COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 01 JUIN 2022
N° RG 19/03753
N° Portalis DBV3-V-B7D-TP6T
AFFAIRE :
[U] [K]
C/
SASU OBJECTIF LUNE FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 5 septembre 2019 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de NANTERRE
Section : E
N° RG : F 17/03671
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Nathalie LANGLOIS-THIEFFRY
Me Martine DUPUIS
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE PREMIER JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [U] [K]
né le 4 juin 1972 à [Localité 5]
de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Nathalie LANGLOIS-THIEFFRY, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 486
APPELANT
****************
SASU OBJECTIF LUNE FRANCE
N° SIRET : 409 590 874
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué , avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625et Me Thierry CHEYMOL de l’AARPI LMT AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R169
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 25 mars 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
Par jugement du 5 septembre 2019, le conseil de prud’hommes de Nanterre (section encadrement) a :
– dit que M. [U] [K] était bien cadre dirigeant de la société Objectif Lune France,
– dit que la rupture conventionnelle du contrat de travail signée entre la société Objectif Lune France et M. [K] est parfaitement valide,
– débouté M. [K] de ses demandes relatives au versement d’indemnité de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– débouté M. [K] de ses demandes relatives au versement de rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents, d’indemnité pour non-respect des dispositions relatives aux temps de travail et de repos, d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
– débouté M. [K] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté M. [K] de sa demande en exécution provisoire de la décision,
– condamné M. [K] aux entiers dépens de l’instance.
Par déclaration adressée au greffe le 11 octobre 2019, M. [K] a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 18 janvier 2022.
Par dernières conclusions remises au greffe le 22 décembre 2021, M. [K] demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
et, statuant à nouveau,
– dire ses demandes recevables et bien fondées,
– requalifier la rupture conventionnelle en date du 15 juillet 2016 en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
en conséquence,
– condamner la société Objectif Lune à lui verser les sommes suivantes :
. 35 751,35 euros à titre d’indemnité de licenciement,. 33 586,86 euros indemnité compensatrice de préavis,
. 3 358,68 euros au titre des congés payés afférents,
. 200 000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (18 mois),
– condamner la société Objectif Lune à lui verser les sommes suivantes :
. 107 165,92 euros à titre de rappels de salaire (heures supplémentaires),
. 10 716,52 euros au titre des congés payés afférents,
. 20 000 euros au titre des dommage et intérêts pour non-respect des dispositions relatives aux temps de travail et de repos,
. 67 173,72 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé (6 mois),
– condamner la société Objectif Lune à la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre 3 000 euros pour l’instance d’appel,
– assortir les condamnations de l’intérêt légal à compter de la date de saisine,
– ordonner la remise d’une attestation Pôle emploi récapitulative, d’un certificat de travail et de bulletins de paie conformes sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard,
Par dernières conclusions remises au greffe le 17 janvier 2022, la société Objectif Lune France demande à la cour de :
sur la rupture,
– dire que M. [K] ne rapporte pas la preuve d’une contrainte ou violence exercée à son égard pour obtenir son accord à la rupture conventionnelle,
– dire à l’inverse que l’ensemble des éléments du dossier confirme que M. [K] a consenti à la rupture conventionnelle de manière totalement libre et éclairée,
– en conséquence, confirmer le jugement entrepris, dire et juger valide la rupture conventionnelle signée le 15 juillet 2016,
et ce faisant,
– débouter M. [K] de sa demande de requalification de la rupture conventionnelle en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– débouter M. [K] de ses demandes afférentes à l’indemnité de licenciement, l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la remise d’une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et des bulletins de paie prétendument conformes,
sur la durée du travail,
à titre principal,
– dire que M. [K] remplissait les critères posés par l’article L. 3111-2 du code du travail et lui reconnaître en conséquence la qualité de cadre dirigeant,
