COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 10 FEVRIER 2023
N°2023/ 038
Rôle N° RG 19/05816 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEC43
[S] [Y]
C/
SA GROUPE CIOA
Copie exécutoire délivrée
le : 10/02/2023
à :
Me Sophie CAÏS, avocat au barreau de TOULON
Me Danielle DEOUS, avocat au barreau de TOULON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULON en date du 27 Février 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00670.
APPELANT
Monsieur [S] [Y], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Danielle DEOUS, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
SA GROUPE CIOA, demeurant [Adresse 2] / FRANCE
représentée par Me Sophie CAÏS, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Novembre 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe SILVAN, Président de chambre, et Madame Estelle de REVEL, Conseiller, chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des éléments du dossier dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SILVAN, Président de chambre
Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre
Madame Estelle de REVEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Février 2023..
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Février 2023.
Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. [K] [Y] a été engagé en qualité de Webdevelopper par la société Groupe Cioa selon contrat de travail à durée indéterminée du 16 mai 2011.
En 2017, M. [Y] a fait l’objet de plusieurs avertissements qu’il a contesté.
Le 26 janvier 2017, il a été placé en arrêt de travail et son contrat s’est trouvé suspendu jusqu’au 14 mai suivant.
Le 2 juin 2017, M. [Y] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Le 26 septembre 2017, le salarié a saisi le conseil des prud’hommes de Toulon aux fins de voir annuler les avertissements du 26 janvier 2017, 9 février 2017 et 3 mars 2017, dire que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et voir la société condamnée au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire et d’indemnités de rupture.
Par jugement du 27 février 2019, le conseil de prud’hommes de Toulon a :
‘DIT que la prise d’acte de rupture du contrat de travail par Monsieur [S] [Y] doit avoir les effets d’une démission.
CONDAMNE Monsieur [S] [Y] à payer à la SA GROUPE CIOA la somne de :
5 253,96 (cinq mille deux cent cinquante trois euros, quatre vingt seize centimes) à titre d’indemnité de préavis,
CONDAMNE la SA GROUPE CIOA, en la personne de son représentant légal, à payer à Monsieur [S] [Y] la somme de : 691,26 € (Six cent quatre vingt onze euros, vingt six centimes) au titre de salaire restant dû;
DIT que Monsieur [S] [Y] pourra procéder par compensation à payer à la SA GROUPE CIOA la somme de 4 562,70 € (Quatre mille cinq cent soixante deux euros, soixante dix centimes).
CONSTATE que Monsieur [S] [Y] a abandonné son poste le 14 mai 2017;
DEBOUTE Monsieur [S] [Y] du surplus de ses demandes;
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
CONDAMNE Monsieur [S] [Y] aux entiers depéns.’
M. [Y] a relevé appel du jugement le 9 avril 2019.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 octobre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens, M. [Y] demande à la cour de :
‘INFIRMER le jugement entrepris dans toutes ses dispositions critiquées,
ECARTER des débats la pièce adverse n°1,
ANNULER les avertissements des 26/01/2017, du 09/02/2017 et du 03/03/2017 non justifiés
CONDAMNER la société Groupe CIOA à payer à Monsieur [S] [Y] les sommes suivantes:
– 832.35 € au titre des heures supplémentaires non payées (41h18),
– 83.23 € au titre des congés payés sur heures supplémentaires,
– 1030 € au titre des congés exceptionnels pour événement familial (article 29 de le CCN),
– 3000 € à titre de dommages et intérêts pour non-paiement de la prime de vacances (article 31 de la CCN),
JUGER que la prise d’acte de rupture du contrat de travail de M [S] [Y] est fondée et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNER la société Groupe CIOA à payer à Monsieur [S] [Y] les sommes suivantes:
– 5252 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis
– 525.20 € au titre des congés payés sur préavis
– 3151 € au titre de l’indemnité de licenciement
– 16000 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– 15756 € au titre du travail dissimulé (Article L8223-1 du code du travail)
ORDONNER à la société Groupe CIOA à remettre à Monsieur [S] [Y] les documents rectifiés lui revenant, sous astreinte de 100 € par jour de retard soit :
– Bulletins de salaires
– Attestation POLE EMPLOI
– Certificat de travail
CONFIRMER le jugement rendu dans sa disposition ayant condamné la société GROUPE CIOA à payer à M [Y] [S] la somme de 691.26 € NET au titre du solde de salaire dû
DEBOUTER La société CIOA de toutes ses demandes fins et conclusions,
CONDAMNER Groupe CIOA à payer à Monsieur [S] [Y] la somme de 4000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 DU CPC d’appel ainsi qu’aux entiers dépens comprenant les frais de signification par huissier de la déclaration d’appel et des conclusions et pièces au soutien de l’appel.’
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 octobre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens, la société Groupe Cioa demande à la cour de :
‘CONFIRMER-le jugement rendu le 27 Février 2019 par le Conseil de Prud’hommes de TOULON dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il n’a pas condamné Monsieur [S] [Y] à indemniser la SA GROUPE CIOA au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile, et l’INFIRMER à ce titre.
DEBOUTER Monsieur [S] [Y] des fins de son appel
CONDAMNER Monsieur [S] [Y] à payer à la SA GROUPE CIOA la somme de 3.600 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile’.
MOTIFS DE LA DECISION
I. Sur le constat d’huissier du 16 janvier 2017 :
Moyens des parties:
M. [Y] demande d’écarter des débats le constat d’huissier du 16 janvier 2017, produit par la société groupe CIOA aux motifs que celui-ci n’est pas conforme aux exigences techniques requises pour de tels actes, ni au protocole AFNOR.
L’intimé réplique que l’huissier de justice qui a établi le procès-verbal a respecté les pré-requis en la matière et que les captures d’écran ont été faites régulièrement.
Réponse de la cour:
la norme NF Z67-147 de septembre 2010, dont les articles 4.2.1 et 4.2.2 détaillent un certain nombre de travaux devant être respectés par un procès-verbal de constat sur internet:
En premier lieu et comme pour tout constat, le constat Internet donne une date et une heure certaine aux captures réalisées (synchronisations avec l’horloge atomique).
