Convention collective Syntec : 11 mai 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/02114

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Convention collective Syntec : 11 mai 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/02114

11 mai 2023
Cour d’appel de Rouen
RG
21/02114

N° RG 21/02114 – N° Portalis DBV2-V-B7F-IY4O

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 11 MAI 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE ROUEN du 13 Avril 2021

APPELANT :

Monsieur [L] [R]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Julien DETTORI, avocat au barreau de ROUEN

INTIMÉE :

Société TECHNIP FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Margaux CHAVANE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 15 Mars 2023 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente, rédactrice

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. GUYOT, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 15 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 11 Mai 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 11 Mai 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société Technip France (la société) a pour activité l’ingénierie et la réalisation de projets. Elle emploie plus de 11 salariés et applique la convention collective des bureaux d’études techniques (Syntec).

M. [R] (le salarié) a été embauché par la société aux termes d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 13 décembre 2004.

A compter du 12 novembre 2013, le salarié a été détaché au Ghana au sein de la société Technip UK-Ghana branch pour y exercer les fonctions de country manager Ghana jusqu’au 30 novembre 2016, son avenant précisant qu’il était ‘sous statut célibataire puis en famille à compter du 02/01/2014″.

Le détachement du salarié a été prolongé par avenants jusqu’au 31 août 2018.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié exerçait les fonctions de Country Manager Ghana, statut cadre, niveau 3.2 coefficient 210 de la convention collective, percevait un salaire mensuel brut de 8 925 euros et un salaire moyen brut de 10 624,25 euros.

M. [R] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 14 mai 2018 par lettre du 16 avril précédent, mis à pied à titre conservatoire puis licencié pour faute grave par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 1er juin 2018 motivée comme suit :

‘ Par courrier DHL en date du 16 avril 2018, nous vous avons convoqué à un entretien préalable, fixé au 14 mai 2018, en vue d’examiner la mesure de licenciement que nous envisagions à votre encontre.

Lors de cet entretien, nous vous avons exposé les motifs de cet éventuel licenciement. Nous avons également pris bonne note de vos observations qui ne se sont, toutefois, pas révélées satisfaisantes au regard de la gravité des faits reprochés.

Aussi, nous entendons, par la présente, vous notifier votre licenciement pour les motifs suivants :

Vous avez été engagé par la société Technip France à compter du 13 décembre 2004 dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée.

Depuis le 12 novembre 2013, vous occupez les fonctions de Country Manager du Ghana, ceci dans le cadre d’un détachement au sein de Technip UK-Ghana Branch à Accra au Ghana prévu par avenant du 25 octobre 2013. Cette mission a successivement été reconduite à deux reprises, jusqu’au 31 août 2017 puis jusqu’au 31 août 2018.

A cet effet, il était contractuellement prévu que vous bénéficiez de tous les avantages octroyés par notre société dans le cadre de la mobilité internationale, y inclus l’attribution d’un logement sur place. Dans ce cadre, notre société s’était engagée à prendre en charge certaines dépenses locatives afférentes ( frais d’agence, dépôt de garantie, assurances, loyer mensuel, eau, gaz, électricité, charges locatives). Cependant, aucune autre dépense, notamment relative à d’éventuelles dégradations commises au sein de votre logement de fonction, ne devait ainsi être prise en charge par notre société.

En outre, il était prévu que notre société prenne uniquement en charge les frais de déménagement entre la France et le Ghana (départ et fin d’affectation), sans aucun engagement relatif à une éventuelle prise en charge d’un déménagement qui aurait lieu au Ghana, en cas de déménagement sur place.

Nous vous rappelons également qu’une politique interne applicable au sein de notre société, diffusée sur notre Intranet, soumet la réalisation de travaux immobiliers à une autorisation expresse de vos collègues de notre département ‘Real Estate’ au niveau du groupe.

Il est également prévu que, durant votre mission au Ghana, la prise de vos congés payés se fasse en accord avec votre hiérarchie. Ce faisant, vous connaissez particulièrement la procédure interne de prise des congés accessible depuis votre session Intranet, via le portail euHReka.

Pourtant, nous avons récemment découvert des faits graves prenant la forme de décisions non autorisées et d’actes de dissimulations de votre part, à votre seul profit et au préjudice de notre société.

Ces faits énumérés ci-après:

1.Prise en charge de travaux non autorisés au sein de votre logement de fonction:

Le 1er mars 2018, Monsieur [K] [B], vice président Africa Developpement, a été informé par le propriétaire de votre ancien logement de fonction que vous y avez entrepris des travaux sans aucune autorisation et occasionné des dégâts sans que nous en ayons été informés.

