TP/SB
Numéro 23/1927
COUR D’APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 01/06/2023
Dossier : N° RG 21/02324 – N° Portalis DBVV-V-B7F-H5R5
Nature affaire :
Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail
Affaire :
[G] [Z]
C/
S.A.S. INDARKI
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 01 Juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 06 Mars 2023, devant :
Madame PACTEAU, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, greffière.
Madame PACTEAU, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame CAUTRES, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU,Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [G] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Maître CREPIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de PAU, et Maître GOMEZ-TALIMI de la SCP PDGB, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
S.A.S. INDARKI venant aux droits de la SAS TERROIR DEVELOPPEMENT
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Maître CLAIR de la SCP ACTEIS, avocat au barreau de TOULOUSE
sur appel de la décision
en date du 22 JUIN 2021
rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE DAX
RG numéro : F20/00032
EXPOSE DU LITIGE
La Société par actions simplifiée (SAS) Terroir Développement a été constituée le 24 août 2006. Il s’agit d’une société holding qui a pour objet la prise de participations, les prestations de services et le management des filiales, placement et gestion de ses disponibilités.
La société Terroir Développement a été en charge de piloter, animer en tant que holding, deux filiales’:
– la société Salaison Dupoux,
– Les établissements Baillet.
Les parties sont contraires sur le statut de M. [G] [Z], salarié ou non, occupé depuis la création et ce jusqu’au 1er mars 2019, date à laquelle il est nommé directeur projet groupe, salarié, sans qu’aucun écrit ne soit toutefois formalisé.
Par courrier du 20 mai 2019, M. [Z] a été convoqué à un entretien préalable, qui s’est tenu en sa présence le 28 mai 2019.
Par courrier du 04 juin 2019, la Société Terroir Développement l’a licencié pour faute grave.
Le 25 juin 2019, la société Établissements Baillet a convoqué M. [G] [Z] en vue de procéder à la révocation de son mandat social de directeur général et du comité de direction.
Le 16 mars 2020, M. [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Dax, afin, notamment, de contester la mesure de licenciement et d’obtenir un rappel de salaire.
Le 19 novembre 2020, la société Terroir Développement a été dissoute sans liquidation, avec transmission universelle de patrimoine à la Société Indarki en date du 25 janvier 2021.
Par jugement en date du 22 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Dax a :
débouté M. [Z] de l’ensemble de ses demandes,
débouté la SAS de ses demandes reconventionnelles,
dit que les dépens restent à la charge de chaque partie.
Par acte en date du 8 juillet 2021, M. [Z] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 24 janvier 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, M. [G] [Z] demande à la cour de :
-le recevoir en ses écritures et l’y déclarer bien-fondé,
-confirmer le jugement rendu le 22 juin 2021 en ce qu’il a débouté la SAS Terroir Développement de ses demandes reconventionnelles,
-infirmer le jugement du 22 juin 2021 en ce qu’il l’a débouté de l’intégralité de ses demandes,
En conséquence :
-juger que son licenciement doit être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-juger qu’il a également exercé les fonctions de Directeur de production,
– condamner la société à lui payer les sommes suivantes :
200.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (à titre principal), 56.626,46 euros (à titre subsidiaire), ou 44.474,54 euros (à titre très subsidiaire),
100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture vexatoire et brutale,
15.443,58 euros à titre d’indemnité de préavis, outre 1.544,36 euros au titre des congés payés y afférents (à titre principal), ou 12.129,42 euros, outre 1.212,94 euros au titre des congés payés y afférents (à titre subsidiaire),
21.723,97 euros (à titre principal), ou 17.062,05 euros (à titre subsidiaire) à titre d’indemnité de licenciement,
25.000 euros à titre d’indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail,
50.296,69 euros à titre de rappel de salaire (poste de Directeur de production – sur la base du salaire correspondant à la classification 3.3 coefficient 270) de juin 2016 à fin février 2019, outre 5.029,67 euros au titre des congés payés y afférents,
30.887,16 euros (à titre principal) ou 24.258,84 euros (à titre subsidiaire) à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
2.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens,
– assortir les condamnations des intérêts à taux légaux et de l’anatocisme,
– ordonner la remise des bulletins de salaire et documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 20 décembre 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, la SAS Indarki demande à la cour de :
-confirmer le jugement dont appel,
-débouter purement et simplement M. [Z] de l’ensemble de ses demandes,
-condamner M. [Z] à la somme de 3500 euros sur le fondement de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le’6 février 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
I. Sur le statut de M. [Z] avant le 1er mars 2019
L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée cette activité.
