Convention collective des services à la personne : 20 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/09282
Convention collective des services à la personne : 20 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/09282

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 20 JANVIER 2023

N° 2023/ 018

Rôle N° RG 19/09282 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEM23

[O] [C] ÉPOUSE [N]

C/

[H] [U]

Société VITAME SERVICES

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE MARSEILLE

Copie exécutoire délivrée

le :20/01/2023

à :

Me Sophie CAÏS, avocat au barreau de TOULON

Me Claire ROUYER, avocat au barreau de TOULON

Me Isabelle PIQUET-MAURIN, avocat au barreau de TOULON

Maître [H] [U]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULON en date du 20 Mai 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F18/00498.

APPELANTE

Madame [O] [C] épouse [N], demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Sophie CAÏS, avocat au barreau de TOULON

INTIMES

SARLU ESAD venant aux droits de la SARLU VITAME SERVICES, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Claire ROUYER, avocat au barreau de TOULON

Maître [H] [U] mandataire judiciaire, commissaire à l’exécution du plan de l’EURL VITAMINES SERVICE, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Claire ROUYER, avocat au barreau de TOULON

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE MARSEILLE, [Adresse 3]

représentée par Me Isabelle PIQUET-MAURIN, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe SILVAN, Président de chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Estelle DE REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Janvier 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Janvier 2023

Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Selon contrat à durée indéterminée du 10 mars 2010, Mme [N] a été recrutée en qualité d’aide-ménagère par l’EURL Vitame Services Toulon (devenue la société Esad). Au dernier état de la relation de travail, elle exerçait les fonctions de cadre de secteur. Elle a été placée en arrêt maladie à compter du 4 décembre 2015. Le 10 mai 2017, elle a fait l’objet d’un avis d’inaptitude par le médecin du travail. Elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 9 juin 2017.

Par ordonnance de référé du 20 septembre 2017, le conseil de prud’hommes de Toulon a’:

 »ordonné à la société Esad la remise des documents de fin de contrat et des bulletins de salaire de Mme [N] du mois de mars 2017 à la date du licenciement’;

 »ordonné la rectification de l’erreur commise pour le portage de la mutuelle de Mme [N]’;

 »assorti ces mesures d’une d’astreinte de 150 euros à compter du prononcé de la décision’;

 »condamné la société Esad à payer à Mme [N] la somme de 2.348’€ bruts au titre des congés payés N-1, outre 360’€ bruts au titre du rappel des salaires des 5 mai et 7,8 et 9 juin 2017 ainsi que la somme de 1.500’€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Parallèlement, selon jugement du 1er septembre 2017, la société Esad a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire. Par jugement du 18 septembre 2018, le plan de redressement de la société Esad a été homologué.

Le 17 juillet 2018, Mme [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulon d’une contestation de son licenciement.

Par jugement du 20 mai 2019, le conseil de prud’hommes de Toulon l’a déboutée de ses demandes.

Mme [N] a fait appel de cette décision le 11 juin 2019.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 21 octobre 2022.

A l’issue de ses conclusions du 10 novembre 2022, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, Mme [N] demande de’:

ordonner la révocation de l’ordonnance prononçant la clôture de la procédure et admettre aux débats ses écritures,

 »réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions’;

 »dire et juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement dont elle a fait l’objet’;

 »condamner la société Esad à lui payer la somme de 15.000’€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et fixer à ce montant sa créance au passif de la société Esad’;

 »condamner la société Esad à lui payer la somme de 5.000’€ à titre de dommages-intérêts au titre de l’absence d’information sur l’impossibilité de reclassement et fixer à ce montant sa créance au passif de la société Esad’;

 »condamner la société Esad à lui payer la somme de 13.530,48’€ au titre du complément de salaire et fixer à ce montant sa créance au passif de la société Esad’;

 »condamner la société Esad à lui payer la somme de 9.150’€ au titre de la liquidation de l’astreinte et fixer à ce montant sa créance au passif de la société Esad’;

 »condamner la société Esad à lui payer la somme de 5.000 euros au titre du préjudice lié à l’absence de contrat de prévoyance et fixer à ce montant sa créance au passif de la société Esad’;

