Convention collective des services à la personne : 6 mai 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 18/13550
Convention collective des services à la personne : 6 mai 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 18/13550

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 06 MAI 2022

N° 2022/ 146

Rôle N° RG 18/13550 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BC5ZQ

[M] [E]

C/

SARL ANGELA TOULON

Copie exécutoire délivrée

le : 06.05.2022

à :

Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Me Frédéric LIBESSART, avocat au barreau de TOULON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULON en date du 24 Juillet 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F17/00657.

APPELANTE

Madame [M] [E], demeurant C/ M.et Mme [V] – [Adresse 2]

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et par Me Jenna COUREAU, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

SARL ANGELA TOULON, [Adresse 1]

représentée par Me Frédéric LIBESSART, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été appelée le 15 Février 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Philippe SILVAN, Président, a été chargé du rapport de l’affaire.

La Cour était composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

M. Ange FIORITO, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2022,

Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Selon contrat à durée indéterminée du 2 septembre 2015, Mme [E] a été recrutée par la SARL Angela Toulon en qualité d’assistante de vie. Le 14 septembre 2017, Mme [E] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Le 21 septembre 2017, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Toulon d’une demande tendant principalement à voir juger que sa prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire sur le minima conventionnel, d’heures supplémentaires, d’heures de nuit ou de dimanches travaillés et de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale de travail quotidienne et hebdomadaire, non-respect du temps de repos quotidien et hebdomadaire et non-respect de l’obligation de sécurité de résultat.

Par jugement du 24 juillet 2018, le conseil de prud’hommes de Toulon l’a déboutée de ses demandes.

Mme [E] a fait appel de ce jugement le 9 août 2018.

A l’issue de ses conclusions du 5 novembre 2018 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, Mme [E] demande de’:

 »condamner la SARL Angela Toulon au paiement des sommes suivantes’:

 »Non-respect des minimas conventionnels’:

 »Rappel de salaire du 02 septembre 2015 au 31/12/2015′: 78,84’€ bruts,

 »Indemnité de congés payés sur rappel de salaire’: 7,88’€ bruts,

 »Rappel de salaire du 01/06/2016 au 30/04/2017′: 10’573,76’€ bruts,

 »Indemnité de congés payés sur rappel de salaire’: 1’057,37’€ bruts,

 »Non-paiement des heures supplémentaires’:

 »Rappel de salaire du 02 septembre 2015 au 31/12/2015 ‘ 2’329,86’€ bruts,

 »Indemnité de congés payés sur rappel de salaire 232,98’€ bruts,

 »Rappel de salaire du 01/01/2016 au 31/12/2016 ‘ 17’895,63’€ bruts,

 »Indemnité de congés payés sur rappel de salaire. 1’789,56’€ bruts,

 »Rappel de salaire du 01/01/2017 au 14 septembre 2017’4’264,31’€ bruts,

 »Indemnité de congés payés sur rappel de salaire ‘ 426,43’€ bruts,

 »Non-paiement des heures de nuit’:

 »Rappel de salaire du 02 septembre 2015 au 31/12/2015′: 3’956,62’€ bruts,

 »Indemnité de congés payés sur rappel de salaire’: 395,66’€ bruts,

– Rappel de salaire du 01/01/2016 au 31/12/2016′: 23’175,97’€ bruts,

 »Indemnité de congés payés sur rappel de salaire’: 2’317,59’€ bruts,

 »Rappel de salaire du 01/01/2017 au 14 septembre 2017.’ 9’310,26’€ bruts,

 »Indemnité de congés payés sur rappel de salaire.’ 931,02’€ bruts,

Dommages et intérêts pour dissimulation d’activité’: 14’324,73’€ nets de toutes charges et contributions,