Le lien de subordination, qui caractérise le contrat de travail résulte de l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
L’existence d’un cumul d’un mandat social et d’un contrat de travail implique l’exercice de fonctions techniques distinctes, dans un lien, ou un état, de subordination, apprécié souverainement par les juges du fond.
Dans les sociétés par actions simplifiées, le cumul n’est soumis à aucune condition particulière.
L’appréciation des faits par les juges du fond pour caractériser le contrat de travail est souveraine.
Il appartient à celui qui revendique l’existence d’un contrat de travail d’en rapporter la preuve, et par conséquent d’établir qu’il accomplissait une prestation de travail dans un lien de subordination à l’égard de la personne ou de la société avec laquelle il invoque une relation de travail salariée et à celui qui invoque le caractère fictif d’un contrat apparent d’en rapporter la preuve.
M. [Z], sollicite l’infirmation du jugement et soutient qu’il est salarié depuis octobre 2006 et plus particulièrement qu’il a occupé les fonctions salariées suivantes’:
d’octobre 2006 à décembre 2014, directeur général des sociétés Terroir Développement et Dupoux,
de janvier 2015 à février 2019, directeur général des sociétés Terroir Développement, Baillet et Dupoux,
de mars 2019 à mai 2019, directeur projet groupe,
de janvier 2015 à février 2019, directeur de production des sites Baillet et Dupoux.
M. [Z] soutient donc avoir occupé, dans une même période (2015 à 2019) et simultanément :
trois postes salariés de directeur général (Terroir Développement, Dupoux et Baillet),
en sus de deux postes salariés de directeur de production (Dupoux et Baillet),
et en sus de trois mandats sociaux (Terroir Développement, Dupoux et Baillet).
La lecture attentive des pièces de M. [Z] permet d’établir les éléments suivants.
Il ressort du pacte d’associés produit par M. [Z] que la société Terroir Développement a été constituée le 24 août 2006.
La société Terroir Développement était à cette période là, la holding de la société SAS Dupoux. Selon les explications de M. [Z], la société Terroir Développement devient également la holding de la société Etablissements Baillet, à compter du 1er janvier 2015.
Ces faits sont confirmés par la société Terroir Développement.
A la lecture de l’acte de cessions d’actions produit de la société Baillet, le 28 août 2014, l’ensemble des associés détenant l’intégralité des droits sociaux de la société Établissements Baillet a cédé l’intégralité de ses actions à la société Indarki et la société Terroir Développement, représentée par son représentant légal M. [Z].
De même, il résulte du pacte d’associés du 9 décembre 2014 que la société Terroir Développement était détenue’:
par la SAS Indarki, titulaire de 7 488 actions,
M. [U] [I], titulaire de 1915 actions,
M. [G] [Z], titulaire de 1939 actions.
Cette société Indarki était représentée par son président M. [S] [J].
Il n’est pas précisé à quelle date la société Indarki est entrée dans le capital de la société Terroir Développement.
Le 9 décembre 2014, plusieurs événements au sein de la société Terroir Développement ont eu lieu’et notamment :
l’augmentation du capital de la société SAS Terroir Développement selon décision du comité de direction le passant à la somme de 1 134.000 euros,
un pacte d’associés, lequel en son article 7 prévoit de convention expresse’:
un comité de direction composé de 3 membres,
la société Indarki, représentée par M. [S] [J], y exercera les fonctions de président,
M. [G] [Z] y exercera les fonctions de directeur général.
> Concernant la société Terroir Développement
M. [Z] se prévaut d’avoir exercé une activité salariée de directeur général depuis 2006 jusqu’à février 2019 dans cette société. Il renvoie notamment pour ce faire à la lecture de ses bulletins de salaire.
Ces bulletins de paie, lesquels sont produits depuis le 1er octobre 2006 jusqu’à son départ, sont établis au nom de la seule société Terroir Développement.
Ils établissent que M. [Z] a été jusqu’en mars 2015 rémunéré au titre de ses fonctions de président.
Cette information est corroborée par une production synthétique de l’historique des statuts de la société par la société Terroir Développement, laquelle confirme que’:
M. [Z] a été désigné en qualité de président, et membre du comité de direction par assemblée générale extraordinaire du 28 septembre 2006,
à compter du 8 décembre 2014,
Par la suite, et jusqu’en février 2019, M. [Z] sera rémunéré en sa qualité de directeur général, la société Indarki devenant la présidente de la société.
Aucun de ses bulletins de 2006 à 2019 ne mentionne la prise de congés payés, de prélèvements au titre des cotisations pour pôle emploi ou bien encore l’AGS.