 »condamner la société Esad à régler la somme de 3.000’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Selon ses conclusions du 9 novembre 2022, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, la société Esad demande de’:

à titre principal’:

 »constater la mise hors de cause de Maître [U]’;

 »confirmer la décision du conseil de prud’hommes de Toulon’;

 »constater qu’elle a respecté ses obligations’;

 »constater l’irrecevabilité de la demande de dommages-intérêts s’élevant à 5.000’€ pour méconnaissance de l’obligation de conclusion d’un contrat de prévoyance’;

 »à titre subsidiaire, sur ce point, débouter Mme [N] de sa demande’;

en conséquence’;

 »débouter Mme [N] de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions à savoir’:

 »15.000’€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’;

 »5.000’€ à titre de dommages-intérêts pour méconnaissance de l’obligation de notification de l’impossibilité de reclassement’;

 »13.530,48’€ à titre de rappel de salaire pour méconnaissance de l’obligation de conclusion d’un contrat de prévoyance’;

 »9.150’€ au titre de la liquidation de l’astreinte’;

à titre subsidiaire’:

 »constater le caractère excessif et hors de proportion des demandes formulées’;

 »constater l’irrecevabilité de la demande de dommages-intérêts s’élevant à 5.000’€ pour méconnaissance de l’obligation de conclusion d’un contrat de prévoyance’; à titre subsidiaire, sur ce point, débouter Mme [N] de sa demande’;

en conséquence’;

 »débouter Mme [N] de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions à savoir’:

 »15.000’€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse allouer tout au plus que la somme de 12.740,28’€;

 »5.000’€ à titre de dommages-intérêts pour méconnaissance de l’obligation de notification de l’impossibilité de reclassement minimiser fortement les dommages-intérêts au regard de l’absence de preuve’;

 »13.530,48’€ à titre de rappel de salaire pour méconnaissance de l’obligation de conclusion d’un contrat de prévoyance allouer tout au plus que la somme de 2.127,67’€ bruts’;

 »9.150’€ au titre de la liquidation de l’astreinte’;

en tout état de cause’;

 »débouter Mme [N] de sa demande relative à sa condamnation en paiement de dommages-intérêts au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

 »débouter Mme [N] de sa demande relative à l’exécution provisoire’;

 »débouter Mme [N] de sa demande relative à liquidation de l’astreinte’;

 »condamner Mme [N] à lui payer la somme de 500’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’issue de ses conclusions du 9 novembre 2022, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, l’AGS-CGEA demande de’:

en toute hypothèse’:

 »dire et juger exclues du champ de sa garantie les demandes au titre de la liquidation d’astreinte et de l’article 700 du code de procédure civile’;

à titre liminaire et principal’;

La mettre hors de cause, la société ESAD, venant aux droits de la société Vitame Services étant in bonis’;

subsidiairement’:

 »confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulon le 20 mai 2019 en toutes ses dispositions’;

 »en conséquence, dire et juger que l’employeur a procédé à une recherche de reclassement et à l’information préalable de Mme [N]’;

 »dire et juger fondé sur l’inaptitude et l’impossibilité de reclassement le licenciement de Mme [N]’;

 »en conséquence, débouter Mme [N] de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, et de dommages-intérêts pour défaut d’information préalable au titre du reclassement’; débouter Mme [N] de sa demande de rappel de salaire et de dommages-intérêts pour défaut de contrat de prévoyance’;

infiniment subsidiairement’:

 »réduire la somme allouée à titre demande de dommages-intérêts pour défaut d’information préalable au titre du reclassement’;

 »réduire la somme allouée à titre de licenciement sans cause réelle ni sérieuse’;

 »réduire la somme allouée à titre de rappel de salaire’;

 »réduire la somme allouée à titre de dommages-intérêts pour défaut de contrat de prévoyance’;

 »en toute hypothèse, dire et juger que sa garantie ne pourra être que subsidiaire en l’état du plan de redressement en date du 18/09/2018′;

en tout état de cause’;

 »fixer toutes créances en quittance ou deniers’;

 »dire et juger qu’elle ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L.3253-6 à 8 du Code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15 et L. 3253-17 du Code du travail’;

 »dire et juger que sa garantie est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l’article D3253-5 du code du travail.

