabilités pour diriger les employés, techniciens ou ingénieurs travaillant à la même tâche.’
Il sera observé préalablement qu’aucune pièce ne démontre que le salarié, tout au long de l’exécution du contrat de travail, a revendiqué une autre position que celle qui lui était attribuée ou fait part de doléances quant à l’avancée de sa carrière, l’entretien d’évolution de carrière du 13 février 2015 indiquant à la rubrique ‘évolution à long terme (5 à 10 ans)’, la direction technique des projets.
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail ne fait en outre aucune mention de réclamations du salarié quant à son positionnement qui auraient essuyé un refus de la part de l’employeur.
En l’espèce, le salarié revendique la position 3.2 de l’annexe II de la convention collective, à titre subsidiaire la position 3.1 que lui a accordée le conseil de prud’hommes.
La position 3.2 est ainsi définie : ‘3.2. Ingénieurs ou cadres ayant à prendre, dans l’accomplissement de leurs fonctions, les initiatives et les responsabilités qui en découlent, en suscitant, orientant et contrôlant le travail de leurs subordonnés. Cette position implique un commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature.’
S’agissant de la position 3.1, l’annexe III de la convention collective indique : ‘Ingénieurs ou cadres placés généralement sous les ordres d’un chef de service et qui exercent des fonctions dans lesquelles ils mettent en ‘uvre non seulement des connaissances équivalant à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances pratiques étendues sans assurer, toutefois, dans leurs fonctions, une responsabilité complète et permanente qui revient en fait à leur chef.’
A l’appui de sa revendication, M. [W] fait valoir que selon les organigrammes il était bien responsable du centre de services (CDS) qui comprenait 51 salariés, que les documents commerciaux de la société Ausy démontrent son rôle élargi de responsable – gestion de 3 projets différents au sein du CDS, avec une filiale en Roumanie -.
Selon lui, l’ampleur des tâches qui lui étaient confiées (gestion financière, matérielle et humaine, rôle commercial) dont certaines (comités de pilotage) étaient de la compétence du directeur technique, excluait l’application de la position qui lui était attribuée.
Les organigrammes produits (pièces n°24, 24/2, 26 et 27) démontrent que M. [W] n’était pas seul responsable du CDS puisqu’il a toujours eu un directeur technique comme N +1, M. [E], puis au départ de ce dernier, M. [B], qui a assumé en même temps les fonctions de responsable du centre de production (N+2).
Les ‘bilans annuels consultant’ de 2013 à 2015 font en outre mention de M. [B] et de M. [S] responsable commercial comme managers de M. [W]. Il ressort également de ces organigrammes et des messages électroniques échangés que le poste de directeur technique a été occupé par Mme [I] à compter de juin 2017 pour seconder M. [B], M. [W] rapportant ainsi à cette dernière.
Il ne peut reprocher à l’employeur de ne pas lui avoir proposé le poste de directeur technique, la société Ausy étant seule à même dans le cadre de son pouvoir de direction, du choix du meilleur candidat pour le poste, M. [W] ne justifiant pas en outre l’avoir revendiqué. L’entretien de carrière de 2015 indique que ce poste était envisagé par le salarié dans les 5 à 10 ans, soit au plus tôt en 2020.
Comme le relève justement l’employeur, le salarié qui appuie la prise d’acte de rupture sur le fait que la société ne lui a pas accordé une classification supérieure à celle qui lui était attribuée, n’apporte pas la preuve d’avoir sollicité l’employeur sur l’évolution de sa carrière au sein de l’entreprise avant la procédure devant le conseil de prud’hommes dix mois après la prise d’acte de la rupture qui ne fait état d’aucune demande de poste ou de classification supérieure.
Ainsi, le document intitulé ‘entretien d’évaluation consultant’ du 14 octobre 2016 à remplir par le salarié, dont de nombreuses rubriques ne sont pas renseignées par ce dernier, ne fait état au paragraphe ‘objectif à court terme pour la période à venir’ que de la mention ‘maintien de productivité et de la rentabilité, nouveaux clients et marchés’ et à la rubrique ‘mobilité’ de la mention ‘possible selon rémunération’.
En outre, le salarié n’établit pas qu’il exécutait des tâches ressortissant des fonctions du directeur technique telles l’organisation et la préparation des comités de pilotage. La fiche de poste qu’il produit datant de 2013, relative au responsable technique d’affaires (RTA) ce qu’était Mme [I] N+1 de M. [W] à compter de 2017, mentionne effectivement dans les actions dont le RTA a la charge les comités de pilotage.
