Convention collective des services à la personne : 25 octobre 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 22/01162
Convention collective des services à la personne : 25 octobre 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 22/01162

Arrêt n°

du 25/10/2023

N° RG 22/01162

IF/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 25 octobre 2023

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 12 mai 2022 par le Conseil de Prud’hommes de TROYES, section Activités Diverses (n° F 21/00050)

La S.A.R.L. SCOUBIDOU

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par la SCP X.COLOMES S.COLOMES- MATHIEU- ZANCHI- THIBAULT, avocats au barreau de l’AUBE

INTIMÉE :

Madame [Z] [R] épouse [V]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Morgane SOZZA, avocat au barreau de l’AUBE

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 septembre 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur François M »LIN, président de chambre, et Madame Isabelle FALEUR, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 25 octobre 2023.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Monsieur François M »LIN, président de chambre

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

Madame Isabelle FALEUR, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Madame Maureen LANGLET, greffier placé

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François M »LIN, président de chambre, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCEDURE

Le 1er octobre 2019, la SARL SCOUBIDOU a embauché Madame [Z] [R] épouse [V] en qualité d’intervenante de garde d’enfants, niveau 3, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée intermittent pour une durée annuelle minimale de 220 heures.

Le contrat relevait de la convention collective des services à la personne.

Le 7 janvier 2020, les parties ont signé un avenant au contrat de travail, pour prévoir qu’à compter du 2 janvier 2020, la durée annuelle minimale de travail serait de 44 heures.

Par courrier du 6 novembre 2020, la SARL SCOUBIDOU a licencié Madame [Z] [R] épouse [V] pour faute, lui reprochant un refus d’exécuter une nouvelle prestation, successif à deux refus précédents au cours des trois mois écoulés, cet abandon de poste perturbant le bon fonctionnement de l’entreprise.

Par requête reçue au greffe le 1er mars 2021, Madame [Z] [R] épouse [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Troyes aux fins de voir requalifier son contrat intermittent en contrat à temps complet, d’obtenir un rappel de salaire sur la base d’un salaire moyen fixé à la somme de 1 683,35 euros par mois, de voir juger que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d’en obtenir l’indemnisation.

Par jugement du 12 mai 2022, le conseil de prud’hommes de Troyes a :

– dit Madame [Z] [R] épouse [V] recevable et fondée en ses réclamations

– requalifié le contrat intermittent de Madame [Z] [R] épouse [V] en contrat à temps complet

– dit que le licenciement de Madame [Z] [R] épouse [V] était intervenu sans cause réelle et sérieuse

– fixé le salaire brut moyen de Madame [Z] [R] épouse [V] à 1 530,35 euros

– condamné la SARL SCOUBIDOU à payer à Madame [Z] [R] épouse [V] les sommes suivantes :

. 20’641,93 euros bruts à titre de rappel de salaire, congés payés inclus, du 2 octobre 2019 au 6 novembre 2020

. 1 530,35 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis

. 153,03 euros bruts à titre de congés payés afférents

. 414,47 euros nets à titre d’indemnité de licenciement

. 1 530,35 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

. 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– ordonné à la SARL SCOUBIDOU de remettre à Madame [Z] [R] épouse [V] un bulletin de paie rectificatif et l’attestation pôle emploi rectifiée, tenant compte de la décision

– dit n’y avoir lieu à astreinte sur la remise desdits documents

– débouté la SARL SCOUBIDOU de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– ordonné l’exécution provisoire

– condamné la SARL SCOUBIDOU aux dépens.