– en conséquence, confirmer le jugement entrepris, déclarer M. [K] irrecevable en ses demandes liées à la durée du travail, la réglementation en la matière ne lui étant pas applicable,
à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour écartait la qualité de cadre dirigeant de M. [K],
– dire M. [K] lié par une convention de forfait jours et mal fondé à invoquer l’absence d’effets de cette convention de forfait,
– ce faisant, déclarer M. [K] irrecevable en sa demande en paiement d’heures supplémentaires et en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé du fait de l’absence de mention de ces heures sur ses bulletins de salaire,
– débouter M. [K] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour violation des temps de repos et durées maximales de travail,
à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, la cour écartait à la fois la qualité de cadre dirigeant et la convention de forfait-jours,
– dire que M. [K] n’étaye pas sa demande en paiement d’heures supplémentaires par des éléments sérieux, la société Objectif Lune France établissant au contraire la fausseté de ses allégations,
– débouter en conséquence M. [K] de sa demande en paiement d’heures supplémentaires et en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé du fait de l’absence de mention de ces heures sur ses bulletins de salaire,
– débouter M. [K] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour violation des temps de repos et durées maximales de travail,
sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens,
– débouter M. [K] de sa demande,
– condamner M. [K] à régler à la société Objectif Lune France la somme de 5 000 euros,
– condamner M. [K] aux éventuels dépens.
LA COUR,
La société Objectif Lune France a pour activité principale le développement et la commercialisation de logiciels informatiques, dont le président est M. [L] [G].
Elle est la filiale française d’un groupe québécois employant 240 salariés.
M. [K] a été engagé par la société Objectif Lune France, en qualité de responsable commercial France, par contrat de travail à durée indéterminée du 26 octobre 2006 à effet au 6 janvier 2007.
Le 6 août 2008, M. [K] est devenu directeur commercial de la société Objectif Lune France.
Le 1er septembre 2009, Objectif Lune France et M. [K] ont signé un avenant à son contrat de travail formalisant une convention de forfait annuel en jours de 218 jours à l’intérieur duquel « M. [K] détermin[ait] librement ses horaires de travail (‘) ».
Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective dite Syntec.
M. [K] percevait une rémunération brute mensuelle de 11 195,62 euros (moyenne des 12 derniers mois).
L’effectif de la société était de 11 salariés au 1er janvier 2017.
Par courrier du 5 juillet 2016, la société Objectif Lune France a notifié à M. [K] une dispense d’activité avec interdiction de contacter les clients, partenaires et salariés de la société.
Par lettre du 12 juillet 2016, M. [K] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 25 juillet 2016.
Le 15 juillet 2016, une convention de rupture du contrat de travail a été signée entre la société Objectif Lune France et M. [K].
Le 1er août 2016, M. [K] n’ayant pas exercé son droit de rétractation la convention était déposée à la Direccte puis homologuée.
Le 24 août 2016, M. [K] a quitté les effectifs de la société Objectif Lune France qui lui a remis à cette date son solde de tout compte, son certificat de travail et son attestation Pôle emploi.
Le 9 novembre 2016, M. [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre afin d’obtenir la requalification de la rupture conventionnelle de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
SUR CE :
Sur la rupture :
Le salarié demande la requalification de la rupture conventionnelle du 15 juillet 2016 en licenciement sans cause réelle et sérieuse soutenant que son consentement a été vicié dès lors qu’il a été contraint d’accepter la rupture conventionnelle à défaut de quoi l’employeur l’aurait licencié pour faute grave, privative de préavis et d’indemnité de licenciement.
En réplique, la société conteste la violence alléguée comme vice du consentement, rappelant à cet égard que ladite violence doit s’apprécier in concreto et que, précisément, le salarié avait un tempérament suffisamment « bien trempé pour ne pas dire autoritaire » pour ne pas se laisser impressionner ou influencer ; qu’ainsi le consentement du salarié n’a pas été vicié d’autant qu’il a perçu une indemnité de rupture supérieure à l’indemnité de licenciement, qu’il n’a pas fait usage de son droit de rétractation ; que la circonstance que le salarié ait été menacé d’un licenciement pour faute grave n’est pas de nature à caractériser la violence alléguée.