Plus grave, le bailleur a mis en demeure la société de payer la somme de US $ 8 438. A cette occasion, nous avons eu la mauvaise surprise de comprendre que les frais de réparations estimés par le bailleur s’élevaient en réalité à US$ 18 413 et que vous aviez d’ores et déjà ordonné un paiement, supporté par notre société, pour un montant de US $ 9 975.

Ce paiement est intervenu sans autorisation préalable du service immobilier de notre groupe ou de votre hiérarchie, en totale violation des règles éthiques et financières du groupe.

Nous avons découvert que vous aviez pris l’initiative de contester le reliquat dû au tire des travaux de réparation et avez mandaté un expert qui, de surcroît, a estimé le montant des réparations à une somme plus importante que celle réclamée par le propriétaire.

La dissimulation des travaux, les dégradations dans le logement de fonction et la prise en charge non autorisée par notre société des dégâts, que vous avez occasionnés, est inacceptable. Nous déplorons un tel comportement motivé par la seule défense de vos intérêts personnels.

2. Conclusion non autorisée d’un nouveau bail pour votre logement de fonction:

A la suite de nos investigations, nous avons découvert que vous aviez également pris l’initiative de changer de logement de fonction sans avertir votre hiérarchie.

Ce faisant, nous avons constaté qu’un nouveau bail, d’une durée d’un an, avait été signé par vous-même à compter du 1er décembre 2017 pour un loyer de US $ 69 600 par an, soit un montant 16% plus élevé que le seul montant que nous avions autorisé au titre du bail de votre précédent logement de fonction. Ceci d’autant que vous avez engagé la société en concluant un bail d’une durée d’un an alors que la fin de votre mission au Ghana était prévue le 30 août 2018.

Nous constatons que ni le service mobilité internationale de notre société ni votre hiérarchie n’ont été informés de la conclusion de ce bail. Celui-ci constituait un acte non autorisé, à votre seul profit, sans fondement légal et/ou contractuel et en violation de la procédure de conclusion des baux immobiliers mise en place au sein du groupe.

3. Prise en charge non autorisée de vos frais de déplacement:

Lors du changement, non autorisé, de votre logement de fonction nous avons relevé que vous aviez fait supporter vos frais de déménagement par notre société pour un montant de US $ 1855.

Une nouvelle fois, nous constatons que vous avez pris une décision financière qui engage notre société, sans autorisation et sans respecter nos procédures internes, au préjudice de cette dernière. Ce comportement est inacceptable.

4. Fraude dans la déclaration de vos congés payés:

A l’occasion de la découverte de ces agissements, nous avons repris le décompte de vos congés. Nous avons ainsi constaté que vous n’aviez procédé à aucune déclaration de congés dans l’outil dédié EuRHeka sur la période courant du 1er janvier 2014 au 31 juillet 2017.

Nous avons donc consulté les dates auxquelles vous avez effectué vos voyages personnels pris en charge par notre société au profit de vous-même et des membres de votre famille.

En reprenant la période précitée et les dates de vos voyages personnels, nous avons ainsi pu identifier les périodes de congés non déclarées suivantes:

– 18 juillet 2014 au 18 août 2014 ;

– 19 décembre 2014 au 4 janvier 2015 ;

– 31 Juillet 2015 au 26 août 2015 ;

– 15 décembre 2015 au 2 janvier 2016 ;

– 17 février 2016 au 20 février 2016 ;

– 5 mars 2016 au 8 mars 2018 (sic) ;

– 25 juillet 2016 au 29 août 2016 ;

– 15 décembre 2016 au 3 janvier 2017.

Vous connaissiez parfaitement la procédure de prise des congés applicable au sein de la société puisque vous aviez, par exemple, été à même de déclarer la période du 31 juillet 2017 au 28 août 2017.

Du fait de la découverte de ces agissements non autorisés, frauduleux et multiples, à votre seul profit, nous considérons que votre attitude n’est pas acceptable et conforme à ce que nous sommes en droit d’attendre d’un collaborateur occupant vos fonctions au sein de notre groupe. La confiance est, par conséquent, légitimement rompue.

Ces faits nous contraignent donc à constater l’impossibilité de poursuivre nos relations contractuelles compte tenu de votre niveau de responsabilités, et à vous licencier pour faute grave.