En outre, si M. [Z] se prévaut de sa qualité de salarié, il ne fait état d’aucune fonction technique distincte du mandat social occupé dans cette société.
Les éléments produits ne permettent pas de démontrer l’existence d’un contrat apparent.
> Concernant la société Dupoux
M. [Z] se prévaut du statut de salarié sur un double fondement’:
fonction salariée au titre de son statut de directeur général depuis 2006,
fonction salariée au titre de son statut non reconnu de directeur de production depuis 2015 jusqu’en 2019.
S’il suggère des liens entre cette société, le groupe Agour et M. [J], il n’apporte aucun élément, à l’exception de ceux d’ores et déjà évoqués, permettant de comprendre les imbrications et les liens de dépendance éventuels entre les différentes entreprises.
S’il est admis par la société Terroir Développement dans ses conclusions que M. [Z], en sa qualité de directeur général de sa société, participait, en sa qualité de dirigeant, à l’administration des deux sociétés, Baillet et Dupoux. M. [Z] ne produit aucun document juridique, statuts et comptable sur cette société permettant d’en comprendre le fonctionnement, l’organisation et son lien avec les autres sociétés dont M. [Z] fait état dans ses écritures. En effet, la pièce 32 de l’appelant, annoncée comme étant constituée de «’documents sociaux, PV d’AG, statut et Kbis de la société Terroir Développement de décembre 2014 à juin 2016’», n’est pas produite au dossier de plaidoirie.
Au demeurant, entre 2006 et 2015, il ne soutient pas avoir exercé dans cette société de fonctions distinctes techniques de celle résultant du seul mandat social.
Il ne produit d’ailleurs aucun bulletin de paie en lien avec cette société sur toute la période de 2006 à 2019.
La seule information donnée au titre de ses conclusions est qu’il a acheté cette société, excluant par suite et en l »état de ces informations, l’existence d’un contrat de travail apparent.
Il ne produit pas d’historique de la société de nature à contredire ses propres déclarations.
S’il indique qu’à compter de 2015 il a exercé les fonctions de directeur de production dans cette société, il n’en justifie pas, dès lors que’:
les mails sont établis ou adressés à l’adresse mail agour.com sans que M. [Z] ne justifie du rôle joué par cette société ou groupe, son éventuel lien avec la société Dupoux, étant précisé qu’à l’exception de quelques mails où l’appelant relève agir pour les établissements Baillet, il ne justifie jamais de sa qualité et pour quelle société il intervient,
les mails produits ne permettent de démontrer des fonctions distinctes de celles de directeur général.
Il ne résulte ainsi pas des pièces produites par le salarié l’existence d’une activité salariée exercée au sein de la société Dupoux.
> Concernant la société Baillet
M. [Z] se prévaut du statut de salarié sur un double fondement’:
fonction salariée au titre de son statut de directeur général depuis 2015,
fonction salariée au titre de son statut non reconnu de directeur de production depuis 2015 jusqu’en 2019.
A titre liminaire, la cour observe qu’à l’exception du seul acte de cession de parts sociales d’ores et déjà analysé, M. [Z] ne produit aucune autre information sur la société.
Si la société Terroir Développement, comme reconnu précédemment, admet l’existence d’un contrôle par M. [Z] en sa qualité de dirigeant de la société Baillet, ce dernier justifie également de sa qualité de directeur général au sein de cette société par la production de sa lettre de révocation de son mandat de directeur général.
M. [Z] établit donc avoir eu un mandat social dans cette société, lequel est en principe exclusif de tout lien de subordination.
M. [Z] ne produit aucun bulletin de salaire ou paie en lien avec cette société.
M. [Z] soutient également avoir exercé en qualité de salarié et plus particulièrement de directeur de production salarié. Il fait valoir à ce titre un lien de subordination avec le groupe Agour, depuis 2014 et M. [J].
M. [Z] se prévaut :
de mails,
d’un pouvoir établi par M. [J] pour le compte de cette société à M. [Z],
de la pièce n°10. Cette dernière n’est pas contrairement à ce qu’il soutient dans ses écritures une lettre d’affirmation auprès du commissaire au compte mais un mail sur un logement de fonction d’un représentant de la société Agour.
Toutefois, aucun élément ne permet d’établir une dépendance juridique ou économique de la société Etablissements Baillet avec les autres sociétés, notamment le groupe Agour.