L’existence d’un différend n’affecte pas par elle-même la validité de la rupture. Le consentement du salarié ne doit cependant pas avoir été vicié, l’article 1109 du code civil, dans sa version applicable au présent litige s’agissant d’une rupture conventionnelle datant du 15 juillet 2016 (et donc d’une rupture datant d’avant le 1er octobre 2016, date d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions du code civil), disposant qu’il n’y a point de consentement valable s’il n’a été donné que par erreur, s’il a été extorqué par violence ou surpris par le dol.
Pour conclure à la violence qu’il prétend avoir subie, le salarié invoque la chronologie ayant précédé sa rupture conventionnelle, exposant qu’il a été forcé de la signer, faute de quoi il serait licencié pour faute grave. Ce dernier fait n’est pas contesté par l’employeur.
Mais à juste titre, l’employeur expose que la violence s’apprécie in concreto, ce qui découle expressément des prescriptions de l’article 1112 du code civil dont il ressort que la violence, comme vice du consentement, s’apprécie au regard, notamment de la condition de celui qui prétend l’avoir subie.
Les éléments qui ressortent des débats montrent à l’évidence l’existence d’un différend entre le salarié et la société. Ils ne présentent pas pour autant nécessairement les caractères d’une violence ayant déterminé le salarié à signer sa rupture conventionnelle, même si effectivement, l’employeur lui avait préalablement indiqué que s’il ne signait pas la rupture conventionnelle, il le convoquerait à un entretien préalable en vue d’un licenciement, ce que d’ailleurs, il a fait. Il apparaît sur cette question que, comme le fait valoir à raison la société, le salarié occupait hiérarchiquement un poste élevé au sein de la société puisqu’il en était « le numéro 2 » après le président ; qu’il avait su, durant la relation contractuelle, faire preuve d’autorité et s’opposer en faisant valoir son point de vue parfois avec conviction et autorité (voir par exemple les pièces 17 et 18 E ‘ courriels internes de juillet et octobre 2014), excipant d’ailleurs de son expérience de « plus de trois ans d’armée israélienne et même là [il avait] le droit d’avoir un avis différent dans le respect de chacun » (pièce 5 E, courriel interne du 23 novembre 2010).
Au surplus, il s’avère que, durant les pourparlers ayant précédé la rupture, le salarié avait pris l’attache d’un avocat qui ‘ certes était « une relation amicale » ‘ mais qu’il présentait alors toutefois comme son conseil : « Mon conseil, Me [O] [J], (‘) J’espère que vous accepterez que nos conseils se contactent » (pièce 19 S ‘ courriel interne du 11 juillet 2016). Toujours en ce qui concerne les pourparlers ayant abouti à la rupture conventionnelle, il apparaît que le salarié a eu le temps de la réflexion : non seulement après la signature de la rupture le 15 juillet avec le délai de rétractation mais également avant, puisque dès le 6 juillet, le salarié était avisé de la proposition chiffrée de l’employeur (50 000 euros) (« je veux être sûr de bien comprendre afin de prendre la meilleure décision : Vous me proposez une indemnité de rupture de 50 000 euros. Est-ce brut ou net ‘ Est-ce imposable ‘ (‘) » ‘ pièce 18 S courriel interne du 6 juillet 2016). S’il est vrai que le salarié montre, par les attestations de proches amis (pièces 40 et 41 S), qu’il avait été « déstabilisé », « perturbé » ou en « état de choc » en raison de la rupture, ces témoignages ‘ parfaitement crédibles ‘ ne permettent pas de retenir la violence alléguée comme constitutive d’un vice du consentement viciant la volonté du salarié.
De ce qui précède, il découle que le salarié n’a pas subi la violence qu’il invoque en tant que vice du consentement.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande d’annulation de la rupture conventionnelle et de ses demandes subséquentes.