 »dire et juger que son obligation de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par mandataire judiciaire et justification par celuici de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

Le 24 novembre 2022, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur la nature indemnitaire et non salariale des sommes qui pourraient être allouées à Mme [N] au titre du complément de salaire dû en application du régime de prévoyance.

Mme [N] a déféré à cette demande le 5décembre 2022.

SUR CE’:

sur la révocation de l’ordonnance de clôture et la mise hors de cause de Maître [U], ès qualités, et de l’AGS-CGA’:

Il n’est pas contesté que la société Esad a fait l’objet d’une cession et que la procédure de redressement judicaire ouverte à son encontre a été clôturée. Cette information, révélée après la clôture de l’instruction, constitue une cause grave justifiant la révocation de l’ordonnance de clôture et la fixation de la clôture des débats à la date de l’audience de plaidoiries.

Par ailleurs, la société Esad étant désormais in bonis, la présence aux débats de Maître [U], ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de redressement de cette société, n’est plus nécessaire. En outre, Mme [N] ne sollicite pas la garantie de l’AGS-CGA. Il conviendra de prononcer la mise hors de cause de Maître [U], ès qualités, et de L’AGS-CGA.

Sur le licenciement de Mme [N]’:

moyens des parties’:

A l’appui de la contestation de son licenciement, Mme [N] expose que la lettre de licenciement vise un avis d’inaptitude du 5 mai 2017, alors que l’avis d’inaptitude délivré par le médecin du travail date du 10 mai 2017, ainsi que des recherches de reclassement qui n’auraient pas abouti sans mentionner clairement l’impossibilité de reclasser et que cette motivation insuffisante prive son licenciement de cause réelle et sérieuse.

Elle soutient en outre que la société Esad n’a pas procédé à des recherches sérieuses et loyales de reclassement aux motifs que le médecin du travail a indiqué qu’elle pourrait tenir un poste du même type dans des conditions d’emploi différentes, qu’il n’a pas prononcé d’inaptitude au poste ou à tout poste dans l’entreprise, que la société Esad n’a pas envisagé de la reclasser en interne, qu’elle ne démontre pas avoir tenté de modifier ses conditions de travail, qu’elle s’est bornée à procéder à des recherches de reclassement externes auprès des entités adhérentes à son réseau et d’autres confrères, que la société Esad l’a licenciée alors qu’elle n’avait pas reçu les réponses de toutes les agences du réseau «’VITAME’» qu’elle avait interrogées, que la société Esad, dans le cadre de son licenciement, a pris position en faveur d’une possibilité de reclassement externe, que si la démarche d’un reclassement externe est engagée, elle doit être sérieuse et loyale et que les indications contenues dans les courriers adressés dans ce cadre étaient trop générales.

La société Esad rétorque que la lettre de licenciement est parfaitement motivée.

Elle estime qu’elle s’est valablement acquittée de son obligation de reclassement à l’égard de Mme [N] aux motifs que par courrier du 22 mai 2017, elle a sollicité le médecin du travail afin d’obtenir des précisions quant à l’avis d’inaptitude concernant Mme [N], que par courrier en réponse, celui-ci a rappelé que le reclassement envisagé devait privilégier des conditions de travail différentes, qu’il ressort de cette chronologie qu’elle a entrepris des recherches de reclassement postérieurement à cette réponse, que le médecin du travail avait précisé que les recherches devaient inclure un site de travail différent, que, toutefois, elle ne comprend qu’un seul site, que son extrait du registre des entrées et sorties du personnel atteste de l’absence de poste de reclassement en interne, qu’elle n’appartenait pas à un groupe qui aurait nécessité de sa part des recherches de reclassement externes, qu’elle est allée au-delà de ses obligations en engageant une démarche de reclassement concernant Mme [N] en contactant tant les autres agences que des partenaires externes et que cette recherche n’a pas permis d’identifier de postes disponibles compatibles avec les préconisations du médecin du travail.