La SARL SCOUBIDOU a interjeté appel le 7 juin 2022 pour voir infirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à astreinte sur la remise des documents de fin de contrat rectifiés.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 juin 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience du 11 septembre 2023 pour être mise en délibéré au 25 octobre 2023.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Au terme de ses conclusions d’appelante notifiées par RPVA le 18 janvier 2023, auxquelles en application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la SARL SCOUBIDOU demande à la cour :

D’INFIRMER le jugement rendu le 12 mai 2022 par le conseil de prud’hommes de Troyes en ce qu’il a:

– dit Madame [Z] [R] épouse [V] recevable et fondée en ses réclamations

– requalifié le contrat intermittent de Madame [Z] [R] épouse [V] en contrat à temps complet

– dit que le licenciement de Madame [Z] [R] épouse [V] est intervenu sans cause réelle et sérieuse

– fixé le salaire brut moyen de Madame [Z] [R] épouse [V] à 1 530,35 euros

– condamné la SARL SCOUBIDOU à payer à Madame [Z] [R] épouse [V] les sommes suivantes :

. 20’641,93 euros bruts à titre de rappel de salaire, congés payés inclus, du 2 octobre 2019 au 6 novembre 2020

. 1 530,35 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis

. 153,03 euros bruts à titre de congés payés afférents

. 414,47 euros nets à titre d’indemnité de licenciement

. 1 530,35 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

. 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– ordonné à la SARL SCOUBIDOU de remettre à Madame [Z] [R] épouse [V] un bulletin de salaire et l’attestation pôle emploi rectifiés, tenant compte de la décision

– débouté la SARL SCOUBIDOU de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– ordonné l’exécution provisoire

– condamné la SARL SCOUBIDOU aux dépens ;

Y substituant,

DE DEBOUTER Madame [Z] [R] épouse [V] de l’ensemble de ses demandes ;

DE CONDAMNER Madame [Z] [R] épouse [V] à lui payer une somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;

Au terme de ses conclusions d’intimée et d’appelante incidente notifiées par RPVA le 18 octobre 2022, auxquelles en application de l’article 455 du code de procédure civile est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, Madame [Z] [R] épouse [V] demande à la cour :

DE CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Troyes en ce qu’il a :

– requalifié le contrat intermittent en contrat à temps complet

– jugé que le licenciement était intervenu sans cause réelle et sérieuse

– condamné la SARL SCOUBIDOU à lui payer la somme de 20’641,93 euros à titre de rappel de salaires pour la période allant du 2 octobre 2019 au 6 novembre 2020

D’INFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Troyes dans son quantum en ce qu’il a :

– fixé le salaire moyen à 1530,35 euros

– condamné la SARL SCOUBIDOU à lui payer les sommes suivantes :

. 1 530,35 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

. 153,03 euros à titre de congés payés afférents

. 414,47 euros à titre d’indemnité de licenciement

. 1 530,35 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Statuant à nouveau,

DE JUGER que son salaire moyen, congés payés inclus est de 1683,35 euros ;

DE CONDAMNER la SARL SCOUBIDOU à lui payer les sommes suivantes :

. 1 683,35 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

. 168,33 euros à titre de congés payés afférents

. 515,90 euros à titre d’indemnité de licenciement

. 3 366,70 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

. 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral

. 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

MOTIFS

Sur la requalification du contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps complet

La SARL SCOUBIDOU fait valoir que la convention collective des services à la personne, en son article 2.4 n’exige pas que soit précisée la répartition des heures de travail, mais seulement la répartition des plages prévisionnelles indicatives.

Elle souligne que c’est Madame [Z] [R] épouse [V] qui choisissait les périodes durant lesquelles elle souhaitait travailler dès lors que, sur les fiches de mission elle cochait une case précisant accepter ou refuser la mission proposée au regard des périodes de travail définies.

Elle précise qu’elle n’était pas en mesure d’indiquer les horaires de travail au moment de la signature du contrat de travail initial puisqu’ils dépendaient des missions confiées par les clients, que Madame [Z] [R] épouse [V] rencontrait toujours pour définir le cadre et les périodes de travail, avant d’accepter la mission.

Elle conteste avoir antidaté les fiches de mission et souligne que si elles ont été signées tardivement c’est en raison de la carence de la salariée malgré ses relances.

