28 JUIN 2022
Arrêt n°
CV/SB/NS
Dossier N° RG 19/01981 – N° Portalis DBVU-V-B7D-FJS2
S.A.R.L. COUP DE POUCE
/
[Z] [K]
Arrêt rendu ce VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Claude VICARD, Conseiller
Mme Karine VALLEE, Conseiller
En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
S.A.R.L. COUP DE POUCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Léna BORIE-BELCOUR, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANT
ET :
Mme [Z] [K]
[Adresse 2] – [Localité 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Frédérik DUPLESSIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIMEE
Monsieur RUIN, Président et Mme VICARD, Conseiller, après avoir entendu Mme VICARD, Conseiller en son rapport, à l’audience publique du 11 Avril 2022, tenue par ces deux magistrats, sans qu’ils ne s’y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé le 14 juin 2022 par mise à disposition au greffe, date à laquelle les parties ont été informées que la date de ce prononcé était prorogée au 28 juin 2022 , conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE :
Mme [Z] [K] a été engagée à temps partiel par la SARL COUP DE POUCE à compter du 21 juillet 2015, en qualité d’assistante de vie, pour un horaire mensuel de 96 heures, sous contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012.
Par avenant du 1er janvier 2016, les parties ont convenu de l’application à compter de cette date d’un dispositif de modulation du temps partiel, alternant périodes de forte et de faible activité.
A la suite d’un accident du travail, Mme [K] a été placée en arrêt de travail du 29 janvier au 18 avril 2016.
A l’issue de la visite médicale de reprise organisée le 21 avril 2016, le médecin du travail l’a déclarée apte dans le cadre d’un emploi à temps partiel à raison de 96 heures mensuelles maximum.
Par courrier recommandé expédié le 25 mai 2017, Mme [K] a donné sa démission et la relation de travail a pris fin le 31 mai 2017.
Le 27 juin 2018, Mme [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Clermont- Ferrand aux fins d’obtenir l’inopposabilité de l’accord de modulation du temps partiel à son égard, la requalification de son temps partiel modulé en temps plein ainsi que le paiement de diverses sommes à titre indemnitaire et de rappel de salaires.
Par jugement du 30 septembre 2019, le conseil de prud’hommes de Clermont- Ferrand a :
– dit et jugé recevables et en partie bien fondées les demandes formulées par Mme [K];
– dit et jugé inopposable la modulation du temps partiel à l’égard de Mme [K];
– dit et jugé que le contrat de travail doit être requalifié
en temps plein;
– condamné la SARL COUP DE POUCE à payer à Mme [K] les sommes suivantes :
* 9.171,33 euros à titre de rappel de salaire pour requalification du contrat de travail à temps plein ;
* 911,13 euros au titre des congés payés afférents ;
* 1.780,35 euros au titre du complément de salaire pendant l’arrêt de travail;
* 178,03 euros au titre des congés payés afférents ;
* 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour mise à disposition permanente de l’employeur ;
* 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dit que les sommes allouées à titre de salaires et accessoires de salaire porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation en justice de l’employeur valant mise en demeure, soit le 2 juillet 2018, et que celles accordées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement et ce, avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales ;
– débouté Mme [K] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour les temps de trajet non décomptés comme du temps de travail;
– débouté Mme [K] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat ;
– débouté Mme [K] du surplus de ses demandes;
– dit et jugé qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire du jugement, sauf exécution provisoire de droit dans les limites de l’article R. 1454-28 du code du travail ;
– débouté la SARL COUP DE POUCE de ses demandes et condamné cette dernière aux dépens.
Le 10 octobre 2019, la SARL COUP DE POUCE a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 2 octobre 2019.
La procédure d’appel a été clôturée le 14 mars 2022 et l’affaire appelée à l’audience de la chambre sociale du 11 avril 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 19 janvier 2021, la SARL COUP DE POUCE conclut à la réformation du jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté Mme [K] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour trajets non décomptés comme du temps de travail et remise tardive des documents de fin de contrat.
Elle demande à la cour de:
– enjoindre à Mme [K] de justifier des indemnités journalières perçues pour la période d’arrêt de travail du 29 janvier au 18 avril 2016 ;
– lui donner acte de ce qu’elle procédera à la régularisation du versement du complément de salaire pour la période précitée;
– débouter Mme [K] de l’ensemble de ses demandes;
– condamner Mme [K] à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et ce, en sus des entiers dépens.