Subsidiairement, la société Esad estime que la somme réclamée par Mme [N] à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est excessive et lui reproche de ne verser aux débats aucun élément de nature à prouver le préjudice qu’elle aurait subi ni à justifier qu’elle est en recherche active d’emplois.

réponse de la cour’:

Il ressort de l’article L.’1226-2 du code du travail, dans sa version applicable au licenciement de Mme [N], que lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L.’4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, que cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel lorsqu’ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise, que le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté et que l’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en ‘uvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Par ailleurs, l’article L.’1226-2-1 du même code prévoit que l’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L.’1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, que l’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail et que, s’il prononce le licenciement, l’employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre.

En l’espèce, au terme d’un avis d’inaptitude du 10 mai 2017, le médecin du travail a émis au profit de Mme [N] un avis d’inaptitude assorti des précisions suivantes’: inapte au poste, apte à un autre’; inapte définitivement à son poste de cadre de secteur dans l’environnement professionnel actuel suite à la visite de reprise effectuée par le docteur [Y] le 5 mai 2017, pourrait tenir un poste du même type dans des conditions d’emploi différentes.

Il est constant que la lettre de licenciement adressée par la société Esad à Mme [N] le 9 juin 2017 se réfère à un avis d’inaptitude définitif du 5 mai 2017 au lieu du 10 mai 2017. Il en ressort cependant qu’une telle mention résulte d’une erreur matérielle, insusceptible de remettre en cause la validité du licenciement de Mme [N].

Il est de principe que lorsque l’employeur appartient à un groupe, la recherche de reclassement doit s’effectuer parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation lui permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Par ailleurs, la recherche de reclassement par l’employeur doit être loyale et sérieuse.

En l’espèce, il résulte des termes de la lettre de licenciement, selon laquelle l’employeur a effectué une recherche de reclassement auprès de son réseau ainsi qu’auprès d’autres entités du même domaine, et de l’extrait du site internet du réseau Vitame qu’à l’époque du licenciement de Mme [N], son employeur appartenait à un réseau dont les activités permettaient d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Le 23 mai 2017, la société Esad a adressé aux sociétés membres du groupe Vitame une recherche de reclassement en leur indiquant que Mme [N], cadre de secteur, dont le curriculum vitae était joint, avait été déclarée inapte par la médecine du travail et que selon le médecin du travail ses capacités restantes lui permettaient d’être reclassée sur un poste administratif ou non, comme responsable de secteur ou non, mais sur un site et dans des conditions de travail différents. Ce faisant, alors que le curriculum vitae invoqué n’est pas versé à l’instance, ces courriels ne comprennent pas les informations suffisantes sur la formation de Mme [N], son expérience professionnelle, les fonctions exercées dans l’entreprise et sa rémunération de nature à permettre aux sociétés prospectées de répondre utilement.

La société Esad ne s’est pas acquittée de manière loyale et sérieuse de son obligation de reclassement envers Mme [N], privant ainsi le licenciement de cette dernière de cause réelle et sérieuse.

En considération de l’ancienneté de Mme [N] dans l’entreprise et de sa rémunération, soit 1’749,06’euros bruts, le préjudice qu’elle a subi sera indemnisé en lui allouant la somme de 7’000’euros à titre de dommages-intérêts.

sur l’absence d’information de Mme [N] de l’impossibilité de reclassement’:

moyens des parties’:

Mme [N] reproche à la société Esad, en contravention avec l’article L.1226-2-1 du code du travail, de ne pas lui avoir fait connaître par écrit, préalablement à la convocation à l’entretien préalable à licenciement, les motifs qui s’opposaient à son reclassement. Elle affirme qu’il n’est pas justifié que le courrier invoqué par la société Esad pour justifier de l’accomplissement de cette diligence lui a été adressé, que ce courrier est daté du même jour que le courrier de convocation à l’entretien préalable et ne l’a donc pas précédé et qu’elle est donc fondée à solliciter des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi

La société Esad soutient que la procédure est régulière aux motifs qu’elle justifie du courrier adressé à Mme [N], préalablement à l’entretien préalable à licenciement, par lequel elle l’a informée des recherches de reclassement vainement entreprises.

Subsidiairement, la société Esad affirme que l’absence de notification écrite des motifs de l’impossibilité de reclassement constitue une irrégularité de forme qui donne droit pour le salarié à des dommages-intérêts, que dès lors que le salarié demande des dommages-intérêts pour méconnaissance de l’obligation de reclassement en application de l’article L. 1226-15 du code du travail, cette demande inclut nécessairement la demande de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de notifier par écrit les motifs s’opposant au reclassement du salarié inapte, que si l’employeur a rempli son obligation de reclassement, le juge doit rechercher si le salarié est en droit d’obtenir des dommages-intérêts pour violation de l’obligation de notifier par écrit les motifs s’opposant au reclassement et que Mme [N], tenu de prouver son préjudice, ne verse aux débats aucun élément venant justifier le quantum de sa demande.

réponse de la cour’:

Selon l’article L’1226-2-1 du code du travail, lorsqu’il est impossible à l’employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement.

La société Esad ne justifie pas de l’envoi à Mme [N], avant l’engagement de la procédure de licenciement, du courrier du 29 mai 2017 qu’elle produit aux débats et selon lequel elle aurait informé Mme [N] de l’impossibilité de procéder à son reclassement.

Cependant, Mme [N] ne caractérise pas le préjudice qu’elle aurait subi de ce chef. Le jugement déféré, qui l’a déboutée de sa demande en dommages-intérêts de ce chef, sera donc confirmé.

sur le complément de salaire et l’indemnité complémentaire’:

moyens des parties’:

Mme [N] soutient que, pendant son arrêt de travail, la société Esad ne lui a pas réglé le complément de salaire prévu par la partie VI convention collective, qu’elle opère une fausse lecture de l’arrêté d’extension de la partie VI pour soutenir que cette partie VI n’a pas été étendue, qu’en effet cet arrêté, tirant les conséquences d’une décision du Conseil constitutionnel du 13 juin 2013 relative à l’article 912-1 du code de la sécurité sociale, a simplement exclu du périmètre de l’extension la partie VI en ce qu’elle qu’elle prévoit un régime conventionnel de prévoyance fondé sur une clause de désignation d’organismes assureurs et une clause de migration, pris en application de l’article 912-1 du code de la sécurité sociale déclaré contraire à la constitution par le Conseil Constitutionnel dans sa décision n°2013-672 DC du 13 juin 2013 et qu’elle est donc fondée à solliciter le complément de salaire prévu par ces dispositions conventionnelles ainsi que l’indemnité complémentaire à l’allocation journalière prévue par les L.’1226-1 et D.’226 à D.’1226-8 du code du travail.

La société Esad rétorque, d’une part, qu’il ressort de l’arrêté d’extension du 4 mai 2014 que la partie VI relative à la protection sociale était exclue de l’extension, qu’ainsi, Mme [N] fonde sa demande sur une disposition qui ne lui est pas applicable et, d’autre part, que la demande formée par Mme [N] au titre de l’indemnité complémentaire à l’allocation journalière constitue une demande nouvelle en appel qui devra être déclarée irrecevable.

Elle soutient qu’aucune disposition conventionnelle n’ayant vocation à s’appliquer, il conviendrait de mettre en ‘uvre les dispositions prévues par les articles D.1226-1 et D.1226-2 du code du travail en vertu desquelles, compte tenu de l’ancienneté de Mme [N] et des indemnités déjà perçues durant les douze mois antérieurs, elle ne pourrait prétendre qu’à la somme de 2.127,67’€ bruts.

réponse de la cour’:

Il ressort clairement des conclusions n°2 déposées par Mme [N] en première instance que, sous l’intitulé «’application de la partie 6 de la convention collective’», elle avait sollicité, au visa des articles D.’1226-1 et D.’1226-2 du code du travail et des articles 6.1.3 et 6.5.1 de la convention collective, la condamnation de la société Esad à lui payer diverses sommes au titre des salaires pendant son arrêt maladie. Ce faisant, elle a ainsi réclamé paiement du complément de salaire prévu par la convention collective et de l’indemnité complémentaire à l’allocation journalière prévue par le code du travail. La prétention qu’elle forme de ce chef en cause d’appel concernant cette dernière demande ne constitue donc pas une demande nouvelle et s’avère en conséquence recevable.

Il ressort des calculs précis et détaillés de Mme [N] qu’elle est fondée à réclamer le paiement de la somme de 1’695,15’euros au titre de l’indemnité complémentaire à l’allocation journalière prévue par les articles L.’1226-1, D1226 à D1226-8 du code du travail.

L’avenant n°1 du 25 avril 2013 relatif à la protection sociale de la convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012 institue un régime obligatoire de prévoyance dans les entreprises relevant du champ d’application de ladite convention collective (Partie VI de la convention collective).

Cette convention collective a fait l’objet d’un arrêté d’extension du 3 avril 2014 la rendant obligatoire pour tous les employeurs et tous les salariés compris dans son propre champ d’application et à l’exclusion des entreprises relevant du régime de protection sociale agricole.

Il résulte des dispositions finales de l’arrêté d’extension que la partie VI relative à la protection sociale est exclue de l’extension en tant qu’elle prévoit un régime conventionnel de prévoyance fondé sur une clause de désignation d’organismes assureurs et une clause de migration, pris en application de l’article L.’912-1 du code de la sécurité sociale, déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2013-672 DC du 13 juin 2013.

Dès lors, les autres dispositions de cette partie VI, notamment celles portant sur l’institution d’un régime obligatoire de prévoyance ou les garanties offertes aux salariés, qui n’ont pas fait l’objet d’une décision d’inconstitutionnalité, relèvent du périmètre de l’arrêté d’extension.

Il est de principe que les fautes commises par l’employeur dans l’exécution de ses obligations en matière de prévoyance ne peuvent être sanctionnées que par l’allocation de dommages-intérêts, correspondant éventuellement au montant des indemnités auxquelles le salarié pouvait prétendre au titre de la mise en ‘uvre de la prévoyance.

Il n’est pas justifié par la société Esad de son adhésion à un régime de prévoyance. Le montant des sommes invoquées par Mme [N] au titre du complément de salaire conventionnellement dû n’est pas contesté par la société Esad. Le paiement de telles sommes incombent en principe à l’organisme de prévoyance. La demande formée de ce chef par Mme [N] à l’encontre de la société Esad, qui trouve sa cause dans l’absence d’adhésion à un régime de prévoyance, revêt en conséquence une nature indemnitaire et non salariale. La faute commise par la société Esad a ainsi privé Mme [N] du paiement du complément de salaire prévu par la convention collective. Elle devra en conséquence payer à Mme [N] la somme de 11’835,33’euros à titre de dommages-intérêts de ce chef.

sur l’astreinte’:

moyens des parties’:

Mme [N] reproche au conseil de prud’hommes d’avoir rejeté sa demande en liquidation de l’astreinte ordonnée par le juge des référés aux motifs que cette décision n’a pas été respectée, que ses documents de fin de contrat ne lui ont été adressés que par courrier du 20 novembre 2017 puisque ceux adressés par courrier du 7 novembre étaient erronés et sollicitent en conséquence la somme de 9’150’€ à ce titre correspondant à une astreinte sur 61 jours.

La société Esad soutient que l’astreinte ordonnée par le conseil de prud’hommes en sa formation de référé présentait une nature provisoire, que le juge amené à liquider l’astreinte peut la restreindre voire la supprimer, même en cas d’inexécution constatée, qu’elle s’est régulièrement acquittée des condamnations prononcées à son encontre, que par courriel du 9 novembre 2017, elle a interrogé Mme [N] aux fins de savoir si elle était bien en possession de l’intégralité des documents, que Mme [N] n’a formulé aucune demande avant la saisine du conseil de prud’hommes, que les bulletins de salaire ont été adressés à Mme [N] et que la jurisprudence reconnaît la validité d’une rectification salariale globale sur un seul bulletin de salaire.

réponse de la cour’:

Selon l’article L.’131-4 du code des procédures civiles d’exécution, le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter.

L’astreinte fixée par l’ordonnance du 20 septembre 2017 assortissant l’obligation pour la société Esad de remettre à Mme [N] ses documents de fin de contrat, ses bulletins de salaire du mois de mars 2017 à la date du licenciement et pour rectifier l’erreur commise pour le portage de la mutuelle de Mme [N] a commencé à courir à compter du prononcé de ladite décision.

Le 20 novembre 2017, la société Esad a adressé à Mme [N] ses bulletins de salaire modifiés et l’attestation Pôle Emploi. S’il apparaît légitime que, pendant le premier mois courant à compter du prononcé de l’ordonnance en question la société Esad a pu rencontrer des difficultés pour s’acquitter des obligations mises à sa charge, il n’est pas justifié d’un motif légitime de retard à compter du 20 octobre 2017. La société Esad devra en conséquence payer à Mme [N] la somme de 4’650’euros au titre de la liquidation de l’astreinte.

Sur la prévoyance’:

moyens des parties’:

Mme [N] fait grief à la société Esad l’absence de soucription d’un contrat de prévoyance et réclame en conséquence la somme de 5’000’€ à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi à raison de l’absence de complément de salaire.

La société Esad expose que la demande de Mme [N] relative au contrat de prévoyance constitue une demande nouvelle en appel et qui devra donc être déclarée irrecevable, que le conseil de prud’hommes a justement retenu que Mme [N] opérait une confusion entre le contrat de prévoyance qui permet de gager les risques de prévoyance lourds et le contrat frais de santé (ou mutuelle) qui permet effectivement de garantir les frais de santé, qu’il ressort des extraits de remboursement que Mme [N] avait versé aux débats qu’un contrat frais de santé avait été effectivement souscrit par son employeur mais également que Mme [N] avait bien été indemnisée à ce titre, que toute la partie de convention collective relative à la prévoyance a été exclue de l’arrêté d’extension et qu’il ne peut donc être mis à sa charge une une obligation de souscrire un contrat de prévoyance.

réponse de la cour’:

Il ressort clairement des conclusions n°2 déposées par Mme [N] en première instance qu’elle avait sollicité le paiement par la société Esad de dommages-intérêts en raison du défaut de souscription par celle-ci d’un régime de prévoyance. La demande en dommages-intérêts qu’elle forme de ce chef en cause d’appel ne constitue donc pas une prétention nouvelle et sera donc déclarée recevable.

Il a été retenu que la société Esad ne s’était pas acquittée de son obligation conventionnelle d’adhérer à un régime obligatoire de prévoyance. Cependant, Mme [N] ne caractérise pas l’existence d’un préjudice distinct de celui résultant du non-paiement du complément de salaire pendant son arrêt de travail. Le jugement déféré, qui l’a déboutée de sa demande de ce chef, sera confirmé.

sur le surplus des demandes’:

Enfin la société Esad, partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles, devra payer à Mme [N] la somme de 2’000’euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS’;

LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement’;

REVOQUE l’ordonnance de clôture’;

FIXE la clôture de l’instruction au 10 novembre 2022 à 14’heures’;

DECLARE Mme [N] recevable en son appel’;

PRONONCE la mise hors de cause de Maître [U], ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de redressement de la société Esad, et de l’AGS-CGA’;

DECLARE Mme [N] recevable en sa demande au titre de l’indemnité complémentaire à l’allocation journalière’;

DECLARE Mme [N] recevable en sa demande en dommages-intérêts pour absence de souscription par l’employeur d’un contrat de prévoyance’;

INFIRME le jugement du 20 mai 2019 en ce qu’il a’:

– débouté Mme [N] de sa contestation à l’encontre de son licenciement,

– débouté Mme [N] de ses demandes en liquidation de l’astreinte, en complément de salaire, en paiement de l’indemnité complémentaire à l’allocation journalière et en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné Mme [N] aux dépens’;

LE CONFIRME pour le surplus,

STATUANT à nouveau sur les chefs d’infirmation et y ajoutant’;

DIT que le licenciement de Mme [N] est dépourvu de cause réelle et sérieuse’;

CONDAMNE la société Esad à payer à Mme [N] les sommes suivantes’:

– 4’650’euros au titre de la liquidation de l’astreinte,

– 11’835,33’euros à titre de dommages-intérêts au titre des compléments de salaire dus dans le cadre du régime obligatoire de prévoyance,

– 1’695,15’euros au titre de l’indemnité complémentaire à l’allocation journalière prévue par les articles L.’1226-1, D1226 à D1226-8 du code du travail,

– 7’000’euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 2’000’euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la société Esad aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier Le Président

 


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