Avant le constat, l’huissier va s’assurer de l’absence de parasite entre son poste informatique et le site visé par les captures (absence de proxy, de virus etc’).
Au dela de la simple capture, l’huissier va en outre décrire le cheminement nécessaire pour parvenir au site ou à la page visée, il va en outre en capturer le code source, le cheminement réseau pour y parvenir, le ping et les données de propriété du site (whois).
En l’espèce, le procès-verbal de constat effectué le 16 janvier 2017 à la requête de la société groupe CIOA sur le poste de travail informatique de M. [I], de la société groupe CIOA ne comporte aucune mention de ces travaux obligatoires tels que la mention de l’adresse IP qui identifie le matériel, la suppression des caches avant consultation, la vérification que l’ordinateur est connexé à un serveur PROXY, la preuve de l’existence de liens hypertextes vers les pages litigieuses, la suppression des cookies, et l’heure de début, ce qui démontre une violation de cette norme puisque l’huissier de Justice s’est contenté de faire usage du moteur de recherches Google comme tout un chacun.
Cette norme ne revêt cependant aucun caractère réglementaire. La violation par l’huissier instrumentaire de ces prescriptions techniques, qui relève des bonnes pratiques destinées à s’assurer de la sincérité des données informatiques recueillies, ne permet pas de lui conférer force probante.
II. Sur l’exécution du contrat de travail
1) Sur l’annulation des avertissements
– l’avertissement du 26 janvier 2017 :
Moyens des parties :
M. [Y] demande à la cour d’annuler l’avertissement qui n’est pas justifié selon lui. Il soutient qu’il n’est pas démontré qu’ait existé une opération de concurrence ou de plagiat réalisée par une ancienne salariée, que les captures d’écran produites par l’intimé ne le concernent pas et qu’il n’a lui-même jamais reconnu avoir participé à la création de la plate-forme informatique gérée par Mme [R] contrairement à ce qu’affirme l’employeur dans l’avertissement.
Il indique avoir contesté l’avertissement.
L’intimé affirme que le salarié a participé à la création du site web de Mme [R], ancienne salariée de la société, laquelle a plagié le concept et la plate-forme de commerce en ligne créé par la société groupe CIOA.
La société soutient que c’est M. [I], ancien responsable du service informatique qui a développé le site litigieux et que M. [Y] est intervenu ponctuellement.
La société indique par ailleurs avoir déposé plainte à l’encontre de Mme [R]
Réponse de la cour:
Aux termes des articles L.1331-1 et L.1333-2 du code du travail, le juge prud’homale peut, au vu des éléments que doit fournir l’employeur et de ceux que peut fournir le salarié, annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
L’avertissement est une sanction mineure n’appelant pas la mise en oeuvre de la procédure disciplinaire.
Aux termes de l’avertissement du 26 janvier 2017, l’employeur indique avoir découvert qu’une ancienne salariée avait développé ‘un concept concurrent au nôtre, plagiant notre modèle. Nous avons également découvert qu’elle a bénéficié de l’aide de certains salariés actuellement employés au sein de notre société. La page facebook de Mme [R] mentionne ceux de nos salariés qui ont contribué à l’aider dont vous faites parties. Vous avez reconnu l’avoir aidée de manière ponctuelle. L’enquête interne que nous avons menée nous a permis de découvrir qu’une ou plusieurs personnes du service informatique accédaient pendant les horaires de travail à la plate-forme d’administration de son site. Or, il apparaît que seules deux personnes disposent de ces codes permettant cet accès, vous et M. [I]. Vous nous avez fait valoir que si vous aviez eu à vous connecter sur le site incriminé pendant vos heures de travail, c’était au bénéfice de développements à faire chez nous (…). Nous vous rappelons que votre contrat de travail comporte une clause d’exclusivité et de loyauté. Nous ne pouvons tolérer que le savoir-faire acquis au sein du groupe CIOA soit utilisé à des fins étrangères à notre activité, pendant les heures de travail et, au surplus, au bénéfice d’un concurrent déloyal’.
A l’appui, la société produit, hors constat d’huissier, une capture d’écran d’une page partenariat du site AVE Opportunité Internationale où apparaît la mention groupe CIOA, une capture d’écran recherche google CIOA Mexique sans explication, une capture d’écran des mentions légales du site, une capture d’écran d’une page GOOGLE faisant référence à [V] [R] CIOA-Mexique Viadeo, une capture d’écran du 24 décembre 2016 de la page facebook de Mme [R] dans laquelle elle remercie notamment un prénommé [G] (a priori M. [Z] [I], salarié de la société ayant fait l’objet d’un licencient) et [S] (a priori M. [S] [Y]) pour certaines intégrations du site, ainsi qu’une ‘Plainte contre X avec constitution de partie civile’ faite par le conseil de la société groupe CIOA pour un plagiat de sa plate-forme de marché qui ne comporte cependant pas de date de dépôt.
Ces pièces permettent de démontrer que Mme [R] a développé un site présentant des analogies avec la société groupe CIOA. Cependant, la société groupe CIOA ne démontre pas qu’il y a une identité parfaite entre son site informatique et celui développé par Mme [R] et donc plagiat; elle ne procède à ce titre que par allégation.
Rien n’est produit quant au ‘modèle’ ou au ‘concept’ qui aurait été copié, et rien n’est précisé quant à une quelconque protection dont bénéficierait la société.
Par ailleurs, la réalité et l’ampleur de l’aide reprochée apportée par M. [Y] ne sont pas suffisamment établies par les éléments susvisés, l’employeur faisant état d’une aide ponctuelle.
Enfin, le caractère fautif des faits allégués n’est pas justifié au regard de la clause contractuelle relative aux obligations professionnelles du salarié, visée dans l’avertissement, en ce qu’elle stipule seulement que l’attention de celui-ci est attirée sur ‘l’exploitation indue des contacts commerciaux de la société et sur le fait qu’il s’engage à observer, tant pendant l’exécution du contrat qu’après, une discrétion professionnelle absolue pour tout ce qui concerne les faits ou informations dont il aura connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de ses fonctions. Il s’engage à ne sortir aucun document de l’entreprise qui ne lui soit personnel.’