S’il ressort des pièces produites que la société Indarki, qui est présidée par M. [J], est entrée, comme la société Terroir Développement, dans le capital de la société Etablissement Baillet, M. [J] est également’:
représentant de la société Baillet,
président de la société Terroir Développement,
et à la lecture des mails, joue un rôle dans la société ou groupe Agour.
Or, les nombreux mails échangés entre M. [Z] et M. [J] ne permettent pas de préciser clairement la qualité ou les fonctions de M. [Z] ou M. [J] dès lors qu’ils sont établis via une adresse mail commune «’agour’», sans mention de la société pour qui ils sont échangés et en quelle qualité, étant relevé qu’aucun de ces mails ne permet d’exclure qu’ils interviennent au titre du mandat social de directeur général. Ces mails ne permettent pas d’établir que les échanges ont trait à des fonctions autres que celles de directeur général et, dès lors, qu’il existe un lien de subordination.
Il en est de même du pouvoir produit par M. [Z].
Il ne résulte pas de ces éléments l’existence de contrats de travail apparents avec ou pour le compte de la société Baillet.
Compte tenu de tous ces éléments, M. [Z] sera débouté de sa demande de condamnation de la société SAS Terroir Développement au paiement de rappel de salaire en sa qualité de directeur de production des sociétés Baillet et Dupoux, lesquelles ne sont au demeurant pas dans la cause.
II. Concernant la période du 1er mars 2019 à la fin de la relation contractuelle
A compter du 1er mars 2019, la société Terroir Développement reconnaît que M. [Z] a été embauché en qualité de directeur projet groupe salarié sans contrat écrit.
A ce titre, il convient de relever que les bulletins de salaire produit par M. [Z], émanant de la SAS Terroir Développements, prévoient, à compter du 1er mars 2019′:
l’emploi «’directeur projet groupe’», qualification «’cadre’»,
une cotisation à l’AGS et à pôle emploi,
des congés payés apparaissant sur le bulletin de juin 2019.
Il n’est pas justifié d’une fiche de fonction.
[G] [Z] relève toutefois qu’à ce titre il «’n’intervenait plus pour le Pôle charcuterie/salaison, mais était chargé du bon déroulement des projets majeurs du Groupe (notamment projets d’investissements, équipements et bâtiment du groupe, et subventions)’».
Il appert de ces éléments que M. [Z] était salarié de la société Terroir Développement à compter du 1er mars 2019 et jusqu’à la rupture de la relation de travail dont le bien fondé est contesté.
A/ Sur le licenciement
En application de l’article L.1235-1 du code du travail, tout licenciement doit être fondé sur une cause réelle, donc établie, objective, exacte et sérieuse, le juge formant sa conviction au vu des éléments soumis par les parties. S’il subsiste un doute, il profite au salarié.
Par ailleurs, le salarié ayant été licencié pour faute grave, il appartient à l’employeur d’établir que la faute commise par le salarié dans l’exécution de son contrat de travail est d’une gravité telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant le préavis.
Par courrier du 4 juin 2019, qui fixe les limites du litige, le salarié a été licencié aux motifs ci-après :
« (…)Sur les dernières semaines, nous avons constaté une accumulation d’erreurs et de négligences fautives de nature à nuire gravement à l’entreprise.
– Une « gestion » catastrophique du site de [Localité 4] qui était directement et exclusivement piloté par vous-même.
Le rapport que [P] [C] a établi, suite à sa visite réalisée le vendredi 12 avril 2019, est à ce titre édifiant.
Nous avons reçu en date du 21 mars 2019, un rapport d’inspection de la Direction Départementale de la Protection des Populations (DDPP), nous mettant en demeure de procéder à des mesures correctives sous peine de sanctions importantes pouvant aller jusqu’à l’arrêt des activités.
Depuis, vous n’avez concrètement mis aucune mesure de redressement en place.
– Une gestion particulièrement aventureuse d’un client spécialiste dans la vente de charcuterie à destination des gens du voyage (M. [Y] [U]) dont la créance s’élève à près de 200.000 euros, et dont la solvabilité est plus qu’incertaine. Alors que ce client n’a pas réglé des factures échues depuis plus de six mois, vous avez décidé, le jeudi 24 avril, de lui livrer 1200 poitrines supplémentaires, en mettant en rupture le reste des clients des établissements BAILLET.
– Récemment nos comptables ont identifié, un écart sur les comptes de caisse de plus de 18.000 euros !
Si l’évasion de ces espèces semble s’être étalée sur plusieurs mois (et pour une part avant votre prise de poste), force est de constater que vous n’avez mis en place aucune procédure de contrôle de caisse'(…)»
Le licenciement de M. [Z] est donc motivé pour les manquements suivants’:
une gestion catastrophique du site de [Localité 4],
une gestion aventureuse d’un client, M. [U] pour l’entreprise Baillet,
un écart sur les comptes de caisse.