– Indemnité de repos’: 24’244,62’€ bruts,

 »Congés payés sur indemnité de repos’: 2’424,45’€ bruts,

 »Rappels de salaire pour les dimanches travaillés’: 13’443,92’€ bruts,

 »Indemnités de congés payés afférents’: 1’344,39’€ bruts,

 »Dommages et intérêts pour congés payés non pris’: 3’700’€ nets de toutes charges et contributions,

 »Dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale de travail quotidienne et hebdomadaire’: 55’000’€ nets de toutes charges et contributions,

 »Dommage et intérêts pour non-respect du temps de repos quotidien et hebdomadaire et congés payés afférents’: 30’000’€ nets de toutes charges et contributions,

 »Dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité de résultat’: 14’324,70’€ nets de toutes charges et contributions (6 mois),

 »Indemnité compensatrice de préavis’: 4’774,90’€ bruts,

 »Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis’: 477,49’€ bruts,

 »Indemnité légale de licenciement’: 970,68’€ nets,

 »Indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse’: 19’099,60’€ nets de toutes charges et contributions (8 mois),

 »ordonner à la SARL Angela Toulon d’ avoir, sous astreinte de 100’€ par jour de retard, à rectifier tous ses bulletins de salaire du 02 septembre 2015 au 14 septembre 2017,

 »ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir,

 »condamner la SARL Angela Toulon au paiement de la somme de 2’500’€ au titre des frais irrépétibles de procédure ainsi qu’aux entiers dépens.

Mme [E] expose qu’elle était fondée à prendre acte de la rupture de son contrat de travail en raison de nombreux manquements graves de la SARL Angela Toulon caractérisés par le non-respect des minima conventionnels de salaire prévu par la convention collective nationale des entreprises de services à la personne, le non-paiement de la totalité de ses heures supplémentaires, le non-respect du contingent annuel des heures supplémentaires de la contrepartie obligatoire en repos, le non-paiement des salaires sur les nuits et dimanches travaillés, la violation de l’interdiction du travail dominical des faits de travail dissimulé, la violation du droit à congés payés, le non-respect des durées maximales de travail, non-respect des durées quotidiennes et hebdomadaires maximales de travail et la violation de son obligation de sécurité.

A l’issue de ses conclusions du 17 janvier 2019 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, la SARL Angela Toulon demande de’:

 »confirmer le jugement du conseil des prud’hommes de Toulon du 24 juillet 2018 dans ses entières dispositions’;

 »condamner Mme [E] paiement de la somme de 3000’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La SARL Angela Toulon conteste les demandes de Mme [E] et soutient que sa prise d’acte fait suite à un entretien de la veille à l’occasion duquel elle a proposé à sa salariée une rupture amiable de son contrat de travail en raison de la découverte de manquements de Mme [E] à ses fonctions vis de patients et de problèmes causés avec ses collègues. Elle en conclut que la prise d’acte devra donc être assimilée aux effets d’une démission.

Elle indique notamment que le taux horaire applicable à Mme [E] à compter du 1er janvier 2016 était supérieur à celui prévu par la convention collective que ce soit en assistante de vie niveau I ou niveau IV, que les heures supplémentaires invoquées par Mme [E] sont fondées sur des éléments de preuve qu’elle s’est constitués et non pas des relevés d’heures ou des plannings contresignés par l’employeur ou même le client, que Mme [E] a toujours bénéficié de l’intégralité de ses plages de repos et de ses congés payés, que les congés payés, que toutes les demandes formées par Mme [E] ont été acceptées et que les congés payés ont été soldés lors de la prise d’acte, que Mme [E] a été rémunérée conformément au SMIC horaire puis au taux conventionnel et qu’elle exerçait bien des fonctions d’assistante de vie 1 Niveau I et non d’assistante de vie 3 niveau IV comme elle le soutient, que le repos hebdomadaire a été accordé conformément aux dispositions légales en vigueur telle que cela résulte des plannings, des bulletins de salaire et des relevés mensuels d’heures édités par l’employeur, que les dispositions conventionnelles relatives au travail le dimanche ont été respectées, que Mme [E] a donné son accord pour travailler le dimanche moyennant un taux horaire négocié pour la spécificité de son intervention, que les pièces qu’elle verse à l’instance démontrent le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire, des durées maximales de travail, que Mme [E] ne peut invoquer des faits de travail dissimulé, l’employeur ayant respecté ses obligations et l’élément intentionnel faisant défaut et que concernant son obligation de sécurité, les plannings étaient organisés avec régulièrement l’intervention de plusieurs salariés et qu’aucun élément ne permet d’imputer son accident du travail du 12 août 2017 à un manquement de l’employeur.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 21 janvier 2022. Pour un plus ample exposé de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées par les parties.