Cependant, M. [W] reconnait lui-même avoir assuré l’organisation et la préparation des comités de pilotages depuis 2012 alors même que dès son embauche, il rapportait à un directeur technique ou RTA.
Il ressort des échanges de messages en avril 2018 (pièce n°75 appelant) que le directeur régional M. [O] a rappelé au salarié que la préparation des comités de pilotage faisait partie de sa fiche de poste en tant que chef de projet, en joignant cette fiche à son message.
Cette fiche rappelle que ‘le chef de projet assure la responsabilité du projet, est responsable de la maîtrise des charges et des délais sur le projet qui lui est affecté, est responsable de la qualité et de la sécurité des produits et documents livrés, est responsable de la gestion du projet et du reporting associé est responsable de la tenue à jour de la planification, est responsable du dossier projet, est l’interface avec le maître d’ouvrage pour les aspects techniques du projet, manage l’équipe projet’ et ajoute que ‘lorsqu’un directeur technique est affecté au projet une répartition des responsabilités est faite lors du lancement du projet.’
Il résulte de cette définition que les tâches dont se prévaut le salarié entrent dans la définition du poste de chef de projet. En tant que chef de projet en charge du CDS Sogecap, il coordonnait et animait l’équipe d’ingénieurs dédiée au projet, ces responsabilités étant cependant partagées avec deux autres chefs de projet et supervisées par le directeur technique comme en atteste le document relatif au projet (pièce n°18 appelant). Ce même document démontre que l’équipe était composée, outre les deux autres chefs de projet et le supérieur hiérarchique, d’ingénieurs dont certains avaient une expérience à tout le moins équivalente à la sienne.
Au regard de la définition de poste, comme le relève l’employeur, les tâches telles que listées par le salarié : entretiens de suivi, validation des congés, validation des jours facturables, s’assurer des formations, identifier les besoins nécessaires au bon déroulement des projets, assurer un contrôle qualité sur ces derniers, relèvent de la mission de management qui correspond aux fonctions de chef de projet. De même, la participation à la définition des offres commerciales Ausy entrait également dans ses fonctions en tant que responsable du CDS, l’employeur affirmant sans être sérieusement démenti que ces missions étaient réalisées par l’ensemble des ingénieurs et chefs de projet au sein de l’entreprise.
Enfin, comme rappelé ci-dessus, le centre de services Sogecap était dirigé par un directeur technique depuis l’embauche de M. [W], lequel était donc le subordonné de ce directeur, en dernier lieu, Mme [I].
Est inopérant l’argument développé par le salarié selon lequel il aurait perçu une rémunération inférieure à celle des deux autres chefs de projets du projet Sogecap (pièce n°18 appelant) s’agissant d’un montant de salaire en rapport avec les ETP mentionnés pour le projet, ceux de M. [W] (300) étant de la moitié de ceux des deux chefs de projet et des trois ingénieurs (654).
En conséquence, M. [W] ne rapporte pas la preuve que ses tâches ne correspondraient pas à la classification 2.3 de la convention collective Syntec mais justifieraient la classification 3.2. ou qu’elles seraient identiques à celles de son supérieur hiérarchique, directeur technique, assumant des fonctions de direction de l’entreprise.
Alors même qu’il conteste la décision du conseil de prud’hommes qui lui a attribué une position 3.1, M. [W], qui ne motive pas sa demande, ne démontre pas en quoi il correspondrait à cette classification.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce que les premiers juges ont condamné l’employeur au paiement d’un rappel de salaire, des congés payés et de la prime de vacances afférents sur la base d’une position 3.1 coefficient 170 de la convention collective Syntec de mai 2015 à avril 2018.
M. [W] sera débouté de ses demandes de rappel de salaires et assimilés au titre d’une classification 3.2 et 3.1 de ladite convention.
– sur la discrimination syndicale
L’article L. 1132-1 du code du travail dispose : ‘Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de […] de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d’un mandat électif local […]’.
Selon l’article L. 2141-5 alinéa 1er du code du travail, « il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail. »
Pour qu’il y ait discrimination syndicale, il faut en principe que la mesure incriminée ait un lien direct avec l’appartenance ou l’activité syndicale.
