Convention collective des services à la personne : 24 novembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01559
Convention collective des services à la personne : 24 novembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01559

ARRÊT DU

24 Novembre 2023

N° 1687/23

N° RG 21/01559 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T4XH

VC/CH

Jonction avec les dossiers

RG : 22/1724 et 22/1726

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DUNKERQUE

en date du

13 Septembre 2021

(RG 20/00143 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 24 Novembre 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANTE :

S.A.R.L. APAD 59

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Florine MICHEL, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

Mme [P] [M]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Mickaël ANDRIEUX, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l’audience publique du 14 Septembre 2023

Tenue par Virginie CLAVERT

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Valérie DOIZE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 24 août 2023

EXPOSE DU LITIGE ET PRETENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES :

La société APAD 59 a engagé Mme [P] [M] par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (90 heures par mois) à compter du 14 septembre 2012 en qualité d’assistante de vie, niveau 3 de la convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012.

Ce contrat comportait, par ailleurs, une clause de modulation du temps de travail avec une durée du travail pouvant varier entre 60,3 heures au minimum et 119,70 heures au maximum, ce en application d’un accord collectif du 26 mars 2012.

Par différents avenants, le temps de travail de Mme [M] a été porté à 110 h en janvier 2014 puis à nouveau à 90 heures à compter du 1er novembre 2014, puis à 110 heures à compter du mois de juin 2015 et, enfin, à 130 heures à compter du mois de mars 2018.

Mme [M] a fait l’objet d’un arrêt de travail à compter du 23 septembre 2019 et a été placée en arrêt maladie.

Sollicitant la requalification de son contrat à temps partiel en temps plein, le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail et réclamant divers rappels de salaire et indemnités, Mme [P] [M] a saisi le 14 mai 2020 le conseil de prud’hommes de Dunkerque qui, par jugement du 13 septembre 2021, a rendu la décision suivante :

– PRONONCE la révocation de l’ordonnance du 15 mars 2021 ordonnant la clôture de la procédure au 25 juin 2021.

– ACCEPTE la production aux débats des dernières conclusions et pièces échangées entre les parties.

– REQUALIFIE le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein à compter du 1er janvier 2017.

– CONDAMNE la SARL UNIPERSONNELLE APAD 59, en la personne de son représentant légal, à verser à Mme [P] [M], les sommes suivantes :

– 8.144,57 euros brut à titre de rappel de salaire sur la base d’un contrat à temps complet à compter du 1er janvier 2017

– 814,45 euros brut au titre des congés payés y afférents

– 650,00 euros net au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

– CONDAMNE Mme [P] [M] à verser à la SARL UNIPERSONNELLE APAD 59, la somme de 232,62 euros brut au titre de la majoration des heures complémentaires perçues à tort du fait de la requalification du contrat de travail à temps complet.

– DEBOUTE Mme [P] [M] du surplus de ses demandes.

– DEBOUTE la SARL UNIPERSONNELLE APAD 59, en la personne de son représentant légal, du surplus de ses demandes.

– CONDAMNE la SARL UNIPERSONNELLE APAD 59, en la personne de son représentant légal, aux éventuels dépens de l’instance.

La société APAD 59 a relevé appel de ce jugement, par déclaration électronique du 13 octobre 2021.

L’arrêt maladie de Mme [P] [M] s’est poursuivi jusqu’au 18 novembre 2021.

Après une visite de reprise l’ayant déclarée inapte provisoirement le 18 novembre 2021, la salariée a été déclarée, le 1er décembre 2021, inapte avec dispense de recherche de reclassement, l’avis d’inaptitude du médecin du travail précisant que «l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi».

Par lettre datée du 28 décembre 2021, Mme [P] [M] s’est vue notifier son licenciement pour inaptitude.

Contestant la légitimité de son licenciement et sollicitant divers rappels de salaire et indemnités suite à la rupture de son contrat de travail, Mme [M] a, de nouveau, saisi le 17 février 2022, le Conseil des Prud’hommes de DUNKERQUE qui, le 4 juillet 2022, a :

– accueilli l’exception de connexité

En conséquence,

– renvoyé le dossier enregistré au greffe du Conseil de Prud’hommes de Dunkerque sous le numéro RG 221042 devant la cour d’appel de Douai Chambre Sociale D, afin qu’il soit statué sur les demandes en même temps que celles du dossier (RG 20/143) enregistré au greffe de la Cour d’appel sous le numéro 21/01559 et fixé en mise en état

– Laissé les dépens pour moitié à chaque partie.

Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 17 mars 2023 au terme desquelles la société APAD 59 demande à la cour de :

– INFIRMER le jugement rendu par le Conseil des Prud’hommes de LILLE le 13 septembre 2021 en ce qu’il a :

– Requalifié le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein à compter du 1er janvier 2017,

– Condamné la Société APAD 59 aux sommes suivantes :

– 8 144.57 € à titre de rappel de salaire sur la base d’un contrat à temps complet du 1er janvier 2017,

– 814.45 € au titre des congés payés y afférents,

– 650.00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– Débouté la SARL UNIPERSONNELLE APAD 59 du surplus de ses demandes,

– Condamné la société APAD 59 aux éventuels dépens

Statuant à nouveau, il est demandé à la Cour de :

– DIRE ET JUGER que le contrat de travail de Mme [M] est un contrat de travail à temps partiel

– DIRE ET JUGER que la société APAD 59 n’a commis aucun manquement grave dans le cadre de l’exécution du contrat de travail de Mme [M]

– DIRE ET JUGER que le licenciement de Mme [M] est bien-fondé

En conséquence,

– DEBOUTER Mme [P] [M] de l’ensemble de ses demandes au titre de son appel principal et incident à savoir : – Sa demande de rappels de salaires

– Sa demande de résiliation judiciaire

– Sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité

– Sa demande de dommages et intérêts au titre de son licenciement

– Sa demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile

– CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil des Prud’hommes de LILLE le 13 septembre 2021 en ce qu’il a débouté Mme [M] du surplus de ses demandes.

En tout état de cause,

– CONDAMNER Mme [P] [M] au paiement de la somme de 2 000.00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile au titre de l’appel,

– CONDAMNER Mme [P] [M] au paiement des entiers frais et dépens de l’instance,

Au soutien de ses prétentions, la société APAD 59 expose que :

– Concernant la demande de rappel de salaire, celle-ci est partiellement prescrite au titre de la période antérieure au 14 mai 2017, compte tenu de la saisine de la juridiction prud’homale le 14 mai 2020. La salariée ne justifie pas d’une saisine le 9 avril 2017 et l’annualisation du temps de travail n’a pas pour conséquence de reporter la date d’exigibilité des salaires au 31 décembre de chaque année, ce d’autant que l’intéressée avait connaissance à chaque bulletin de paie du temps de travail effectif presté mais surtout du temps inter vacation déterminé chaque mois au regard des déplacements entrepris.

– En outre et sur le fond, le temps de travail de Mme [M] incluait déjà le temps de transport pour se rendre d’un client chez l’autre, ce conformément au contrat de travail signé entre les parties, de sorte qu’elle ne peut prétendre à la rémunération supplémentaire d’inter-vacations, le salaire versé comprenant non seulement les heures prestées au domicile des clients et le temps de trajet entre deux domiciles.

– Les clients sont, par ailleurs, informés contractuellement de ce que le temps de déplacement est compris dans la prestation et Mme [M] ne démontre pas avoir presté pour des clients APA, PCH et CARSAT, pour lesquels le temps de trajet n’entrait pas dans le temps de prestation et ne pas avoir été rémunérée des temps de déplacement à ce titre.

– Les décomptes produits ne permettent , en tout état de cause, pas de déterminer les temps de déplacement non rémunérés.

– Concernant les rappels de salaire au titre des temps d’attente inférieurs à 15 minutes, aucune somme n’est due à la salariée, dès lors que pour fonder sa prétention, l’intéressée a déduit des temps d’attente un temps de trajet de 10 minutes pourtant déjà décompté, se prévalant alors d’une rémunération illégitime également mise en évidence par les plannings versés aux débats.

– Concernant la demande de requalification du contrat à temps partiel en temps plein, les demandes de rappel de salaire afférentes à la période antérieure au 14 mai 2017 sont également prescrites.

– Sur le fond, Mme [M] ne justifie pas avoir atteint ou dépassé la durée légale hebdomadaire de travail, se contentant de produire un tableau illisible établi par ses soins et mentionnant les semaines à plus de 35 heures et présentant des contradictions avec les plannings effectifs de l’intéressée.

– Par ailleurs, les temps de déplacement qui gonflent de manière illégitime le temps de travail hebdomadaire, ne peuvent pas être pris en compte dans les temps de prestation.

– Et si une requalification était ordonnée, il conviendra de déduire le montant des sommes perçues au titre des heures complémentaires.

– En outre, la société APAD 59 n’a pas non plus manqué à son obligation de sécurité à l’égard de Mme [M].

– L’employeur a également été soucieux de la santé de ses salariés comme en attestent les différents documents et formations mises en place.

– Il n’y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [M], dès lors que la société APAD 59 n’a commis aucun manquement et qu’à tout le moins, ceux retenus par la juridiction prud’homale ne sont pas d’une gravité telle qu’ils empêchaient la poursuite de la relation de travail.

– La salariée n’était pas non plus contrainte de rester à la disposition de son employeur depuis plusieurs années, se voyant adresser ses plannings et son temps de travail à l’avance.

