COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 1er JUILLET 2022
N° 2022/265
Rôle N° RG 18/20219 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BDQY5
[C] [O]
C/
SARL JALISWEBCOM
Copie exécutoire délivrée le :
1er JUILLET 2022
à :
Me Eric MERY, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Martine PANOSSIAN, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 14 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00634.
APPELANTE
Madame [C] [O], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Eric MERY, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SARL JALISWEBCOM, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Martine PANOSSIAN, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2022 et prorogé au 1er Juillet 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 1er Juillet 2022
Signé par Madame Emmanuelle CASINI, Conseiller, pour le Président empêché et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Madame [C] [O] a été embauchée en qualité d’attachée commerciale, statut VRP exclusif, le 1er juin 2012 par la SARL JALIS.
Par une note de service du 20 mars 2014, l’employeur a rappelé que la marge de négociation des commerciaux était de 20 % maximum sur la valeur totale du contrat et précisé qu’en cas de dépassement de ladite remise « et après acceptation du dossier en production par la direction, une VR (valeur de rachat) Hors Cadre est mise en place pour la remise accordée au-delà des 20 % ».
Suite à la restructuration des sociétés du groupe, le contrat de travail de Madame [O] a été transféré à partir du 1er janvier 2016 au sein de la société JALISWEBCOM.
Madame [C] [O] a été élu le 9 mai 2017 membre titulaire de la délégation unique du personnel de l’UES JALIS.
Par note de service intitulée « Processus d’approbation des contrats Mise en place à partir de Janvier 2018 », la SARL JALISWEBCOM a annoncé qu’à partir du 1er janvier 2018, la valeur de rachat serait mise en place « à partir d’une remise > à 0% sauf dérogation « .
Par courriel du 21 février 2018 adressé aux équipes commerciales, la direction de JALIS a annoncé qu’elle dénonçait « l’usage d’application de la remise autorisée (20 %) par les VRP sans autorisation du supérieur hiérarchique et de la DG, et sans impact sur le calcul de la rémunération variable, celui-ci est dénoncé avec une période de transition de plusieurs mois (applicable au 1er juin 2018) pour l’ensemble des consultants et VRP’ ».
Madame [C] [O] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier du 12 mars 2018, en ces termes :
» J’ai le regret par la présente de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail au sein de votre Société JALIS.
En effet, certains manquements de votre part rendent impossible la poursuite de mon contrat de travail.
En premier lieu, mon contrat de travail mentionne expressément en annexe les modalités de calcul de ma rémunération variable.
En conséquence, toute modification dans le calcul de celui ci doit faire l’ objet d’un avenant.
Vous avez décidé unilatéralement en 2014 de modifier ces modalités en nous impactant sur nos commissions dès que nous offrons une remise supérieure à 20 % à nos clients.
Je n’ai jamais validé ni accepté cette modification.
En janvier 2018 vous avez cette fois décidé d’impacter nos commissions à partir du premier pourcentage de remise, et ce encore une fois sans nous proposer d’avenant à notre contrat de travail.
Cette modification unilatérale s’inscrit dans une démarche de chantage de votre part l’égard des salariés soumis à la convention collective des VRP.
En, effet vous nous avez demandé de signer un avenant afin de passer à la convention collective SYNTEC.
Ayant refusé cet avenant vous avez dès cet instant soumis l’acceptation des contrats signés, à mon acceptation d’être impactée dès le premier pourcentage de remise.
Vous avez en outre procédé à une discrimination patente au sein de la société en indiquant expressément que vous autorisiez les commerciaux sous convention SYNTEC à pratiquer des remises au client sans être impactés et ce jusqu’à 24 % de remise alors que les salariés VRP se voient retirer cette possibilité.
De tels procédés sont intolérables et rendent impossibles la poursuite de mon contrat de travail au sein de votre société.
Je constate en outre que votre mauvaise foi n’entend pas s’arrêter au regard de la réunion extraordinaire du 20 février 2018.
Dès la fin de la réunion, vous avez confirmé par mail votre volonté de dénoncer un usage qui nous autorisait à pratiquer des remises aux clients sans votre accord, tout en précisant également que mon commissionnement serait impacté dès le premier pourcentage de remise.
Je réfute cette qualification d’usage dans la mesure où le mode de calcul de ma rémunération figure à mon contrat de travail, dans lequel il est précisé que toute modification doit faire l’objet d’un avenant.
En outre et comme à chaque fois, vous ne respectez aucunement les attributions des délégués du personnel qui sont telles que vous ne pouvez pas mettre ces mesures en ‘uvre avant que lesdits représentants aient donné leur avis.
J’ajoute en outre que dès que j’ai été élue déléguée titulaire, vous m’avez changé d’équipe de manière unilatérale pour me faire passer dans votre propre équipe.
Vous n’aviez plus d’équipe de commerciaux depuis environ deux ans et vous avez créé une nouvelle équipe composée uniquement de délégués du personnel titulaires.
Pourtant, en tant que salariée protégée, toute modification de mes conditions de travail doit faire l’objet d’un accord de ma part.
J’ajoute à l’ensemble de ces éléments un harcèlement constant de votre part pour que nous vendions toujours plus au mépris des horaires de travail indiqués au sein de la société et un refus de prendre en compte une quelconque remarque de notre part.
Il existe enfin un stress continu et un mal-être dû à votre propension à sans cesse mettre les salariés en concurrence en comparant nos résultats et en divulguant les salaires au vu et au su de l’ensemble des salariés.
