SOC.
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 février 2021
Rejet non spécialement motivé
M. CATHALA, président
Décision n° 10150 F
Pourvoi n° V 19-21.162
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 FÉVRIER 2021
Mme E… M… B…, domiciliée […] , a formé le pourvoi n° V 19-21.162 contre l’arrêt rendu le 19 juin 2019 par la cour d’appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l’opposant à la société Vivre et domicile, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] , défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations écrites de Me Balat, avocat de Mme B…, de Me Le Prado, avocat de la société Vivre et domicile, après débats en l’audience publique du 10 décembre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l’article L. 431-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme B… aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour Mme B…
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir débouté Mme B… de ses demandes relatives à l’exécution du contrat de travail ;
AUX MOTIFS QU’ est considéré comme du temps de travail effectif, le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur dans l’exercice de ses fonctions et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; qu’en vertu de l’article L. 3121-5 du code du travail, une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à disposition permanente immédiate de l’employeur, a l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour effectuer un travail au service de l’entreprise, la durée de ces interventions étant considérée comme un temps de travail effectif ; que l’accord d’entreprise sur l’organisation du temps de travail en date du 5 septembre 2012 stipule que le temps de travail effectif se décompte hors pause, temps de repos, temps d’ astreintes et temps de trajet domicile-travail, que les prescriptions de la circulaire sur l’agrément des organismes de services à la personne imposent de pouvoir assurer auprès des clients une présence pendant les périodes de nuit, de façon à pouvoir le cas échéant intervenir en cas de besoins ponctuels qu’auraient ces derniers pendant la nuit, que les présences de nuit sont organisées de 20 heures jour J à 8 heures jours J + 1, que, pour autant, cette présence de nuit ne peut s’assimiler à du temps de travail effectif en dehors naturellement des temps d’intervention pour satisfaire les Jean-Christophe BALAT Avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation […] besoins ponctuels des clients et en dehors de la période de 20 heures à 21 heures et de 7 heures à 8 heures permettant d’effectuer des tâches comme l’aide à la prise du repas, au déshabillage ou à la toilette ; que l’accord précise que, si les astreintes sont effectuées au domicile des clients, la direction veillera à ce que les salariés concernés disposent d’un espace de vie leur permettant de vaquer librement à leurs occupations personnelles (lectures, télévision, sommeil), et que les salariés intervenant la nuit doivent être systématiquement en possession d’un téléphone portable en ordre de marche ; que certes, l’accord prévoit que les astreintes peuvent être effectuées au domicile des clients, ce qui n’est pas conforme à la définition légale et conventionnelle de l’astreinte ; que le contrat de services souscrit avec M. G… mentionne en effet que la prestation comprend les services réguliers suivants : gamme matinales et nocturnes, hôtellerie domestique et loisirs et culture : 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, jours fériés compris, à votre domicile situé (
) ; que l’existence d’une clause au contrat entre la société et M. G…, ce dernier étant infirme moteur cérébral, aux termes de laquelle « à sa demande, notre hôte peut souhaiter vouloir rester seul » ne permet pas de démontrer que Mme B… était autorisée, dans le cadre de ses fonctions auprès de ce client, à assurer l’astreinte de nuit à son propre domicile après le repas du soir et le coucher de celui-ci, comme le soutient la société Vivre et Domicile qui fait état d’un « choix personnel » de Mme B… ; que toutefois, dans la mesure où il est mentionné au contrat qu’un lieu de repos est alloué au salarié dans le domicile de l’hôte, que la société Vivre et Domicile produit plusieurs attestations de ses salariées, par exemple Mme F…, Mme U… et Mme T… , dont il ressort qu’elles avaient la possibilité de regarder la télévision, de circuler librement dans le logement, cuisine, salon et sanitaires une fois que M. G… était installé pour la nuit et que « les nuits chez M. G… étaient des nuits calmes sans lever permettant un excellent sommeil », que l’astreinte était rémunérée conformément aux dispositions de l’accord et les interventions comme un temps de travail effectif, Mme B… ne peut soutenir qu’elle accomplissait 12 heures de travail effectif sur la période continue de 20 heures à 8 heures, au seul motif qu’elle dormait la nuit dans le salon et qu’elle devait traverser la chambre du client pour se rendre à la salle de bains, même si Mme Y…, qui a travaillé chez M. G…, atteste que les conditions de travail chez ce monsieur étaient médiocres et qu’il n’y avait pas de chambre individuelle, seulement un petit fauteuil dépliant situé dans la cuisine ;qu’en l’espèce, la période nocturne qualifiée d’astreinte est comparable à ce que la convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012, étendue le 3 avril 2014, définit comme « présence nocturne obligatoire auprès de publics fragiles et/ou dépendants » ; que Mme B… ne démontrant pas qu’elle n’a pas pu se reposer et/ou vaquer à ses occupations personnelles pendant les nuits passées au domicile de M. G…, le paiement des heures de nuit qu’elle sollicite n’est pas fondé ; que le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné la société Vivre et Domicile à payer un rappel de salaire, une indemnité de congés payés afférents, une indemnité pour travail dissimulé et des dommages et intérêts pour violation des durées de travail maximales hebdomadaires, Mme B… devant être déboutée de ces chefs de demande ; qu’est considéré comme travail de nuit tout travail entre 21 heures et 6 heures, en application de l’article L. 3122-29 du code du travail ; que cependant, les horaires de nuit étaient principalement des heures d’astreinte ; que par ailleurs, la société Vivre et Domicile verse aux débats la fiche de visite du 26 février 2013, qualifiée de visite d’embauche, mentionnant que Mme B… est apte au poste d’auxiliaire de vie ; que dans ces conditions, il y a lieu d’infirmer le jugement qui a condamné à la société Vivre et Domicile à payer à Mme B… la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la carence fautive de l’employeur, en considération du fait qu’elle avait subi un accident de travail pendant le temps d’une garde à domicile et n’avait pas bénéficié d’une visite médicale préalable à son embauche ni d’une surveillance médicale durant la relation de travail malgré le travail de nuit effectué ; que Mme B… sera déboutée de sa demande de ce chef, la réalité des manquements allégués n’étant pas démontrée ;
ALORS, D’UNE PART, QUE constitue un travail effectif le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que dans le cas d’un salarié qui assure une permanence, le juge doit rechercher si l’intéressé ne supporte pas des sujétions particulières caractérisant l’impossibilité pour lui de vaquer librement à des occupations personnelles durant ses temps de permanence ; qu’en affirmant que Mme B… ne démontrait pas qu’elle n’avait pas pu se reposer ou vaquer à ses occupations personnelles pendant les nuits passées au domicile de M. G…, tout en constatant que « Mme Y…, qui a travaillé chez M. G…, atteste que les conditions de travail chez ce monsieur étaient médiocres et qu’il n’y avait pas de chambre individuelle, seulement un petit fauteuil dépliant situé dans la cuisine » (arrêt attaqué, p. 5 in fine), la cour d’appel, qui n’a pas recherché si les circonstances ainsi décrites ne constituaient pas des sujétions particulières empêchant Mme B… de vaquer librement à ses occupations personnelles durant sa permanence, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-1 et L. 3121-5 du code du travail ;
ALORS, D’AUTRE PART, QU’ en affirmant, pour justifier sa décision, que « la période nocturne qualifiée d’astreinte est comparable à ce que la convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012, étendue le 3 avril 2014, définit comme « présence nocturne obligatoire auprès de publics fragiles et/ou dépendants » » (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 1er), cependant qu’aucun décret n’était intervenu autorisant la société Vivre et Domicile de recourir à un régime d’équivalence, la cour d’appel a violé par fausse application la convention collective susvisée.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir dit que le licenciement de Mme B… était fondé sur une cause réelle et sérieuse et de l’avoir déboutée de sa demande de dommages et intérêts consécutive au licenciement ;
AUX MOTIFS QUE le 4 juin 2013, le médecin du travail a émis le deuxième avis suivant : « Cet avis fait suite à la visite de pré-reprise du 16 mai 2013. Inapte à la reprise au poste d’auxiliaire de vie. Un reclassement professionnel est nécessaire sur un poste sans manutention ni port manuel de charges lourdes, sans transfert de personnes et sans contrainte posturale du rachis cervical penché en avant ou en arrière. Les travaux d’entretien ménager tels que le nettoyage des vitrages et gestes répétitifs penchés en avant avec aspirateur ou balai mécanique sont donc déconseillés » ; que le 24 juin 2013, la société Vivre et Domicile a informé Mme B… que, compte tenu des contraintes émises par le médecin du travail et de la taille de l’entreprise, elle n’était pas en mesure de pouvoir lui proposer un poste compatible avec son inaptitude actuelle, qu’en effet, les postes qu’elle proposait étaient « – des postes d’auxiliaire de vie sociale : vous êtes inapte à ce poste, – des postes d’aide-ménagère : ce poste vous est déconseillé, – des postes d’employés administratifs (…) ces postes sont actuellement occupés ou vous ne possédez pas les compétences requises » ; qu’aux termes de la lettre de licenciement du 9 juillet 2013, la société Vivre et Domicile a indiqué qu’elle était dans l’incapacité de reclasser Mme B… sur un autre poste dans l’entreprise et que, compte-tenu de son inaptitude, elle n’avait pas trouvé de solution pour aménager son poste de travail ; que le premier juge a estimé qu’un poste d’assistante de coordination développement en charge de la téléphonie, pourvu par le biais d’un CDD moins d’un mois après le licenciement de Mme B…, aurait pu lui être proposé et que la société ne justifiait avoir effectué aucune recherche sérieuse et active en vue de reclasser sa salariée, hormis la fourniture d’un éventaire des postes de l’entreprise, suivie d’aucune proposition de quelque nature que ce soit, reclassement ou formation et que les recherches de reclassement effectuées par l’employeur se révélaient insuffisamment sérieuses pour être considérées comme satisfaisantes ; que la société Vivre et Domicile justifie de ce qu’aucun poste administratif n’était disponible en son sein, à l’exception de celui d’assistante de coordination que revendique Mme B… ; que le contrat de travail à durée indéterminée consenti à Mme Q… à effet du 16 septembre 2014 décrit la fonction d’assistante de coordination ainsi qu’il suit, notamment : « assister les responsables de secteurs, d’agence ou de coordination à planifier les interventions des domiciliennes sur pilogis et anticiper les organisations mensuelles, suivre et contrôler la bonne exécution des contrats de prestation de services en utilisant pilogis, participer au développement par un suivi dynamique de nos prescripteurs, préparer et rédiger les contrats et avenants divers liés à la gestion de nos salariés et à celle de nos clients, suivre les dossiers qui vous sont confiés, réaliser des diagnostics et des propositions de services, réaliser les actions nécessaires la qualité du back office de coordination, suivre des dossiers transversaux qui vous sont confiés et les mener à terme » ; que certes, le poste a été pourvu dans le cadre d’un contrat de professionnalisation ; que toutefois, ce contrat a été souscrit en partenariat avec l’université Jean Moulin Lyon 3 au profit d’une personne qui suivait une formation de BTS services et prestations des secteurs sanitaire et social, diplôme qu’elle a obtenu, et qui détenait une expérience en secrétariat, gestion et constitution de dossiers et la maîtrise des logiciels pack office ; que Mme B…, titulaire d’un diplôme d’auxiliaire de vie, ne démontre pas qu’elle possédait les compétences en matière d’informatique, de bureautique et de gestion lui permettant d’occuper ce poste, l’employeur établissant de son côté, au moyen de l’évaluation de l’année 2011 datée du 14 mars 2012 de la salariée qu’elle ne prévoyait pas de « VAE », se disant trop âgée et qu’elle devait progresser sur les compte-rendus quotidiens « via pilogis » qu’elle n’effectuait pas ; que la société Vivre et Domicile produit sur ce dernier point l’attestation de son informaticien selon laquelle les habilitations et codes d’accès au logiciel de service à la personne pour M… B… ont été faites le 6 septembre 2011 ; que l’employeur n’est pas tenu, dans le cadre de son obligation de reclassement, d’assurer une formation à son salarié en vue de l’acquisition d’une nouvelle qualification pour lui permettre d’exercer une fonction différente de celle qu’il exerçait dans l’entreprise ; qu’il est par ailleurs indiqué au procès-verbal de réunion des délégués du personnel du 19 juin 2013 que ces derniers confirment qu’il n’y a pas de possibilité de reclassement de Mme B… au sein de la société Vivre et Domicile ; qu’au vu de ces éléments, la société Vivre et Domicile démontre qu’elle remplit son obligation de recherche de reclassement, de sorte que le licenciement de Mme B… repose sur une cause réelle et sérieuse ;
ALORS QUE l’obligation de reclassement qui pèse sur l’employeur implique que soit, le cas échéant, proposé au salarié le bénéfice d’une formation lui permettant d’occuper un poste disponible dans l’entreprise ; qu’en affirmant, pour considérer que la société Vivre et Domicile avait satisfait en l’espèce à son obligation de reclassement, que l’employeur n’était pas tenu « d’assurer une formation à son salarié en vue de l’acquisition d’une nouvelle qualification pour lui permettre d’exercer une fonction différente de celle qu’il exerçait dans l’entreprise » (arrêt attaqué, p. 7, alinéa 8), cependant que l’employeur est tenu d’assurer une formation à son salarié en vue d’occuper un poste disponible dans l’entreprise, même pour occuper une fonction différente, sous la seule réserve que cette formation ne relève pas d’un autre métier, la cour d’appel a violé l’article L. 1226-10 du code du travail.