Sur les demandes en lien avec le temps de travail :
Le salarié explique que selon un avenant du 1er septembre 2009, il a été assujetti à un forfait annuel en jours qui reposait sur des dispositions de la convention collective Syntec (en l’occurrence l’accord du 22 juin 1999) ayant été invalidées par la cour de cassation ; qu’au surplus, les stipulations de son avenant du 1er septembre 2009 ne garantissaient pas le respect des durées maximales de travail et des repos journaliers et hebdomadaires et le caractère raisonnable de l’amplitude et de la charge de travail et une bonne répartition de la charge de travail ; qu’en outre, il n’a pas bénéficié de l’entretien sur la charge de travail prévu par l’article L. 3121-46 du code du travail. Il expose qu’il peut prétendre à un rappel d’heures supplémentaires en application d’un décompte qu’il produit en pièce 39. Il conteste sa qualité de cadre dirigeant soutenant qu’il disposait d’une certaine autonomie mais qu’il restait subordonné dans ses missions à l’aval de sa hiérarchie et qu’il ne prenait pas part aux instances de direction de la société.
En réplique, la société expose que le salarié était cadre dirigeant, expliquant qu’il jouissait d’une grande autonomie tant dans l’organisation de son emploi du temps que dans la prise de décisions et qu’il bénéficiait d’une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés de la société.
Subsidiairement, elle conclut, s’agissant de l’accord Syntec qu’un nouvel accord a été conclu dans la branche le 1er avril 2014 ; que c’est notamment pour intégrer les nouvelles dispositions que la société a proposé au salarié un nouvel avenant ; que le salarié s’est pourtant opposé à la signature de cet avenant parce qu’il refusait le contrôle de son temps de travail et ne voulait rendre aucun compte à ce sujet ; qu’en vertu du principe selon lequel le contrat de travail doit s’exécuter de bonne foi, il ne peut prétendre à l’absence d’effets du forfait. Très subsidiairement, la société s’oppose au paiement des heures supplémentaires réclamées par le salarié en présentant d’abord une fin de non-recevoir tirée de la prescription pour les demandes couvrant la période du 3 juin au 3 août 2013 et en soutenant ensuite que le salarié ne présente pas de demande étayée car son décompte est réalisé pour les besoins de la cause, présente une fixité suspecte et est faux.
L’article L. 3111-2 du code du travail dispose : « Les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III.
Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. »
Pour déterminer si un salarié a la qualité de cadre dirigeant, il appartient au juge d’examiner la fonction qu’il occupe réellement au regard de chacun des critères cumulatifs énoncés par l’article L. 3111-2 de telle sorte qu’il importe peu qu’au regard de son contrat de travail, le salarié ait eu le statut de « simple cadre » comme il le souligne dans ses conclusions. Il en résulte en définitive, deux conséquences :
. peu importe la désignation que les parties donnent aux fonctions exercées par le salarié : ce qui importe tient à la nature effective desdites fonctions ;
. peu importe aussi que les parties aient convenu d’une convention de forfait annuel en jours, cette circonstance étant indifférente si, dans la réalité des fonctions exercée par le salarié, celui-ci jouissait d’une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps et si, au regard des critères cumulatifs posés par l’article L. 3111-2, le salarié participait à la direction de la société.
En l’espèce, même si son contrat de travail prévoyait qu’il avait le statut de cadre (art. 3 du contrat de travail), le salarié occupait dans la réalité des fonctions de directeur commercial. Au titre de sa rémunération (art. 6 du contrat de travail), le salarié percevait une « rémunération fixe annuelle de 65 000 euros (‘) ». Le salarié pouvait en outre prétendre à des commissions de telle sorte que, comme le montre l’attestation Pôle emploi qu’il produit en pièce 25, sa rémunération moyenne se situait à 11 195,62 euros par mois (134 347,44/12).