Je vous remercie de prendre acte de la cessation de mon contrat et de faire le nécessaire concernant mon certificat de travail et mon reçu pour solde de tout compte en n’oubliant pas d’intégrer les commissions dues pour les contrats signés et acceptés jusqu’à ce jour.
Cette prise d’acte n’est pas une démission compte tenu de la gravité des faits exposés ci-dessus « .
Madame [C] [O] percevait, au dernier état de la relation contractuelle, une rémunération mensuelle moyenne brute de 7783 euros, au titre de l’année 2017.
Par requête du 27 mars 2018, Madame [O] a saisi la juridiction prud’homale de demandes en paiement d’indemnités de rupture, d’une indemnité pour violation du statut protecteur, d’une indemnité de clientèle et de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
Par jugement du 14 décembre 2018, le conseil de prud’hommes de Marseille a débouté Madame [C] [O] de l’ensemble de ses demandes, a débouté la société JALISWEBCOM de ses demandes reconventionnelles et a condamné le demandeur aux entiers dépens.
Ayant relevé appel, Madame [C] [O] demande à la Cour, aux termes de ses conclusions d’appel n° 2 notifiées par voie électronique le 5 septembre 2019, de :
Réformer le jugement de première instance,
Dire et juger que la Société JALIS WEBCOM entend procéder à une modification unilatérale de la rémunération de Madame [O],
Dire et juger que la Société JALIS WEBCOM s’est rendue coupable d’un délit d’entrave en changeant d’affectation une salariée protégée sans son accord,
Dire et juger que la Société JALIS WEBCOM a manqué à son obligation de compenser le salaire d’un salarié protégé pendant les heures de délégation,
Dire et juger que la Société JALIS WEBCOM a manqué à son obligation de sécurité au travail,
Dire et juger en conséquence que la prise d’acte de Madame [O] doit être requalifiée en licenciement nul,
Condamner la Société JALIS WEBCOM à payer à Madame [O] la somme de 46 116 euros pour rupture abusive du contrat de travail,
Condamner la Société JALIS WEBCOM à payer à Madame [O] la somme de 23 058 euros au titre d’indemnité de préavis et 2305 euros au titre des congés payés sur préavis,
Condamner la Société JALIS WEBCOM à payer à Madame [O] la somme de 169 092 euros d’indemnité pour violation de son statut protecteur,
Condamner la Société JALIS WEBCOM à payer à Madame [O] la somme de 108 057 euros au titre d’indemnité de clientèle,
Condamner la Société JALIS WEBCOM à payer à Madame [O] la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts au titre du manquement de la Société JALIS WEBCOM à son obligation de sécurité au travail,
Condamner la Société JALIS WEBCOM à payer à Madame [C] [O] la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du CPC.
La SARL JALISWEBCOM demande à la Cour, aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 3 mai 2021, de :
DÉCLARER recevable la Société JALISWEBCOM en sa qualité d’intimée au principal et d’appelante incidente.
CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Marseille le 14 décembre 2018 en ce qu’il a considéré que la prise d’acte de Madame [O] s’assimilait en une démission.
En conséquence :
CONSTATER que les griefs invoqués par Madame [O] au soutien de sa prise d’acte sont injustifiés.
DÉBOUTER Madame [O] de ses demandes relatives au versement :
o De l’indemnité compensatrice de préavis (et congés payés sur préavis) ;
o De l’indemnité pour violation du statut protecteur ;
o De l’indemnité pour rupture abusive du contrat ;
o De l’indemnité de clientèle ;
o De l’indemnité de licenciement ;
o Des dommages et intérêts au titre d’un prétendu manquement à l’obligation de sécurité au travail.
REJETER l’ensemble des demandes indemnitaires, fins et prétentions de Madame [O].
SUR L’APPEL INCIDENT :
INFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Marseille le 14 décembre 2018 en ce qu’il a débouté la Société de sa demande reconventionnelle relative au versement de l’indemnité forfaitaire au titre de la non exécution du préavis.
En conséquence :
CONDAMNER à titre reconventionnel Madame [O] au versement de la somme nette de 22 289,40 euros à la Société au titre du préavis non exécuté ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
CONDAMNER Madame [O] au versement de la somme de 5000 euros au titre de l’article 700.
CONDAMNER Madame [O] aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée par ordonnance du 3 mars 2022.
SUR CE :
Sur la rupture du contrat de travail :
Madame [C] [O] invoque, à l’appui du bien fondé de sa prise d’acte, les griefs suivants :
-la modification unilatérale de sa rémunération,
-le changement abusif d’équipe,
-le manquement à la garantie du maintien du salaire pendant les heures de délégation,
-le manquement à l’obligation de sécurité.