SUR CE’:

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail’:

Il est de jurisprudence constante que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

sur le rappel de salaire’:

sur les minimas conventionnels’:

Selon son contrat de travail à durée indéterminée du 2 septembre 2015, Mme [E] a été recrutée par la SARL Angela Toulon en qualité d’assistante de vie et devait être rémunérée selon un taux horaire brut de 9,610’€.

L’article 1er de l’annexe II «’Positionnement des emplois repères. ‘ Salaires’» de la convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012, étendue par arrêté ministériel du 3 avril 2014, prévoyait que les salariés relevant du niveau I étaient rémunérés sur la base d’un taux horaire de 9,40’€ bruts et que les salariés de niveau IV étaient payés sur la base d’un taux horaire de 9,55’€ bruts. Par avenant du 21 mars 2016, les partenaires sociaux ont fixé les salaires minima conventionnels applicables à ces salariés à 9,67’€ pour les salariés de niveau I et à 9,83’€ pour les salariés de niveau IV. Cet avenant, qui annule et remplace l’article 1er de l’annexe II précité, devait prendre effet à compter du premier jour du mois de la publication au journal officiel de l’arrêté ministériel d’extension, soit en l’espèce à compter du 1er juillet 2016.

Il en ressort, quelle que soit le niveau de rémunération auquel Mme [E] peut prétendre, niveau I ou niveau IV, qu’elle a été payée au-delà des minima conventionnels prévus. La demande en rappel de salaire qu’elle forme de ce chef s’avère en conséquence infondée.

sur la rémunération forfaitaire’:

Par avenant au contrat de travail de Mme [E] du 21 juin 2016, Les parties sont convenues de fixer le salaire mensuel de la salariée un montant forfaitaire de 2200’€ à 2400’€ nets mensuels variant en fonction du nombre de jours de présence de Mme [E] au domicile de la bénéficiaire chez laquelle elle devait intervenir, soit au minimum 2’200’€ mensuels nets pour 17 jours de présence et au maximum 2’400’€ net mensuel pour 20 jours de présence. Par avenant du 1er mai 2017, le forfait précité a été annulé, l’intervention de Mme [E] au domicile de la bénéficiaire visée dans l’avenant du 21 juin 2016 a été annulée et son taux horaire a été fixé à 10,67’€.

Il ressort des bulletins de paie de Mme [E] que, entre le mois de juillet 2016 et le mois d’avril 2017, son salaire net a toujours été supérieur au minima de 2200’€ nets mensuel précité, à l’exception des mois d’août et décembre 2016 et mars 2017. Il en résulte en outre que la rémunération payée à cette dernière avait vocation à rémunérer des heures normales de travail pour 151,61 heures mensuelles, des heures supplémentaires majorées au taux de 25 ou 50’% ou encore des majorations pour heures de nuit, lors de dimanche ou heures de jour férié. Le taux horaire retenu par l’employeur pour procéder au calcul du salaire dû à Mme [E] est de 12,50’€.

Il ne résulte pas des termes de l’avenant du 21 juin 2016 la démonstration de la volonté de la SARL Angela Toulon de rémunérer Mme [E] sur une base horaire de 18,84’€. Celle-ci ne peut en conséquence prétendre à un rappel de salaire sur cette base.