La SARL SCOUBIDOU ajoute que les éventuels changements d’horaire étaient notifiés largement à l’avance à Madame [Z] [R] épouse [V], et que la salariée organisait parfois elle-même son planning directement avec les familles.

Elle souligne que Madame [Z] [R] épouse [V] ne s’est jamais tenue à sa disposition et que, au contraire, elle a dû annuler des missions initialement prévues pour s’adapter aux disponibilités de la salariée.

Madame [Z] [R] épouse [V] soutient que, contrairement aux dispositions légales, son contrat de travail n’indiquait pas les périodes travaillées et non travaillées et que toutes ses fiches de mission lui ont été envoyées pour régularisation par mail du 26 mars 2020, antidatées au 10 janvier 2020 pour certaines et au 11 mars 2020 pour d’autres, ce qui démontre que les périodes de travail n’ont pas été définies avant ses prises de fonction effectives au sein des familles.

Elle fait valoir que dans ces conditions, la présomption de contrat de travail à temps complet est irréfragable. Elle ajoute que la requalification du contrat intermittent en contrat à temps complet est d’autant plus acquise que, sur ses fiches de mission, la répartition des horaires au sein des périodes de travail n’était même pas définie et que les horaires ont été régulièrement modifiés, sans respect des formes et des délais de prévenance contractuellement prévus.

Madame [Z] [R] épouse [V] souligne qu’elle n’était pas en mesure de connaître son rythme exact de travail.

Aux termes de l’article L 3123-33 du code du travail, des contrats de travail intermittents peuvent être conclus dans les entreprises couvertes par une convention ou par un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche étendu qui le prévoit.

L’article L 3123-34 du code du travail dispose : ‘Le contrat de travail intermittent est un contrat à durée indéterminée. Il peut être conclu afin de pourvoir un emploi permanent qui, par nature, comporte une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées.

Ce contrat est écrit.

Il mentionne notamment :

1° La qualification du salarié ;

2° Les éléments de la rémunération ;

3° La durée annuelle minimale de travail du salarié ;

4° Les périodes de travail ;

5° La répartition des heures de travail à l’intérieur de ces périodes’

Il résulte de ces dispositions que le travail intermittent a pour objet de pourvoir des emplois permanents qui, par nature, comportent une alternance de périodes travaillées et non travaillées. En l’absence de définition de ces périodes dans le contrat de travail, ce dernier doit, de plein droit, être requalifié en contrat à durée indéterminée de droit commun à temps plein.

Par ailleurs le contrat de travail intermittent est un contrat écrit qui doit mentionner notamment la durée annuelle minimale de travail du salarié et la répartition des heures de travail à l’intérieur des périodes travaillées. En l’absence de l’une ou l’autre de ces mentions dans le contrat, il est présumé à temps plein. Il appartient alors à l’employeur qui soutient que le contrat n’est pas à temps plein d’établir la durée annuelle minimale convenue et de prouver que le salarié connaissait les jours durant lesquels il devait travailler et selon quels horaires et qu’il n’était pas obligé de se tenir constamment à sa disposition.

L’article 2.4 ‘Cas particulier du contrat de travail à durée indéterminée intermittent’ du chapitre I de la partie 2 de convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012 prévoit que :

– le contrat de travail intermittent est un contrat à durée indéterminée, dont le temps de travail contractuel ne peut excéder 1 500 heures sur une période d’un maximum de 44 semaines par an et d’un minimum de 20 semaines par an, conclu afin de pourvoir des postes permanents qui, par nature, comportent une alternance, régulière ou non, de périodes travaillées et de périodes non travaillées. Il a pour objet d’assurer une stabilité d’emploi pour les catégories de personnels concernées dans les secteurs qui connaissent ces fluctuations d’activité.

– les emplois permanents pouvant faire l’objet d’un contrat de travail à durée indéterminée intermittent sont les suivants :

. agent d’entretien petits travaux de jardinage ;

. garde d’enfant(s) (1) ;

. garde d’enfant(s) (2) ;

. garde d’enfant(s) (3).