Il appartient au salarié qui s’estime victime d’une discrimination en raison de son appartenance ou de son activité syndicale de présenter au juge des éléments de fait laissant supposer, dans leur ensemble, l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.
Il incombe à l’employeur qui conteste le caractère discriminatoire d’établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
L’employeur ne doit pas prendre en considération l’exercice de son mandat syndical dans l’organisation du travail d’un salarié. Constitue une discrimination syndicale le fait pour l’employeur d’invoquer le manque de disponibilité consécutif aux fonctions syndicales pour ne pas accéder à une demande de formation ou pour écarter la candidature du salarié à un poste en avancement.
En l’espèce, M. [W] invoque les faits suivants :
– la prise en considération des activités syndicales dans l’évaluation professionnelle :
le supérieur hiérarchique du salarié a, lors des entretiens de suivi de mission 2017 et 2018 sur le projet CDS Sogecap, fait référence aux activités syndicales du salarié ou à son ‘mi-temps’. Le compte-rendu de mission du 7 novembre 2017 mentionne ‘[F] passe moins de temps sur le pilotage, il fait surtout du suivi administratif’ et ‘Moins impliqué sur le projet.’
Celui du 5 janvier 2018 indique ‘[F] est présent à mi-temps pour réaliser l’ensemble des tâches’ puis à la rubrique ‘perspectives d’évolution de la mission’, ‘[F] est à mi-temps-toujours compliqué de se libérer du temps sur le pilotage.’
Il s’agit cependant d’entretiens de suivi de mission et non d’entretiens d’évaluation professionnelle. Les termes mentionnés dans ces documents (pièces n°8 et 9 appelant) peuvent néanmoins suggérer une éventuelle discrimination.
– l’absence d’entretiens annuels d’évaluation : il soutient n’avoir eu d’entretien annuel d’évaluation que jusqu’en 2016 pour l’année 2015, ce qui correspond à son mandat de délégué du personnel titulaire à titre temporaire à compter de 2016.
Les entretiens annuels sont effectivement produits de 2013 à 2016 pour l’activité 2012 à 2015 (pièces n°20 à 23 appelant) mais pas pour l’année 2017 (activité 2016) et l’année 2018 (activité 2017). Le fait peut suggérer une discrimination en lien avec son mandat.
– l’absence de revalorisation de la rémunération en 2018 : le salarié indique que son salaire a été augmenté régulièrement jusqu’en 2017 mais ne l’a pas été en début d’année 2018, que le document sur le budget du projet CDS Sogecap (pièce n°18 précitée) démontre qu’il était moins bien rémunéré que les chefs de projet placés sous sa responsabilité, ce qui constitue une inégalité de traitement et une discrimination flagrante.
Cependant, comme rappelé ci-dessus sur la classification du salarié, le montant du salaire mentionné sur le budget CDS Sogecap pour M. [W] ne correspond pas au salaire perçu mais est en rapport avec le nombre d’ETP correspondants pour ledit projet inférieur à celui des autres chefs de projet.
En outre, si le salaire mensuel de base de M. [W] en 2018 est effectivement identique à celui de 2017, en revanche, il a perçu un intéressement de 3 000 euros au lieu de 2 000 euros de sorte que la différence correspond sur la base de 12,12 mois à une augmentation de 82,50 euros ce qui est exactement l’augmentation de salaire mensuel entre 2016 et 2017. La rémunération globale annuelle de M. [W] a bien augmenté puisqu’elle est passée de 41 000 euros à 42 000 euros.
Le fait discriminatoire n’est donc pas établi.
– l’absence de formation depuis 2012 : M. [W] affirme qu’il n’a pas bénéficié de formation depuis 2012 alors qu’il en a fait la demande lors des entretiens annuels. Il produit l’attestation d’une formation de chef de projet de 2012 (pièce n°19), l’entretien d’évaluation du 14 octobre 2016 où le salarié demande une formation gestion des ressources humaines. Il indique que ses subordonnés ont bénéficié de formation (pièce n°25 appelant)
Cependant, cette pièce constituée d’échange de messages de juin 2017 entre M. [W] et la chargée de formation démontre qu’il s’agissait d’une formation chef de projet (1er niveau) pour les deux chefs de projets du projet CDS Sogecap (document n°18) alors même que M. [W] avait suivi cette formation en 2012 et en assurait les fonctions.