Sur les heures supplémentaires, la violation du contingent annuel des heures supplémentaires et la contrepartie obligatoire en repos’:

Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Enfin, selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre’d’heures’de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des’heures’de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre’d’heures’de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux’heures’non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des’heures’de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence’d’heures’supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, Mme [E] verse aux débats des tableaux récapitulant, à compter du mois de septembre 2015, sa durée hebdomadaire de travail et détaillant, semaine par semaine, les heures supplémentaires aux taux majorés de 25’% et 50’% qu’elle estime dues par la SARL Angela Toulon.

Ce faisant, peu important que ces tableaux aient été établis postérieurement à la rupture du contrat de travail et qu’ils aient fait l’objet de plusieurs versions, elle présente des éléments suffisamment précis quant aux’heures’non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies permettant à son ex-employeur, chargé d’assurer le contrôle des’heures’de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Ces tableaux sont corroborés par les témoignages de Mmes [O] et [W] qui attestent, pour la première que la personne au domicile de laquelle Mme [E] était affectée entre juin 2016 et mai 2017 présentait une lourde pathologie et que, malgré les somnifères qu’elle prenait, elle se levait entre deux à cinq fois chaque nuit et, pour la seconde, que cette bénéficiaire, compte tenu de sa lourde pathologie ne pouvait se débrouiller seule et qu’elle se levait la nuit. Ils sont en outre confortés par la copie du cahier de liaison rempli par les différentes intervenantes au domicile de cette bénéficiaire et dont les mentions, qui détaillent l’activité de ces intervenantes au cours de la journée, font état de nuits calmes ou de nuits agitées.

En réponse, la SARL Angela Toulon produit à l’instance les emplois du temps de Mme [E] pour la période courant du mois de septembre 2015 au mois d’avril 2017.

En premier lieu, il convie de relever qu’aucune des parties ne verse aux débats des éléments de preuve portant sur l’activité de Mme [E] pour la période postérieure au mois de mai 2017. Par ailleurs, Mme [E] ne produit à l’instance aucun élément de preuve pertinent de nature à remettre en cause les emplois du temps précités concernant la période courant du mois de septembre 2015 au mois de juin 2016. La demande en rappel d’heures supplémentaires formulée par Mme [E] pour la période courant jusqu’au mois de juin 2016 et pour la période postérieure au mois de mai 2017 s’avère donc infondée.

Concernant la période courant à compter du 1er juillet 2016 jusqu’au 30 avril 2017, s’il est constant que conformément aux dispositions de la convention collective applicable, Mme [E] était amenée à réaliser au domicile de la bénéficiaire un temps de présence nocturne conditionné par le bénéfice d’une chambre, d’un logement indépendant sur place et faisant l’objet d’une indemnisation particulière forfaitaire, il ressort cependant de ces dispositions conventionnelles que ce temps de présence, considéré comme un temps d’inaction, pouvait également comporter des périodes de travail ponctuel qui seraient décomptées et payées comme du temps de travail effectif.

Or, il a été relevé que compte tenu de sa pathologie, la bénéficiaire en question pouvait se lever à plusieurs reprises la nuit ce qui entraîné l’intervention de la salariée pour en prendre soin. Il n’est pas justifié par la SARL Angela Toulon d’un décompte du temps de travail réalisé par Mme [E] à cette occasion.

En considération des emplois du temps de Mme [E], dont la fausseté n’est pas démontrée par cette dernière, il apparaît que celle-ci réalisait sa prestation au domicile de la bénéficiaire dans la majorité des cas selon les horaires suivants’: 12 heures/16 heures et 17 heures/24 heures et qu’elle a travaillé de manière très exceptionnelle au domicile de celle-ci entre minuit et 5’h’00 au mois d’octobre 2016. Le bulletin de paie afférent à cette période mentionne le paiement d’heures de nuit. Les éléments soumis à l’appréciation de la cour ne permettent pas de se convaincre que, pendant ses heures de travail de nuit, Mme [E] a réalisé une prestation de travail qui n’a pas été rémunérée par l’employeur.