> Sur la gestion catastrophique du site de [Localité 4]
A titre liminaire, la cour observe que si la lettre de licenciement vise un site de [Localité 4] sans autres précisions, la lecture des explications des parties permet d’établir qu’il est fait référence à la société Dupoux.
Il ressort des pièces produites qu’un contrôle a été effectué le 28 février 2019 par la direction départementale de la protection des populations, au sein de l’entreprise Dupoux salaisons, site de [Localité 4].
Ce contrôle a donné lieu à une mise en demeure en date du 21 mars 2019 de procéder à des mesures correctives dans un délai d’un mois.
Le lundi 15 avril 2019, M. [C], directeur du pôle salaison et charcuterie des établissements Baillet, a transmis un mail à M. [J] et M. [E], relevant un nombre important de problèmes à la suite de sa visite du vendredi précédent.
A la lecture de ces éléments, il convient de relever qu’à la date du contrôle, M. [Z] n’était pas encore salarié de la société Terroir Développement. Il n’est pas non plus justifié qu’il avait en charge la gestion de la société Dupoux.
A la date du contrôle par M. [C], le délai de l’inspection du travail n’était pas dépassé. Au demeurant, M. [C], qui ne met pas M. [Z] en copie de son mail, renvoie dans son écrit à la responsabilité claire de M. [V] [A], retenant expressément’: «’licencier immédiatement le responsable actuel, [V] [A]’».
Le manquement reproché à M. [Z] n’est pas caractérisé.
> Sur la gestion aventureuse du client M. [U]
La société Terroir Développement relève la faute de gestion de M. [Z] quant au client M. [U], en ayant fait partir 1200 poitrines le 24 avril, chez ce client, dont la créance s’élève à 200 000 euros, et mettant en rupture le reste des autres clients de l’établissement.
Pour justifier de cette situation, l’employeur produit un mail du 25 avril 2019 de M. [C], directeur du pôle salaison, lequel relève que les 1200 poitrines sont parties la veille chez M. [U]. Dans ce mail, M. [C] indique regretter que «'[G] n’ait pas plus communiqué au départ sur ces poitrines’».
A titre liminaire, la cour observe que la preuve du départ de ces poitrines et de son impact sur la gestion de la société n’est pas démontré, pas plus qu’il n’est justifié que c’est bien M. [Z] qui a donné l’ordre de faire partir lesdites poitrines.
En outre, concernant la gestion aventureuse tenant au fait d’avoir fait partir les poitrines chez un client insolvable, la cour constate’que’:
dans ce mail, il est expressément produit le mail de M. [Z] lequel relève expressément qu’il s’est assuré que M. [U] avait régularisé en grande partie la semaine précédente ses dettes, soit 80 000 euros. Ce mail confirme également que M. [C] a contrôlé cette information par sa comptable, laquelle indique que plusieurs chèques ont été effectivement transmis. Fort de cette information, M. [C] a également conclu qu’il pouvait transférer des poitrines supplémentaires pour éviter des ruptures de stock. A cette date la situation de mauvais payeur de M. [U] n’est donc pas caractérisée. Il résulte également de ce mail qu’à cette date, le directeur du pôle salaison, nécessairement informé de la situation de M. [U], a également confirmé le principe de l’opération, déplorant seulement le nombre transmis, le manque de communication et la conséquence sur la gestion dans la société, laquelle n’est en toute hypothèse pas démontrée,
un courrier d’un huissier en date du 9 septembre 2020 relevant notamment que du 1er janvier 2019 au 31 août 2019, 88 factures étaient impayées pour le compte de la société Louriquet. Si les parties admettent que M. [U] en était le président, il est constant que la lettre de licenciement ne vise pas la société Louriquet. Au demeurant, il ressort des échanges de mails entre la comptable, Mme [O], et M. [Z], produit par la société intimée, que les dettes pouvaient être distinctes entre la société Louriquet et M. [U] personnellement, ou concerner en outre un certain «'[U] Barousse’». Il s’ensuit que le montant de la dette, lequel n’est en outre pas calculé de la date à laquelle M. [Z] a pris ses fonctions de salarié à la date de son départ, n’est pas démontré et ne peut être rattaché à l’activité salariée de l’appelant,
les mails de Mme [O], laquelle indique, dans son attestation, être salariée de la société Indarki en charge de la comptabilité des sociétés Dupoux, Baillet et Terroir Développement, démontrent que la situation de M. [U] ou de sa société, la société Louriquet, posait difficulté bien avant l’entrée en fonction de M. [Z], en qualité de salarié. M. [Z] produit également différents mails et échanges témoignant de ce que M. [J] était parfaitement informé de cette situation et qu’elle faisait l’objet d’un traitement spécifique,
l’attestation de Mme [O] est en contradiction avec l’analyse de l’employeur dès lors qu’elle relève expressément que M. [Z] gérait tous les mouvements de trésorerie, de paiement et les conditions de règlement des clients, jusqu’au 1er trimestre 2019, soit pendant la période où il n’était encore que directeur général, sans fonction salariée,
le courrier de l’huissier précise également qu’un acte de cautionnement a été signé entre M. [Y] [U] pour un montant de 150 000 euros en date du 27 mai 2019, soit avant le licenciement de M. [Z].