En outre, il résulte de sa pièce n°10 que le 13 avril 2018, M. [W] indiquait à sa supérieure hiérarchique qu’il était convoqué pour une formation. Le lien entre une insuffisance de formation à compter de 2012, qui peut éventuellement justifier un manquement de l’employeur, et le mandat du salarié à partir de 2015 n’est pas établi.
– l’absence d’évolution de poste : le salarié reproche à l’employeur de ne pas lui avoir proposé le poste de responsable technique d’affaires qui a été attribué à Mme [I] par recrutement. Il considère que la création d’un échelon intermédiaire constitue une modification de ses conditions de travail qui lui est imposée justifiant la prise d’acte de la rupture. Il estime que son évolution professionnelle a en tout état de cause été compromise du fait de ses activités syndicales.
Cependant, M. [W] reconnait lui-même dans ses écritures avoir toujours été sous la subordination du manager commercial (M. [S]) et d’un directeur technique (M. [E]) lui-même sous la responsabilité du responsable du centre de production M. [B] lequel est devenu en avril 2012 suite au départ de M. [E], également directeur technique jusqu’au recrutement de Mme [I].
En conséquence, il n’a pas été mis en place un échelon intermédiaire en la personne du directeur technique. Comme rappelé ci-dessus, l’employeur dans son pouvoir de direction est seul à même de considérer que M. [W], à supposer que celui-ci ait candidaté ce qui n’est pas établi, ne disposait pas de l’expérience ou des qualités nécessaires pour occuper le poste mentionné dans l’évolution de carrière de M. [W] sur 5 à 10 ans en 2015. Ce poste a certes des similitudes avec celui de chef de projet responsable du CDS Sogecap mais recouvre des responsabilités plus importantes de direction comme en atteste la fiche de poste du responsable technique d’affaires (pièce n°76).
Il n’est pas établi que le choix opéré par l’employeur d’un recrutement extérieur et non d’une proposition de poste à M. [W], soit en lien avec le mandat de M. [W].
M. [W] présente ainsi des éléments de fait laissant supposer, dans leur ensemble, l’existence d’une discrimination en raison de son appartenance ou de son activité syndicale.
Pour contester le caractère discriminatoire des faits invoqués, l’employeur estime que les situations décrites sont justifiées par des éléments objectifs :
– l’absence d’entretiens annuels : il affirme que le responsable du centre de production M. [B] qui cumulait ce poste avec celui de directeur technique n’a pas été en mesure d’organiser les entretiens d’évaluation de tous les collaborateurs à compter de 2016, que M. [W] n’était donc pas visé personnellement puisqu’aucun membre de son équipe n’a bénéficié d’entretiens annuels d’évaluation mais qu’en revanche, M. [W] a eu régulièrement des entretiens de suivi de projet au cours duquel les collaborateurs ont pu s’exprimer, la charge de travail étant répartie et contrôlée.
Il apparait qu’aucun salarié n’a pu bénéficier d’un entretien d’évaluation annuelle à compter de 2016. En outre, il résulte des pièces n°11 à 15 de l’appelant (impressions du calendrier électronique) que Mme [I], arrivée en 2017, a dès le 15 janvier 2018 proposé un rendez-vous au salarié pour l’entretien de carrière, lequel a été, selon ses pièces, reporté à plusieurs reprises sans qu’il soit établi la raison de ce report.
Selon la pièce n°13 (mail), le 23 mars 2018, Mme [I] a proposé au salarié de le rencontrer le 3 avril 2017 de 14 heures à 15 heures. Etait joint le support à compléter par le salarié et à retourner à Mme [I], le salarié ne justifiant pas avoir retourné à Mme [I] ce document. Selon la pièce n°15, l’entretien a été reporté au 9 avril 2018 sans mention du motif et/ou de l’auteur du report, étant observé que la notification de la prise d’acte de la rupture est intervenue le 23 avril 2018.
En l’état, l’absence d’entretien en 2017 pour l’activité du salarié de 2016, M. [W] étant titulaire d’un mandat depuis le début de l’année 2015, n’est pas en lien avec l’exercice dudit mandat, l’ensemble des collaborateurs ayant subi le même sort.