La sanction doit en conséquence être annulée.
– l’avertissement du 9 février 2017 :
Moyens des parties :
M. [Y] conteste le grief reproché consistant à n’avoir pas pris en compte le changement d’année dans le codage d’un module informatique et indique avoir répondu point par point aux reproches dans un courrier de contestation.
L’intimé considère que le salarié a commis une négligence professionnelle manifeste justifiant la sanction.
Réponse de la cour :
L’avertissement est libellé comme suit : ‘vous avez été chargé du développement du module gestion des projets/prévisions. (…) Sa création a été commandées pour mettre en place un système fiable permettant d’obtenir en temps réel, les informations sur n’importe quel aspect de nos affaires et extraire les agrégats nécessaires à nos analyses pour nos démarches en tant qu’entreprise côtée. Vous connaissez donc l’importance de ce module. A plusieurs reprises, nous avons eu à vous faire intervenir pour corriger des bugs et des incohérences dans cette application qui vous a déjà mobilisé pendant plusieurs centaines d’heures. Avec la préparation des comptes de l’exercice 2016 passé, nous avons voulu accéder aux données relatives, sans le pouvoir, toutes les données autres que 2017 étant occultées. De nos investigations menées pendant une semaine sur votre codage, il ressort un défaut incompréhensible pour une application de cette nature et pour un développeur de votre niveau de qualification: vous n’aviez tout simplement pas pris en compte dans votre codage le changement d’année, un comble pour une application de gestion, forcément liée à un exercice comptable. Cela a entraîné une perte de temps importante pour le service comptabilité (…). Une manque de cette importance est tellement grossier que seulement deux possibilités peuvent l’expliquer : soit vous avez intentionnellement provoqué cette faute, soit vous avez fait là montre d’une grave défaillance dans l’accomplissement de ce travail (…)’.
M. [Y] a contesté cet avertissement par courrier du 7 mars 2017 expliquant avoir développé en hâte à la demande du responsable du développement, M. [A], une application, deux ans auparavant, lors de l’introduction de la société en bourse afin de rassurer le cabinet d’audit et qu’il n’y a eu une volonté de la finaliser qu’en avril 2016; il ajoute que M. [A] lui a demandé de travailler sur la gestion de logistique, de stock, de commande, d’association pro/facture et non sur la gestion de date. Il explique que le problème de date était identifié dès 2015/2016 et que le projet ‘est loin d’être terminé’ précisant qu’il était encore prévu 80 actions réparties sur 47h30 du travail pendant son arrêt de travail.
La cour relève que le salarié ne conteste pas la matérialité du grief. Ses explications pour justifier que les défauts de fonctionnement et notamment les carences dans le changement d’année ne lui sont pas imputables ne sont pas convaincantes au regard à sa fonction de developpeur web et du caractère essentiel du passage d’année.
La sanction est par conséquent justifiée.
– l’avertissement du 3 mars 2017 :
Moyens des parties :
M. [Y] soutient ne pas avoir été absent lors du contrôle à son domicile durant son arrêt de travail le 15 février 2017 et que personne n’a sonné à sa porte.
La société considère que l’avertissement est justifié.
Réponse de la cour :
La faculté pour l’employeur de faire procéder à une contre-visite médicale pour constater l’absence du salarié résultant de la maladie ou d’un accident lui est ouverte lorsqu’il est tenu, en application de l’article L.1226-1 du code du travail, d’assurer une indemnisation complémentaire à l’allocation journalière de la sécurité sociale.
L’obligation de loyauté qui continue de peser sur le salarié pendant la suspension de son contrat de travail n’est pas affectée par la violation par celui-ci de ses obligations à l’égard de l’organisme de sécurité sociale.
En l’espèce, l’avertissement du 3 mars 2017 est fondé sur l’absence de M. [Y] lors d’un contrôle médical réalisé à son domicile à la demande de l’employeur par un organisme de contrôle médical le 15 février 2017 alors qu’il était en arrêt de travail pour maladie. L’employeur considère qu’il s’agit d’un acte de déloyauté à son égard et un manquement du salarié à ses obligations contractuelles.
Il produit le rapport de contre-visite dont il ressort que le 15 février 2017 à 14h15, ‘le patient n’a pas répondu aux sollicitations du médecin contrôleur’, ‘pas de réponse à la sonnette du portail. Le médecin a tenté de joindre le salarié au téléphone sans succès’.
La cour retient que le fait d’être absent de son domicile lors d’un contrôle ne constitue pas en soi une violation de l’obligation de loyauté à l’égard de l’employeur.
En conséquence, la sanction disciplinaire infligée à M. [Y] n’est pas justifiée et doit être annulée.
2) Sur les congés exceptionnels pour événements familiaux
Moyens des parties :
M. [Y] réclame une somme de 1 030 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à l’obligation d’accorder des absences exceptionnelles en application de l’article 29 de la convention collective.
Il soutient qu’il aurait dû avoir droit à six jours de congés exceptionnels non déduits de ses congés payés pour son mariage (quatre jours) et pour le décès de M. [H] avec lequel il avait un lien de parenté (deux jours).
L’intimé conteste le lien de parenté avec M. [H] et affirme que les quatre jours réclamés au titre du mariage ont été requalifiés en congés exceptionnels après réclamation du salarié et sont venus en augmenter son compte congé du salarié.
Réponse de la cour :
La cour relève en premier lieu que la demande ne concerne plus l’absence pour enfant malade qui avait été rejetée par les premiers juges et qu’il convient donc de confirmer.
L’article L.3142-2 du code du travail prévoit que les congés pour événements familiaux n’entraînent aucune réduction sur la rémunération et sont assimilés à du temps de travail effectif pour la détermination des droits à congés payés. Ils ne peuvent être imputés sur ces derniers.