Il s’ensuit que le manquement n’est pas caractérisé.
> Sur l’écart sur les comptes de caisse
La société Terroir Développement relève que «’Récemment nos comptables ont identifié, un écart sur les comptes de caisse de plus de 18.000 euros !’»
La société n’indique pas à quelle date cet écart a été matérialisé, le renvoi à l’attestation comptable établie le 14 septembre 2020, ne mentionnant pas cette somme, somme qui n’est justifiée par aucun autre document.
En outre, il ressort de cette attestation comptable que l’écart de caisse était déjà de 13 000 euros fin 2018, soit avant la prise de fonction de M. [Z] en qualité de salarié. Si l’attestation évoque une aggravation sur le début de l’année 2019, pour atteindre 15 000 euros, elle est trop imprécise au regard de la date de prise de poste de M. [Z], et ne correspond pas à la somme annoncée dans la lettre de licenciement.
Au demeurant, la société n’établit pas que M. [Z], qui le conteste, avait en charge le contrôle de caisse.
Le manquement n’est pas caractérisé.
Il résulte de l’ensemble de ces observations qu’aucun des manquements relevé par l’employeur au soutien de son licenciement pour faute grave n’est caractérisé.
Le licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il convient d’infirmer le jugement sur ce point.
B/ Sur les conséquences du licenciement
1. Sur la demande de dommages-intérêts
Si aux termes de ses conclusions, M. [Z] indique dans le rappel des faits que son entreprise dispose de moins de 11 salariés, aux termes de ses développements sur la demande de dommages et intérêts, il se prévaut des dispositions du barème Macron pour les entreprises de plus de 11 salariés. L’employeur, qui ne relève pas l’incohérence, renvoie dans son argumentation aux dispositions applicables aux entreprises de plus de 11 salariés. Le doute profitant au salarié, il y a lieu de retenir une entreprise de plus de 11 salariés.
De même, il résulte des précédents développements que M. [Z] n’est devenu salarié qu’à compter de mars 2019, et disposait donc, contrairement à ce qu’il soutient, d’une ancienneté de 3 mois à la date de son licenciement, en qualité de directeur de groupe, et non de directeur de production, à raison d’un salaire brut de 4 043,15 euros.
M. [Z] sollicite la somme de 56 626,26 euros ou par défaut 44 474,54 euros, dans le cadre d’une analyse in concreto de son préjudice. Il soutient que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail doivent être écartées.
L’employeur s’oppose à ce que le barème soit écarté et fait courir l’ancienneté à compter de son contrat salarié, soit mars 2019.
En application de l’article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous’:
Ancienneté du salarié dans l’entreprise
(en années complètes)
Indemnité minimale
(en mois de salaire brut)
Indemnité maximale
(en mois de salaire brut)
0
Sans objet
1
Aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse.
Selon l’article 10 de la Convention n°158 de l’Organisation internationale du travail (OIT), si les organismes mentionnés à l’article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.
Les stipulations de cet article 10 qui créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l’encontre d’autres particuliers et qui, eu égard à l’intention exprimée des parties et à l’économie générale de la convention, ainsi qu’à son contenu et à ses termes, n’ont pas pour objet exclusif de régir les relations ente États et ne requièrent l’intervention d’aucun acte complémentaire, sont d’effet direct en droit interne.
En effet la convention n°158 de l’OIT précise dans son article premier «’pour autant que l’application de la présente convention n’est pas assurée par voie de conventions collectives, de sentences arbitrales ou de décisions judiciaires, ou de toute autre manière conforme à la pratique nationale, elle devra l’être par voie de législation nationale’»’;
Selon la décision du conseil d’administration de l’OIT, ayant adopté en 1997 le rapport du comité désigné pour examiner une réclamation présentée en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT par plusieurs organisations syndicales alléguant l’inexécution par le Venezuela de la Convention n°158, le terme «’adéquat’» visé à l’article 10 de la Convention signifie que l’indemnité pour licenciement injustifié doit, d’une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié et, d’autre part raisonnablement permettre l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.