L’appelante rappelle que le dispositif de modulation du temps de travail résulte d’un accord d’entreprise du 31 décembre 2014 et d’un avenant au contrat de travail dûment régularisé par Mme [K] le 1er janvier 2016; que les heures de travail lui étaient communiquées mensuellement, sauf changements nécessités pour les besoins du service, avec un délai de prévenance de trois jours ouvrés; que la salariée connaissait toujours bien en amont ses périodes d’intervention et n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur; que Mme [K] invoque à tort les dispositions de l’article L. 3121- 44 du code du travail, exigeant de mentionner dans le contrat de travail à temps partiel la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, ces dispositions légale n’étant pas applicables au secteur d’activité de l’espèce.
Elle ajoute que durant la relation de travail, Mme [K] n’a jamais soulevé de difficultés quant à la mise en ‘uvre de ce dispositif; qu’elle a toujours été rémunérée de toutes les heures travaillées; qu’il n’y a ainsi pas lieu à requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps complet.
Sur le complément de salaire dû pendant l’accident de travail, elle reconnaît avoir considéré à tort Mme [K] comme un travailleur à domicile et par suite ne pas lui avoir versé une indemnité complémentaire. Elle soutient avoir entendu régulariser cette erreur dès qu’elle a eu connaissance de cette méprise, la salariée s’étant toutefois abstenue de communiquer les éléments nécessaires et sollicités par elle depuis de nombreux mois.
Elle demande donc qu’il soit enjoint à Mme [K] de justifier des indemnités journalières perçues pour l’entière période d’arrêt de travail du 29 janvier au 18 avril 2016.
L’appelante soutient par ailleurs que le temps de trajet entre le domicile et le premier lieu d’exécution du travail, comme le trajet retour, s’il ne dépasse pas le temps normal de trajet, n’a pas à être comptabilisé en temps de travail effectif ni rémunéré comme tel; que les horaires des salariés de l’entreprise sont décomptés de manière précise, et les temps de trajet intervacations sont calculés comme du temps de travail effectif, de sorte que la salariée a bien été remplie de ses droits en la matière.
Elle fait enfin valoir qu’elle a adressé dès que possible tous les documents de fin de contrat; que la salariée ne justifie d’aucun préjudice sur ce point de sorte que sa demande devra être rejetée.
Aux termes de ses écritures notifiées le 10 mars 2020, Mme [K] conclut à l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes en paiement de dommages et intérêts de 1.000 euros et 500 euros respectivement pour les temps de trajet domicile-client non décomptés comme du temps de travail effectif et pour remise tardive des documents de fin de contrat.
Elle demande en outre à la cour de condamner la SARL COUP DE POUCE à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et ce, en sus des entiers dépens.
Mme [K] soutient que son contrat de travail contenait un grand nombre d’exceptions au respect du délai de prévenance qui pouvait ainsi être inférieur à trois jours ouvrés et que du fait de ce rythme, elle se tenait nécessairement à la disposition de son employeur.
Elle ajoute que la convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012 ne peut lui être opposée, dans sa version applicable au 1er janvier 2016, dès lors que ce texte ne prévoit pas les modalités de communication de la répartition de la durée et des horaires de travail ni de contrepartie en cas de réduction du délai de prévenance.
Elle indique qu’elle ne s’est jamais vue transmettre aucun planning prévisionnel de la répartition de son temps de travail; qu’en effet, les plannings modifiés étaient envoyés par mail tous les vendredis mais de nombreux changements intervenaient dans le courant de la semaine par téléphone; qu’elle ne pouvait dès lors maîtriser ses horaires de travail et devait se tenir à disposition permanente de l’employeur; qu’au regard de tous ces éléments, son contrat de travail est présumé être à temps complet.
La salariée fait valoir que les changements d’horaires fréquents et sa mise à disposition permanente caractérisent une exécution déloyale du contrat de travail ouvrant droit à des dommages et intérêts; qu’en raison des changements d’horaires incessants, elle était en effet dans l’impossibilité de trouver un autre emploi à temps partiel et justifie ainsi d’un préjudice financier.