La convention collective SYNTEC prévoit des autorisations d’absences exceptionnelles non déductibles des congés et n’entraînant pas de réduction d’appointements pour :
-se marier : 4 jours ouvrés ;
-assister aux obsèques de son conjoint ou d’un de ses enfants : 2 jours ouvrés ;
-assister au mariage d’un de ses enfants : 1 jour ouvré ;
-assister aux obsèques de ses ascendants : 2 jours ouvrés ;
-assister aux obsèques de ses collatéraux jusqu’au 2e degré (frère ou s’ur) : 1 jour ouvré;
-assister aux obsèques de son beau-père, de sa belle-mère : 1 jour ouvré.
En l’espèce, M. [Y] est taisant sur la nature et le degré du lien de parenté qui l’unissait à M. [H], décédé le17 avril 2015. Dans un courrier intitulé ‘demande d’éclaircissement’ du 4 avril 2017, il reprochait à son employeur d’avoir comptabilisé en congés payés deux jours pris les 17 et 22 avril 2015 pour le décès de son ‘père’. Or, il ressort de son acte de mariage que M. [H] n’était pas son père et aucune des pièces qu’il produit ne permet de déterminer le lien de parenté existant entre eux.
En l’état de ces éléments, l’employeur n’a commis aucun manquement dans le fait de ne pas avoir qualifié ces jours de congés en absence exceptionnelle et de les avoir comptabilisés en congés payés.
M. [Y] justifie s’être marié le 7 mars 2015. Dans un courrier du 30 juin 2017 de réponse à la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, l’employeur indique qu’il accepte de requalifier en absence exceptionnelle les quatre jours de congés pris pour cet événement et justifie les réintroduire dans le crédit de congés payés en produisant les bulletins de salaire actualisés de janvier à mai 2017.
Au vu de cette régularisation, le salarié ne justifie d’aucun préjudice résultant du manquement initial. La demande de dommages et intérêts doit être rejetée et le jugement confirmé.
3) Sur la prime de vacances
Moyens des parties :
M. [Y] soutient que la prime de vacances ne lui a jamais été versée alors qu’elle lui est due sur une période de trois années. Il réclame des dommages et intérêts à hauteur de 3 000 euros en réparation de son préjudice précisant qu’il ne dispose d’aucun élément pour en déterminer le montant.
La société groupe CIOA n’a pas répondu sur ce point.
Réponse de la cour :
Lorsqu’une prime de vacances est accordée aux salariés en vertu d’un accord collectif, celle-ci s’ajoute à l’indemnité de congés payés et constitue une gratification qui devient une obligation pour l’employeur sauf dénonciation de sa part.
L’article 31 de la convention collective stipule que l’ensemble des salariés bénéficie d’une prime de vacances d’un montant au moins égal à 10% de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l’ensemble des salariés.
Toutes primes ou gratifications versées en cours d’année à divers titres et quelle qu’en soit la nature peuvent être considérées comme primes de vacances à condition qu’elles soient au moins égales aux 10% prévus à l’alinéa précédent et qu’une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre.
C’est à l’employeur de justifier du versement.
La cour observe, à l’instar du salarié, que ce n’est qu’à compter du mois d’avril 2015 que la convention collective SYNTEC a été appliquée à M. [Y]. La prime de vacances n’a en conséquence pas lieu de s’appliquer avant cette date.
La cour relève par ailleurs que le salarié, tout en expliquant n’avoir pas les éléments pour déterminer le montant exact de la prime, indique que lors de l’audience devant le conseil de prud’hommes, l’employeur a communiqué un bulletin de salaire de juin 2017 différent de celui qui lui avait été remis initialement, et sur lequel figure une prime de vacances d’un montant de 603,26 euros. Il soutient que la somme ne lui a pas été versée.
L’employeur produit pourtant l’extrait de compte de M. [Y] après régularisation dont il ressort un virement de 818,66 euros le 2 juin 2017 correspondant au salaire net du mois de juin 2017 figurant sur le bulletin de salaire rectifié et prenant en compte la somme susvisée de 603,26 euros.
Il en résulte que la prime de vacances a été réglée pour l’année 2017 mais pas pour 2016, ni pour 2015 (à partie d’avril).
Au vu de ces éléments, la cour dit qu’un préjudice en est résulté pour le salarié, privé de cette prime durant deux années consécutives, qu’il convient de réparer par l’allocation de la somme de 1 000 euros.
4) Sur les heures supplémentaires
M. [Y] soutient avoir effectué des heures supplémentaires à hauteur de 832,35 euros et considère que l’employeur, qui conteste sa demande, ne justifie pas des horaires de travail qu’il a effectué.
La société réplique que :
– le salarié ne verse aucune pièce justifiant l’accomplissement des heures supplémentaires réclamées et les attestations communiquées sont dépourvues de valeur probante;
– elle a réglé les heures supplémentaires effectuées avant le 25 janvier 2017 dont elle a eu connaissance ;
– le salarié ne peut réclamer paiement d’heures supplémentaires effectuées sans l’accord de l’employeur ;
– les horaires de connexion extraites du serveur de la société sont différents de ceux dont il se prévaut dans le tableau informatique;
– il est possible de modifier manuellement les périodes de temps de travail de chaque collaborateur sur le logiciel informatique, ce qui a pu être fait par le salarié pour produire le listing.
L’article L.3171-4 du code du travail dispose qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
A l’appui de sa demande, M. [Y] présente :
– un décompte du nombre d’ heures supplémentaires effectuées entre le 19 juillet 2016 et le 25 janvier 2017, indiquant la durée et les jours pour un total de 41h18;
– complété par un tableau informatique détaillant les heures de connexion pour la même période;
– l’attestation de M. [I], ancien informaticien au sein de la société ayant fait l’objet d’un licenciement, qui indique avoir demandé à deux reprises par mail à Mme ‘[L] le paiement des heures supplémentaires que M. [Y] avait réalisé dans le cadre d’un projet effectué en septembre 2016 concernant un appel d’offre sur la refonte des sites à Tahiti et également dans le cadre d’un autre projet concernant un site en Martinique; ‘Mme [L] m’a répondu qu’elles seront payées et indemnisées’;
– l’attestation de Mme [F], ancienne collaboratrice de la société, qui affirme que M. [Y] a ‘effectué régulièrement depuis son embauche de nombreuses heures supplémentaires sans être payé notamment pour le dossier OGC de Nice. A de nombreuses reprises, j’ai entendu M. [Y] réclamer, notamment à M. [A] et Mme [L], le paiement de ses heures’.