Cette mesure de licenciement prendra effet ce 1er juin 2018. Elle est privative de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité de licenciement. (…)’ .

Contestant la légitimité de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de la rupture de son contrat de travail, M. [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Rouen qui, par jugement du 13 avril 2021 a :

– dit et jugé que le licenciement du salarié reposait sur une faute grave,

– débouté le salarié de l’intégralité de ses demandes,

– débouté la société de ses demandes,

– condamné le salarié aux entiers dépens.

M. [R] a interjeté appel le 19 mai 2021 à l’encontre de cette décision qui lui a été notifiée le 21 avril précédent.

La société a constitué avocat par voie électronique le 1er juin 2021.

Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 22 juillet 2021, le salarié appelant sollicite l’infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de :

– dire et juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

57 333,90 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

46 909, 56 euros à titre d’indemnité de préavis outre 4 690,95 euros au titre des congés payés afférents,

187 638,33 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société à lui remettre ses documents sociaux conformes sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

– condamner la société aux entiers dépens.

Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 18 octobre 2021 la société intimée, réfutant les moyens et l’argumentation de la partie appelante, sollicite pour sa part, à titre principal, la confirmation de la décision déférée, requiert à titre subsidiaire qu’il soit jugé que le licenciement du salarié est justifié par une cause réelle et sérieuse, demande en tout état de cause la condamnation de l’appelant au paiement d’une indemnité de procédure à hauteur de 2 000 euros ainsi que sa condamnation aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’ordonnance de clôture en date du 23 février 2023 a renvoyé l’affaire pour être plaidée à l’audience du 15 mars 2023.

Il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel aux écritures des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la recevabilité des pièces produites en anglais et non traduites

La société constate qu’au soutien de ses demandes le salarié produit des pièces en langue anglaise, non traduites, et demande qu’elles soient écartées des débats.

Le salarié ne développe aucun argument ou moyen de droit en réponse.

Sur ce ;

Selon les dispositions de l’article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958, la langue de la République est le français. La langue officielle s’impose donc à tous les services de l’Etat, et donc aux juridictions.

Si au cours des débats le juge n’est pas tenu de recourir à un interprète s’il connaît la langue dans laquelle s’exprime les parties, il n’en est pas de même pour les pièces produites qui doivent être nécessairement traduites en français par application du principe constitutionnel précité, et du principe du contradictoire.

Les pièces en langue anglaise et non traduites, produites et communiquées par l’appelant seront donc écartées des débats. Il s’agit plus spécifiquement des pièces numérotées 7, 8, 11,13, des SMS de la pièce 17, 18, 20, 25, 26, 27, 28 (en partie seulement).

2/ Sur le licenciement

Le salarié conteste la matérialité et l’imputabilité des griefs contenus dans la lettre de licenciement, soutient que la véritable cause de son congédiement réside d’une part dans l’échec de la tentative de conciliation avec le régulateur ghanéen au sujet de pratiques antérieures à la fusion Technip Fmc concernant l’ancienne entité Fmc au Ghana, pratiques qu’il avait dénoncées et, d’autre part, dans la volonté de la société de réduire ses effectifs dans la région africaine et au centre opérationnel de [Localité 5]. Il constate en outre qu’un grand malaise social existe au sein du groupe en raison notamment de méthodes de management rudes et inappropriées.

Sur ce ;

Pour satisfaire à l’exigence de motivation posée par l’article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l’énoncé de faits précis et contrôlables.

La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d’autres griefs que ceux qu’elle énonce.

La faute grave s’entend d’une faute d’une particulière gravité ayant pour conséquence d’interdire le maintien du salarié dans l’entreprise.

La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l’employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, et s’ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise.

Au terme de la lettre de licenciement reproduite ci-dessus, l’employeur reproche au salarié quatre griefs.

Sur le grief lié à la prise en charge de travaux non autorisés au sein du logement de fonction

L’employeur verse aux débats le courrier de l’avocat du bailleur en date du 29 mars 2018 indiquant que M. [R] a quitté son logement à l’expiration du bail le 1er décembre 2017, qu’il a laissé la propriété en mauvais état, qu’un montant de 18 413 dollars américains lui a été demandé en vue de la remise en état, qu’une somme de 9 975 dollars a déjà été réglée et qu’il demeure redevable du solde de 8 438 dollars à régler sous 7 jours.

L’employeur produit le contrat de bail initial du logement ainsi que l’avenant au contrat de travail du salarié prévoyant que la société prenne en charge certaines dépenses locatives du salarié ( loyer, frais d’électricité, de gaz, d’eau).