A cet égard, il convient de relever qu’aux termes de l’article L. 1235-3-1 du code du travail, l’article L. 1235-3 de ce code n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article.
Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à la violation d’une liberté fondamentale, aux faits de harcèlement moral ou sexuel, au licenciement discriminatoire, au licenciement consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ou à une dénonciation de crime ou délit, au licenciement d’un salarié protégé en raison de l’exercice de son mandat et au licenciement d’un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L.1225-71 et 1226-13.
Il en résulte, d’une part, que les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans les situations ci-dessus énumérées, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.
Ces dispositions sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention susvisée et sont compatibles avec lesdites stipulations.
Il appartient donc à la cour d’apprécier seulement la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l’article L. 1235-3 du code du travail.
Compte tenu de la rémunération mensuelle brute perçue par M. [Z], de son ancienneté au sein de l’entreprise et de son âge, à savoir 59 ans, il y a lieu de lui allouer la somme de 4043 euros de dommages et intérêts à ce titre, représentant 1 mois de salaire brut.
Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
2. Sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents
Selon les dispositions de l’article L.1234-5 du code du travail :
‘Lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.
L’inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l’employeur, n’entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.
L’indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l’indemnité de licenciement et avec l’indemnité prévue à l’article L. 1235-2.’
Selon l’article L.3141-24 du code du travail le congé annuel prévu à l’article L.3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.
Selon les dispositions de l’article 15 de la convention collective SYNTEC applicable aux IC, qui correspondent notamment aux «’ingénieurs et cadres diplômés ou praticiens dont les fonctions nécessitent la mise en ‘uvre de connaissances acquises par une formation supérieure sanctionnée par un diplôme reconnu par la loi, par une formation professionnelle ou par une pratique professionnelle reconnue équivalente dans notre branche d’activité», dont le salarié se prévaut sans contestation de l’employeur :
‘ (‘) Sauf accord entre les parties prévoyant une durée supérieure, la durée du préavis, dite aussi « délai-congé », est de 3 mois, quelle que soit la partie qui dénonce le contrat.
Le préavis n’est pas dû en cas de faute grave ou lourde du salarié.’
Le salarié sollicite la condamnation de l’employeur à lui verser la somme principale de 15 443,58 euros en sa qualité de directeur de production, ou 12 129,42 euros si la cour ne retient pas cette fonction.
Le salarié ne démontre pas avoir occupé les fonctions de directeur de production, de telle sorte qu’il sera fait droit à sa demande subsidiaire de condamner la société Terroir Développement au paiement de la somme de 12 129,42 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis correspondant à trois mois de salaire en sa qualité de Directeur de groupe, outre 1 212, 94 euros au titre des congés payés afférents.
3. Sur l’indemnité de licenciement
Aux termes de l’article L1234-9 du code du travail’: «’Le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement (…)’».
Selon les dispositions de l’article 18 de la convention applicable’:
«’Il est attribué à tout salarié licencié justifiant d’au moins 2 années d’ancienneté une indemnité de licenciement distincte de l’indemnité éventuelle de préavis.
Cette indemnité de licenciement n’est pas due dans le cas où le licenciement est intervenu pour faute grave ou lourde.
Cette indemnité sera réduite de 1/3 lorsque le salarié sera pourvu par l’employeur, avant la fin de la période de préavis, d’un emploi équivalent et accepté par l’intéressé en dehors de l’entreprise.
Ce tiers restant sera versé à l’intéressé si la période d’essai dans le nouvel emploi reste sans suite.’»
A la date de son licenciement, M. [Z] n’avait pas 8 mois d’ancienneté, durée minimale la plus favorable pour prétendre obtenir une indemnité de licenciement, de telle sorte que sa demande sera rejetée.
4. Sur la demande de dommage-intérêts pour rupture vexatoire et brutale
M. [Z] se prévaut d’un licenciement brutal et vexatoire justifiant la somme de 100 000 euros.
La cour observe que M. [Z], s’il était salarié depuis peu dans la société y a exercé pendant de très nombreuses années des fonctions de dirigeants, sans qu’il ne soit justifié de reproches particuliers. Après seulement trois mois suivant son passage salarié, M. [Z] dont le poste était important puisqu’il intervenait toujours sur plusieurs sites en lien avec ses mandats sociaux, se retrouve licencié de la holding, pour des motifs qui n’ont pas trait à ses nouvelles fonctions et à son nouveau poste.