Ce faisant, M. [Y] présente des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur d’y répondre utilement.
Pour justifier du contrôle effectué sur les horaires du salarié, la société groupe CIOA expose que celui-ci, ayant des fonctions de web-developper, travaillait uniquement de son poste informatique ; elle justifie les horaires auxquels M. [Y] se connectait sur son poste par la production du relevé du serveur informatique de la société entre le 4 juillet 2016 et le 24 janvier 2017.
La société explique que les horaires figurant dans le serveur de la société ne peuvent être modifiés par la main de l’homme alors que le relevé produit par M. [Y] est issu du logiciel de gestion de tâches Kanbanflow qui permet, selon elle, de modifier les périodes de temps de travail de chaque collaborateur. Elle produit un procès verbal dressé au sein de la société le 19 avril 2018 par Maître [X], huissier de justice, ayant procédé aux constatations matérielles sur l’ordinateur de M. [A] lequel a réalisé les manoeuvres informatiques suivantes : il s’est connecté sur le logiciel de gestion de tâches Kanbanflow en tant qu’administrateur, faisant apparaître le tableau de bord, et accédant aux différents comptes utilisateurs du logiciel ; il a procédé aux modification de l’heure de début et de l’heure de fin des périodes de temps de connexion étant apparues initialement (‘l’information du temps passé ‘duration’ se modifie’), puis il est retourné sur le tableau de bord dans lequel, les informations horaires de la tâche ont été modifiées. Plusieurs opérations de modifications des horaires de connexion ont été réalisées par M. [A] au cours de ce constat.
La cour observe que les horaires de connexion produits par l’entreprise sont différents de ceux figurant dans le relevé communiqué par le salarié tout au long de la période litigieuse (notamment le 9 juillet 2016, le 25 juillet 2016, …,), sans que M. [Y] n’apporte d’explication, ni de commentaire à celles fournies par l’intimé.
En outre, il y a lieu d’observer que l’employeur a procédé au paiement d’heures supplémentaires en décembre 2016. Ainsi, onze heures supplémentaires figurent sur le bulletin de salaire de décembre 2016 alors que M. [Y] les mentionnent également dans son décompte dont il réclame paiement.
Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties et des incohérences qui en résultent, la cour n’a pas la conviction que le salarié a effectué des heures supplémentaires demeurées impayées.
La demande est par conséquent rejetée et le jugement confirmé.
III. Sur le travail dissimulé
La cour n’ayant pas retenu l’existence d’heures supplémentaires impayées, ni l’élément matériel, ni l’élément intentionnel de l’infraction ne sont constitués.
La demande doit par conséquent être rejetée et le jugement confirmé.
IV. Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail
La prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.
Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit d’un licenciement nul si les manquements reprochés à l’employeur sont de nature à entraîner la nullité du licenciement, soit dans le cas contraire, d’une démission.
C’est au salarié qu’il incombe de rapporter la preuve des faits qu’il reproche à son employeur, s’il subsiste un doute, celui-ci profite à l’employeur.
La prise d’acte ne produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu’à la condition que les faits invoqués, non seulement, soient établis, la charge de cette preuve incombant au salarié, mais constituent un manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.
A l’appui de la prise d’acte, le salarié est admis à invoquer d’autres faits que ceux avancés dans le courrier de rupture.
En l’espèce, M. [Y] a pris acte de la rupture par lettre du 2 juin 2017 libellée comme suit:
‘Par la présente je prends acte de la rupture de mon contrat de travail, à vos torts exclusifs.
Les motifs de cette prise d’acte sont les suivants :
Je suis employé dans le groupe CIOA depuis le 16/05/2011 en qualité de développeur WEB.
Cet emploi est classé au niveau agent de maîtrise.
Le contrat est conclu à temps complet pour 35h par semaine.
En janvier 2017 et plus exactement dès le 02 janvier vous avez modifié l’horaire de travail dans l’entreprise, horaire qui est passé à 37h50 sans avoir recueilli mon accord préalable.
Il s’agit en effet d’une modification unilatérale du contrat de travail par l’employeur.
Le 26 janvier 2017, vous m’avez adressé un courrier recommandé d’avertissement me notifiant divers reproches infondés au sujet pour résumer d’un prétendu manquement de loyauté de ma part.
Ce manquement selon vous résiderait dans le fait que j’aurais prêté main forte à une ancienne salariée de l’entreprise dans le cadre d’une activité concurrente, ce que je dénie formellement.
L’ambiance de travail est devenue totalement délétère, ces reproches ayant été formulés à l’encontre de plusieurs salariés, et ayant entraîné le départ d’un certain nombre d’entre eux.
J’ai quant à moi, été placé en arrêt de travail en raison des répercussions qu’a eu la situation dans l’entreprise sur mon état de santé.
Je vise en particulier l’entretien du 24/01/2017, lors duquel vous avez envers moi un comportement injurieux grossier et menaçant.
De là, vous avez cru pouvoir développer des reproches relatifs à la qualité technique de mon travail, que j’ai également contesté.
A cette occasion, je vous ai rappelé également les dépassements de travail intervenus, ainsi que le fait que je m’étais trouvé dans l’obligation de travailler pendant mes congés payés de Noël : situation que j’ai accepté contraint et forcé pour le bien de l’entreprise.
Après mon arrêt de travail, j’ai constaté que le versement des compléments de salaires n’était pas réglé, et que je n’étais pas destinataire des bulletins de paie sur cette période.