– Aucun manquement n’est, en outre, caractérisé en lien avec le maintien de la rémunération suite à un accident du travail, l’intéressée n’ayant jamais eu d’accident de travail et ne formalisant aucune demande de rappel de complément de rémunération.

– Par ailleurs, le licenciement pour inaptitude repose sur une cause réelle et sérieuse, dès lors que Mme [M] faisait l’objet d’une dispense de recherche de reclassement et que, dans ce cas, l’employeur n’a pas l’obligation de consulter les représentants du personnel ou le comité social et économique.

– En outre, l’inaptitude de la salariée est d’origine non professionnelle, en ce que les arrêts de travail sont des arrêts de droit commun, qu’aucun lien avec l’activité professionnelle n’est établi, que ce lien ne peut résulter de l’unique certificat médical établi par un psychologue.

– Mme [M] doit, par conséquent, être déboutée de ses demandes financières et condamnée au paiement d’une indemnité procédurale.

Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 16 juin 2023, dans lesquelles Mme [P] [M], intimée et appelante incidente demande à la cour de :

-Infirmer le Jugement rendu par le Conseil des Prudhommes de Dunkerque en ce qu’il a :

– Débouté Mme [M] des chefs de demandes suivants :

– Condamner la société APAD 59 à lui verser les sommes suivantes :

– 1.730,18 € brut à titre de rappel de salaire sur les temps de déplacement, outre les congés payés y afférents de 173,01 € brut

– 1.154,53 € brut à titre de rappel de salaire sur les temps d’inter vacation inférieurs à 15 minutes, outre les congés payés y afférents de 115,45 € brut,

– 5.000 € net à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,

-Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur,

-En conséquence, condamner la société APAD 59 à lui verser les sommes suivantes : -3.263,94 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents de 326,39 € brut,

– 3.296,58 € net à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 13.055,76 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné Madame [P] [M] à verser à la SARL UNIPERSONNELLE APAD 59, la somme de 232,62 euros brut au titre de la majorations des heures complémentaires perçues à tort du fait de la requalification du contrat de travail à temps complet.

Sur ces chefs de demandes contestés, il est demandé à la Cour d’appel de DOUAI de dire et juger à nouveau en ce sens :

– Condamner la société APAD 59 à lui verser les sommes suivantes :

– 1.730,18 € brut à titre de rappel de salaire sur les temps de déplacement, outre les congés payés y afférents de 173,01 € brut

– 1.154,53 € brut à titre de rappel de salaire sur les temps d’inter vacation inférieurs à 15 minutes, outre les congés payés y afférents de 115,45 € brut,

– 5.000 € net à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,

– A titre principal, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur à la date du 28 décembre 2021

– A titre subsidiaire, dire et juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

– En conséquence, condamner la société APAD 59 à lui verser les sommes suivantes :

– 3.263,94 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents de 326,39 € brut,

– 576,87 € net à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 13.055,76 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Débouter la SARL UNIPERSONNELLE APAD 59 de sa demande de paiement d’une somme de 232,62 euros brut au titre de la majorations des heures complémentaires perçues à tort du fait de la requalification du contrat de travail à temps complet

– Confirmer le Jugement pour le surplus des chefs de demandes

– Condamner la société APAD 59 à lui verser la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

– Condamner le défendeur aux entiers frais et dépens d’instance.

A l’appui de ses prétentions, Mme [P] [M] soutient que :

– Les demandes de rappel de salaire ne sont pas prescrites, dès lors qu’elle a saisi la juridiction prud’homale le 20 avril 2020, que, compte tenu de l’annualisation de son temps de travail, l’exigibilité des salaires est fixée au 31 décembre de chaque année et qu’en conséquence, elle est bien fondée à solliciter l’ensemble de ses salaires de l’année 2017, la prescription des salaires ne portant que sur les rémunérations antérieures au 31 décembre 2016.

– Concernant les temps de déplacement et les temps d’attente, ils sont prescrits pour la période antérieure au mois de mai 2017.

– Concernant la requalification du temps partiel en temps complet, il convient de remonter jusqu’au début de la période de modulation comprenant la date de saisine du CPH, le début de la modulation devant être fixé au 1er juin 2016, la modulation se terminant le 31 mai 2017,compte tenu de la date de saisine de la juridiction. La requalification est donc légitimement sollicitée à compter du 1er janvier 2017.

– Sur le fond, concernant les temps de déplacement, l’employeur a mis en place un régime dérogatoire plus favorable aux salariés consistant à verser une indemnité forfaitaire de 1,43 euros bruts par intervention et le règlement de 10 minutes de temps de travail par intervention, de sorte qu’une inter vacation entraîne le règlement de 10 minutes de temps de travail effectif et une indemnité de 1,43 euros brut.