Il verse également aux débats les traductions des délégations de pouvoir accordées au salarié en date des 25 novembre 2013 et de 2018, considérant que la traduction française de la délégation de pouvoirs produite par le salarié contient des éléments qui ne figurent pas dans le document original en anglais.

Au regard de ces éléments, l’employeur établit d’une part que le salarié a quitté son logement de fonction alors que celui-ci nécessitait des travaux de remise en état et, d’autre part, qu’il a engagé la société à financer le coût des dits travaux.

Le salarié soutient que le logement de fonction occupé, qui était précédemment le logement de fonction de son prédécesseur, M. [B], était dans un état déplorable qui nécessitait des travaux. Il verse aux débats des photographies aux fins d’établir l’existence de problèmes d’électricité, de fourniture d’eau.

Il soutient avoir engagé des travaux uniquement parce qu’il y avait péril et pour sauvegarder sa famille, affirme avoir agi selon la réglementation en vigueur au sein du groupe indiquant que l’autorisation du département Real Estate n’était nullement requise pour ce genre de travaux.

Il ne conteste pas avoir fait prendre en charge par l’employeur le montant des travaux.

Il ressort cependant des pièces produites que les travaux dont le coût est réclamé par le bailleur ne sont pas les travaux effectués par le salarié durant la location mais les travaux de remise en état du logement après le départ du salarié sans qu’il ne soit précisé la nature desdits travaux.

Il ne ressort pas des éléments versés aux débats que le coût de ces travaux de remise en état soient à la charge de l’employeur, l’article 8-1 de l’avenant au contrat de travail du salarié ne prévoyant pas cette prise en charge par la société.

En ayant ordonné le paiement de ces travaux au nom de la société, le salarié a méconnu les dispositions contractuelles et a commis une faute.

Sur le grief lié à la conclusion non autorisée d’un nouveau bail pour le logement de fonction

Il ressort des éléments produits par la société que le salarié a souscrit le 6 novembre 2017 un bail pour un nouveau logement de fonction, ce bail couvrant la période du 1er décembre 2017 au 30 novembre 2018 pour un loyer mensuel de 5 800 dollars, ce montant étant plus onéreux que le précédent.

Le salarié ne conteste pas la matérialité de ce fait mais indique qu’il a agi de bonne foi dans le cadre de sa délégation qui prévoyait qu’il pouvait gérer les locations de l’ensemble des collaborateurs expatriés y compris la sienne et avait à ce titre un pouvoir de délégation pour tout contrat de location dans le pays plafonné à 100 0000 dollars par an.

Il ressort des pièces produites que M. [R] bénéficiait d’une délégation de pouvoirs.

Si les parties s’opposent sur le contenu de celle-ci, il y a lieu de constater que seul le salarié verse aux débats la délégation de pouvoir du 25 novembre 2013 dans sa version anglaise, que celle-ci comporte 17 items ; qu’il produit également sa traduction.

Si l’employeur verse également aux débats la traduction du document, celle-ci ne comporte que 9 items traduits.

Le 10ème item de ce document stipule que le salarié a le pouvoir de négocier et d’engager la société dans tout contrat de location ou de leasing dans la limite de 100 000 USD par an.

Si l’employeur soutient qu’il appartenait au salarié d’obtenir l’autorisation de ses supérieurs hiérarchiques pour changer de logement de fonction, il n’en justifie pas.

Si l’employeur indique qu’une nouvelle délégation de pouvoirs a été accordée en 2018 au salarié, il y a lieu de constater qu’il ne ressort pas de la lecture du document qu’elle annule et remplace la précédente délégation, aucune référence à la délégation de 2013 n’étant mentionnée.

En conséquence, la cour juge ce grief non établi.

Sur le grief lié à la prise en charge non autorisée des frais de déménagement de M. [R]

L’employeur verse aux débats la facture des frais de déménagement liés au changement de logement de fonction du salarié et justifie que ce dernier a engagé la société à ce titre.

Il ne ressort pas de l’avenant au contrat de travail du salarié que la prise en charge de ses frais de déménagement incombait à l’employeur, ce dernier ne s’étant engagé à régler que les frais de déménagement initiaux de la France au Ghana.

Le salarié soutient que les frais de déménagement sont normalement pris en charge par le groupe comme pour tous les expatriés.

Il ressort cependant des éléments produits qu’aucune prise en charge de frais de déménagement pour un changement de logement de fonction sur le territoire ghanéen n’était contractuellement prévue.