– sur les comptes rendus de suivi de projet : l’employeur conteste ‘avoir mentionné et ouvertement critiqué les absences du salarié’ comme le prétend celui-ci. Il affirme que les entretiens organisés régulièrement par l’employeur pour le suivi du projet CDS Sogecap, sans objectif d’évaluation, ont permis au salarié d’exprimer ses éventuelles doléances, ses desiderata, sa charge de travail et à l’employeur de juger de celle-ci en tenant compte des heures de délégation du salarié.
En l’espèce, les termes mentionnés dans les comptes rendus de suivi de projet de 2017 et 2018 tels que rappelés ci-dessus, ne permettent pas d’établir que l’employeur reprochait au salarié le temps qu’il consacrait respectivement à ses tâches en tant que chef de projet et à son mandat de représentant du personnel.
L’employeur étant tenu d’aménager le temps de travail du salarié en fonction de ses heures de délégation, le seul fait d’indiquer ‘mi-temps’ ce qui correspond au partage nécessaire entre les deux fonctions ne peut donc être retenu comme un fait discriminatoire.
De même, l’indication selon laquelle le salarié ‘passe plus de temps au suivi administratif du projet qu’au pilotage’ n’est pas en rapport avec ses fonctions syndicales. Le lien entre la mention dans le compte rendu de janvier 2018 ‘moins impliqué sur les projets’ et les obligations syndicales de M. [W] n’est pas non plus établi, ce dernier au regard de ses écritures démontrant que le fait de ne pas avoir été nommé directeur technique en lieu et place de Mme [I] a contribué à sa démotivation, la prise d’acte de rupture étant notifiée peu de temps après ce compte-rendu.
Il sera en outre constaté que les grilles d’évaluation sur les comptes rendus de mission de 2017 et 2018 de M. [W] donnent des appréciations positives : en 2017, sur 11 appréciations, 2 ‘très bien’, 8 ‘bien’ et un ‘moyen’; en 2018, sur 11 appréciations, 1 très bien’, 8 ‘bien’ et 2 ‘moyen’.
L’ensemble des mails versés aux débats par le salarié n’établit pas que l’employeur a reproché des absences du fait de l’engagement syndical de M. [W], comme en attestent les messages adressés par ce dernier à sa hiérarchie concernant son emploi du temps consacré à son mandat, celle-ci n’ayant fait aucun commentaire ou réponse désobligeante à ces messages.
Il en est de même de la réponse du directeur régional M. [O] à M. [W] le 23 avril 2018 (pièce n°75 appelant) sur la préparation et l’organisation du comité de pilotage, laquelle n’a pas été désobligeante contrairement à ce qu’affirme le salarié, étant observé en outre que ce message a été adressé à M. [W] plusieurs heures après la notification de la prise d’acte de la rupture adressée à ce même directeur général, de sorte que le salarié peut difficilement motiver sa décision par le fait qu’il ‘aurait été vertement éconduit sur la répartition des tâches’.
L’interrogation de son supérieur sur le client KP ainsi rédigée ‘et KP’ Bon we'(pièce n° 10 appelant) répondant à un message du salarié sur son emploi du temps projet/mandat, est certes laconique mais elle est la simple vérification de l’employeur auprès du salarié de la prise en considération d’une demande du client, sans qu’il puisse être dénoté une volonté de reprocher une négligence à M. [W] qui serait due en outre au temps consacré à son mandat.
L’employeur justifie ainsi par des éléments objectifs les faits précédemment retenus laissant supposer une discrimination syndicale, que celle-ci n’est pas établie, de sorte que les demandes formées à ce titre par M. [W] doivent être rejetées.
Le jugement sera confirmé en ce que les premiers juges ont considéré l’absence d’actes discriminatoires commis par l’employeur à l’encontre du salarié et débouté ce dernier de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.
Les motifs de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail tels que dénoncés devant la cour étant le refus d’attribuer une classification supérieure et la discrimination syndicale, lesquels griefs ne sont pas établis, cette prise d’acte doit s’analyser en une démission et non en un licenciement nul.
Le jugement sera donc confirmé en ce que le conseil de prud’hommes a débouté M. [W] de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement nul, d’indemnité de préavis, et congés payés afférents, d’indemnité conventionnelle de licenciement.
La prise d’acte de la rupture s’analysant en une démission du salarié, celui-ci conformément à l’article 15 de la convention collective Syntec qui dispose que ‘sauf accord entre les parties prévoyant une durée supérieure, la durée du préavis, dite aussi ‘délai-congé’, est de 3 mois, quelle que soit la partie qui dénonce le contrat […]’, doit à l’employeur un préavis de trois mois, sans que ce dernier ait à justifier d’un préjudice.