– Or, si Mme [M] a bien été remplie de ses droits au titre de l’indemnité kilométrique, elle n’a pas bénéficié des 10 minutes d’intervention rémunérées. Tous les temps d’inter-vacations ne lui ont, ainsi, pas été versés.

– Et le fait que les temps de déplacement seraient compris dans les temps de prestation ne peut résulter des PV non signés de réunion des DP des 8 juin et 10 août 2016, ce d’autant que les salariés ne peuvent partir avant la fin de la prestation, les clients n’ayant aucune raison de payer les temps de déplacement sur le temps de prestation, peu important que le dernier modèle de contrat client ait pris en compte cette organisation.

– De la même façon, pour les clients APA, PCH et CARSAT, le temps de trajet n’est pas pris en compte dans le temps de prestation, 10 minutes de temps de trajet étant alors laissé en plus de la prestation, de sorte qu’un rappel au titre des temps de déplacement lui est dû.

– Concernant le rappel de rémunération des temps d’attente inférieurs à 15 minutes en temps de travail effectif, la convention collective prévoit qu’en dehors des temps de déplacement entre deux lieux d’intervention, si le temps d’attente d’un salarié est inférieur à 15 minutes, alors ce temps doit être considéré comme du temps de travail effectif.

– Or, en l’espèce, lorsque Mme [M] a eu un temps d’attente entre deux prestataires inférieur à 15 minutes, hors temps de route, ce temps a été très exceptionnellement considéré comme du temps de travail effectif, ce qui lui ouvre droit à un rappel à cet égard, étant rappelé que les temps de déplacement doivent être ajoutés aux heures de travail et que d’autres salariés ont bénéficié d’une régularisation en ce sens.

– Concernant la demande de requalification du contrat à temps partiel en temps plein, malgré un contrat prévoyant un temps partiel, la salariée a été amenée à travailler plus de 35 heures par semaine, ce dès le mois de mai 2017, de sorte qu’il doit être fait droit à la demande de requalification et au rappel de salaire dans les limites de la prescription triennale, étant précisé qu’afin d’éviter un double paiement, les temps de déplacement ont été déduits.

– En tout état de cause, même en retirant les temps de déplacement, il persiste toujours des dépassements à plus de 35 heures.

– Il n’y a pas non plus lieu de déduire les majorations pour heures complémentaires versées à l’intéressée lesquelles restent acquises dans le cadre de l’exécution du contrat de travail.’

– Par ailleurs, la société APAD 59 a manqué à son obligation de sécurité en ne respectant pas les dispositions de la convention collective applicable en matière de prestations (non respect de la règle de l’intervention minimale de 45 minutes avec des durées de prestation inférieures à 30 minutes).

– La résiliation judiciaire du contrat de travail doit, en outre, être prononcée au regard des manquements commis par l’employeur dans l’exécution du contrat de travail et liés au fait d’avoir dû se maintenir pendant des années à la disposition de son employeur alors qu’elle était à temps partiel, de ne pas lui rémunérer tous ses temps de travail, de ne lui avoir versé aucun complément de rémunération ni prévoyance, de ne pas avoir respecté les dispositions relatives au temps partiel donnant lieu à la requalification de son contrat en temps plein.

– Subsidiairement, le licenciement pour inaptitude de Mme [M] est sans cause réelle et sérieuse, dès lors que les représentants du personnel n’ont pas été valablement consultés, peu important qu’elle ait été déclarée inapte avec dispense de recherches de reclassement.

– En outre, l’inaptitude trouve son origine dans un manquement de l’employeur à ses obligations en lien avec le fait de devoir rester à la disposition de son employeur malgré son emploi à temps partiel, le fait d’avoir été soumise à une charge de travail très importante et des horaires flexibles, le fait d’être privée de toute possibilité de compléter son temps partiel par ailleurs, ce qui a impacté son état de santé et a conduit à son arrêt maladie pour syndrome dépressif réactionnel, conformément aux éléments médicaux produits qui font le lien avec la dégradation de ses conditions de travail et le non respect de l’obligation de prévention des risques psycho-sociaux.

– La salariée est, dès lors, bien fondée à obtenir des dommages et intérêts pour licenciement sans cause, outre une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents et un rappel sur indemnité légale de licenciement.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 24 août 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la jonction :

Dans le souci d’une bonne administration de la justice, il convient d’ordonner la jonction des recours n° 22/01724 et n° 22/01726 au recours n° 21/01559 inscrit en premier lieu, les trois recours ayant le même objet.

Sur la demande de rappel de salaire au titre des temps de déplacement :

– Sur la prescription :

Conformément aux dispositions de l’article L3245-1 du code du travail, «L’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat».

Ainsi, en l’espèce, compte tenu de la saisine de la juridiction prud’homale en date du 14 mai 2020, Mme [P] [M] est recevable à solliciter un rappel de salaires au titre de la période couvrant les trois années précédant cette rupture soit sur les sommes exigibles à compter du mois de mai 2017, compte tenu de la date d’exigibilité des salaires.