I- Sur la modification unilatérale de la rémunération
Madame [C] [O] soutient que le mode de calcul de sa rémunération variable est contractualisé dans le contrat de travail signé par la salariée ; qu’avant 2014, Madame [O] était parfaitement autorisée à pratiquer des remises aux clients sans l’accord de sa hiérarchie, et ce depuis son entrée dans la société ; que la société JALISWEBCOM a indiqué en 2014, par une simple note de service, que dès le 1er avril, une valeur de rachat était mise en place pour tout contrat signé avec une remise au client supérieure à 20 % concernant la part dépassant les 20 % ; que concrètement, la commission de Madame [O] était impactée négativement dès qu’elle dépassait 20 % de remise à un client ; que fin 2017, la société JALISWEBCOM a indiqué encore une fois par la voie d’une note de service qu’à partir du 1er janvier 2018, les remises n’étaient plus admises sans autorisation de la direction et que la valeur de rachat serait mise en place dès le premier pourcent de remise, de telle sorte que Madame [O] verrait sa commission impactée négativement dès qu’elle signerait un contrat avec une remise au client ; qu’une telle modification de la rémunération ne peut se faire sans l’accord du salarié ; que la société JALISWEBCOM reconnaît avoir mis en place ce mode de rémunération début janvier 2018, avant de faire marche arrière et de prévoir l’application de ce nouveau mode de rémunération, suite à une réunion des délégués du personnel en date du 20 février 2018, au 1er juin 2018, après le respect d’un délai de prévenance, car elle considérait qu’il s’agissait d’un usage, alors qu’il s’agit d’une modification unilatérale de la rémunération ; qu’au moment du départ de Madame [O], en raison de sa prise d’acte, la société JALISWEBCOM a adressé à l’ensemble de ses VRP une LRAR indiquant que les remises n’étaient plus admises sans autorisation de la direction et que la rémunération variable serait impactée dès le premier pourcent de remise à compter du 1er juin 2018; qu’une telle modification de la rémunération ne peut se faire sans l’accord du salarié et ce, quelque soit la qualification donnée à la mesure de la société JALISWEBCOM ; que même s’il devait s’agir d’une modification des conditions de travail, la société devait obtenir l’accord de la salariée protégée ; qu’il convient, en conséquence, d’infirmer le jugement de première instance.
La SARL JALISWEBCOM réplique qu’il n’est nullement question en l’espèce d’une quelconque modification du contrat de travail de la salariée, mais bien d’une simple modification de la politique tarifaire de l’entreprise, laquelle relève du seul pouvoir de gestion de l’employeur et n’a au surplus jamais été contractualisée dans l’entreprise ; qu’il résulte du contrat de travail de Madame [O] et de son annexe signés le 1er juin 2012 que l’octroi de remises sans autorisation expresse de la hiérarchie est interdit ; qu’en cas de remises, la rémunération variable correspondante est soumise à validation ; que les conditions de versement de la rémunération variable, en cas de remises, ne sont absolument pas fixées dans le contrat de travail et le principe même du versement de commissions dans ces cas particuliers n’est pas acquis à la salariée ; que d’autre part, la politique tarifaire de la société demeure la prérogative de l’employeur, étant précisé que celle-ci est susceptible d’évoluer, comme rappelé expressément par le contrat de travail ; que la note de service de 2014 concernant les modalités de calcul de la commission en cas d’octroi de remises par les commerciaux n’est absolument pas venue modifier des éléments du contrat de travail nécessitant l’accord du salarié ; que les notes de services sont seulement venues autoriser la pratique de remises dans la société (dans la limite de 20 %), étant rappelé que le contrat de travail n’autorisait pas l’octroi des remises ; que dès lors, les notes de services diffusées en 2014, loin de préjudicier aux droits de Madame [O], lui ont bien au contraire permis de bénéficier d’un traitement plus favorable : d’une part, en autorisant, sans aval préalable, l’octroi de remises jusqu’à 20 % et, d’autre part, en rémunérant les contrats commissionnés à plus de 20 % validés par la Direction ; que preuve en est, la rémunération de Madame [O] a considérablement augmenté entre son embauche et le 31 décembre 2017, passant d’une moyenne mensuelle de 4605 euros à 7783 euros ; qu’il est faux d’affirmer que la société aurait modifié à compter de l’année 2014 la rémunération de Madame [O] sans son accord.
De surcroît, la SARL JALISWEBCOM fait valoir que, quand bien même Madame [O] estimerait que son contrat de travail aurait été modifié sans son accord en 2014 (ce qui n’est pas le cas), ce fait ne saurait justifier 4 années plus tard la prise d’acte.
La SARL JALISWEBCOM soutient qu’en fin d’année 2017, elle a reprécisé les conditions d’octroi de remises à la clientèle (et de commissionnement y afférent), étant rappelé que le contrat de travail de Madame [O] n’a jamais prévu la possibilité pour la salariée d’accorder des remises à la clientèle sans autorisation de la direction ; qu’en application des dispositions du contrat de travail de Madame [O] et, en tout état de cause en vertu de son pouvoir général de gestion, la société était tout à fait en droit de modifier sa politique tarifaire et notamment les conditions d’octroi de remises à sa clientèle ; que la société a de plus décidé de se placer volontairement sur le terrain de l’usage ; que par ailleurs, le contrat de travail indique expressément que la base du commissionnement repose bien sur la valeur de l’abonnement souscrit, qu’il en résulte donc que l’octroi de remises impacte nécessairement le montant de la commission versée, celle-ci étant mathématiquement calculée sur une assiette inférieure ; qu’il sera enfin constaté que la « modification » invoquée par Madame [O] comme étant à l’origine principale de sa prise d’acte n’était toujours pas entrée en vigueur à la date de sa prise d’acte et n’a été effective qu’à compter du 1er juin 2018 ; que la prise d’acte de Madame [O] était ainsi fondée sur un « supposé grief » non encore réalisé au jour de sa notification; que la Cour constatera donc que le premier grief invoqué par Madame [O] est infondé et ne saurait quoi qu’il en soit justifier la prise d’acte de la salariée.
*****
Il est prévu à l’article 5, « Obligations professionnelles » du contrat de travail du 1er juin 2012 de Madame [C] [O] que :
» Le représentant s’engage à respecter strictement les tarifs et conditions de vente qui lui auront été communiqués par la SOCIETE, étant précisé que ces conditions de vente et ces tarifs sont susceptibles d’évoluer au cours de l’exécution du présent contrat.
Le représentant ne pourra en aucun cas consentir des tarifs ou des conditions de ventes particulières sans en avoir préalablement obtenu l’accord express de la SOCIETE.