Le jugement sera confirmé en ce que le conseil de prud’hommes a condamné M. [W] à payer à la société Ausy la somme de 9 651 euros à titre de préavis.
Il sera en revanche infirmé en ce qu’il a ordonné à l’employeur de remettre une attestation Pôle emploi précisant la démission et les documents administratifs rectifiés. En effet, l’employeur a délivré une attestation Pôle emploi mentionnant la démission, un solde de tout compte et un certificat de travail datés du 4 juin 2018, antérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes du 1er février 2019.
2- sur le manquement résultant de l’absence de formation
L’article L.6321-1 du code du travail dans sa version applicable à la présente espèce, dispose que ‘l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail.
Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations […]’
M. [W] soutient qu’il n’a pas eu de formation à compter de 2012.
La société Ausy fait valoir que le salarié a bénéficié de formations, ne s’est jamais vu adresser de reproche sur la qualité de son travail et a eu une évolution de carrière satisfaisante.
Le salarié produit une attestation de formation relative aux fonctions de chef de projet en 2012 sur 4 jours (pièce n°19 ). Il résulte de sa pièce n°10 qu’il a bénéficié d’une formation en avril 2018 quelques jours avant la prise d’acte de la rupture du contrat.
L’employeur ne produit aucun élément permettant d’établir que M. [W] a bénéficié de formations entre 2013 et 2017, alors que ce dernier sollicitait notamment dans l’entretien d’évaluation 2016, à la rubrique ‘objectifs pour l’année à venir’ une formation Ausy ou externe sur la gestion des ressources humaines.
Au regard de son ancienneté – 7 ans au 1er février 2018 – le salarié n’a bénéficié que d’une formation un an après son embauche et d’une formation en avril 2018.
En conséquence, l’employeur a manqué à son obligation de formation, le fait que le salarié livre un travail de qualité et qu’il ait une évolution de carrière satisfaisante ne dispensant pas la société Ausy de procurer au salarié une formation lui permettant notamment d’évoluer plus tard vers la direction technique comme il l’indiquait dans l’entretien d’évolution de carrière du 13 février 2015 à la rubrique ‘évolution à long terme (5 à 10 ans)’.
Le préjudice subi par le salarié du fait de ce manquement sera réparé par l’allocation d’une somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
M. [W] sera débouté du surplus de sa demande à ce titre.
3- sur l’exécution déloyale du contrat de travail
Le 3ème alinéa de l’article 954 du code de procédure civile dispose que ‘la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.’
En l’espèce, le salarié demande dans le dispositif de ses écritures une somme de 25 741,80 euros, à titre subsidiaire celle de 20 838 euros et à titre infiniment subsidiaire celle de 19 302 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail sans fournir la moindre explication dans les motifs de ses conclusions.
La cour n’est donc pas saisie de cette demande.
4- sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement sera confirmé sur les frais irrépétibles et infirmé sur les dépens.
L’équité et la situation économique des parties commandent qu’il ne soit pas fait droit aux demandes respectives des parties en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Elles seront en conséquence déboutées de leurs demandes.
Chacune conservera la charge de ses dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 14 mai 2020 par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt sauf en ce qu’il a :
– jugé que M. [F] [W] doit être en position 3.1 coefficient 170 de mai 2015 à avril 2018,
– fixé le salaire mensuel à 3 473,10 euros brut,
– condamné la société Ausy à payer à M. [W] la somme de 10 219,60 euros au titre du rappel de salaire de mai 2015 à avril 2018, celle de 1 022 euros au titre des congés payés afférents et celle de 102 euros au titre de la prime de vacances,
– ordonné à la société Ausy de remettre à M. [W] un certificat de travail, un certificat [sic] de Pôle emploi et un bulletin de salaire rectificatif,
– débouté M. [W] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de formation,
– condamné la société Ausy aux dépens,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute M. [F] [W] de sa demande principale de classification 3.2 et de sa demande subsidiaire de classification 3.1 de l’annexe II de la convention collective des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils et de ses demandes subséquentes,
Condamne la société Ausy à payer à M. [F] [W] la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de formation,
Déboute M. [F] [W] du surplus de sa demande à ce titre,
Déboute les parties de leurs demandes respectives en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance et d’appel.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,