– le contrat doit contenir les mentions suivantes :

. la durée minimale annuelle de travail ;

. les périodes de travail, révisées annuellement ;

. la répartition des plages prévisionnelles indicatives à l’intérieur de ces périodes ;

. les conditions de modification de ces périodes ;

. le choix par les parties de l’option entre le versement d’un salaire mensuel régulier ou le versement d’un salaire en fonction du nombre d’heures mensuelles réalisées. A défaut d’accord des parties, le versement d’un salaire mensuel régulier s’applique ;

. le choix par les parties de la date de paiement de l’indemnité de congés payés, soit le mois de la prise des congés, soit mensuellement par une majoration de 10 % de la rémunération mensuelle du salarié. A défaut d’accord des parties, l’indemnité de congés payés est payée mensuellement par une majoration de 10 % de la rémunération brute mensuelle du salarié.

S’agissant des mentions concernant les périodes travaillées et les périodes non travaillées, ainsi que la répartition des heures de travail à l’intérieur des périodes travaillées, le contrat de travail à durée indéterminée intermittent signé le 1er octobre 2019 par Madame [Z] [R] épouse [V] et la SARL SCOUBIDOU stipule que la salariée exercera ses fonctions pendant une durée annuelle minimale de 220 heures qui sera atteinte par l’addition des périodes de travail (qui alterneront avec des périodes de non travail) comme indiqué dans la ou les fiches de missions annexée(s).

En son article 5 ‘durée du travail’ il est stipulé : ‘le salarié est engagé dans le cadre d’un contrat de travail intermittent régi par les articles L 3123’31 à L 3123’37 du code du travail et décrit dans la convention collective. Il comportera une alternance de périodes travaillées et non travaillées qui sont fixées selon les modalités définies ci-après ou dans la fiche de mission. Le salarié est averti que les périodes de vacances scolaires sont majoritairement des périodes non travaillées soit plus de 14 semaines par an. Les horaires de travail pour chaque journée seront communiqués au salarié par écrit, en respectant un délai de prévenance de trois jours, néanmoins la réponse aux besoins de certaines familles peut entraîner une planification d’urgence dans les cas suivants : absence non programmée d’un collègue de travail, maladie de l’intervenant habituel, hospitalisations ou urgences médicales d’un parent entraînant son absence, maladie de l’enfant, carence du mode de garde habituelle de l’enfant, absence non prévisible d’un parent.

Les horaires journaliers de la première fiche de mission sont joints au présent contrat et resteront valables jusqu’à nouvel ordre

Il est expressément convenu entre les parties que la répartition des heures de travail à l’intérieur des périodes travaillées pourra être modifiée, dans les conditions prévues dans le code du travail et se verront notifiées dans une nouvelle fiche de mission.

Ces modifications pourront conduire à une répartition des horaires de travail sur tous les jours calendaires et toutes les plages horaires compatibles avec les plages décrites dans l’article 4 (indisponibilité) sans restriction.’

Force est de constater que s’agissant de l’exécution par Madame [Z] [R] épouse [V] d’un travail intermittent à temps partiel devant lui permettre de cumuler plusieurs emplois si elle le souhaitait, en tout cas ne l’obligeant pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur, le contrat de travail ne contenait pas de mentions suffisamment précises concernant les périodes travaillées et les périodes non travaillées, et la répartition des heures de travail à l’intérieur des périodes travaillées, étant au surplus souligné qu’il faisait référence à une première fiche de mission jointe au contrat et comprenant des horaires valables jusqu’à nouvel ordre qui n’est pas produite aux débats et dont il n’est pas justifié qu’elle ait été établie.

L’avenant au contrat de travail signé le 7 janvier 2020 a seulement diminué la durée annuelle minimale de travail pour la fixer à 44 heures, sans davantage de précision sur les périodes travaillées et les périodes non travaillées et la répartition des horaires au sein des périodes travaillées.