A cet égard, il est relevé que la mise en oeuvre d’un dispositif de modulation du temps de travail n’a pas pour effet de rendre les salaires exigibles au 31 décembre de chaque année et ne remet pas en cause l’exigibilité mensuelle des salaires inscrite au contrat de travail.

Par conséquent, les demandes de rappel de salaire au titre des temps de déplacement formulées par la salariée sont prescrites pour la période de juin 2016 à avril 2017 et recevables pour la période à compter du mois de mai 2017 inclus.

– Sur le fond :

Il est constant que la société APAD 59 a mis en place en son sein un dispositif concernant l’indemnisation des déplacements plus favorable que la convention collective applicable des entreprises de service à la personne.

Ce dispositif prévoyait, d’une part, le versement d’une indemnité forfaitaire de 1,43 euros bruts par intervention et, d’autre part, le règlement de 10 minutes de temps de travail par intervention.

Si Mme [M] prétend ne pas avoir bénéficié des 10 minutes d’intervention rémunérées, il résulte des pièces produites que le contrat à durée indéterminée et les avenants signés prévoyaient tous au titre des dispositions afférentes à la durée du travail que «(‘) De convention expresse entre les parties, le temps de travail du salarié inclut le temps de transport pour se rendre d’un client à l’autre. (‘)».

La salariée a également signé une fiche de suivi des points clés de l’embauche d’une assistante le 21 avril 2012 au terme de laquelle il lui a été présenté ce dispositif au regard du planning et du détail de la journée.

Cette organisation se trouve également consacrée dans le modèle de contrat client et les quelques exemples de contrat client produits par la société APAD 59 et datés de 2016 au terme desquels il est expressément mentionné, au titre de la fréquence des interventions, que «le temps de trajet de l’intervenant est forfaitisé à 10 minutes par intervention dans le cadre d’une prestation facturée au temps passé. Ce temps de trajet est déduit du temps total de l’intervention (exemple deux heures consécutives de prestation facturées correspondent à une heure et 50 minutes de services à la personne et 10 minutes de temps de trajet).

Enfin, ce dispositif a été rappelé à plusieurs reprises aux salariés notamment dans le cadre de deux procès verbaux de deux réunions des délégués du personnel en date des 8 juin 2016 et 10 août 2016 au terme desquels il est mentionné, suite à une question posée, que «les temps de déplacement sont bien actuellement payés. Depuis toujours chez ADHAP, le temps de trajet est inclus dans le temps de prestation. C’est pourquoi on vous demande de déduire le temps de déplacement pour aller à la prochaine prestation. Ainsi, le temps de déplacement est bel et bien rémunéré puisque le temps total de la prestation vous est payé» (8 juin 2016) ou encore «ADHAP services a depuis

toujours payé les temps de trajet de ses salariés. Affirmer le contraire est incorrect. Vous me faites part de difficultés à partir plus tôt de chez le client. Chaque client est au courant du système il lui a été expliqué lors de l’évaluation des besoins. Puis le client signe un contrat où il est clairement indiqué que le temps de déplacement est inclus dans le temps de prestation. De plus, chaque client a reçu une lettre de rappel à ce sujet avec les factures le mois dernier. Enfin, un document a été crée récemment. Le modèle ADHAP est ainsi il n’est pas possible économiquement de le changer en cas de conflits avec le client, qui ne voudrait pas que vous partiez plus tôt on vous demande d’en informer votre hiérarchie pour que nous intervenions auprès du client».

Il résulte, par suite, de l’ensemble de ces éléments ainsi que des bulletins de salaire produits que Mme [P] [M] a bien été rémunérée de ses temps de déplacement lesquels se trouvaient inclus dans son temps de travail, conformément au contrat de travail et à ses avenants qu’elle a signés tout au long de la relation contractuelle.

Aucune pièce ne permet, en outre, de démontrer que l’intéressée se serait trouvée dans l’impossibilité de quitter les lieux de prestation 10 minutes avant la fin du temps de travail prévu pour ladite prestation ni même que la salariée aurait pris en charge des clients APA, PCH et CARSAT, pour lesquels le temps de trajet n’est pas pris en compte dans le temps de prestation, 10 minutes de temps de trajet étant alors laissées en plus de la prestation.

Mme [P] [M] est, par conséquent, déboutée de sa demande en paiement d’un rappel au titre des temps de déplacement.

Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

Sur la demande de rappel de salaire au titre de la rémunération des temps d’attente inférieurs à 15 minutes :

– Sur la prescription :

Conformément aux développements repris ci-dessus dans le cadre des temps de déplacement, les demandes de rappel de salaire formulées par la salariée sont recevables pour la période à compter du mois de mai 2017 inclus.