Elle soutient par ailleurs qu’appartenant à la catégorie des salariés itinérants, les temps de trajet du domicile vers son premier client et du dernier client à son domicile doivent être payés comme du temps de travail effectif; qu’elle était en effet, dès le départ de son domicile et jusqu’à son retour, à l’entière disposition de l’employeur, ce dernier lui imposant systématiquement l’heure d’arrivée sur le lieu de travail et ses horaires étant souvent modifiés; qu’elle est dès lors fondée à réclamer un rappel de salaire sur ses temps de trajet.
Elle rappelle enfin qu’elle s’est présentée les 15 et 29 juin 2017 au siège de l’entreprise pour réclamer les documents de fin de contrat, mais que l’employeur a refusé de les lui remettre au motif qu’elle ne voulait pas signer le reçu pour solde de tout compte.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DECISION :
1°- Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en temps plein :
* Sur l’accord de modulation du temps partiel conclu entre les parties:
Selon l’article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, ‘le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.
Il mentionne :
1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif de travail conclu en application de l’article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;
3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;
4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.(…)’
Contrairement aux autres employeurs, les associations et entreprises d’aide à domicile qui emploient des salariés à temps partiel ne sont pas tenues de mentionner dans le contrat des intéressés la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine (ou les semaines du mois). Mais les intéressés doivent en revanche recevoir communication de leurs horaires chaque mois par écrit.
En l’absence, dans le contrat de travail, de stipulations relatives au jour du mois auquel sont communiqués par écrit les horaires de travail, ceux-ci doivent l’être avant le début de chaque mois, en tous les cas avant le début de chaque période de travail, pour permettre au salarié de prévoir son rythme de travail et connaître ainsi le temps qu’il consacrera à son employeur et celui qu’il pourra réserver à des activités personnelles ou à une autre activité professionnelle.
L’absence ou le retard de communication des plannings de travail fait présumer que l’emploi est à temps complet et il incombe alors à l’employeur de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle, de travail convenue, d’autre part, que le salarié avait connaissance des rythmes de travail et ne devait pas rester à sa disposition permanente.
Par ailleurs, l’article L. 3122- 2 du code du travail, dans sa version applicable au litige, prévoit ‘qu’un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut définir les modalités d’aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année. Il prévoit :
1° Les conditions et délais de prévenance des changements de durée ou d’horaire de travail;
2° Les limites pour le décompte des heures supplémentaires ;
3° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période.
Lorsque l’accord s’applique aux salariés à temps partiel, il prévoit les modalités de communication et de modification de la répartition de la durée et des horaires de travail.
Sauf stipulations contraires d’un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, d’une convention ou d’un accord de branche, le délai de prévenance en cas de changement de durée ou d’horaires est fixé à sept jours.
A défaut d’accord collectif, un décret définit les modalités et l’organisation de la répartition de la durée du travail sur plus d’une semaine.’
L’article L. 3123- 24 du code du travail énonce par ailleurs ‘qu’une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche étendu peut déterminer le délai dans lequel la modification de la répartition de la durée du travail est notifiée au salarié.
Ce délai ne peut être inférieur à trois jours ouvrés. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, ce délai peut être inférieur pour les cas d’urgence définis par convention ou accord de branche étendu ou par convention ou accord d’entreprise ou d’établissement.
La convention ou l’accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, la convention ou l’accord de branche étendu prévoit les contreparties apportées au salarié lorsque le délai de prévenance est inférieur à sept jours ouvrés.’
Il résulte de la combinaison des articles que le délai de prévenance est fixé par convention ou accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par convention ou accord de branche étendu. A défaut d’accord, toute modification de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois est notifiée au salarié au moins sept jours ouvrés avant la date à laquelle elle doit avoir lieu.
Le délai de prévenance peut être réduit à trois jours par une convention ou un accord collectif de branche étendu, d’entreprise ou d’établissement. Il peut même être encore réduit dans les entreprises et associations d’aide à domicile en cas d’urgence définie par un acte collectif. Cette réduction doit nécessairement s’accompagner de mesures de compensation établies au profit du salarié.
La convention peut par exemple prévoir que la réduction du délai de prévenance s’accompagne d’une augmentation de la rémunération de 10% ou d’un repos compensateur.