Il n’est donc pas établi que Mme [E] a réalisé pour le compte de la SARL Angela Toulon des heures supplémentaires restées impayées. Celle-ci sera par conséquent déboutée de sa demande en rappel de salaire de ce chef

En conséquence, Mme [E] ne peut faire grief à la SARL Angela Toulon d’avoir excédé le contingent annuel d’heures supplémentaires prévues par l’article L.’3121 ‘ 39 et D.’3121 ‘ 24 du code du travail et solliciter un rappel au titre de la contrepartie obligatoire en repos applicable.

Sur les heures de nuit et les dimanches travaillés’:

Il a été retenu que Mme [E] ne peut prétendre à paiement au titre d’heures supplémentaires impayées. Par ailleurs il ne ressort pas de la comparaison des emplois du temps de la salariée et de ses bulletins de paie que celle-ci n’a pas été intégralement réglée de ses heures de nuit. La demande en rappel de salaire qu’elle forme de ce chef sera en conséquence rejetée.

L’article L.’3132-3 du code du travail prévoit que, dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche.

L’article L.’3132-12 du même code précise que, certains établissements, dont le fonctionnement ou l’ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l’activité ou les besoins du public, peuvent de droit déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos hebdomadaire par roulement et qu’un décret en conseil d’Etat détermine les catégories d’établissements intéressées.

Enfin, l’article R.’3132-5 du code du travail, dans sa version applicable à la relation de travail, édicte que les catégories d’établissements et établissements mentionnés dans un tableau, sont admis, en application de l’article L.’3132-12, à donner le repos hebdomadaire par roulement pour les salariés employés aux travaux ou activités spécifiés dans ce tableau. Il résulte du tableau en question que peuvent déroger au principe du repos dominical les catégories d’établissements et établissements de services aux personnes physiques à leur domicile (associations ou entreprises agréées par l’Etat ou une collectivité territoriale procédant à l’embauche de travailleurs pour les mettre à disposition des personnes) pour toutes activités directement liées à l’objet de ces associations ou de ces entreprises.

Il n’est pas justifié par la SARL Angela Toulon qu’elle bénéficie d’un agrément par l’État ou une collectivité territoriale lui permettant de déroger au principe du droit à repos dominical.

La convention collective applicable prévoit (Partie 2, chapitre II, section 2, article II organisation des temps de repos) que, pour tenir compte des contraintes liées au travail le dimanche, la rémunération du travail effectué ce jour-là est majorée au minimum de 10’% à compter du 1er dimanche travaillé dans l’année. Mme [E] ne peut donc faire grief à la SARL Angela Toulon d’avoir majoré de 10’% ses heures de travail réalisées le dimanche. Par ailleurs, reprenant les mêmes motifs que ceux retenus pour conclure au rejet de la demande de Mme [E] au titre des heures de nuit, il ne ressort pas des éléments soumis à l’appréciation de la cour que Mme [E] n’a pas été intégralement payée de ses heures de travail le dimanche.

sur l’indemnité pour travail dissimulé’:

L’article L’8221-5 du code du travail énonce qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur’:

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche’;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie’;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L’article L’8223-1 du même code prévoit qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Le paiement de cette indemnité suppose de rapporter la preuve, outre de la violation des formalités visées à l’article L’8223-1, de la volonté chez l’employeur de se soustraire intentionnellement à leur accomplissement.

Il a été retenu que Mme [E] ne pouvait prétendre à paiement d’heures supplémentaires impayées par la SARL Angela Toulon. Elle ne peut en conséquence réclamer la condamnation de cette dernière au paiement de l’indemnité précitée pour travail dissimulé.