Les circonstances de la rupture brutale de la relation de travail lui ont incontestablement causé un préjudice qu’il convient d’évaluer à la somme de 10 000 euros.
5. Sur les dommage-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
M. [Z] soutient qu’il a été évincé par la direction du groupe, ses fonctions de directeur général ayant été occultées.
Cependant, il n’établit pas avoir été évincé de la stratégie du groupe.
S’il évoque la société Dupoux, il convient de relever qu’à la lecture de ses propres conclusions, c’est lui qui l’avait achetée.
La circonstance que ses fonctions de directeur général, lesquelles relèvent du seul mandat social, sans aucun lien de subordination, aient été occultées, ce qui n’est pas démontré, est en toute hypothèse, indifférente à la relation de travail subordonnée.
La demande de M. [Z] formée à ce titre sera rejetée. Il y a lieu de confirmer le jugement déféré de ce chef.
III. Sur le travail dissimulé
Selon les dispositions de l’article L.8221-5 du code du travail : ‘Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche,
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie,
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.’
Selon les dispositions de l’article L.8223-1 du code du travail :
‘En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
La dissimulation d’emploi salarié prévu par l’article L.8221-5 du code du travail n’est caractérisé que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie, un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.’
Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
M. [Z] sollicite la condamnation de la société Terroir Développement à lui verser la somme de 30.887,16 euros (à titre principal) ou 24.258,84 euros (à titre subsidiaire) à titre d’indemnité pour travail dissimulé, dès lors que la société l’a volontairement maintenu depuis 2014, de manière artificielle dans un statut exclusif de mandataire social, afin de payer moins de charges.
L’employeur qui sollicite la confirmation du jugement ne répond pas dans ses conclusions à ce moyen.
Il ressort des précédents développements que M. [Z] ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un contrat de travail avant son contrat de travail verbal de mars 2019, reconnu par les deux parties.
M. [Z] sera donc débouté de sa demande au titre d’un travail dissimulé. Le jugement querellé sera confirmé.
IV. Sur les intérêts au taux légal et leur anatocisme
Il convient d’assortir les sommes allouées des intérêts légaux selon les modalités suivantes’:
pour les créances de nature salariale, à compter du 20 mars 2020, date de réception de la lettre de convocation de la SAS Terroir Developpement devant le bureau de conciliation à laquelle était jointe une copie de la requête de M. [Z], valant sommation de payer au sens de l’article 1231-6 du code civil,
pour les créances indemnitaires, à compter de la présente décision, conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du code civil.
Il y a lieu en outre d’ordonner la capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière, dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil.
V. Sur la rectification des documents de fin de contrat et bulletins de salaire
Il convient d’enjoindre à l’employeur de délivrer à M. [Z] les documents de fin de contrat et bulletins de salaire rectifiés conformément à la présente décision.
VI. Sur les autres demandes
La société Indarki venant aux droits de la Sas Terroir Développement succombe de sorte que le jugement sera infirmé s’agissant des dépens de première instance.
La société Indarki sera condamnée aux dépens de première instance et aux dépens d’appel ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort’:
Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Dax du 22 juin 2021 en ce qu’il a débouté la SAS Indarki de ses demandes reconventionnelles et en ce qu’il a débouté M. [G] [Z] de ses demandes au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail, de rappels de salaire et du travail dissimulé’:
L’infirme du surplus’;
Statuant de nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
Requalifie le licenciement pour faute grave en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la SAS Indarki venant aux droits de la SAS Terroir Développement à payer à M. [G] [Z] les sommes suivantes’:
* 12 129,42 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
* 1 212, 94 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés
y afférent
* 4 043 euros à titre de dommage-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 10 000 euros à titre de dommage-intérêts pour rupture vexatoire et , brutale
Dit que les sommes dues au titre des indemnités compensatrices de préavis, de congés payés et d’ indemnité conventionnelle de licenciement, portent intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2020,
Dit que les sommes dues au titre des dommages et intérêts portent intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
Ordonne la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil,
Ordonne la remise par la SAS Indarki à M. [G] [Z] d’un bulletin de salaire, d’un certificat de travail, d’un reçu pour solde de tout compte et d’une attestation Pôle Emploi rectifiés, conformes au présent arrêt,
Condamne la SAS Indarki aux dépens de première instance et d’appel,
Condamne la SAS Indarki à payer à M. [G] [Z] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,