Le salarié ne discute pas le fait que cette rémunération le situait dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunérations pratiqués dans l’entreprise. Il ne conteste d’ailleurs pas l’allégation de la société selon laquelle il « était numéro 2 de la société immédiatement après son président », avec cette précision que ledit président était investi d’un mandat social et que lui-même se présente comme ayant été « le numéro 2 de la société depuis 10 ans » ainsi que le relève le conseil de prud’hommes. Le salarié bénéficiait d’un véhicule de fonction.
La cour relève que le salarié encadrait des cadres (pièce 3 S). D’ailleurs, fait adventice, il apparaît que le salarié reprochait à son président, le 11 mai 2016, d’avoir accepté des congés des membres de son équipe sans qu’il les ait lui-même préalablement validés (cf. pièce 22 E).
Le salarié ne discute pas qu’il jouissait d’une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps.
Il conteste en revanche le fait qu’il prenait ses décisions de façon largement autonome.
Pour conclure que le salarié prenait des décisions en toute autonomie, la société présente en particulier deux faits :
. le fait qu’il a signé des contrats en s’affranchissant de la validation préalable des services techniques,
. le fait qu’il a signé un bon de commande et une autorisation de prélèvement bancaire au nom de la société pour disposer d’un nouveau véhicule de fonction Mercedes d’une valeur de
61 500 euros.
S’agissant de l’affranchissement de la validation préalable des services techniques :
En pièce 11, la société présente un échange de courriels internes de novembre 2012 dont il ressort en substance que le président reprochait au salarié d’avoir signé des contrats sans obtenir la validation d’un autre service, en l’occurrence le service OL FR Tech. Le salarié présentant ses arguments pour se défendre d’avoir signé un contrat sans la validation préalable litigieuse, le président lui répondait « (‘) Ce n’est pas parce que tu signes des dossiers que tu as raison et que tout t’est permis. (‘) ». De cet échange il ressort manifestement que le salarié jouissait d’une délégation de signature puisqu’il avait le pouvoir d’engager la société ‘ ce qui montre effectivement qu’il prenait ses décisions en toute autonomie ‘ mais qu’il devait préalablement rechercher la validation d’un autre service, ce dont il s’était affranchi. Il faut ici préciser que le fait de devoir respecter un processus de validation interne n’est pas une entrave à l’autonomie de décision du salarié qui, malgré ce processus de validation, gardait le pouvoir de « signer des dossiers » et donc d’engager la société.
S’agissant du véhicule de fonction :
Il ressort de la pièce 50 du salarié (échanges de courriels entre le salarié et M. [G], président de la société) que le 19 février 2016, il a cherché l’approbation de son président pour souscrire un prêt de longue durée relatif à son véhicule de fonction. Il présentait trois propositions et le président donnait son aval pour le modèle 3008 Peugeot « nouveau » pour un prix de location de 611 euros par mois. Il apparaît en définitive que le salarié a, le 4 avril 2016, passé commande pour une Mercedes GLC présentant un loyer mensuel de 640,71 euros (pièce 21 bis E). Dès lors, il est établi que le salarié s’est affranchi de l’accord de son président ce qui traduit l’idée d’une autonomie de décision.
Ces éléments tendent effectivement à montrer que le salarié pouvait « prendre des décisions de façon largement autonome » au sens de l’article L. 3111-2.
Le salarié participait donc bien à la direction de l’entreprise ce qui découle du fait qu’il jouissait d’une des rémunérations les plus importantes, d’une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps et qu’il prenait ses décisions de façon largement autonome.
Il convient donc de confirmer le jugement.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Succombant, le salarié sera condamné aux dépens.
Il conviendra de condamner le salarié à payer à la société une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :
CONFIRME le jugement,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,
CONDAMNE M. [K] à payer à la société Objectif Lune France la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et en cause d’appel,
CONDAMNE M. [K] aux dépens.
. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente et par Madame Dorothée MARCINEK, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente