AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 19/07692 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MV2R
[A]
C/
Société ALLIADIS
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 17 Octobre 2019
RG : 17/02770
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 11 JANVIER 2023
APPELANT :
[I] [A]
Né le 04 septembre 1960
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Eric LAVIROTTE de la SELARL ASCALONE AVOCATS, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE
INTIMÉE :
Société SMART RX anciennement dénommée société ALLIADIS
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Laurent GAMET de la SELAS FACTORHY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 18 Octobre 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Joëlle DOAT, Présidente
Nathalie ROCCI, Conseiller
Anne BRUNNER, Conseiller
Assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffière.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 11 Janvier 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur [A] a été engagé par la Société Q.S.P. par contrat de travail à durée indéterminée en date du 6 avril 1989 en qualité de responsable commercial.
La relation de travail était soumise à la Convention Collective Nationale applicable au Personnel des Bureaux d’Études Techniques, des Cabinets d’Ingénieurs-Conseils et des Sociétés de Conseils (SYNTEC).
Un avenant au contrat de travail a été conclu le 9 juillet 2012, entre l’employeur, devenu la société ALLIADIS, et le salarié, prévoyant que Monsieur [A] occuperait désormais les fonctions de Directeur Commercial Régional sur le secteur RHONE-ALPES et PACA.
La société ALLIADIS, qui exerce sous l’enseigne commerciale « SMART RX », développe et commercialise des logiciels d’optimisation et de gestion des performances des pharmacies d’officine.
Par lettre du 26 juin 2017, la société SMART Rx a convoqué M. [A] à un entretien préalable en vue de son licenciement pour faute grave et l’a mis à pied à titre conservatoire.
Par courrier du 27 juin 2017, la société SMART RX a mis en demeure M. [A] de restituer son ordinateur portable.
Par courrier du 13 juillet 2017, la société SMART Rx a notifié à M. [A] son licenciement, abandonnant la faute grave, pour ne plus retenir qu’une cause réelle et sérieuse.
M. [A] a saisi le conseil de Prud’hommes de LYON le 19 septembre 2017 en contestation de la mesure de licenciement, dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, nullité du forfait-jour, paiement d’heures supplémentaires, d’indemnité pour travail dissimulé, de primes diverses, d’indemnité de portefeuille.
Par jugement du 17 octobre 2019, le conseil de prud’hommes de LYON a :
dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
dit que la convention de forfait annuel en jours était opposable au salarié
constaté la légèreté blâmable de la SAS ALLIADIS de fait de l’absence d’entretien professionnel et d’erreur manifeste sur le montant des salaires,
condamné la société ALLIADIS exerçant sous l’enseigne SMART RX à payer à M.[A]
300 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi ;
2 500 euros à titre de rappel de salaire sur le mois de mars 2017,
19 941,17euros au titre des commissions CEGELEASE.
1 600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
ordonné la capitalisation des intérêts
condamné la société ALLIADI aux dépens.
Le 8 novembre 2019, M. [A] a fait appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières écritures, notifiées le 27 septembre 2022, M. [A] demande à la cour de :
CONFIRMER le jugement en ce qu’il a :
dit que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
constaté la légèreté blâmable de la SAS ALLIADIS du fait de l’absence d’entretien professionnel et d’erreurs manifestes sur le montant des salaires,
condamné la SAS ALLIADIS devenue SMART RX à lui verser les sommes de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du défaut d’entretien annuel, 2 500 euros à titre de rappel de salaire sur le mois de mars 2017, 19 941,17 euros au titre des commissions CEGELEASE, 1 600 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
ordonné la capitalisation des intérêts.
LE REFORMER pour le surplus et :
condamner la Société ALLIADIS devenue SMART RX à lui verser la somme de 918 666 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de son licenciement,
prononcer la nullité et l’inopposabilité de la convention de forfait annuel en jours, en conséquence, CONDAMNER la Société ALLIADIS à lui verser :
la somme de 681 306,06 euros à titre de rappel de salaire (RTT déduits),
la somme de 68 130,60 euros au titre des congés payés afférents,
et subsidiairement la somme de 543 849,03 euros outre 54 384,90 euros,
la somme de 441 788 euros au titre des dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’absence de contrepartie obligatoire en repos,
la somme de 44 178,80 euros au titre des congés payés afférents ;
la somme de 12 077,91 euros à titre d’indemnité compensant le temps passé en trajets,
la somme de 229 666 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé ;
et subsidiairement à la somme de 105 056,76 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé calculée sur la base du salaire moyen non reconstitué,
à transmettre l’attestation Pôle Emploi rectifiée, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, un mois après la signification de la décision à intervenir ;
constater l’exécution déloyale du contrat de travail, en conséquence, condamner la Société ALLIADIS à lui verser :
la somme de 1 994,11 euros au titre des congés payés sur la condamnation qui sera confirmée au titre des commissions CEGELEASE,
la somme de 7 132,50 euros au titre du rappel sur le salaire fixe des mois de janvier, février et mars 2017 dont à déduire la somme de 2 500 euros accordée par le Conseil de Prud’hommes pour le mois de mars 2017, soit la somme de 4 632,50 euros, outre 713,25 euros au titre des congés payés afférents