La cour constate que ce grief est établi.

Sur le grief tenant à la fraude dans la déclaration des congés payés

L’employeur reproche au salarié d’avoir pris des congés sans les déclarer dans l’outil EuRHeka alors qu’il avait connaissance de la procédure de déclaration de congés payés.

Le salarié, qui ne conteste pas ne pas avoir saisi ses congés payés au sein du logiciel, indique qu’il n’a jamais outrepassé son droit à congés, qu’il a toujours travaillé pendant ses congés, que l’outil EuRHeka dysfonctionnait au Ghana et que par mail du 23 mars 2018, il a indiqué au manager RH Ghana qu’il rencontrait des difficultés de connexion.

Il indique avoir pris l’habitude de gérer ses congés avec un tableau Excel sans que cela n’ait jamais posé de difficulté à son employeur.

La cour constate qu’il n’est pas contesté qu’il était d’usage de saisir les congés dans l’outil informatique EuRHeka et que le salarié n’a pas systématiquement respecté la consigne en vigueur.

Cependant, il y a lieu de constater d’une part que le salarié justifie qu’il rencontrait régulièrement des difficultés de connexion à la plate-forme interne, d’autre part que l’employeur ne pouvait ignorer ses dates de congés en ce qu’il finançait les billets d’avion y afférents et enfin que l’employeur ne reproche pas au salarié un abus dans son droit à congé.

Au regard de ces éléments, la cour constate l’absence de toute fraude telle que reprochée au salarié.

Il résulte des développements précédents que seuls deux griefs sont constitués.

Au delà des énonciations de la lettre de licenciement, il incombe au juge de rechercher la véritable cause du licenciement.

L’inexactitude du ou des motifs invoqués peut avoir pour effet de priver licenciement de cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, si le salarié soutient que la décision de mettre un terme à son contrat de travail était en réalité motivée par l’échec de la tentative de conciliation avec le régulateur ghanéen au sujet de pratiques antérieures à la fusion Technip Fmc concernant l’ancienne entité Fmc au Ghana, pratiques qu’il avait dénoncées, et par la volonté de la société de réduire ses effectifs dans la région africaine, il ne l’établit pas, la cour observant que la société justifie du remplacement du salarié à son poste.

En conséquence, si au vu des éléments produits, les deux griefs adressés au salarié apparaissent établis et de nature à constituer une cause réelle de licenciement, il n’apparaît cependant pas qu’ils aient revêtu un caractère de gravité suffisant pour rendre impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis et par conséquent de justifier un licenciement pour faute grave.

En conséquence, par infirmation du jugement entrepris, il sera désormais jugé que le licenciement du salarié était justifié par une cause réelle et sérieuse.

Le salarié peut par conséquent prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, augmentée des congés payés afférents ainsi qu’à une indemnité légale de licenciement, à hauteur des sommes non spécifiquement contestées dans leur quantum par l’employeur, qui seront précisées au dispositif ci-après.

La demande de dommages et intérêts pour licenciement illégitime doit en revanche être rejetée.

3/ Sur la remise des documents de fin de contrat

Il sera ordonné la remise par l’employeur des documents de fin de contrat de travail conformes au présent arrêt, sans que le prononcé d’une astreinte soit nécessaire à ce stade de la procédure.

4/ Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il serait inéquitable de laisser à la charge du salarié les frais non compris dans les dépens qu’il a pu exposer.

Il convient en l’espèce de condamner l’employeur, succombant dans la présente instance, à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure.

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de l’employeur les frais irrépétibles exposés par lui.

Il y a également lieu de condamner la société aux dépens de première instance ainsi qu’aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement et en dernier ressort ;

Ecarte des débats l’intégralité des pièces rédigées en langue étrangère et non traduites en langue française produites par l’appelant ;

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Rouen du 13 avril 2021 ;

Statuant à nouveau :

Dit le licenciement de M. [L] [R] justifié par une cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Technip France à verser à M. [L] [R] les sommes suivantes :

46 909,56 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 4 690,95 euros au titre des congés payés afférents,

57 333,90 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;

Déboute M. [L] [R] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement illégitime ;

Ordonne la remise à M. [L] [R] des documents de fin de contrat de travail conformes au présent arrêt ;

Dit n’y avoir lieu à astreinte ;

Condamne la société Technip France à verser à M. [L] [R] la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société Technip France aux dépens de première instance et d’appel.

La greffière La présidente

 


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