Sur les congés annuels’:

L’article L.’3141-1 du code du travail dispose que tout salarié a droit chaque année à un congé payé à la charge de l’employeur. Il est de principe qu’il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement.

Il ressort des bulletins de paie de Mme [E] qu’entre le mois de septembre 2015 et le mois d’août 2017, elle a acquis 59,92 jours de congés payés et qu’elle a pris 39 jours de congés payés. La SARL Angela Toulon ne justifie pas des diligences accomplies afin que Mme [E] puisse exercer effectivement son droit à congés payés. Le préjudice subi par Mme [E] de ce chef sera justement indemnisé en lui allouant la somme de 1’000’€ à titre de dommages et intérêts.

sur la durée maximale de travail’:

Il ressort des articles L.’3121-18 et L.’3121-19 du code du travail que la durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures mais qu’une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir le dépassement de la durée maximale quotidienne de travail effectif, en cas d’activité accrue ou pour des motifs liés à l’organisation de l’entreprise, à condition que ce dépassement n’ait pas pour effet de porter cette durée à plus de douze heures.

La convention collective applicable prévoit (Partie 2, chapitre II, section 2, article I-Définition des temps) que la durée quotidienne du travail effectif est en principe de 10 heures mais que, toutefois dans la limite de 70 jours par an elle pourra être portée à un maximum de 12 heures.

Par ailleurs, les dispositions conventionnelles disposent que la durée hebdomadaire de travail effectif ne peut dépasser 48 heures ou 44 heures sur une période quelconque de 12 semaines consécutives.

Il est de principe que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l’employeur

En l’espèce, il ressort clairement des emplois du temps de Mme [E] pour l’année 2016 que la durée quotidienne de travail de Mme [E] a excédé 10 heures plus de 70 jours par an. Par ailleurs, la SARL Angela Toulon, débitrice de la charge de la preuve du respect des durées maximales de travail ne produit aux débats aucun élément de preuve, tel que par exemple un tableau récapitulatif des durées de travail de Mme [E], permettant de rapporter la preuve du respect des durées hebdomadaires de travail.

Le préjudice subi par Mme [E] de ce chef sera indemnisé en lui allouant la somme de 4’000’€ à titre de dommages et intérêts.

sur les temps de repos quotidien et hebdomadaire’:

L’article L.’3131-1 du code du travail prévoit que tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de onze heures consécutives. Par ailleurs, la convention collective applicable dispose que le repos hebdomadaire est nécessairement de 35 heures consécutives entre deux interventions dans la semaine.

Il est de principe que, eu égard à la finalité qu’assigne aux congés payés annuels la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à repos et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement et que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l’employeur.

En l’espèce, les emplois du temps versés aux débats par la SARL Angela Toulon ainsi que les autres éléments de preuve ne permettent pas de s’assurer du respect par l’employeur du droit à repos quotidien de 11 heures et du droit à repos hebdomadaire de 35 heures précités.

Le préjudice subi par Mme [E] de ce chef sera indemnisé en lui allouant la somme de 4’000’€ à titre de dommages et intérêts.

sur l’obligation de sécurité’:

L’article L.’4121-1 du code du travail prévoit que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. L’article L.’4121-2 du même code décline les principes généraux de prévention sur la base desquels l’employeur met en ‘uvre ces mesures. Enfin, il est de jurisprudence constante que respecte son obligation légale de sécurité, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Il a été retenu que la SARL Angela Toulon ne s’était pas assurée de l’exercice par Mme [E] de son droit à congé annuel et qui ne justifiait pas du respect des plafonds de durée quotidienne et hebdomadaire de travail ni du respect des seuils de durée de repos quotidienne et hebdomadaire. D’autre part, justifie de la dégradation de son état de santé, notamment en raison de lumbago pendant la relation de travail. Le préjudice subi par Mme [E], en raison de la violation par l’employeur de son obligation de sécurité, sera justement indemnisé en lui allouant la somme de 4000’€ à titre de dommages et intérêts.

Enfin, les manquements retenus à l’encontre de la SARL Angela Toulon, caractérisés par la violation du droit à repos dominical de Mme [E], de son droit à congés annuels et à repos hebdomadaire, le dépassement des durées quotidiennes et hebdomadaires de travail et le manquement de l’employeur à son obligation légale de sécurité, s’avèrent suffisamment graves pour justifier la prise d’acte par Mme [E] de la rupture de son contrat de travail.

Compte tenu de son ancienneté et de sa rémunération au cours des douze derniers mois, mode de calcul le plus favorable, soit 2’263,70’€, Mme [E] est fondée à solliciter la condamnation de la SARL Angela Toulon à lui payer la somme de 4’527,40’€ au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, 452,74’€ au titre des congés payés afférents et 920,36’€ nets à titre d’indemnité légale de licenciement.

Enfin, le préjudice subi par Mme [E] à raison de la rupture du contrat de travail, compte tenu de son ancienneté et de sa rémunération, sera justement indemnisé en lui allouant la somme de 15’000’€ nets à titre de dommages et intérêts.

sur le surplus des demandes’:

Mme [E] a été déboutée de ses demandes salariales. Par ailleurs, l’article L.’3243-2 du code du travail prévoit que le bulletin de paie est remis lors du paiement du salaire. Il en résulte que lorsque l’employeur est condamné au versement d’un rappel de salaires dû sur plusieurs mois, celui-ci peut figurer sur un seul bulletin de salaire établi lors de son paiement et que le salarié ne peut réclamer la condamnation de son employeur à lui délivrer des bulletins de salaire rectifiés pour chaque mois de la relation contractuelle. Mme [E] Ne peut donc réclamer la condamnation de son ex employeur à rectifier tous ses bulletins de salaire sur la période afférente à la relation de travail.

Le présent arrêt est exécutoire de plein droit. Il n’y a donc pas lieu à ordonner l’exécution provisoire.

Enfin, la SARL Angela Toulon partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles devra payer à Mme [E] la somme de 2000’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

DECLARE Mme [E] recevable en son appel,

INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Toulon du 24 juillet 2018 en ce qu’il a’:

– débouté Mme [E] de sa demande en dommages et intérêts à l’encontre de la SARL Angela Toulon pour congés annuels non-pris,

– débouté Mme [E] de sa demande en dommages et intérêts à l’encontre de la SARL Angela Toulon pour violation des durées quotidienne et hebdomadaire maximales de travail,

– débouté Mme [E] de sa demande en dommages et intérêts à l’encontre de la SARL Angela Toulon pour violation de son droit à repos quotidien et hebdomadaire,

– débouté Mme [E] de sa demande en dommages et intérêts à l’encontre de la SARL Angela Toulon pour manquement à l’obligation de sécurité,

– débouté Mme [E] de sa demande à l’encontre de la SARL Angela Toulon au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents,

– débouté Mme [E] de sa demande à l’encontre de la SARL Angela Toulon au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– débouté Mme [E] de sa demande en dommages et intérêts à l’encontre de la SARL Angela Toulon pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné Mme [E] aux dépens,

LE CONFIRME pour le surplus,

STATUANT à nouveau et y ajoutant

CONDAMNE la SARL Angela Toulon à payer à Mme [E] les sommes suivantes’:

– 1’000’€ à titre de dommages et intérêts pour congés annuels non-pris,

– 4’000’€ nets à titre de dommages et intérêts pour violation de la durée quotidienne et hebdomadaire maximale de travail,

– 4’000’€ nets à titre de dommages et intérêts pour violation du droit à repos quotidien et hebdomadaire,

– 4’000’€ nets à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation légale de sécurité,

– 4’527,40’€ bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 452,74’€ bruts au titre des congés payés afférents,

– 920,36’€ nets à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 15’000’€ nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 2000’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la SARL Angela Toulon aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier Le Président

 


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