la somme de 8 500 euros au titre de la garantie sur salaire au titre de l’engagement de janvier 2015 outre 850 euros au titre des congés payés afférents ;
la somme de 3 500 euros au titre des commissions dues jusqu’à la fin du préavis outre 10% au titre des congés payés afférents soit 350 euros ;
la somme de 10 686 euros au titre de l’indemnité sur le portefeuille outre 106,86 euros au titre des congés payés afférents ;
la somme de 10 000 euros au titre des primes « News », « Cessions » et « Periphar » outre 1 000 euros au titre des congés payés afférents ; subsidiairement, la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts compensant le préjudice subi du fait de l’opacité volontairement entretenue par l’employeur ;
la somme de 1 500 euros en indemnisation du préjudice né de l’absence de visite médicale depuis 2012 ;
Assortir l’ensemble des condamnations des intérêts au taux légal,
ordonner la capitalisation des intérêts par années entières conformément à l’article 1343-2 du Code Civil
condamner en outre la Société ALLIADIS à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
condamner la même en tous les dépens de l’instance ;
Par conclusions notifiées le 5 octobre 2022, la société SMART RX demande à la cour de :
d’infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de LYON le 17 octobre 2019 en ce qu’il a jugé le licenciement de Monsieur [A] dépourvu de cause réelle et sérieuse et l’a condamnée à payer la somme de 300 000 euros à titre de dommages-intérêts, outre 1 500 euros au titre du préjudice subi, 2 500 euros à titre de rappel de salaire sur le mois de mars 2017 et 19 941,17 euros à titre de commissions CEGELEASE ;
de confirmer le jugement en ce qu’il a jugé la convention de forfait opposable à M. [A] et débouté Monsieur [A] de ses demandes de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, congés payés afférents, repos compensateur de remplacement, travail dissimulé, rappel de commissions, garantie sur salaire, indemnité de portefeuille, primes « NEWS » « CESSIONS » et « PERIPHAR » ;
à titre reconventionnel, si la cour devait juger inopposable ou nulle la convention de forfait jours, de condamner M. [A] à lui verser la somme de 27 221,12 euros bruts à titre de remboursement des jours de réduction du temps de travail dont il a bénéficié en application de la convention de forfait jours ;
en tout état de cause :
débouter Monsieur [A] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
condamner Monsieur [A] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
condamner Monsieur [A] aux dépens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 6 octobre 2022.
SUR CE,
Sur la nullité et l’inopposabilité de la convention de forfait annuel en jours :
M. [A] fait valoir
que c’est la convention collective nationale SYNTEC dans sa version antérieure à l’avenant du 1er avril 2014 qui est applicable à la relation de travail ;
que l’accord collectif sur la base duquel il lui a été appliqué un forfait jour est invalide ;
qu’entre 1999 et novembre 2016, il n’existait aucun système de décompte du temps de travail ;
qu’à compter du moment où le pointage a été mis en place, il fait apparaître le nombre d’heures effectuées et son caractère déraisonnable ;
qu’il produit des mails attestant de son activité le soir et les week ends ;
qu’il a alerté son employeur sur sa charge de travail et le stress permanent qu’il ressentait ;
qu’il n’a jamais bénéficié d’entretien annuel sur sa charge de travail ;
que la convention de forfait jour est nulle et inopposable ;
L’employeur répond :
qu’il a été conclu un accord collectif sur le temps de travail le 25 janvier 2002 ;
que c’est donc de manière parfaitement valable qu’elle a soumis la relation de travail à un forfait annuel en jours ;
que selon l’accord collectif , les salariés ayant la qualité de cadre intermédiaire ne peuvent se voir appliquer la réglementation sur les heures supplémentaires et bénéficient d’une rémunération forfaitaire en contrepartie de l’exercice de leur mission ;
que le plafond de jours travaillés est fixé à 215 jours par an , avec une amplitude maximum quotidienne de 8 à 10 heures ;
que M. [A] se voit appliquer un forfait annuel en jours depuis qu’il bénéficie de la position III et qu’il a donné son accord en apposant sa signature sur ses feuilles d’objectifs ;
qu’il a pris ses jours de RTT ou se les est fait payer
***
Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
Il appartient au juge de le vérifier, même d’office.
Aux termes de l’article L. 3121-39 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce, la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l’année doit être prévue par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche qui détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi et qui fixe les caractéristiques principales de ces conventions.
Selon l’article L. 3121-43 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce, peuvent notamment conclure une convention de forfait en jours sur l’année, dans la limite de la durée annuelle du travail fixée par l’accord collectif prévu à l’article L. 3121-39 susvisé, les cadres disposant d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduisent pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés.
Par arrêt du 24 avril 2013, la Cour de cassation a retenu que les dispositions de l’article 4 de l’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, pris en application de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail du salarié et donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé de ce dernier.
Il appartenait aux partenaires sociaux, au niveau des entreprises, de suppléer les manques constatés dans cet accord national du 22 juin 1999 par des accords d’entreprise propres à apporter la garantie ci-dessus rappelée.
Il est constant que M. [A] entrait dans la catégorie des cadres autonomes et pouvait bénéficier d’une rémunération forfaitaire comme stipulé à son contrat de travail.