Dans le cadre des fiches de mission établies par la SARL SCOUBIDOU, les dispositions légales quant à la précision des périodes travaillées et des périodes non travaillées et la répartition des heures de travail à l’intérieur des périodes travaillées, fussent-elles des plages prévisionnelles indicatives à l’intérieur de ces périodes comme le prévoit la convention collective, n’ont pas davantage été respectées.

En effet, pour l’intervention de Madame [Z] [R] épouse [V] dans les familles [D], [W], [Y] et [F], les fiches de mission ont été établies le 10 janvier 2020 alors que la prise de fonction effective a débuté courant novembre pour les trois premières familles et le 10 décembre pour la quatrième.

Pour l’intervention de la salariée dans la famille FUND et la famille [O], les fiches de mission ont été établies le 11 mars 2020 alors que les prises de fonction étaient respectivement du 29 janvier 2020 et du 20 janvier 2020.

Par ailleurs la plupart des fiches de mission ne prévoyaient pas le volume horaire garanti et la répartition des horaires. Ainsi :

– la fiche de mission pour l’intervention dans la famille [S], établie le 10 janvier 2020 pour la période du 4 novembre 2019 au 31 juillet 2020 ne mentionne ni jour de garde ni horaires

– la fiche de mission pour l’intervention dans la famille [O] établie le 11 mars 2020 pour la période du 20 janvier 2020 au 31 juillet 2020 mentionne : planning variable, connu deux semaines à l’avance, besoin deux à trois fois par semaine, 16 heures minimum par mois, L-M-Me-J-V 18h15 – 20h15 – entre 7h et 8h20 – samedi occasionnellement de 8h30 à 12h30

– la fiche de mission pour l’intervention dans la famille [Y], établie le 10 janvier 2020 pour la période du 1er octobre 2019 au 30 avril 2020 mentionne : planning variable, minimum 16 heures par mois

– la fiche de mission pour l’intervention dans la famille FUND, établie le 11 mars 2020 pour la période du 29 janvier 2020 au 31 janvier 2020 ne mentionne ni horaires ni jour de garde

– la fiche de mission pour l’intervention dans la famille [F] établie le 10 janvier 2020 pour la période du 9 décembre 2019 au 31 août 2020 ne mentionne ni jour de garde ni horaires

– la fiche de mission pour l’intervention dans la famille [D] établie le 10 janvier 2020 pour la période du 4 novembre 2019 au 31 juillet 2020 mentionne un besoin maximum deux fois par semaine de 7heures à 8 heures, peut-être quelques mercredis de 7 heures à 11 heures, minimum 16 heures par mois

– la fiche de mission établie pour la famille [W] le 10 janvier 2020 pour la période du 7 novembre 2019 au 31 juillet 2020 mentionne : besoin un jeudi soir par mois de 17h30 à 19 heures.

Il apparaît, au vu des comptes-rendus d’activité produits aux débats, qu’à la fin de chaque mois Madame [Z] [R] épouse [V] transmettait à la SARL SCOUBIDOU les horaires, variables, qu’elle avait effectués dans chaque famille.

Il est donc établi que pour la période complète de travail de Madame [Z] [R] épouse [V] au sein de la SARL SCOUBIDOU, ni le contrat de travail ni les fiches de mission n’ont défini avec précision les périodes travaillées et les périodes non travaillées, pas plus que la répartition des heures de travail à l’intérieur des périodes travaillées.

Même si elle avait indiqué lors de la signature du contrat de travail qu’elle n’avait pas d’indisponibilité, Madame [Z] [R] épouse [V] ne pouvait anticiper une organisation intermittente de son temps de travail propre à ne pas l’obliger à se tenir constamment à la disposition de son employeur.

Les échanges de mails et de sms versés aux débats démontrent que l’organisation du temps de travail de Madame [Z] [R] épouse [V] était chaotique, du fait du non-respect par l’employeur des dispositions légales sur le travail intermittent, au point que sont apparus rapidement des problèmes de disponibilité de la salariée nécessitant des remplacements de dernière minute ou des modifications de planning.