Tel est le cas des demandes formulées au titre de la rémunération des temps d’attente inférieurs à 15 minutes lesquelles portent sur la période à compter du mois de juin 2017.

– Sur le fond :

Il résulte de la convention collective des entreprises de service à la personne que «les temps entre deux interventions sont pris en compte comme suit :

-en cas d’interruption d’une durée inférieure à 15 minutes, le temps d’attente est payé comme du temps de travail effectif ;

-en cas d’interruption d’une durée supérieure à 15 minutes (hors trajet séparant deux lieux d’interventions), le salarié reprend sa liberté pouvant ainsi vaquer librement à des occupations personnelles sans consignes particulières de son employeur n’étant plus à sa disposition, le temps entre deux interventions n’est alors ni décompté comme du temps de travail effectif, ni rémunéré.

Une journée de travail comporte un maximum de quatre interruptions».

Si Mme [M] prétend ne pas avoir été rémunérée de 103 heures correspondant à ses temps d’attente inférieurs à 15 minutes sur la période de juin 2017 à septembre 2019, il apparaît que, dans le tableau qu’elle produit, l’intéressée a déduit des temps d’attente (et pour chaque intervention) un temps de déplacement de 10 minutes.

Or, compte tenu de la prise en compte du temps de déplacement de 10 minutes dans le temps d’intervention, il n’y a pas lieu de procéder à une telle déduction laquelle conduit, d’une part, à retirer deux fois un temps de trajet de 10 minutes par déplacement et, d’autre part, à minorer le temps d’attente pour atteindre une durée inférieure à 15 minutes et, par voie de conséquence, à ouvrir droit, de façon erronée, à une rémunération complémentaire.

En outre et surtout, la comparaison entre le tableau reprenant les déplacements inférieurs à 45 minutes, les plannings produits et les bulletins de salaire ne permet pas de conclure au constat de l’absence de rémunération de temps d’attente inférieurs à 15 minutes.

Mme [M] est, par conséquent, déboutée de sa demande de rappel formée à cet égard.

Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

Sur la requalification du contrat à temps partiel en temps plein et ses conséquences financières :

– Sur la prescription :

La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, la demande de rappel de salaire fondée sur la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet est soumise à la prescription triennale de l’article L. 3245-1 du code du travail.

Conformément aux dispositions de l’article L3245-1 du code du travail, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Il résulte de la combinaison des articles L. 3245-1 et L. 3242-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d’exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l’entreprise et concerne l’intégralité du salaire afférent au mois considéré.

Le point de départ du délai de prescription n’est, en outre, pas l’irrégularité invoquée par le salarié mais la date d’exigibilité des rappels de salaire dus en conséquence de la requalification du contrat de travail sollicitée.

En l’espèce, compte tenu de la saisine de la juridiction prud’homale le 14 mai 2020, l’action en requalification du contrat à temps partiel en temps plein n’est donc pas prescrite et peut porter sur un rappel de salaire au titre de la période à compter du mois de mai 2017.

– Sur la requalification :

Conformément aux dispositions de l’article L3123-6 du code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit qui mentionne notamment les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée du travail fixée par le contrat.

Selon l’article L. 3123-25, 5° du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, la convention ou l’accord collectif organisant le temps partiel modulé prévoit les limites à l’intérieur desquelles la durée du travail peut varier, l’écart entre chacune de ces limites et la durée stipulée au contrat de travail ne pouvant excéder le tiers de cette durée. La durée du travail du salarié ne peut, en outre, être portée à un niveau égal ou supérieur à la durée légale hebdomadaire.

Lorsque les heures effectuées par un salarié à temps partiel ont eu pour effet de porter la durée hebdomadaire du travail au niveau de la durée légale du travail ou de la durée fixée conventionnellement, le contrat de travail doit être requalifié en contrat à temps plein, y compris dans le cadre d’une modulation du temps de travail et peu important que le temps de travail ait atteint la durée légale de manière occasionnelle.

En l’espèce, le contrat de travail conclu avec Mme [P] [M] fixait, pour la période non prescrite, une durée du travail mensuelle de 110 heures jusqu’en février 2018 puis 130 heures à compter de mars 2018, et prévoyait une clause de modulation du temps de travail avec une durée du travail pouvant varier entre 60,3 heures au minimum et 119,70 heures au maximum puis, lorsque son temps de travail est passé à 130 heures mensuelles, avec une durée du travail pouvant varier entre 87,10 minimum et 151 heures au maximum.

Il résulte des pièces produites et notamment des plannings hebdomadaires remis par l’employeur comportant les horaires de travail ainsi que du tableau récapitulatif reprenant les semaines à plus de 35 heures que Mme [P] [M] a travaillé plus de 35 heures hebdomadaires à plusieurs reprises et notamment la semaine du 8 au 14 mai 2017 ou encore du 5 au 11 juin 2017, du 9 au 15 avril 2018, du 3 au 9 septembre 2018…

Ainsi, les heures effectuées par Mme [M] ont eu pour effet de porter la durée hebdomadaire du travail au niveau de la durée légale.