L’accord d’entreprise concernant l’aménagement et la réduction du temps de travail du 25 janvier 2002, stipule :
que pour les cadres « autonomes » (cadres commerciaux, directeurs et responsables de services et directeurs régionaux) qui bénéficient d’une rémunération forfaitaire en contrepartie de l’exercice de leur mission, le plafond maximum du nombre de jours travaillés est fixé à 215 jours par an,
que les cadres doivent organiser leur temps de travail à l’intérieur de ce forfait annuel, en respectant une amplitude maximum quotidienne de 8 à 10 heures ;
que le plafond de 215 jours ne pourra être dépassé qu’à titre exceptionnel
à la rubrique « Modalités de décompte des jours travaillés : compte tenu de la spécificité de la catégorie des cadres autonomes et de l’absence d’encadrement de leurs horaires de travail, les parties considèrent que le respect des dispositions contractuelles et légales (notamment de la limite du nombre de jours travaillés et du repos de l’article L 220-1 du code du travail) sera suivi au moyen d’un système déclaratif sur INTRADIM ».
Il n’est donné aucune précision sur les modalités concrètes de contrôle du nombre de jours travaillés, ni sur un suivi régulier par le supérieur hiérarchique de l’organisation du travail et de la charge de travail.
L’accord d’entreprise ne pallie pas les carences de l’accord du 22 juin 1999 et fait reposer sur le seul salarié, via le système déclaratif, la garantie du respect de sa santé et de sa sécurité.
Il s’ensuit que la convention de forfait est privée d’effet. Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur les conséquences de l’inopposabilité du forfait jour :
Le salarié soutient :
qu’il peut prétendre au paiements des heures supplémentaires
que, pour la période postérieure à la mise en place de la pointeuse, soit du 7 novembre 2016 au 26 juin 2017, il convient de calculer les heures supplémentaires réalisées sur la base des horaires enregistrés par la pointeuse, augmentés des heures de travail effectuées en dehors des horaires de pointage et retracées par le biais des emails envoyés et des notes de frais ;
qu’il a déduit les pauses déjeuners lorsqu’il n’était pas avec des clients ou des collaborateurs ;
pour la période antérieure, il apporte la preuve des heures effectuées en croisant les heures d’envoi des emails, de passage au péage, les notes de frais ‘
L’employeur réplique :
que M . [A] devra rembourser les 32 jours de RTT pris entre 2015 et 2017 ;
que les tableaux récapitulatifs que M. [A] verse aux débats ne sont pas probants et ne sauraient venir justifier sa condamnation au paiement des heures supplémentaires prétendument accomplies ;
que les attestations des clients ne sont pas des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que Monsieur [A] prétend avoir accomplies ;
que le dispositif de pointage SMART RH mis en place mesure l’amplitude de la journée mais ne renseigne pas sur le temps de travail effectif puisqu’il ne déduit pas les pauses ;
qu’il est possible de pointer à distance, ce que M. [A] a pu faire ;
que le premier et le dernier email de la journée ne permettent pas de considérer qu’il a travaillé entre les deux emails ;
qu’elle ne lui a jamais demandé de répondre tard le soir ou le samedi à des mails et qu’il n’y avait pas de nécessité professionnelle de le faire ;
qu’il effectuait bien moins de déplacement que les autres directeurs régionaux ;
que le relevé des passages autoroutiers est insuffisant à établir l’existence d’heures supplémentaires ;
que si M. [A] estimait sa charge de travail excessive, il pouvait activer le bouton d’alerte de la pointeuse, or, il ne l’a pas fait.
***
Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
M. [A] verse aux débats des tableaux récapitulatifs des heures supplémentaires qu’il prétend avoir effectuées, chaque jour, à compter du 14 septembre 2014. Ces tableaux sont détaillés, le salarié a distingué deux périodes : la première, jusqu’au 7 novembre 2016, qui coïncide avec la mise en place de la pointeuse, la seconde, postérieure au 7 novembre 2016. Pour chaque période il a établi un tableau « Réel » et un tableau « subsidiaire ».
L’employeur peut ainsi répondre utilement et produire ses propres éléments.
M. [A] a fait figurer sur ses tableaux, les horaires de son premier et dernier mail de la journée, l’amplitude horaire qui sépare ces deux mails, qu’il fait coïncider avec son temps de travail, le dépassement au-delà de la durée légale. Il a déduit les pauses déjeuners, sauf lorsqu’il a mentionné « invitation midi », soit, une à quatre fois par semaine, et dîners, lorsque le dernier mail de la journée est envoyé dans la soirée. Sur le tableau « subsidiaire » l’intégralité des pauses déjeuners est déduite.
Il justifie de mails qu’il a envoyés tard le soir ou le matin. Ces mails, tout comme les billets de train aller/retour, les tickets de plein d’essence, n’établissent que l’amplitude de la journée de travail mais pas le temps de travail. Aucun impératif professionnel ne vient justifier l’expédition tardive de mail. Le volume d’heures supplémentaires ne peut donc être calculé sur la base de l’amplitude horaire.
Au vu des éléments versés aux débats, il y a lieu d’évaluer la créance au titre des heures supplémentaires, pour la période du 14 septembre 2014 au 26 juin 2017, et déduction faite du paiement de 32 jours de RTT effectué par l’employeur, à la somme de 58 000 euros, outre 5 800 euros au titre des congés payés afférents.
Le jugement sera infirmé sur ce point et la société ALLIADIS condamnée au paiement de ces sommes.
Sur la contrepartie en repos :
Le salarié précise que la Convention Syntec fixe le contingent annuel à 130 heures supplémentaires et soutient qu’il a effectué 4 190 heures supplémentaires entre le 14 septembre 2014 et le 26 juin 2017, soit 3 827 heures au-delà du contingent.