A défaut, l’accord de modulation est irrégulier. La Cour de cassation a posé comme principe général que l’irrégularité d’un accord de modulation ou de sa mise en oeuvre rend inapplicable aux salariés le décompte de la durée du travail dans un cadre autre qu’hebdomadaire.
En l’espèce, la convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012, dont il n’est pas discuté qu’elle régissait la relation de travail entre les parties, énonce en son chapitre II section II que ‘pour un salarié à temps partiel, les modifications relatives à la répartition de son horaire de travail doivent lui être notifiées dans un délai qui ne peut être inférieur à 3 jours calendaires, sauf dans les cas suivants :
-absence non programmée d’un (e) collègue de travail ;
-aggravation de l’état de santé du bénéficiaire du service;
-décès du bénéficiaire du service ;
-hospitalisation ou urgence médicale d’un bénéficiaire de service entraînant son absence ;
-arrivée en urgence non programmée d’un bénéficiaire de service ;
-maladie de l’enfant ;
-maladie de l’intervenant habituel ;
-carence du mode de garde habituel ou des services assurant habituellement cette garde ;
-absence non prévue d’un salarié intervenant auprès d’un public âgé ou dépendant ;
-besoin immédiat d’intervention auprès d’enfant dû à l’absence non prévisible de son parent.
En contrepartie d’un délai de prévenance de modification des horaires inférieur à 7 jours, dans le respect des plages d’indisponibilité devant figurer impérativement au contrat de travail, le salarié a la possibilité de refuser 7 fois par année civile la modification de ses horaires, sans que ces refus ne constituent une faute ou un motif de licenciement et sans que ces heures ne puissent être déduites d’une quelconque manière.’
L’accord d’entreprise de modulation du temps de travail en date du 31 décembre 2014, établi en application des dispositions de la convention collective précitée, prévoit que:
– la période de référence pour la modulation est du 1er janvier au 31 décembre,
– les périodes de forte activité correspondent aux mois d’août à septembre et décembre, et celles de faible activité au mois de février,
– ce calendrier est indicatif et peut faire l’objet de modifications, les salariés étant prévenus sous un délai de trois jours avant son entrée en vigueur.
En application de la convention collective nationale et de l’accord d’entreprise sus- rappelés, la SARL COUP DE POUCE et Mme [K] ont convenu de l’application d’un dispositif de modulation du temps partiel, alternant périodes de forte et de faible activité, par un avenant au contrat de travail du 1er janvier 2016, stipulant en son article 4:
‘Mme [K] [Z] est engagée à temps partiel, pour un horaire mensuel de 96 heures par mois, soit 1152 heures annuelles.
Ses horaires de travail lui seront communiqués avant le début de chaque mois.
(…) La modulation de vos horaires de travail ne peut conduire à une durée inférieure à 64 heures. La modulation de vos horaires de travail ne peut conduire à une durée supérieure à 128 heures.
Votre durée de travail pourra varier du tiers de cette durée (en plus ou en moins) mais en aucun cas elle ne pourra atteindre un niveau égal ou supérieur à 35 heures hebdomadaires. (…)’.
L’article 5 de l’avenant précise que ‘la répartition de l’horaire de Mme [K] [Z] pourra être modifiée en cours de mois après avoir respecté un délai de prévenance de trois jours ouvrés, sauf interventions d’urgence et dans les cas suivants:
-absence non programmée d’un (e) collègue de travail ;
-aggravation de l’état de santé du bénéficiaire du service;
-décès du bénéficiaire du service ;
-hospitalisation ou urgence médicale d’un bénéficiaire de service entraînant son absence ;
-arrivée en urgence non programmée d’un bénéficiaire de service ;
-maladie de l’enfant ;
-maladie de l’intervenant habituel ;
-carence du mode de garde habituel ou des services assurant habituellement cette garde ;
-absence non prévue d’un salarié intervenant auprès d’un public âgé ou dépendant ;
-besoin immédiat d’intervention auprès d’enfant dû à l’absence non prévisible de son parent.
Conformément à l’article 37 du Titre V de la convention collective, vous avez la possibilité de refuser quatre fois par année la modification des horaires notifiés moins de sept jours avant leur défaut d’exécution sans que ce refus ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement.’
La cour relève tout d’abord que ni la convention collective nationale, ni l’accord d’entreprise ni l’avenant au contrat de travail ne prévoient de mesures de compensation établies au profit du salarié dans les cas de réduction du délai de prévenance.
L’accord de modulation est donc entaché d’une irrégularité rendant inapplicable à Mme [K] le décompte de la durée du travail dans un cadre autre qu’hebdomadaire.
En outre, il ressort des captures d’écran des envois de plannings à Mme [K] (pièce appelante n° B7) que si la SARL COUP DE POUCE l’avisait de ses plannings de travail avant le premier jour du mois, ceux- ci étaient néanmoins régulièrement modifiés en cours de mois (5 fois en mai 2016, 3 fois en juin 2016, 4 fois en juillet 2016…).
Or, l’employeur ne produit aucun élément démontrant que les délais de prévenance et les conditions d’urgence permettant leur réduction étaient respectés.
Les plannings (pièce n° B9) produits aux débats font apparaître que le nombre d’heures travaillées de Mme [K] variait de manière conséquente d’un mois à l’autre (36h50 en juin 2016, 22h83 en juillet 2016, 76h17 en août 2016, 85h25 en septembre 2016, 68h en octobre 2016, 101h17 en novembre 2016…).
Il s’en déduit que la salariée se trouvait dans l’impossibilité de connaître son rythme de travail et se trouvait à la disposition constante de l’employeur.
C’est donc à juste titre que les premiers juges ont requalifié le contrat de travail à temps partiel de Mme [K] en contrat de travail à temps plein du fait du non respect démontré des délais de prévenance et de la mise à disposition permanente de l’employeur.
La cour confirme en conséquence le jugement déféré sur ce point.
* Sur la demande subséquente en paiement de rappels de salaires:
Dans un tableau récapitulatif n’ayant fait l’objet d’aucune observation de la part de l’employeur, Mme [K] a détaillé le montant du rappel de salaire dû pour chaque mois de la période comprise entre janvier 2016 et mai 2017, pour un total de 9.171,43 euros.
La cour, par confirmation du jugement entrepris, condamne en conséquence la SARL COUP DE POUCE à payer à Mme [K] cette somme, non critiquée dans son quantum, à titre de rappels de salaire, outre celle de 917,14 euros au titre des congés payés afférents.
* Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour mise à disposition permanente de l’employeur:
Mme [K] soutient que les changements d’horaires incessants l’ont placée dans l’impossibilité de trouver un autre emploi à temps partiel et que cette situation lui a occasionné un préjudice financier de 1.000 euros.
Pour autant, elle ne produit aucun élément démontrant la réalité et l’étendue d’un préjudice financier distinct de celui d’ores et déjà indemnisé par les rappels de salaire précédemment octroyés.
La cour, par infirmation du jugement entrepris, la déboute en conséquence de ce chef de demande dont la preuve du bien- fondé est insuffisamment rapportée tant dans son principe que dans son quantum.
2°- Sur le maintien de salaire pendant l’arrêt pour accident du travail:
La SARL COUP DE POUCE, qui reconnaît une mauvaise interprétation des textes, ne discute pas que le salaire de Mme [K] aurait dû être maintenu à 100 % de son salaire net, soit 763,93 euros, pendant son arrêt de travail pour accident du travail du 29 janvier au 18 avril 2016.
Mme [K] n’a justifié du montant des indemnités journalières versées que pour la période du 29 janvier au 18 février 2016, à hauteur de 279,78 euros nets.
Malgré les demandes de la SARL COUP DE POUCE, elle s’est abstenue de justifier des indemnités journalières perçues pour l’entière période d’arrêt de travail du 29 janvier au 18 avril 2016.
Dans ces conditions, elle ne sera indemnisée du complément de salaire non versé par l’employeur entre les 29 janvier et 18 février 2016 à hauteur de 558,07 euros nets, déduction faite des indemnités journalières versées, outre celle de 55,80 euros au titre des congés payés afférents.
Le jugement entrepris sera donc infirmé quant au quantum des sommes allouées.