Si vous m’avez précisé que ces bulletins étaient « à disposition », cette situation peut se concevoir lorsque le salarié est présent dans l’entreprise, mais ne s’explique pas pour le salarié placé en arrêt de travail, pour lequel une transmission par mail s’avère judicieuse et tout à fait réalisable.
De surcroît, même dans le cadre de l’exécution de mon contrat de travail, j’ai toujours rencontré des difficultés pour obtenir les bulletins de paie dont certains étaient manquants et ne m’ont jamais été remis.
A l’occasion de la transmission des bulletins de paie manquants j’ai pu constater un certain nombre d’irrégularités en ce qui concerne les jours de congés exceptionnels sur lesquels je vous ai fait des remarques dans mon courrier du 04/04/2017 : aucune régularisation n’est intervenue.
Je vous ai également demandé le règlement de mes heures supplémentaires et là-dessus également aucune réponse ne m’a été apportée.
Si un versement ponctuel a priori de « complément de salaires » m’a été adressé par virement, il m’est impossible de savoir à quoi il correspond, faute de disposer du bulletin de paie correspondant.
Par ailleurs, même en faisant des calculs approximatifs, ce versement ne peut en aucun cas correspondre à l’ensemble des sommes qui me sont dues.
Enfin, vous ne pouvez ignorer que les heures supplémentaires réalisées et non payées constituent une situation de travail dissimulé (article L 8221-5 du code du travail).
Au vu de mes diverses réclamations demeurées vaines, de la suspicion manifestée à mon égard, nos relations ne peuvent se poursuivre.
De tels manquements rendent impossible la poursuite de mon contrat de travail. (…) »
Dans ses conclusions, M. [Y] fait valoir des griefs qui reprennent le courrier de prise d’acte tout en y ajoutant. Il s’agit :
– des trois avertissements injustifiés
– du non respect de l’obligation légale et conventionnelle en matière de salaire
– du non paiement des heures supplémentaires
– du non paiement des compléments de salaire pendant son arrêt de travail
– du défaut de classification du poste occupé
– de la modification de la convention collective applicable dans l’entreprise
– du travail pendant une période de congés payés
– de la mise en place d’astreinte informatique sans compensation financière
– des fausses accusations et menaces : accusé à tort de vol de propriété intellectuelle
– de la modification de contrat de travail sans avenant
– des congés exceptionnel non attribué pour événements familiaux
– des congés d’ancienneté
– de la prime de vacances non réglées
– de l’absence de remise des bulletins de salaire
Sur la classification du salarié
Moyens des parties
M. [Y] estime qu’en tant que webdevelopper, il aurait dû être classé en qualité de cadre et non d’agent de maîtrise tel que cela résulte de son contrat de travail qui définit ses fonctions de manière approximative. Il considère que l’employeur a gravement manqué à ses obligations contractuelles en omettant de mentionner sur ses bulletins de salaire une quelconque classification en ce que cette situation a eu pour effet de le priver de la position hiérarchique et des avantages liés au statut de cadre.
La société ne conteste pas que la classification du salarié n’est pas indiquée sur ses bulletins de salaire précisant qu’elle a confié l’établissement des bulletins de salaire à un cabinet extérieur qui a omis cette mention. Elle fait valoir l’absence de préjudice lié à cette omission.
Réponse de la cour :
L’article R.3243-1 4° du code du travail édicte que le bulletin de paie comporte l’emploi du salarié ainsi que sa position dans la classification conventionnelle qui lui est applicable. La position du salarié est notamment définie par le niveau ou le coefficient hiérarchique qui lui est attribué.
Cette mention obligatoire permet aux salariés de vérifier si leur niveau de rémunération correspond bien à leur qualification professionnelle.
Il est de jurisprudence constante que la classification du salarié se détermine par les fonctions réellement exercées par celui-ci. En cas de contestation sur la catégorie professionnelle dont relève le salarié, il appartient au juge de recherche la nature de l’emploi effectivement occupé par ce dernier et la qualification qu’il requiert.
En outre, la charge de la preuve pèse sur le salarié qui revendique une classification autre que celle qui lui a été attribuée, les juges du fond appréciant souverainement les éléments qui leur sont soumis.
En l’espèce, le contrat de travail stipule que M. [Y] ‘participe au développement du système d’information propriétaire de l’entreprise, de la maintenance/sécurité réseau et de l’entretien du parc informatique; et qu’il pourra être amené à fournir une assistance aux utilisateurs et clients ainsi qu’à faire de la formation sur l’application de l’entreprise. Il pourra aussi être sollicité lors d’opérations de ventes de cette application’ et qu’il est classé en qualité d’agent de maîtrise.
L’appelant ne démontre pas qu’il exerçait en réalité des fonctions correspondant à la classification des cadres. Aucun élément n’est produit en ce sens et la définition susvisée ne recouvre pas une telle classification.
Il est constant que les bulletins de salaire ne contenaient pas la mention pourtant obligatoire de la classification du salarié.
Pour autant, dès lors que la classification d’agent de maîtrise figurait sur son contrat de travail et que celle revendiquée par le salarié pour justifier le manquement de l’employeur n’est pas retenue, la cour dit que le grief n’est pas constitué, outre l’absence de démonstration d’un préjudice.
Sur la convention collective
Moyens des parties :
L’appelant soutient que l’employeur a gravement manqué à ses obligations contractuelles en ayant changé à trois reprises de convention collective (commerce de gros, importation exportation de France métropolitaine, Syntec) sans préavis pour dénoncer le changement et sans négociation pour parvenir à un accord.
Il fait valoir l’instabilité de son statut qui en est résulté.
La société explique que c’est à la demande de l’INSEE que la convention collective a changé au vu de son activité et qu’il n’y avait pas lieu à préavis ni consultation.
Réponse de la cour:
L’application d’une convention collective au personnel d’une entreprise dépend de l’activité principale de celle-ci, peu important les fonctions assumées par le salarié.
En l’espèce, le contrat de travail indique qu’il est régi par les dispositions de la convention collective nationale de commerce de gros. Le bulletin de salaire du mois d’octobre 2012 mentionne la convention collective importation exportation de France métropolitaine et à partir du mois d’avril 2015, est mentionnée la convention collective Syntec.
Aucune explication, ni aucune pièce ne justifie ces changements de convention collective.
Néanmoins, le salarié se borne à faire état du manquement de l’employeur sans cependant indiquer le préjudice qui en est résulté le concernant.
Le manquement n’est donc pas constitué.
Sur la modification unilatérale du contrat de travail
M. [Y] soutient qu’en janvier 2017 l’employeur a modifié l’horaire de travail en le portant à 162,38 heures applicable dès le mois de janvier 2017 alors qu’il n’a pas signé l’avenant qui lui a été présenté.
La société fait valoir que le salarié a accepté la modification des horaires et de la durée du travail en signant l’attestation de consultation le 2 janvier 2017.
Elle ajoute que cette modification n’a pas pu être matérialisée par la signature d’un avenant puisqu’il a été placé en arrêt de travail à partir du 26 janvier 2017.
Réponse de la cour :
Aux termes de l’article 1193 du code civil, les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise.
Dès lors, la modification du contrat de travail ne peut intervenir que d’un commun accord entre l’employeur et le salarié.
Il n’est pas sérieusement contesté que l’employeur a procédé à une modification de la durée du travail à compter du mois de janvier 2017, sans avoir au préalable procédé à la signature d’un avenant au contrat de travail de M. [Y] qui n’était en congé maladie qu’à partir du 26 janvier 2017 et donc présent dans l’entreprise.
Le manquement est constitué.
Sur le travail pendant une période de congés payés
Moyens des parties :
M. [Y] soutient que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité dès lors qu’il a travaillé pendant ses congés payés de fin d’année à la demande de la société qui avait besoin de volontaires. Il produit un courrier du 7 mars 2017 dans lequel il écrit à l’employeur : ‘je tiens à vous rappeler que le jour de départ en congés pour les fêtes de Noël, il a été demandé aux employés volontaires de venir travailler durant les congés. J’ai immédiatement donné mon accord pour venir travailler et aider à connecter notre système de comptabilité’.
Il indique avoir été payé au titre des heures supplémentaires.
La société ne conteste pas le travail effectué mais soutient qu’il n’y a eu aucune contrainte effectuée sur le salarié qui est venu volontairement tel que cela ressort du courrier susvisé.
Réponse de la cour :
Il n’est pas contesté que le salarié a travaillé volontairement lors de ses congés payés.
En l’état de l’accord de celui-ci, et faute de démontrer un préjudice, aucun manquement de l’employeur à son obligation de sécurité n’est démontré.
Sur les astreintes informatiques
Moyens des parties :
M. [Y] reproche à l’employeur la mise en place d’astreintes informatiques sans rémunération.
La société le conteste.
Réponse de la cour :
La seule production d’une attestation d’une salariée indiquant ‘avoir été témoin lors de différentes réunions de la proposition d’astreintes informatiques (…) sur les différents serveurs et ce sur des périodes d’une semaine, 7j/7″ à M. [Y] qui aurait accepté mais n’aurait pas eu de réponse quant à l’existence d’une rémunération en contrepartie, ne suffit pas à établir la mise en oeuvre de ces astreintes, ni le manquement de l’employeur tel qu’allégué.
Sur le paiement des indemnités complémentaires pendant l’arrêt de travail
Moyens des parties :
M. [Y] reproche d’une part le retard dans le paiement des compléments de salaire par l’employeur pendant son arrêt de travail, d’autre part des sommes restant dues à ce titre.
Il demande la confirmation de la décision des premiers juges ayant condamné la société à lui verser la somme de 691,26 euros.
La société ne conteste pas le retard dans le paiement de ces indemnités complémentaires mais soutient qu’il est imputable au salarié qui ne lui communiquait pas ses arrêts de travail et à l’organisme de sécurité sociale qui réglait ses prestations tardivement.
Réponse de la cour :
L’article L.1226-1 du code du travail édicte que tout salarié ayant une année d’ancienneté dans l’entreprise bénéficie, en cas d’absence au travail justifiée par l’incapacité résultant de maladie ou d’accident, d’une indemnité complémentaire à l’allocation journalière prévue à l’article L.321-1 du code de la sécurité sociale.
Le décalage qui peut se produire entre l’échéance de la paie et le paiement opéré par la sécurité sociale à l’employeur ne permet pas toujours de déterminer à l’avance avec certitude le montant effectif des indemnités journalières. Cependant, l’employeur doit payer intégralement le salaire à l’échéance normale de la paie et prélever les cotisations salariale sur ce salaire. Il sera amené à procéder à une régularisation lorsqu’il aura perçu les indemnités journalières de la sécurité sociale.
En l’espèce, s’agissant des retards de paiement que la société ne conteste pas, celle-ci produit un échange de mails avec le salarié le 15 mars 2017 dont il ressort que c’est M. [Y] qui a tardé dans la communication de son arrêt maladie à cette date.
Cependant par mail du 2 mai 2017, M. [Y] indique à son employeur qu’il lui communique ‘ le nécessaire pour le calcul des indemnités journalières, concernant la période de mars et avril. Concernant la période de mars, la CPAM est en train de faire le nécessaire pour corriger leur problème de saisi. Dans votre courrier du 19 avril, vous m’avez fait part d’une prise de solution pour le paiement du complément de salaire de mars. Avez-vous fait transmettre la demande au réglement ».
La société produit son courrier du 30 juin 2017 de contestation de la prise d’acte du salarié et l’extrait de compte de M. [Y] dont il ressort qu’au 5 juillet 2017, elle avait réglé une partie des indemnités (celles courant entre le 24 janvier et le 30 avril 2017).
Ces éléments établissent que les compléments de salaire des mois de mars et avril 2017 ont été payés entre le 2 mai et le 5 juillet 2017 et que le retard est imputable à l’employeur.
S’agissant du solde restant dû sur ces indemnités complémentaires, conformément à la demande du salarié, il convient de confirmer la décision des premiers juges ayant condamné l’employeur au paiement d’une somme non contestée de 691,26 euros, étant observé que celui-ci demande confirmation de la totalité du jugement (sauf le rejet de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile).
Sur les fausses accusations et menaces
Moyens des parties :
M. [Y] soutient que l’employeur lui a imputé à tort un vol de propriété intellectuelle et l’a dénigré et menacé devant l’ensemble de ses collègues lors d’une réunion le 2 janvier 2017 ce qui a porté atteinte à son honneur et à sa dignité.
L’employeur ne conteste pas l’existence de la réunion mais affirme avoir seulement formulé les griefs retenus à l’encontre de M. [Y] et ayant donné lieu à l’avertissement sans qu’il ne s’agisse de propos injurieux ou menaçants.
Réponse de la cour :
L’appelant produit l’attestation de salariés dont celle de M. [I] qui indique que l’ensemble des salariés ont été réunis dans l’open space et que M. [U] a proféré devant de nombreux témoins des accusations et menaces infondées à l’encontre de M. [Y] et lui-même, espionnage pillage de droits intellectuels, plagiat, trahison, perquisition au domicile des salariés, ainsi que des menaces d’emprisonnement faisant valoir que s’il le souhaitait certaines personnes ne dormiraient pas chez elle le soir même.
Il est constant qu’un avertissement a été infligé à M. [Y] fondé sur les faits ayant donné lieu à cette réunion, qui a été annulé par la cour dans le présent arrêt.
La cour estime que c’est à tort que l’employeur s’est adressé à l’intéressé dans les termes susvisés.
Sur le congés d’ancienneté
Moyens des parties :
M. [Y] soutient qu’en vertu de la convention collective, il doit bénéficier d’un jour de congés payés supplémentaire dès 5 ans d’ancienneté, soit pour les années 2016 et 2017. Il reconnaît en avoir bénéficié pour 2017.
La société n’a pas répliqué.
Réponse de la cour :
L’article 23 de la convention collective SYNTEC prévoitr que le salarié ayant au moins 1 an de présence continue dans l’entreprise à la fin de la période ouvrant droit aux congés payés aura droit à 25 jours ouvrés de congés (correspondant à 30 jours ouvrables). Il est en outre accordé en fonction de l’ancienneté acquise à la date d’ouverture des droits :
après une période de 5 années d’ancienneté : 1 jour ouvré supplémentaire ;
après une période de 10 années d’ancienneté : 2 jours ouvrés supplémentaires ;
après une période de 15 années d’ancienneté : 3 jours ouvrés supplémentaires ;
après une période de 20 années d’ancienneté : 4 jours ouvrés supplémentaires.
M. [Y] étant entré dans la société en juin 2011 avait une ancienneté de 5 années au mois de juin 2016, de sorte qu’il avait droit à compter de cette date à un jour supplémentaire.
Or, seul le bulletin de salaire du mois de juin 2017 mentionne un congés d’ancienneté à hauteur de 121,34 euros.
Sur la remise des bulletins de salaire
Moyens des parties
L’appelant reproche à la société de ne pas lui avoir délivré la totalité de ses bulletins de salaire.
La société réplique que le salarié ne précise pas ceux qui n’ont pas été délivrés et qu’elle a communiqué l’ensemble des bulletins de paie.
Réponse de la cour
En application de l’article L.3243-2 du code du travail, à défaut de remise du bulletin de salaire au salarié, l’employeur doit le lui faire parvenir par tous moyens ; il ne peut se contenter de tenir le bulletin de paie à la disposition du salarié.
En l’espèce, M. [Y] produit son courrier du 6 février 2017 aux termes duquel il réclame ses bulletins de paie pour les mois de mars, mai, octobre, novembre et décembre 2016 ainsi que janvier 2017; ainsi que la réponse de la société le 9 février suivant lui rappelant que la pratique ‘depuis que vous êtes en poste a toujours été, pour vous comme pour tous les autres collaborateurs de l’entreprise, de récupérer les fiches de paie au bureau de Mme [L], la responsable administrative (…). Ceux que vous réclamez vous ont été remis au même titre que tous les autres depuis votre embauche. Cependant, nous n’avons bien sûr aucune difficulté à vous en adresser de nouveau un exemplaire, que vous trouverez ci-joint’.
Au vu de ces éléments, la cour dit qu’il n’est pas démontré que les bulletins de paie n’aient pas été délivrés selon les exigences légales.
Sur les avertissements
La cour a annulé les avertissements du 26 janvier 2017 et du 3 mars 2017.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les griefs matériellement établis ont été ponctuels s’agissant notamment des primes de vacances et du complément de salaire non versés et ont porté sur des sommes minimes ; ils sont anciens pour deux d’entre eux par rapport à la date de la prise d’acte (les propos tenus lors d’une réunion le 2 janvier 2017 et les avertissements injustifiés).
La modification du contrat de travail, qui n’a porté que sur 2 heures 30 hebdomadaires et a eu par ailleurs un effet positif sur la rémunération de M. [Y], n’apparaît pas constitutive chez l’employeur d’un manquement suffisamment grave de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.
Par confirmation du jugement, il y a donc lieu de dire que la prise d’acte produit les effets d’une démission et de rejeter l’ensemble des demandes financières subséquentes.
V. Sur les autres demandes
L’appelant succombant au principal, il convient de le condamner à payer à la société groupe CIOA la somme 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Dit n’y avoir lieu à écarter des débats le constat d’huissier de justice du 16 janvier 2017,
Confirme le jugement entreprise SAUF :
– le rejet de la demande d’annulation des avertissements des 26 janvier 2017 et 3 mars 2017,
– le non paiement de la prime de vacances
Statuant à nouveau et Y ajoutant
Annule les avertissements du 26 janvier 2017 et du 3 mars 2017,
Condamne la société Groupe CIOA à payer à M. [K] [Y] la somme de 1 000 euros au titre de la prime de vacances,
Déboute M. [Y] de ses autres demandes,
Condamne M. [Y] à payer à la société Groupe CIOA la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne M. [Y] aux dépens de première instance et d’appel
LE GREFFIER LE PRESIDENT