L’employeur réplique que M. [A] ne démontre aucunement avoir réalisé des heures supplémentaires en sorte que sa demande au titre de la contrepartie obligatoire ne repose sur aucun fondement.
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Aucune disposition de la convention collective SYNTEC ne prévoit de contingent annuel pour les cadres autonomes, l’article 33 de la convention collective fixant le contingent à 130 heures pour les ETAM n’est pas applicable à M. [A].
Aux termes de l’article D 3121-14-1 du code du travail dans sa rédaction applicable à l’espèce, le contingent annuel d’heures supplémentaires est fixé à 220 heures par salarié.
Faute pour ce dernier d’établir qu’il aurait réalisé des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel de 220 heures il y a lieu de confirmer le jugement qui l’a débouté de ses demandes à ce titre.
Sur l’indemnisation de ses temps de trajet, le salarié rappelle que lorsque ce temps de déplacement excède le temps de trajet entre le domicile et le lieu habituel, il doit donner lieu à une compensation en repos ou en argent. Il ajoute avoir comptabilisé au total 139H30 qu’il avait intégré, par erreur, en première instance, dans son temps de travail et demande une indemnisation de ce chef sur la base d’un taux horaire de ¿. Il estime que sa demande est recevable puisqu’il a seulement changé le fondement juridique.
L’employeur réplique qu’il s’agit d’une nouvelle demande en cause d’appel et qu’elle est irrecevable.
***
Aux termes de l’article 910-4 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
M. [A] ne formulait pas de demande au titre du temps de trajets dans ses premières conclusions, mais des demandes, consécutives à l’inopposabilité du forfait en jours, au titre du temps de travail. Il ne soutient pas avoir travaillé pendant ses trajets puisqu’il demande une indemnité. Il s’agit bien d’une nouvelle prétention, irrecevable.
Sur l’indemnité pour travail dissimulé :
Le salarié considère que compte tenu de l’amplitude horaire que son employeur ne pouvait ignorer et de l’application d’un forfait annuel en jour inopposable, l’intention de dissimuler est établie.
L’employeur répond qu’il n’est pas démontré en quoi il aurait volontairement dissimulé les heures de travail.
La dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L. 8221-5 2°du code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué. Le caractère intentionnel ne peut pas se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.
Il ne résulte pas des éléments du dossier que l’employeur aurait entendu se soustraire à ses obligations déclaratives et aurait sciemment omis de rémunérer des heures de travail dont il avait connaissance qu’elles avaient été accomplies.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [A] de ses demandes de ce chef.
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail :
Le salarié soutient :
qu’à plusieurs reprises, les lettres d’objectifs signées n’ont pas été respectées, en 2015 et en 2017
que le versement des commissions a toujours fait l’objet d’un manque de transparence ;
qu’à plusieurs reprises, il s’est aperçu qu’il y avait une différence entre le chiffre d’affaire pris pour référence et le chiffre d’affaire réalisé ;
que, fin décembre 2016, le système de commissionnement a changé, passant d’un commissionnement à la facturation à un commissionnement sur les ventes ;
qu’il n’a toujours pas reçu les commissions sur ce qui était vendu et non facturé au moment du changement de système de rémunération ;
que les commissions dues jusqu’à la fin de son préavis, qui aurait dû être le 22 octobre 2017 s’il est tenu compte d’une semaine de congés, ne lui ont pas été versées ;
que les commissions CEGELEASE ne lui ont plus été versées à compter du mois de janvier 2016, sans explication ;
qu’il n’a pas reçu l’intégralité des primes « New », « Périphar » et « Cessions » qui lui sont dues ;
qu’il n’a jamais bénéficié d’un entretien professionnel avec son employeur et a reçu deux jours de formation entre 2010 et 2017 ;
L’employeur réplique
que l’ensemble des sommes versées à M. [A] l’a été en exécution des plans de rémunération et de la lettre d’objectif du mois d’avril 2017 ;
que selon le plan de rémunération 2016, aucune commission CEGELEASE n’est due aux directeurs commerciaux ;
qu’elle n’a pas modifié les règles s’attribution des primes de primes « Cessions, Périphar et News » mais les a rappelées en juin 2017 ;
qu’aucun calcul précis ne vient justifier la demande de M. [A] sur ce point ;
que le contrat de travail a pris fin le 14 octobre 2017 et qu’il ne lui appartenait pas de prolonger le préavis alors que M. [A] a perçu une indemnité compensatrice ce préavis et de congés payés ;
que M. [A] a bénéficié de formations et d’un entretien annuel avec M. [K], au cours duquel était présenté son plan de commissionnement ;
***
En vertu de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Sur la rémunération brute forfaitaire :
La lettre d’objectif signée par le salarié le 7 mars 2017 mentionne, à la rubrique « prime de fonction : elle se décompose en 3 éléments cumulatifs : votre salaire fixe mensuel pour l’année 2017 est arrêté à 8 872,50 euros bruts payables sur 12 mois et les éléments variables définis ci-après : prime sur les news ; commission mensuelle : rémunération du chiffre d’affaire région.
Un salaire fixe brut de 8872,50 euros a été versé pour les 2 premiers mois de l’année.
Au mois de mars, avril et mai 2017, la rémunération fixe brute versée est de 6 372,50 euros.
Par ailleurs au mois de mars 2017, la fiche de paie fait apparaître, notamment, deux déductions de 2 500 euros au titre du salaire forfaitaire pour les mois de janvier 2017 et février 2017 (comme un indu) et trois « primes exceptionnelles » de 2 500 euros chacune pour les mois de janvier à mars 2017.
Une nouvelle lettre d’objectif, pour l’année 2017, ramenant la rémunération brute forfaitaire à 8 750 euros a été signée par le salarié le 21 avril 2017.
Au mois de juin un rappel de salaire de 2 377,50 euros a été versé pour le mois d’avril et le mois de mai 2017.
Force est de constater que la rémunération forfaitaire n’a pas été intégralement versée aux mois de janvier, février et mars 2017.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a alloué au salarié la somme de 2 500 euros au titre d’un arriéré du mois de mars 2017, mais la société ALLIADIS sera condamnée à payer en sus, la somme de de 4 632,50 euros brut, outre celle de 713,25 euros brut pour congés payés afférents, au titre des mois de janvier et février 2017.
Sur l’engagement de janvier 2015 :
Par mail du 10 janvier 2015, M. [K], président de la société ALLIADIS s’adressant à M. [A], le félicite pour ses résultats de l’année 2014, lui transmet la proposition de plan pour l’année 2015 et lui « confirme le versement de 17 700 euros complémentaires pour 2014 eu titre de la garantie de salaire (158 Keuros) » et « lance les réguls 2014 avec l’envoi des plans 2015 à la RH ».
Sur la fiche de paie du mois de mars 2015, il apparaît qu’a été versée, au titre de complément exceptionnel pour l’année 2014 et congés payés au titre du complément exceptionnel, la somme totale de 9 200 euros, de sorte que l’employeur reste devoir au salarié la somme de 8 500 euros à ce titre, au paiement de laquelle il doit être condamné.
Le jugement sera infirmé puisqu’il a débouté le salarié de sa demande de ce chef.
Sur la prime de portefeuille :
L’échange de mail entre M. [F], directeur général, et M. [X] entre le 27 janvier 2016 et le 30 janvier 2016 porte sur la lettre de mission 2016 et sur le portefeuille mission 2015 de M. [X] et sa rémunération : le salarié demande si concernant le changement de rémunération CA facturé au CA commandé, le portefeuille restant à fin 2015 lui sera bien rémunéré sur février, mars et avril 2016 sur la base du calcul 2015 et il lui est répondu par l’affirmative.
La réponse apportée à ce salarié, pour l’année 2015, ne saurait valoir pour M. [A], pour l’année 2016.
Au demeurant, M. [A] verse aux débats le portefeuille 2016 pour lui-même et d’autres salariés de l’entreprise, sans que ce tableau démontre que la prime versée en 2016 ait été mal calculée.
Le jugement qui a débouté le salarié sera confirmé de ce chef.
Sur le rappel de commission dues jusqu’à la fin du préavis
M. [A] ne démontre pas que les « commissions solde au titre de l’année 2017 » telles qu’elles figurent sur le bulletin de paie de mois de novembre 2017 seraient erronées.
Le jugement sera confirmé sur ce point également.
Sur les commissions CEGELEASE
Suivant l’avenant au contrat de travail du 9 juillet 2012, il est stipulé que « les commissions CEGELEASE seront calculées sur l’ensemble de votre équipe de vente à compter de la prise en main du poste selon les modalités actuelles ». Cette rémunération est fixée pour « l’année 2012 et conformément au plan signé » et il est aussi indiqué « pour l’année 2013, un nouveau plan et de nouveaux objectifs vous seront présentés ».
En 2013, 2014 et 2015, le plan de rémunération prévoit le versement de commission CEGELEASE.
Aucune des parties n’a cru devoir verser aux débats le plan de rémunération pour l’année 2016.
L’employeur verse aux débats la lettre de mission 2016 définissant les missions, objectifs et la rémunération de M. [A], que ce dernier n’a pas signée : les éléments de rémunération variable sont « prime objectifs de NEWS » et « commission : rémunération du chiffre d’affaire Région.
Il n’est pas prévu de commission CEGELEASE.
Dans la mesure où la rémunération fait l’objet d’une lettre de mission chaque année, il ne peut être déduit de la pratique observée pour l’année 2015 un droit pour le salarié à une rémunération identique pour l’année suivante.
Dès lors, le jugement sera infirmé en ce qu’il a accordé une somme à titre de rappel sur commission CEGELEASE et la demande sera rejetée.
Sur les primes « cessions News et Periphar »
En premier lieu, il convient de constater que la rémunération variable pour 2017 comprend une prime sur les NEWS mais non sur les « cessions » ni les « Periphar ».
En second lieu, le salarié affirme qu’une somme de 10 000 euros lui serait due à ce titre, sans toutefois apporter le moindre élément permettant de l’établir.
Enfin, il ne démonte pas l’opacité entretenue par l’employeur.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié des demandes de ce chef.
Sur le défaut d’entretien annuel de formation
Aux termes de l’article L6315-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable entre le 7 mars 2014 et le 10 août 2016 le salarié bénéficiait tous les deux ans d’un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi. Cet entretien qui ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié, donne lieu à la rédaction d’un document dont une copie est remise au salarié.
Postérieurement au 10 août 2016, cet entretien comporte également des informations relatives à la validation des acquis de l’expérience.
Avant 2014, l’entretien avait lieu à la demande du salarié.
M. [A] ne justifie pas avoir demandé cet entretien avant 2014 ; il aurait dû bénéficier d’un entretien entre le 7 mars 2014 et la date de son licenciement.
M. [A] verse aux débats (pièce n°35) un document titré « Entretien professionnel 2015 » : la trame fait apparaître qu’un entretien aurait été mené par M. [S] mais aucune des rubriques (bilan des actions RH et des formatons suivies, projets professionnels, compétence en lien avec le projet professionnel, plan d’action) n’a été remplie. Le document est daté du 1er juillet 2017 et n’est pas signé.
L’attestation de M. [K], président de la société ALLIADIS, fait état d’un entretien annuel portant sur les objectifs et la rémunération.
Il s’en déduit que M. [A] n’a pas bénéficié d’un entretien professionnel tel que prévu à l’article L6315-1 du code du travail.
Le jugement sera confirmé, sauf à ramener le montant des dommages-intérêts à la somme de 300 euros.
Sur le licenciement
M. [A] fait valoir :
que la prise de clichés au cours de la réunion du 17 mai 2017 et l’enregistrement, au cours de la réunion du 12 juin 2017, se sont faites au vu et au su de tous ;
qu’il a photographié des inscriptions sur le tableau et non des personnes, afin de faire redescendre rapidement et précisément des informations aux membres de son équipe ;
que les informations délivrées au cours de ces réunions n’avaient aucun caractère confidentiel ;
qu’aucun élément n’atteste d’une perte de confiance de la part de ses collaborateurs ;
qu’il a été un salarié exemplaire et dévoué pendant plus de 28 ans ;
que son licenciement s’explique par des raisons étrangères aux motifs figurant dans la lettre de licenciement et traduit une volonté de restructuration passant par le départ de nombreux salariés.
La société SMART RX réplique :
que depuis quelques années, elle fait face à une concurrence accrue ;
que certains de ses anciens salariés, partis travailler à la concurrence ont diffusé des informations confidentielles relatives à la stratégie commerciale et qu’elle a engagé à leur égard une action en concurrence déloyale ;
que c’est dans ce contexte qu’elle a découvert que M. [A] avait pris des clichés d’informations confidentielles lors de la réunion du CODIR du 17 mai 2017 ;
qu’il a pris ces clichés, discrètement sous la table, ce qui démontre qu’il n’y était pas autorisé ;
que M. [V] [G], Directeur Général de la société et ancien Manager de M. [A] lui a demandé de mettre un terme à cette pratique, en lui précisant qu’un compte-rendu de la réunion serait envoyé à tous les participants ;
que le 12 juin 2017, alors que le caractère confidentiel en avait été rappelé, M. [A] a enregistré avec son téléphone portable, la réunion ;
qu’il avait pour habitude d’enregistrer les conversations téléphoniques avec des clients ou des collaborateurs ;
que cette pratique est de nature à créer un climat délétère de méfiance contraire aux intérêts de la société ;
qu’elle a vu dans le comportement de son salarié une trahison ;
***
La cause réelle du licenciement est celle qui présente un caractère d’objectivité. Elle doit être existante et exacte. La cause sérieuse concerne une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.
La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables. La datation dans cette lettre des faits invoqués n’est pas nécessaire.
Le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige doit être apprécié au vu des éléments fournis par les parties, étant précisé que, si un doute subsiste, il profite au salarié, conformément aux dispositions de l’article L. 1235-1 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce.
La lettre de licenciement est ainsi libellée :
« Nous faisons suite à l’entretien préalable en date du 5 juillet dernier au cours duquel nous vous avons exposé les raisons nous conduisant à envisager votre licenciement pour faute grave.
Vous occupez la fonction de Directeur Régional Commercial Sud-Est au sein de la société Alliadis et êtes, à ce titre, membre du Comité de Direction élargi.
Dans le cadre de votre fonction, vous agissez par délégation de pouvoirs du Directeur général et représentez l’entreprise tant en interne qu’en externe.
Nous avons récemment découvert des éléments d’une gravité certaine concernant vos pratiques professionnelles, nous contraignant à prendre les mesures qui s’imposent et ainsi engager une procédure de licenciement.
Au regard de votre conduite, nous nous sommes trouvés dans l’obligation de vous mettre à pied à titre conservatoire dans l’attente de faire toute la lumière sur ces événements.
Reprenons les faits :
Lors du Comité de Direction élargi qui s’est tenu le 17 mai dernier à [Localité 4], Monsieur [V] [G], Directeur Général, vous a surpris en train de prendre des clichés « par-dessous la table » d’informations présentées comme confidentielles.
Très étonné de ce comportement, il vous a informé que les éléments utiles et nécessaires de la présentation seraient envoyés à l’ensemble des participants. Dès lors, nous avez cessé vos agissements.
Lors de l’entretien préalable, vous avez reconnu prendre des clichés de présentations au cours de telles réunions. Cependant, vous ne parvenez pas à envisager le caractère déplacé de cette pratique et minimisez les faits en prétextant qu’il ne s’agit que d’un support à la prise de notes.
Toutefois, nous tenons à souligner que de telles méthodes, sans en avoir préalablement informé les membres présents, s’apparente manifestement à un acte délibéré de dissimulation que nous ne pouvons aucunement cautionner.