3°- Sur le décompte du temps de travail effectif :
La convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012 prévoit en sa partie II, Chapitre II, Section II, § 1, que ‘les dispositions relatives à la définition des temps sont applicables exclusivement aux salariés intervenant à domicile ou sur le lieu choisi par le bénéficiaire de la prestation, non au personnel administratif ou au personnel d’encadrement, sauf celles relatives aux astreintes qui sont applicables à l’ensemble du personnel.
a) Temps de travail effectif
Est considéré comme du temps de travail effectif, le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur dans l’exercice de ses fonctions, et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.(…)
d) Temps de trajet du domicile au lieu d’intervention
Le temps normal de trajet effectué par le salarié afin de se rendre de son domicile au lieu d’exécution de l’intervention, lieu d’exécution du contrat, ou pour en revenir, ne constitue pas du temps de travail effectif.
Constitue un temps normal de trajet entre le domicile et le lieu d’intervention (compris dans la zone d’intervention) le temps de déplacement professionnel, aller ou retour, d’une durée inférieure ou égale à 45 minutes ou d’une distance inférieure ou égale à 30 kilomètres. (…)’
Il résulte de ces dispositions conventionnelles que le temps de trajet normal entre le domicile et le premier lieu d’exécution du travail, comme le trajet retour, s’il ne dépasse pas le temps normal de trajet, n’a pas à être rémunéré en temps de travail effectif ni indemnisé.
Mme [K] soutient que ces dispositions n’ont pas vocation à s’appliquer au motif qu’elle était une salariée itinérante.
Pour autant, elle ne démontre ni même n’allègue que les visites et interventions au domicile des bénéficiaires, planifiées en amont, faisaient l’objet de modifications fréquentes et de dernière minute, de sorte qu’elle était à la disposition de l’employeur dès le départ de son domicile et pendant ses déplacements entre celui- ci et le premier/ dernier lieu d’intervention.
Aussi, la cour, par confirmation du jugement entrepris, la déboute de sa demande en paiement de dommages et intérêts forfaitaires.
4°- Sur la remise tardive des documents de fin de contrat :
Aux termes de l’article R. 1234- 9 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, ‘l’employeur délivre au salarié, au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d’exercer ses droits aux prestations mentionnées à l’article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi.’
En l’espèce, Mme [K] soutient s’être présentée au siège de la SARL COUP DE POUCE les 15 et 29 juin 2017 aux fins de se voir délivrer, sans succès, les documents de fin de contrat, l’employeur ayant refusé de les lui remettre motifs pris de son refus de signer le solde de tout compte.
L’employeur reconnaît que les documents n’étaient pas disponibles le 15 juin 2017 mais rétorque que la salariée, se bornant à prendre son chèque de solde de tout compte, a laissé les documents lors de sa seconde visite le 29 juin 2017.
M. [W] [O], représentant syndical, atteste avoir accompagné Mme [K] chez son employeur le 29 juin 2017 et corrobore la version de la salariée.
Pour autant, même à supposer établie la remise tardive des documents de fin de contrat, Mme [K] n’explicite ni démontre le préjudice qui en aurait résulté.
Aussi, la cour, par confirmation du jugement entrepris, la déboute en conséquence de ce chef de demande.
5°- Sur les frais irrépétibles et dépens :
Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et dépens seront confirmées.
La SARL COUP DE POUCE, partie qui succombe au sens de l’article 696 du code de procédure civile, sera déboutée de sa demande en indemnisation de ses frais irrépétibles et condamnée à payer à Mme [K] la somme de 1.200 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et ce, en sus des entiers dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné la SARL COUP DE POUCE à payer à Mme [Z] [K] les sommes suivantes:
* 1.780,35 euros au titre du complément de salaire pendant l’arrêt de travail;
* 178,03 euros au titre des congés payés afférents ;
* 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour mise à disposition permanente de l’employeur ;
Statuant à nouveau sur ce chef,
Condamne la SARL COUP DE POUCE à payer à Mme [Z] [K] la somme de 558,07 euros nets au titre du complément de salaire pendant l’arrêt de travail, outre celle de 55,80 euros au titre des congés payés afférents;
Déboute Mme [K] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour mise à disposition permanente de l’employeur;
Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions;
Y ajoutant,
Déboute la SARL COUP DE POUCE de sa demande en indemnisation de ses frais irrépétibles;
Condamne la SARL COUP DE POUCE à payer à Mme [Z] [K] la somme de 1.200 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
Condamne la SARL COUP DE POUCE aux entiers dépens d’appel;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le Greffier, Le Président,
S. BOUDRY C. RUIN