Toute opération de vente qui serait conclue à des conditions particulières sans l’accord préalable de la SOCIETE, n’ouvrira pas droit au paiement de la commission pour le représentant’ « .
L’article 7.2 « Rémunération variable » précise :
» En sus de la partie fixe calculée ci-dessus, il sera attribué au représentant une rémunération variable constituée de commissions sur toutes les affaires traitées directement par le représentant et arrêtée selon les modalités exposées ci-dessous.
Cette rémunération variable pourra être revue et fera l’objet d’annexes au contrat initial.
A – Droit à commission et règlement des commissions
Dans le cadre de son activité, le représentant percevra une rémunération mensuelle déterminée sur les bases suivantes :
[…]
a) En cas de réalisation de contrat conclu sur des RDV non pris par le représentant’
b) S’il y a une remise sur le forfait d’installation : une déduction de 50 % du montant de cette remise sur la rémunération sera appliquée.
c) Le forfait d’installation est à récupérer par le représentant.
d) La rémunération du chiffre d’affaires est validée après encaissement total.
B – Les commissions ne sont définitivement acquises au représentant aux conditions suivantes :
– Après encaissement (compte crédité) du prix total du produit ou service vendu sur les affaires directement négociées par le représentant aux conditions générales de vente ;
[…] « .
Par avenant n° 1 du contrat de travail signé le même jour, les objectifs individuels au titre de l’exercice 2012/2013 (« De juin 2012 à mai 2013 ») ont été fixés à Madame [C] [O].
Par « Annexe 1 » du contrat de travail, était défini le « mode de calcul de la rémunération brute VRP méthode en vigueur jusqu’au 31/12/2012 ». Il est prévu le calcul de la rémunération brute du VRP en pourcentage du montant de la « Valeur Abonnement totale (VAT) » en fonction du nombre de contrats. Il est précisé in fine que : » Toutes les commissions et primes seront versées selon les modalités citées ci-dessus…
NB : Rémunération des cas particuliers soumis à validation
– Contrats haut risque HR (non accepté par organismes de financement)
– Les différentes modalités de négociations en dehors du cadre de rémunération existantes :
exemple rachat de contrat concurrence, geste commercial etc… « .
Il ne résulte pas de ces dispositions contractuelles que la salariée pouvait octroyer des remises aux clients sans autorisation expresse de son employeur, tel qu’elle le soutient dans ses écritures. Il est au contraire prévu, à l’article 5 relatif aux obligations professionnelles de la salariée, que le représentant ne peut « en aucun cas consentir des tarifs ou des conditions de ventes particulières sans en avoir préalablement obtenu l’accord express de la SOCIETE », étant précisé de surcroît que « toute opération de vente qui serait conclue à des conditions particulières sans l’accord préalable de la SOCIETE, n’ouvrira pas droit au paiement de la commission pour le représentant ».
L’article 7.2 du contrat de travail définit les modalités de calcul du commissionnement, étant observé que seule est envisagée la remise sur le forfait d’installation (et non sur les contrats d’abonnement). En tout état, la représentante n’est pas autorisée à consentir des tarifs ou des conditions particulières de vente sans autorisation préalable de la SARL JALISWEBCOM, la rémunération de ces cas particuliers étant alors soumis à validation par la société (selon Annexe 1 du contrat de travail).
Il n’en reste pas moins qu’il existait une pratique habituelle au sein de la SARL JALISWEBCOM, autorisant les représentants à une marge de négociation de 20 %, tel que rappelé par la « note de synthèse » diffusée le 31 mars 2014 par la direction de la société au service commercial (« Rappel : Votre marge de négociation actuelle est de 20 % maximum sur la Valeur Totale du Contrat »). Cette note de synthèse prévoit également que » En cas de dépassement de la dite remise (Hors Cadre) et après acceptation du dossier en production par la direction, une VR Hors Cadre est mise en place pour la remise accordée au-delà des 20 %’ « .
Si Madame [O] soutient qu’elle était autorisée à pratiquer des remises aux clients sans l’accord de sa hiérarchie et sans impact sur sa rémunération variable, elle ne verse toutefois aucun élément susceptible d’établir qu’une telle pratique aurait été contractualisée entre les parties.
Par conséquent, la note de synthèse du 31 mars 2014 ne constitue pas une modification du contrat de travail de Madame [O].
Par une nouvelle note intitulée « Processus d’approbation des contrats. Mise en place à partir de janvier 2018″, la direction de la SARL JALISWEBCOM informait ses représentants de la mise en place à partir du mois de janvier 2018 d’un nouveau processus de validation des contrats prévoyant notamment, lors de la deuxième étape de validation par le Consultant, que celui-ci valide notamment pour » l’application du calcul de la VR hors cadre à partir d’une remise > à 0% sauf dérogation « .
Il est certain que cette nouvelle note modifie la pratique autorisée, au sein de l’entreprise, d’appliquer une marge habituelle de négociation de 20 % maximum sur la valeur totale du contrat sans impact sur la rémunération variable du représentant, puisqu’elle prévoit le calcul de « la VR hors cadre » dès le premier pourcent de la remise.
Toutefois, comme vu ci-dessus, il ne s’agit pas d’une modification du contrat de travail de Madame [O], lequel ne prévoyait pas que la représentante pouvait octroyer des remises aux clients sans autorisation de sa direction, ni consentir des tarifs ou des conditions particulières de vente sans validation de la société.
La SARL JALISWEBCOM a renoncé à l’application de la note de service à partir du 1er janvier 2018, et a décidé de se placer sur le terrain de l’usage, convoquant la délégation unique du personnel à une réunion extraordinaire du 20 février 2018, informant celle-ci du « projet de note de service de dénonciation d’usage » (pièce 16 versée par l’employeur), voulant dénoncer « la pratique suivante constatée dans l’entreprise :
Possibilité pour le personnel consultant/VRP d’appliquer des remises sur les services vendus sans accord préalable de la Direction et sans imputation de la remise sur le calcul de la rémunération variable.
Cette dénonciation sera effective à compter du 1er juin 2018′ « .
Un courrier recommandé du 22 février 2018, ayant pour « objet : dénonciation d’usage », a été adressé par l’UES Jalis à Madame [C] [O] pour l’informer de la dénonciation « de la pratique constatée dans l’UES Jalis au terme de laquelle le personnel consultant/VRP pouvait pratiquer des remises, au bénéfice de notre clientèle, sans autorisation préalable expresse de la hiérarchie et sans imputation de la remise sur le calcul de la rémunération variable’ à compter du 1er juin 2018… ».
Si le salarié protégé ne peut se voir imposer de modification de son contrat de travail, ni de ses conditions de travail, la révocation d’un usage lui est toutefois opposable.
Au surplus, à la date de son courrier de prise d’acte de la rupture de son contrat de travail le 12 mars 2018, Madame [C] [O] n’avait subi aucune modification de sa rémunération.
Le premier grief invoqué par Madame [C] [O] et relatif à la modification de son contrat de travail n’est pas établi.
II- Sur le changement d’équipe
Madame [C] [O] fait valoir qu’elle faisait partie d’une équipe de commerciaux placée sous la responsabilité de Monsieur [N] [G], que le directeur de la société JALISWEBCOM n’avait pas de commerciaux sous sa responsabilité ; qu’elle a été élue déléguée du personnel fin mai 2017 ; que par mail du 31 mai 2017, le directeur annonçait créer une nouvelle équipe composée de trois délégués du personnel nouvellement élus dont Madame [O] ; que Monsieur [G] signalait son désaccord quant au transfert de la salariée sous la direction de Monsieur [Z], de même que Madame [O] n’a pas manqué de signaler son désaccord ; qu’il est incontestable que le changement de poste de Madame [O] s’est opéré sans son accord ; qu’il ne s’agit pas d’un simple changement de supérieur hiérarchique mais d’un changement d’équipe, privant la salariée soudainement des habitudes et des résultats de son ancienne équipe ; qu’en tout état, la jurisprudence indique que le changement de supérieur hiérarchique constitue une modification des conditions de travail ; que toute modification, même mineure, de son contrat de travail devait requérir l’accord de la salariée et que ce changement sans l’accord de la salariée protégée justifie la prise d’acte du contrat aux torts de l’employeur.
La SARL JALISWEBCOM soutient en premier lieu qu’en vertu de son pouvoir général de direction, elle est parfaitement en droit de modifier le supérieur hiérarchique direct de ses salariés, dès lors que les attributions et le poste de travail des personnes concernées demeurent inchangés ; que de plus, il était expressément prévu à l’article 5 du contrat de travail de Madame [O] que « le représentant exercera ses fonctions selon les directives du représentant légal de la société ou du supérieur hiérarchique qui lui sera désigné » ; que c’est dès lors à juste titre que le conseil de prud’hommes a retenu qu’en désignant un nouveau responsable hiérarchique, l’employeur avait respecté et appliqué les termes du contrat de travail ; que si Madame [O] n’a pas apprécié que son supérieur hiérarchique direct soit désormais Monsieur [Z], pour autant celle-ci ne formule aucun grief à son égard dans l’encadrement particulier la concernant ; que Madame [O] ne peut prétendre que son employeur aurait souhaité la sanctionner des suites de son élection au sein de la DUP, alors même que c’est la société qui est à l’initiative des élections professionnelles, allant même jusqu’à saisir volontairement le Tribunal d’instance aux fins de constatation d’une Unité Économique et Sociale (UES) ; qu’il ne peut être prétendu que Monsieur [Z] aurait décidé d’affecter la salariée à son équipe pour stopper son évolution alors qu’entre son élection et la prise d’acte de rupture de son contrat de travail, sa rémunération moyenne a augmenté (augmentation de presque 30 %) ; qu’il convient de noter d’ailleurs que très rapidement, Madame [O] cessera de se plaindre au sujet de cette situation ; qu’en tout état de cause, la Cour constatera que loin de procéder de façon arbitraire, Monsieur [Z] a pris soin d’expliquer sa décision au précédent supérieur hiérarchique de Madame [O] et également à cette dernière ; que cette décision de la direction était temporaire et répondait au surplus à des demandes dans ce sens formulées par le passé ; que ce grief invoqué par Madame [O] est donc injustifié et ne saurait en tout état de cause justifier une prise d’acte de rupture du contrat de travail.
Madame [C] [O] a été élue membre titulaire de la délégation unique du personnel de l’UES JALIS le 9 mai 2017 (procès-verbaux des élections – pièces 54 versées par l’employeur).
Par courriel du 31 mai 2017 du gérant de la SARL JALISWEBCOM, Monsieur [X] [Z], adressé au service commercial, celui-ci annonçait une réorganisation des équipes en ces termes :
» Dans le cadre de la réorganisation des équipes consécutive à l’arrivée de nouveaux collaborateurs, je crée une nouvelle équipe dont j’assumerai la direction jusqu’à la fin de l’année, je serai assisté par [J].
Cette équipe sera composée de :
-[C] [O]
-[U] [I]
-[E] [V].
La prise d’effet sera au 5 juin, à 9 heures précises.
Bonne réception « .
Le supérieur hiérarchique de Madame [C] [O], Monsieur [N] [G], a manifesté son désaccord par courriel du 4 juin 2017, soulignant notamment, au vu des très bons résultats de [C] [O], « l’impact financier d’une telle décision sur (sa) rémunération sans compensation’ je pense de l’ordre de 1500 à 2000 euros bruts par mois » (pièce 7 versée par la salariée).
Madame [C] [O] a également manifesté son désaccord par courriel du 31 mai 2017 (sa pièce 8), en ces termes :
» Je ne comprends pas cette réorganisation.
Quelle en est le but ‘
Pourquoi décider de la vie des gens de manière arbitraire »
Est-ce de la stigmatisation suite aux élections’
Tout porte à le croire
Tu nous dis ouvertement qu’en tant que DP, tu ne nous confieras plus personne, donc plus d’évolution.
Est-ce normal ‘
No futur chez Jalis…
Tu souhaites aujourd’hui créer une équipe avec les DP titulaires, je suis dubitative.
A mon sens, il s’agit de discrimination, d’une réelle mise au placard « .
Monsieur [X] [Z], gérant de la SARL JALISWEBCOM , a répondu par courriel du 30 mai 2017 à Monsieur [N] [G] (pièce 19 versée par l’employeur), de même qu’il a répondu à Madame [C] [O] par courriel du 2 juin 2017 (sa pièce 20), faisant valoir que la réorganisation des équipes s’expliquait par l’arrivée de nouvelles recrues à compter du 1er juin et l’augmentation des équipes et qu’il s’agissait d’une décision transitoire « en attendant la nomination d’un nouveau Directeur ».
Si Madame [C] [O] a invoqué que la création d’une équipe composée de trois délégués du personnel titulaires placés directement sous la responsabilité de Monsieur [X] [Z] constituait une discrimination et une « mise au placard », elle ne verse toutefois aucune pièce susceptible de présumer que cette décision de l’employeur aurait eu un impact négatif sur l’évolution de sa situation au sein de la société, ni que la salariée aurait fait l’objet d’agissements répréhensibles de son nouveau supérieur hiérarchique direct.
La SARL JALISWEBCOM démontre que la situation professionnelle de la salariée a au contraire évolué positivement, Madame [O] ayant perçu entre juin et décembre 2016 une rémunération mensuelle moyenne de 5679,78 euros et ayant perçu, sur la période équivalente de 2017, une rémunération mensuelle moyenne de 7037,35 euros (pièces 17 et 18 versées par l’employeur), soit une augmentation de sa rémunération de 23,9 %.
Aux termes de l’article 5 du contrat de travail de Madame [O], il est prévu que » le représentant exercera ses fonctions selon les directives du représentant légal de la société ou du supérieur hiérarchique qui lui sera désigné’ « .
Le changement d’équipe et du supérieur hiérarchique de la salariée, sans modification de ses fonctions, de son niveau de responsabilité ou de rémunération, ne constitue pas une modification du contrat de travail, ni même des conditions de travail de Madame [O], laquelle était contractuellement placée sous l’autorité du supérieur hiérarchique désigné par la SARL JALISWEBCOM .
Ce deuxième grief n’est donc pas établi.
III – Sur la garantie du maintien du salaire pendant les heures de délégation
Madame [C] [O] fait valoir que le paiement de ses heures de délégation, selon un principe continu de la Cour de cassation, est calculé sur la base du salaire réel des 12 derniers mois, en intégrant la rémunération variable du salarié ; qu’en janvier 2018, son taux horaire du mois était de 44,86 euros, son taux horaire sur les 12 derniers mois était de 49,47 euros ; qu’elle a été en délégation le 11 janvier 2018 toute la journée (pièce 48), mais que la société JALISWEBCOM ne lui a à aucun moment compensé son salaire ; que la société JALISWEBCOM n’a jamais compensé le salaire de Madame [O] pour les heures de délégation prises en juin 2017 (réunion du CE), en septembre 2017 (réunion du CHSCT), en novembre 2017 (réunion extraordinaire du CE), pour lesquelles la salariée a nécessairement posé des heures de délégation ; que cette absence de compensation salariale des heures de délégation justifie la prise d’acte de la salariée et la requalification de cette prise d’acte en un licenciement nul.
La SARL JALISWEBCOM précise que le grief ainsi invoqué pour la première fois en cause d’appel ne pouvait empêcher la poursuite du contrat de travail, la salariée n’ayant manifestement même pas conscience de l’existence possible d’un tel grief avant l’introduction de son appel ; que ce constat permet à lui seul de considérer comme irrecevable et injustifié le nouveau grief allégué par la salariée à l’appui de sa prise d’acte; que Madame [O] invoquait uniquement sa pièce 46, dont il résulte précisément que l’employeur a parfaitement respecté la garantie de maintien de rémunération puisque, au titre du mois considéré (décembre 2017), la garantie de rémunération a été vérifiée et il a pu être constaté que les appointements de Madame [O] étaient supérieurs au montant de la garantie ; que dans le cadre de ses conclusions récapitulatives communiquées le 5 septembre 2019, Madame [O] tente d’étayer davantage ce supposé grief en faisant état d’une pièce supplémentaire (pièce adverse n° 48) ; qu’à l’analyse de cette pièce, la Cour constatera que la journée du 11 janvier 2018, Madame [O] était à son poste de travail et informait juste le personnel qu’elle était à leur disposition en cas de demande de ses collègues de travail ; que Madame [O] ne peut faire valoir des heures de délégation et ne justifie d’ailleurs pas avoir sollicité ou informé son employeur des éventuelles heures de délégation prises au cours de ladite journée ; que sans pour autant produire de pièces supplémentaires, Madame [O] poursuit en indiquant au titre des mois précédents ou suivants qu’elle n’aurait pas bénéficié de la garantie de maintien de salaire pendant ses heures de délégation, sans toutefois préciser le nombre et la date des heures de délégation qu’elle aurait prises ; qu’il convient de rappeler qu’il appartient au salarié de justifier auprès de son employeur des heures de délégation prises et que de plus, le temps passé aux réunions ne constitue pas des heures de délégation mais s’assimile à du temps de travail effectif ; que ce nouveau grief est manifestement injustifié et doit être rejeté par la Cour.
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Madame [C] [O] ne peut se contenter de prétendre qu’elle a « nécessairement » posé des heures de délégation notamment pour les réunions du CE en juin 2017, du CHSCT en septembre 2017 et du CE en novembre 2017.
De surcroît, le temps passé aux réunions du CE et du CHSCT est décompté comme temps de travail effectif et n’est pas déduit des heures de délégation des représentants du personnel.
Madame [C] [O] ne peut prétendre qu’elle était en délégation le 11 janvier 2018 au motif qu’elle a adressé au personnel un courriel du 11 janvier 2018 pour lui indiquer : » Je vous informe être à votre écoute et disposition aujourd’hui jusqu’à 18h00 « . Elle ne justifie pas par ailleurs avoir informé son employeur qu’elle prenait ou avait pris des heures de délégation à cette date.
Il résulte du décompte des heures de délégation du mois de décembre 2017 (fiche annexée au bulletin de paie – pièce 46 versée par la salariée) que Madame [O] a bien été rémunérée de ses heures de délégation sur la base du taux horaire brut du mois en cours de 52,27 euros, supérieur au taux horaire des 12 derniers mois de 51,08 euros.
Madame [C] [O] procède par voie d’affirmation et non de démonstration lorsqu’elle allègue que les heures de délégation prises sur les autres mois n’ont jamais donné lieu à compensation, ne produisant aucun élément sur les heures de délégation demandées et prises.
En conséquence, le grief n’est pas établi.
IV- Sur le manquement à l’obligation de sécurité
Madame [C] [O] invoque, au titre d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, les éléments suivants :
-une incitation à travailler le week-end et des mails adressés le week-end,
-une critique publique des salariés,
-la révélation des salaires des salariés, pour mettre la pression sur les autres,
-l’utilisation de la technique de BENCHMARK de manière continue pour mettre en concurrence et accentuer la pression sur les salariés,
-l’obligation de travailler pour le compte personnel de l’employeur, lequel n’a pas hésité à utiliser les moyens de l’entreprise et ses salariés pour mener une campagne électorale afin de se faire élire à la Chambre de commerce en 2016.
Elle fait valoir que ces éléments, pris ensemble, ont conduit Madame [O] a une fragilité psychologique qui n’a jamais été prise en compte par son employeur ; que cette pression et ce harcèlement présent au sein de la société ont amené la médecine du travail à s’inquiéter de ces pratiques pour la santé des salariés ; que la SARL JALISWEBCOM n’a rien mis en ‘uvre pour répondre aux inquiétudes de la médecine du travail; qu’au contraire, la société a continué sa politique de pression et de harcèlement continue ; que Madame [O] n’a eu d’autre choix que de se mettre en maladie, avant de prendre acte de la rupture de son contrat; que le médecin a retenu un surmenage et des insomnies et a prescrit des tranquillisants ; que pour l’ensemble de ces faits, la prise d’acte doit également s’analyser en un licenciement nul.
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Il résulte de l’ensemble des courriels versés par l’appelante, adressés pour la plupart aux équipes commerciales, que :
-les mails soulignant la signature de contrats et la réalisation de chiffre d’affaires le samedi constituent des messages de félicitations et d’encouragement, délivrés également aux salariés pour leurs performances accomplies en semaine, aucun des messages ne donnant l’ordre aux salariés de travailler le week-end ;
-que les courriels de l’employeur effectuent une comparaison quant aux performances réalisées par les collaborateurs de l’entreprise, sans que ceux, dont la prestation est jugée mauvaise, fassent l’objet de critiques excessives ou vexatoires, étant observé que Madame [O] n’était pas personnellement visée dans ces courriels, recevant au contraire régulièrement des félicitations de son employeur ; que la volonté exprimée par l’employeur de procéder à des décommissionnements de dossiers dans un contexte d’insuffisance de résultats de certains sites ne traduit pas une attitude menaçante de l’employeur ;
-que les courriels rapportant les salaires les plus hauts perçus par certains salariés, qui sont seuls susceptibles de se plaindre d’une divulgation de leurs salaires, sont destinés à valoriser les performances et stimuler les autres membres des équipes commerciales, étant observé que Madame [O] n’est pas personnellement citée dans ces courriels ;
-que le courriel effectuant une analyse des résultats de la semaine avec « les Top / Flop des activités » (pièce 47 versée par l’appelante) traduit un recours par l’employeur à la technique du « benchmark » pour comparer les résultats obtenus, les salariés ayant réalisé les meilleures performances pouvant obtenir des récompenses; que cette technique n’est pas illicite et n’est pas en soi caractéristique d’un harcèlement ; que ce courriel ne révèle aucune critique excessive ou vexatoire et formule également des conseils et encouragements à l’égard des salariés dont les résultats sont jugés insuffisants ;
-les courriels demandant aux salariés d’inviter leurs clients et prospects à une soirée électorale et à sensibiliser les clients à voter aux élections de la Chambre de commerce ne s’accompagnent pas de pressions exercées sur les salariés ;
-si le médecin du travail a indiqué à l’employeur, dans un courrier du 2 juin 2017, « être très préoccupé par la prévention des risques psychosociaux au sein de votre entreprise » et n’avoir eu aucune nouvelle de l’employeur suite à sa demande d’entretien en compagnie de la psychologue du travail, la SARL JALISWEBCOM a toutefois répondu au médecin du travail, par courriel du 8 juin 2017, avoir tenté d’obtenir à plusieurs reprises la fixation d’un rendez-vous tripartite, en vain, en raison de l’emploi du temps de la psychologue et du médecin du travail ; l’employeur produit des échanges de courriels avec le médecin du travail entre le 28 avril 2017 et le 5 mai 2017, ainsi que la fiche d’entreprise mise à jour le 3 juillet 2017 mentionnant au titre des « autres risques : charge mentale de travail contact avec le public » (« charge mentale liée : Au contact avec la clientèle (exigences des clients, gestion des situations difficiles)
A la capacité d’adaptation, à la réactivité »),
et au titre des « mesures de prévention conseillées Toujours privilégié le dialogue et la communication avec le personnel » ;
Madame [O] ne démontre pas et ne prétend pas avoir personnellement saisi le médecin du travail. Elle produit son avis d’arrêt de travail du 7 mars 2018 mentionnant un « surmenage – insomnie – anxiété » et une prescription médicamenteuse du 15 mars 2018.
Elle ne verse pas d’élément établissant un lien entre la dégradation de son état de santé et ses conditions de travail, la simple mention d’un « surmenage » étant insuffisant à établir ce lien.
Il ne peut être reproché à l’employeur, non averti par la salariée de sa « fragilité psychologique » et informé pour la première fois, dans le courrier de prise d’acte de Madame [O] du 12 mars 2018 de sa dénonciation d’un harcèlement, de ne pas avoir réagi aux fins d’assurer la protection de la santé de sa salariée.
Au vu de l’ensemble des éléments versés par les parties, l’existence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité n’est pas établie.
En conséquence, les griefs invoqués à l’appui de la prise d’acte de rupture ne sont pas justifiés.
C’est donc à juste titre que le premier juge a dit que la prise d’acte par Madame [O] de la rupture de son contrat de travail produisait les effets d’une démission et a débouté la salariée de ses demandes en paiement d’une indemnité de préavis, de congés payés sur préavis, d’une indemnité pour rupture abusive du contrat de travail et d’une indemnité pour violation du statut protecteur, ainsi que de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
Sur l’indemnité de clientèle :
Madame [C] [O] sollicite le paiement d’une indemnité de clientèle pour un montant de 108 057 euros.
La SARL JALISWEBCOM fait valoir que cette indemnité n’est due qu’en cas de licenciement, sauf pour faute grave ou lourde, et qu’elle n’est pas due en cas de démission.
En vertu de l’article L.7313-13 du code du travail, l’indemnité de clientèle n’est due qu’en cas de rupture à l’initiative de l’employeur, en l’absence de faute grave.
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d’une démission, à l’initiative de la salariée, l’indemnité de clientèle n’est pas due en l’espèce.
Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Madame [C] [O] de sa demande en paiement d’une indemnité de clientèle.
Sur la demande reconventionnelle de la société au titre du préavis :
La SARL JALISWEBCOM soutient que, la prise d’acte produisant les effets d’une démission, la salariée est redevable d’une somme correspondant au montant du préavis qu’elle n’a pas exécuté ; que Madame [O] devra en conséquence verser à la société la somme de 23 058 euros au titre du préavis non exécuté ; que le conseil de prud’hommes a débouté à tort la société de cette demande en raison du fait que la salariée était en arrêt de travail au moment de la rupture et qu’elle ne pouvait dès lors accomplir aucun préavis ; que pour autant, l’arrêt de travail de Madame [O] concernait uniquement la période du 7 au 15 mars 2018, la salariée ayant pris acte de la rupture de son contrat le 12 mars 2018 ; que par conséquent, seuls 3 jours doivent être défalqués de l’indemnité compensatrice de préavis, sauf à ce que l’appelante justifie de la poursuite de son arrêt maladie au-delà du 15 mars ; que Madame [O] est donc redevable de la somme de 22 289,40 euros au titre du préavis non exécuté (23 058-768,60), la société précisant dans le dispositif de ses conclusions que la somme réclamée est en net.
Madame [C] [O] ne formule aucune observation au sujet de cette prétention de l’employeur.
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail de la salariée produisant les effets d’une démission, cette dernière était tenue à l’accomplissement d’un préavis de trois mois.
La salariée ne justifiant pas de la poursuite de son arrêt de travail pour maladie au-delà du 15 mars 2018, le préavis est dû à la SARL JALISWEBCOM pour un montant brut de 22 289,40 euros au titre du préavis non exécuté, déduction faite des trois jours d’arrêt de travail pour maladie du 12 au 15 mars 2018 [(7186 x 2) + 117, 40].
En conséquence, la Cour condamne Madame [O] à payer à son employeur la somme nette de 18 984,97 euros au titre du préavis non exécuté.
Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur l’article 700 du code de procédure civile :
Il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et en matière prud’homale,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté la SARL JALISWEBCOM de sa demande reconventionnelle au titre du préavis,
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne Madame [C] [O] à payer à la SARL JALISWEBCOM la somme nette de 18 984,97 euros au titre du préavis non exécuté,
Condamne Madame [C] [O] aux dépens de première instance et d’appel et à payer à la SARL JALISWEBCOM la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER Mme Emmanuelle CASINI, Pour le Président empêché