Ces élements justifient que le contrat de travail intermittent de Madame [Z] [R] épouse [V] soit requalifié en contrat de travail à temps plein et le jugement de première instance sera confirmé de ce chef.

Sur les rappels de salaires afférents à la requalification

Le contrat de travail intermittent signé le 1er octobre 2019 dispose en son article trois ‘rémunération’ : ‘en contrepartie de ses fonctions, le salarié percevra une rémunération mensuelle brute qui dépendra de l’horaire réel de chaque mois. L’indemnité de congés payés représentant 10 % de la rémunération brute est versée chaque mois et ajoutée à la rémunération mensuelle.

Madame [Z] [R] épouse [V] fait observer que la convention collective prévoit dans son avenant du 31 janvier 2019 un salaire minimum horaire de 10,09 euros pour les gardes d’enfants de niveau 3, et non de 10,03 euros comme indiqué dans le contrat de travail, ce que l’employeur admet.

Elle soutient à tort que son salaire mensuel de référence doit être fixé, par infirmation du jugement de première instance, à la somme de 1 683,35 euros sur la base de 35 heures hebdomadaires soit 151,67 heures mensuelles, au taux horaire de 10,09 euros et en y intégrant les 10 % d’indemnité de congés payés.

En effet, les clauses contractuelles prévoient, conformément aux dispositions conventionnelles, que l’indemnité de congés payés sera payée chaque mois en plus du salaire ce qui correspond à une modalité de paiement de l’indemnité de congés payés et non à une intégration de cette indemnité dans le salaire de référence.

Treize mois se sont écoulés entre l’embauche de Madame [Z] [R] épouse [V] et son licenciement.

Dans le cadre d’un contrat à temps complet, Madame [Z] [R] épouse [V] aurait dû percevoir la somme de 21 883,55 euros, congés payés inclus.

Or elle a perçu la somme de 1241,62 euros.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a condamné la SARL SCOUBIDOU à lui payer la somme de 20 641,93 euros à titre de rappel de salaires, congés payés inclus, pour la période du 2 octobre 2019 au 6 novembre 2020.

Sur le bien fondé du licenciement

La SARL SCOUBIDOU soutient que Madame [Z] [R] épouse [V] n’a pas été licenciée pour faute grave, mais pour faute avec dispense de préavis en raison d’un abandon de poste caractérisé par un refus d’exécuter une nouvelle prestation, successif à deux refus précédents au cours des trois mois écoulés.

Elle souligne que le refus d’exécuter une nouvelle prestation, successif à deux refus précédents au cours des trois mois écoulés, n’est qu’un exemple de faute dès lors que le règlement intérieur utilise le terme ‘notamment’.

La SARL SCOUBIDOU expose que, compte tenu de l’indisponibilité de la salariée, elle a accepté de réduire considérablement la durée annuelle de travail initialement prévue à 220 heures pour la fixer à 44 heures et qu’elle lui a proposé des missions compatibles avec ses disponibilités, qu’elle a pourtant refusées.

Elle ajoute que Madame [Z] [R] épouse [V] s’est présentée plusieurs fois en retard pour récupérer des enfants à l’école et qu’un client mécontent de ses services a refusé de continuer à travailler avec elle.

Madame [Z] [R] épouse [V] répond qu’elle a été licenciée pour faute grave dès lors que son licenciement était privatif de toute indemnité de rupture.

Elle fait valoir que la SARL SCOUBIDOU ne justifie pas d’une faute grave dans la mesure où elle ne produit aucune fiche de mission mentionnant un refus.

Madame [Z] [R] épouse [V] précise qu’elle occupait d’autres emplois complémentaires à son contrat de travail intermittent à temps partiel, qu’elle a toujours prévenu la SARL SCOUBIDOU de ses disponibilités et indisponibilités et qu’en dépit de cette communication, l’employeur lui a proposé le 18 septembre 2020 et le 16 octobre 2020 des missions incompatibles avec son emploi du temps.

Il résulte des articles L 1234-1 et L 1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

Le contrat de travail de Madame [Z] [R] épouse [V] stipule que dans le cas d’un licenciement, hormis l’hypothèse d’un licenciement pour faute grave ou lourde, le salarié a droit à un préavis d’une durée d’un mois s’il a entre six mois et deux ans de présence dans l’entreprise.

Il est établi par le solde de tout compte et l’attestation Pôle emploi en date du 13 novembre 2020 que Madame [Z] [R] épouse [V] n’a perçu aucune indemnité de rupture.

Par ailleurs l’attestation Pôle emploi remplie par l’employeur mentionne que le motif de la rupture du contrat de travail est un licenciement pour faute grave.

C’est donc à juste titre que Madame [Z] [R] épouse [V] soutient qu’elle a été licenciée pour faute grave et qu’il incombe en conséquence à la SARL SCOUBIDOU de justifier d’un fait ou d’un ensemble de faits qui lui sont imputables et qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible son maintien au sein de l’entreprise même pendant la durée du préavis.

Le règlement intérieur, que Madame [Z] [R] épouse [V] produit aux débats, stipule en son article 25 ‘définition de la faute’ qu’est considéré comme fautif un comportement qui se manifeste par un acte positif ou une abstention de nature volontaire ne correspondant pas à l’exécution normale de la relation contractuelle ; qu’il peut s’agir du non-respect d’une disposition du règlement intérieur, du code du travail, mais aussi de l’inexécution ou de la mauvaise exécution du contrat.

Il précise et fait une liste, non exhaustive, des agissements considérés comme fautifs, au titre desquels figure le refus d’exécuter une nouvelle prestation, successif à deux refus précédents au cours des trois mois écoulés.

C’est bien ce motif qu’a expressement visé la SARL SCOUBIDOU dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.

Or, comme l’a relevé à juste titre le conseil de prud’hommes de Troyes, Madame [Z] [R] épouse [V] a refusé le jour même une mission proposée le 18 septembre 2020 et elle a refusé le 28 octobre trois missions proposées le 16 octobre 2020, en raison d’une incompatibilité avec ses horaires de travail chez d’autres employeurs, qu’elle avaient communiqués préalablement à la SARL SCOUBIDOU.

Entre le 18 septembre 2020 et le 28 octobre 2020, trois mois ne se sont pas écoulés.

En outre, Madame [Z] [R] épouse [V] n’a pas commis de faute en refusant des missions proposées incomptatibles avec ses horaires de travail chez d’autres employeurs, d’autant qu’elle avait informé préalablement la SARL SCOUBIDOU de ses incompatibilités et qu’elle a dû rechercher des emplois complémentaires pour s’assurer un niveau de revenu acceptable du fait de non-respect par l’employeur des dispositions légales sur le travail intermittent entraînant une organisation chaotique de son temps de travail.

Le jugement de première instance doit être confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement de Madame [Z] [R] épouse [V] était intervenu sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application des dispositions de l’article L 1234-1 du code du travail, Madame [Z] [R] épouse [V] peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis d’un mois soit la somme de 1530,35 euros outre 153,03 euros de congés payés afférents.

En application de l’article L 1234-9 du code du travail, elle peut prétendre à une indemnité légale de licenciement, plus favorable que l’indemnité conventionnelle, d’un montant de 414,47 euros.

La SARL SCOUBIDOU ne justifie pas qu’elle compte moins de 11 salariés et compte tenu de l’ancienneté de Madame [Z] [R] épouse [V], de son âge, de l’existence d’un contrat à durée indéterminée à hauteur de 119 heures mensuelles en qualité de garde d’enfant chez des particuliers, le juge de première instance a fait une exacte appréciation de son préjudice en condamnant la SARL SCOUBIDOU à lui payer la somme de 1530,35 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement de première instance sera donc confirmé en ce qu’il a condamné la SARL SCOUBIDOU à payer à Madame [Z] [R] épouse [V] :

– la somme de 1530,35 à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– la somme de 153,03 euros à titre de congés payés afférents

– la somme de 414,47 euros à titre d’indemnité de licenciement

– la somme de 1 530,35 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande au titre du préjudice moral

La SARL SCOUBIDOU fait valoir sur le fondement des articles 564 à 566 du code de procédure civile que la demande de dommages et intérêts formée par Madame [Z] [R] épouse [V] en réparation d’un préjudice moral lié aux circonstances brutales et vexatoires du licenciement est une prétention nouvelle qui ne tend pas aux mêmes fins que celles soumises au premier juge et qui n’en est pas le complément nécessaire, qu’elle est en conséquence irrecevable.

Madame [Z] [R] épouse [V] répond que l’indemnisation de son préjudice moral lié aux circonstances brutales et vexatoires qui ont entouré la rupture du contrat de travail est le complément de la demande relative à l’indemnisation de son licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu’elle peut donc être formulée pour la première fois à hauteur d’appel.

Elle expose qu’elle a été licenciée pour faute grave alors que son dossier disciplinaire était vierge et qu’elle avait dû retrouver un autre emploi car la SARL SCOUBIDOU ne lui accordait aucune garantie de travail et de rémunération.

L’article 564 du code de procédure civile dispose qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

L’article 565 du code de procédure civile dispose : ‘ les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ‘.

L’article 566 du code de procédure civile dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Dans la mesure où la demande de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire et la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ont le même objet qui est d’obtenir l’indemnisation d’un licenciement abusif, elles poursuivent la même fin, de sorte que la demande nouvelle présentée à ce titre par l’intimée est recevable.

La demande de dommages et intérêts pour conditions vexatoires du licenciement n’est en revanche pas fondée, le préjudice résultant de la rupture abusive du contrat de travail étant réparé par les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et Madame [Z] [R] épouse [V] n’apportant la preuve d’aucun comportement fautif distinct de l’employeur à l’occasion de la rupture du contrat de travail.

Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes

Il y a lieu de confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a :

– ordonné à la SARL SCOUBIDOU de remettre à Madame [Z] [R] épouse [V] un bulletin de paie rectificatif et l’attestation pôle emploi rectifiée

– condamné la SARL SCOUBIDOU à payer à Madame [Z] [R] épouse [V] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– débouté la SARL SCOUBIDOU de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– ordonné l’exécution provisoire

– condamné la SARL SCOUBIDOU aux dépens

Il convient d’ordonner à la SARL SCOUBIDOU de remettre à Madame [Z] [R] épouse [V] une attestation pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt.

Il sera rappelé que toutes les condamnations sont prononcées sous déduction des éventuelles cotisations sociales et salariales applicables.

Ajoutant à la décision de première instance, il convient de condamner la SARL SCOUBIDOU qui succombe en appel à payer à Madame [Z] [R] épouse [V] la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

La SARL SCOUBIDOU est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles d’appel.

Elle est condamnée aux dépens de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Troyes du 12 mai 2022 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DEBOUTE Madame [Z] [R] épouse [V] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral lié aux conditions de son licenciement ;

ORDONNE à la SARL SCOUBIDOU de remettre à Madame [Z] [R] épouse [V] une attestation pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire conformes à la présente décision ;

DIT que toutes les condamnations sont prononcées sous déduction des éventuelles cotisations sociales et salariales applicables ;

CONDAMNE la SARL SCOUBIDOU à payer à Madame [Z] [R] épouse [V] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel ;

DEBOUTE la SARL SCOUBIDOU de sa demande au titre des frais irrépétibles en appel ;

CONDAMNE la SARL SCOUBIDOU aux dépens de la procédure d’appel.

Le greffier, Le président,

 


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