Outre la prise de clichés de documents confidentiels, nous avons également été au regret de découvrir que vous procédiez à des enregistrements audios de vos interlocuteurs et ce, sans les en informer au préalable.
Pour exemple, le 12 juin dernier, lors d’une réunion commerciale qui se tenait à [Localité 4], en présence de certains membres du CODIR élargi ainsi que de la responsable ADV, vous avez enregistré près de 3 heures de réunion.
En effet, lors de votre départ des lieux, vous avez oublié votre appareil et l’un de vos collègues présent l’a récupéré pour vous le restituer. C’est ainsi qu’il a pu être découvert que votre téléphone était en cours d’enregistrement.
Vous n’êtes pas sans savoir que le fait d’enregistrer des conversations sans le consentement des personnes présentes peut être répréhensible, tant au sein de notre Groupe que sur un plan légal.
Par ailleurs, vous avez admis qu’il s’agissait d’une pratique courante, reconnaissant même avoir enregistré à leur insu des clients ou prospects lors de rendez-vous commerciaux, ce qui est parfaitement inacceptable.
Force est de constater que vous mettez l’entreprise dans une position véritablement délicate vis-à-vis de ses clients : en effet, vos agissements sont susceptibles de ternir l’image de la société et d’engendrer des conséquences majeures sur le plan commercial.
Plusieurs témoignages confirment qu’il s’agit d’une pratique régulière de votre part, s’étendant même jusqu’à l’enregistrement de conversations téléphoniques.
A ce jour, vos collègues ne sont plus en mesure de vous accorder leur confiance, pourtant fondamentale au regard des fonctions que vous occupez, et nous font part de leurs craintes avérées quant aux échanges et interactions qu’ils ont avec vous.
La confiance est la base même d’une collaboration sereine et efficace. En l’espèce, votre attitude n’est pas conforme à nos exigences professionnelles et ne nous laisse pas envisager une possible amélioration. En notre qualité d’employeur, nous sommes garants d’un certain nombre de règles et de consignes. A ce titre, nous nous devons de faire respecter ces dernières et, tout particulièrement, lorsque les responsabilités morale et éthique de la société et de ses salariés sont engagées.
Enfin, dans un contexte fortement concurrentiel où la confidentialité est de rigueur, nous sommes en droit de nous interroger sur l’utilisation de ces enregistrements et clichés et ce, d’autant plus au regard des multiples informations diffusées à l’extérieur de l’entreprise. Ce phénomène est préjudiciable au bon fonctionnement de notre stratégie commerciale.
La transparence dont fait preuve votre Direction Générale pour parfaire le bon déroulement de votre activité doit être respectée et nous attendons de tout salarié, a fortiori d’un membre du Comité de Direction, un comportement fiable et exemplaire, ce que les derniers évènements ont remis en question.
Ainsi, l’ensemble de ces éléments ne nous permet pas de poursuivre plus avant notre collaboration.
Néanmoins, au regard de votre ancienneté et de l’investissement professionnel dont vous avez fait preuve, nous requalifions le licenciement et abandonnons le motif de faute grave.
Par conséquent, nous vous notifions votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. »
La prise de clichés photographiques lors de la réunion du CODIR élargie du 17 mai 2017 n’est pas contestée par le salarié, qui verse aux débats trois de ces clichés : ces clichés représentent un arbre de mesures à prendre pour le directeur régional commercial, fonction exercée par M. [A] : par exemple, la rubrique « faire grandir » se subdivise en « former ; accompagner en clientèle » et « stratégies commerciales » et la rubrique « évaluer » en « point régulier » « recadrer si nécessaire » et « EAE ».
Le caractère confidentiel de ces informations ne transparaît pas et au surplus, dès que M. [G] a avisé M. [A] que l’ensemble des éléments nécessaires de la présentation seraient envoyés à l’ensemble des participants, M. [A] a cessé de prendre des photos.
Hormis ces trois clichés, versés par le salarié, la teneur de la réunion n’est établie par aucune pièce de sorte que leur caractère confidentiel n’est pas démontré.
M. [A] ne conteste pas avoir enregistré, avec son téléphone portable, toute ou partie de la réunion du 12 juin 2017.
Il ressort de l’attestation de Mme [P], directrice marketing et communication, ayant participé à cette réunion, que cet enregistrement s’est fait sans en avoir informé au préalable les participants.
M. [U], directeur relation clients, témoigne avoir constaté, à plusieurs reprises, que M. [A] enregistrait les appels clients et une conversation téléphonique avec lui M. [U] ajoute qu’il alors décidé de limiter au maximum les échanges téléphoniques sur le portable de M. [A] et souligne la suspicion que cette pratique amène.
En dehors de ces deux témoignages, l’un déplorant une pratique ponctuelle, l’autre une pratique usuelle, l’employeur ne verse pas de témoignage d’autres salariés ou de clients se plaignant de cette pratique.
L’enregistrement des propos des participants à une réunion, sans les en informer et sans leur accord, constitue une atteinte à la vie privée.
La perte de confiance des collaborateurs, alléguée dans la lettre de licenciement, n’est pas établie.