Il convient, par suite, de requalifier le contrat de travail à temps partiel de l’intéressée en contrat de travail à temps plein, ce à compter de mai 2017, mois au cours duquel est intervenue la première irrégularité.

Le jugement entrepris est confirmé sauf en ce qu’il a fixé la date de la requalification au 1er janvier 2017.

– Sur les conséquences financières :

Compte tenu de la requalification de son contrat de travail à temps partiel en temps plein, Mme [P] [M] est fondée à obtenir le paiement d’un rappel de salaire correspondant à un temps plein, dans les limites de la prescription c’est à dire concernant les salaires échus de mai 2017 jusqu’à la rupture de son contrat de travail.

La société APAD 59 est, ainsi, condamnée à payer à l’intéressée 6548,67 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre 654,86 euros bruts au titre des congés payés y afférents.

Le jugement entrepris est infirmé concernant le quantum alloué.

Sur l’obligation de sécurité :

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L4161-1, des actions d’information et de formation, et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

L’obligation générale de sécurité se traduit par un principe de prévention au titre duquel les équipements de travail doivent être équipés, installés, utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs.

Respecte l’obligation de sécurité, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail (actions de prévention, d’information, de formation…).

Il incombe à la société APAD 59 de rapporter la preuve du respect de cette obligation.

En premier lieu, si Mme [M] prétend que son employeur n’a pas respecté les dispositions de la convention collective en ne mettant pas en oeuvre la règle de l’intervention minimale de 45 minutes avec des durées de prestation inférieures à 30 minutes, il ne résulte pas de la convention collective nationale des entreprises de service à la personne du 20 septembre 2012 applicable à l’espèce l’instauration d’une durée minimale d’intervention supérieure à 45 minutes.

Surtout, la société APAD59 produit le document unique d’évaluation des risques professionnels démontrant, ainsi, avoir recensé les risques professionnels de ses salariés, avoir recensé les mesures de prévention existantes et avoir mis en place des mesures concrètes, ce afin de respecter son obligation de sécurité.

Elle communique également son règlement intérieur lequel comporte des mesures en matière de harcèlement moral, harcèlement sexuel, agissements sexistes, ce dans le but de lutter contre les risques psycho-sociaux…

Enfin, l’employeur justifie de la mise en place d’une procédure spécifique avec une ligne d’écoute destinée à aider les salariés dans les moments de stress et d’inquiétude et à leur apporter conseil et écoute psychologique.

La société APAD59 démontre, par conséquent, avoir respecté son obligation de sécurité à l’égard de Mme [M] laquelle est déboutée de sa demande de dommages et intérêts y afférente.

Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

Le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

La charge de la preuve du bien fondé de la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail repose sur le salarié.

La résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse avec toutes ses conséquences de droit.

En l’espèce, il résulte des développements repris ci-dessus que la société APAD 59 s’est affranchie des dispositions afférentes au temps partiel mais également au mécanisme de modulation du temps de travail prévu au contrat de travail de Mme [M] en soumettant celle-ci à une durée du travail supérieure à la durée légale du travail, ce au cours de plusieurs semaines.

Ces agissements ont, par ailleurs, maintenu l’intimée à la disposition permanente de son employeur, faisant obstacle à la conclusion par cette dernière d’un contrat de travail complétant son temps partiel, peu important que Mme [M], soumise à un contrat à temps partiel aux fonctions d’assistante de vie et placée dans une situation de subordination professionnelle et économique à l’égard de son employeur, n’ait pas émis de revendication à cet égard pendant plusieurs années, avant de saisir la juridiction prud’homale d’une demande de prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Ces faits constituent, dès lors, un manquement suffisamment grave de la société APAD59 à ses obligations vis à vis de la salariée et ont rendu impossible la poursuite de son contrat de travail.

Par conséquent, au regard de l’ensemble de ces éléments et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs allégués, l’employeur a gravement manqué à ses obligations à l’égard de Mme [P] [M] ce qui a empêché la poursuite de son contrat de travail et justifie le prononcé de la résiliation judiciaire dudit contrat aux torts de l’employeur.

La date d’effet de cette résiliation judiciaire doit, en outre, être fixée au jour du licenciement soit le 28 décembre 2021.

La résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [M] produit, par suite, les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris est infirmé sur ce point.

Sur les conséquences financières :

– Sur l’indemnité compensatrice de préavis :

La rupture du contrat de travail étant dépourvue de cause réelle et sérieuse, Mme [M] est bien fondée à obtenir le paiement de l’indemnité compensatrice de préavis équivalente à deux mois de rémunération compte tenu de son ancienneté soit la somme de 3078,90 euros bruts, outre 307,89 euros bruts au titre des congés payés y afférents.

– Sur le rappel d’indemnité légale de licenciement :

Conformément aux dispositions des articles L1234-9 et R1234-1 et suivants du code du travail, Mme [M] est fondée, au regard de son ancienneté et de son salaire brut mensuel, à obtenir le paiement d’une indemnité légale de licenciement qui ne peut être

inférieure à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à 10 ans.

En l’espèce, l’intéressée a perçu la somme de 3166 euros à titre d’indemnité légale de licenciement dans le cadre de son solde de tout compte. Or, elle aurait dû percevoir la somme de 3590,76 euros.

Il est, ainsi, dû à Mme [M] la somme résiduelle de 424,76 euros au titre du rappel d’indemnité de licenciement.

– Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

En application de l’article L1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et qu’il n’y a pas réintégration du salarié dans l’entreprise, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l’employeur, une indemnité dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés, dans le cadre des tableaux repris auxdits articles.

Ainsi, compte tenu de l’effectif supérieur à 11 salariés de la société APAD 59, de l’ancienneté de Mme [M] (pour être entrée au service de l’entreprise à compter du 20 septembre 2012), de son âge (pour être née le 27 mai 1991) ainsi que du montant de son salaire brut mensuel (1539,45 euros correspondant à un temps plein) et de l’absence de justificatif de situation professionnelle postérieurement à son licenciement, le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est fixé à 6500 euros.

Le jugement entrepris est infirmé en ce qu’il a débouté Mme [M] de l’ensemble de ses demandes financières afférentes à la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Sur la majoration des heures complémentaires :

Mme [M] sollicite l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à restituer la majoration perçue au titre des heures complémentaires.

En l’espèce, il résulte des développements repris ci-dessus que les heures complémentaires sont les heures accomplies par un salarié à temps partiel au-delà de la durée de travail convenue et en-deçà de la durée légale de travail.

Or, dès lors que le salarié obtient la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, il ne peut plus prétendre au paiement des majorations pour heures complémentaires prévues par le contrat de travail qui ne peuvent trouver application dans le cadre d’un temps complet, les heures accomplies sous le plafond de trente-cinq heures étant des heures normales de travail dans le cadre d’un contrat à temps complet.

Dans ces conditions et conformément aux dispositions de l’article 1302 du code civil (ancien article 1235) selon lequel «tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution», il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a condamné Mme [M] à restituer les majorations perçues au titre des heures complémentaires soit la somme de 232,62 euros bruts dont le montant n’est pas contesté par la salariée.

Sur l’application de l’article L1235-4 du code du travail :

Le licenciement de Mme [M] ayant été jugé sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu de faire application des dispositions de l’article L1235-4 du code du travail.

En conséquence, la cour ordonne le remboursement par la société APAD59 aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à Mme [M], du jour de son licenciement au jour de la décision prononcée dans la limite de trois mois d’indemnités de chômage.

Sur les autres demandes :

Les dispositions du jugement entrepris afférentes aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance sont confirmées.

Succombant à l’instance, la société APAD 59 est condamnée aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à Mme [P] [M] 1500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

ORDONNE la jonction des recours n° 22/01724 et n° 22/01726 au recours n° 21/01559 inscrit en premier lieu ;

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Dunkerque sauf en ce qu’il a fixé au 1er janvier 2017 la date d’effet de la requalification du contrat de travail à temps partiel en temps plein, en ce qu’il a fixé à 8144,57 euros bruts le rappel de salaire dû et à 814,45 euros les congés payés y afférents et en ce qu’il a débouté Mme [P] [M] de ses demandes de résiliation judiciaire du contrat de travail, de préavis et des congés payés y afférents, de rappel d’indemnité légale de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

FIXE au mois de mai 2017 la date d’effet de la requalification du contrat de travail à temps partiel en temps plein ;

DIT que les demandes de rappel de salaire et de congés payés y afférents pour la période antérieure au mois de mai 2017 sont prescrites ;

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail conclu entre Mme [P] [M] et la société APAD59 aux torts de l’employeur et avec effet au 28 décembre 2021 ;

CONDAMNE la société SARL APAD 59 à payer à Mme [P] [M] :

– 6548,67 euros bruts à titre de rappel de salaire,

– 654,86 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

– 3078,90 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 307,89 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

– 424,76 euros à titre de rappel d’indemnité légale de licenciement,

– 6500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ORDONNE le remboursement par la société SARL APAD59 aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à Mme [P] [M], du jour de son licenciement au jour de la décision prononcée dans la limite de trois mois d’indemnités de chômage ;

CONDAMNE la société SARL APAD 59 aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à Mme [P] [M] 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

LE GREFFIER

Serge LAWECKI

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL

 


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