Les suspicions de l’employeur sur l’utilisation de ces enregistrements ne sont pas étayées. Si la société SMART RX justifie avoir engagé une procédure sur requête devant le président du tribunal de grande instance de Montpellier, contre des sociétés concurrentes employant d’anciens salariés, dont M. [C], aux fins de constat d’actes de concurrence déloyale, M. [A] justifie avoir alerté, au mois de septembre 2016, son employeur, sur les pratiques de cet ancien salarié.
C’est donc à la suite de cette information de M. [A] que la procédure a été engagée.
Dès lors, l’employeur ne pouvait nourrir de telles suspicions à son égard.
Compte tenu de l’ancienneté du salarié et de sa loyauté, les griefs de prise de clichés et d’enregistrement d’une réunion ne sont pas suffisamment grave pour justifier son licenciement.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences du licenciement :
M. [A] soutient :
que son salaire de référence doit inclure les heures supplémentaires effectuées et qui auraient dû lui être payées, soit un salaire reconstitué de 38 277,76 euros ou subsidiairement de 37 682,56 euros et non 17 509,46 euros comme retenu par le conseil de prud’hommes ;
qu’il a eu besoin de deux années pour retrouver une activité professionnelle, bien différente de celle qu’il exerçait précédemment, en terme d’équipe et de rémunération
qu’en raison de son ancienneté, il est fondé à solliciter des dommages-intérêts correspondant à 24 mois de salaire ;
qu’il a fait l’objet d’un arrêt maladie en raison de l’anxiété réactionnelle à la procédure de licenciement qui a été brutale ;
qu’il n’a pas été autorisé à se rendre sur son lieu de travail pour récupérer ses affaires personnelles
La société SMART RX réplique :
que M. [A] ne justifie pas de son préjudice économique ;
qu’il bénéficie de l’allocation de retour à l’emploi depuis décembre 2017 et a accompli seulement deux actions dans le cadre de sa recherche d’emploi ;
que la base de calcul est erronée puisque M. [A] rajoute les heures supplémentaires ;
que la procédure de licenciement a été parfaitement respectée.
***
M. [A] comptant plus de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise au jour de son licenciement et celle-ci employant habituellement au moins onze salariés, trouvent à s’appliquer les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, selon lesquelles, en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
En incluant le rappel de rémunération alloué au titre des heures supplémentaires réalisées (soit 1 757 euros par mois en moyenne), le salaire mensuel moyen des six derniers mois de M. [A] s’élève à 19 266 euros .
En considération de sa situation particulière, notamment de son âge (57 ans) et de son ancienneté au moment de la rupture, des circonstances de celle-ci, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation, le conseil de prud’hommes a quelque peu sous-évalué le préjudice subi par M. [A] et l »indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être portée à la somme de 350 000 euros.
Le licenciement peut causer au salarié un préjudice distinct de celui lié à la perte de son emploi, en raison des circonstances brutales ou vexatoires qui l’ont accompagné, permettant au salarié de demander réparation de son préjudice moral, sur le fondement de la responsabilité civile prévue aux articles 1 240 et suivants du code civil dans leur version applicable à l’espèce.
M. [A] sollicite une indemnité complémentaire au titre de procédé vexatoire dans la mise en ‘uvre de la mesure de licenciement ; il fonde sa demande sur l’exécution déloyale du contrat de travail.
Il verse aux débats une ordonnance d’un médecin, en date du 27 juin 2017, soit le lendemain de la mise à pied conservatoire et un arrêt de travail, en date du 27 juin 2017, sur lequel il est mentionné à la rubrique « éléments d’ordre médical » : « anxiété réactionnelle suite à problèmes au travail ».
Pour autant, cela n’établit pas le préjudice distinct de celui lié à la perte de l’emploi.
Sur les autres demandes :
Le recours de M. [A] étant pour partie accueilli, la société SMART RX anciennement dénommée ALLIADIS, sera condamnée aux dépens d’appel.
Il est équitable de condamner la société SMART RX à payer à M. [A] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement :
INFIRME le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de M. [A] en paiement d’heures supplémentaires, condamné la société SMART RX à payer à M. [A] une somme au titre des primes CEGELEASE, rejeté la demande de M. [A] au titre de l’engagement de 2015 sur la garantie de salaire 2014, partiellement rejeté sa demande en paiement d’un solde de rémunération brute forfaitaire et en ce qui concerne le montant des dommages intérêts alloués au salarié en raison de l’absence d’entretien professionnel et en raison de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ;
Statuant à nouveau sur ces chefs,
CONDAMNE la société SMART RX à payer à M. [A] les sommes de :
58 000 euros au titre des heures supplémentaires outre 5 800 euros au titre des congés payés afférents
4 632,50 euros au titre de l’arriéré sur rémunération brute forfaitaire pour les mois de janvier et février 2017
713,25 euros au titre des congés payés afférents à l’arriéré de rémunération brute de janvier à mars 2017 ;
8 500 euros au titre de l’engagement de 2015 sur la garantie de salaire 2014
CONDAMNE la société SMART RX à payer à M. [A] la somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts en raison du défaut d’entretien professionnel ;
CONDAMNE la société SMART RX à payer à M. [A] la somme de 350 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
DÉBOUTE M. [A] de sa demande au titre des primes CEGELEASE ;
CONFIRME le jugement pour le surplus de ses dispositions
Y ajoutant,
DÉCLARE irrecevable la demande au titre du temps de trajet ;
CONDAMNE la société SMART RX aux dépens d’appel ;
CONDAMNE la société SMART RX à payer à M [A] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE