Convention collective des services à la personne : 2 mai 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 21/00241
Convention collective des services à la personne : 2 mai 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 21/00241

02 MAI 2023

Arrêt n°

ChR/NB/NS

Dossier N° RG 21/00241 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FRA3

[Y] [B]

/

S.A.S. H & L PRESTATION A DOMICILE

jugement au fond, origine conseil de prud’hommes – formation paritaire de vichy, décision attaquée en date du 18 janvier 2021, enregistrée sous le n° 20/00004

Arrêt rendu ce DEUX MAI DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Sophie NOIR, Conseiller

Mme Karine VALLEE, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

Mme [Y] [B]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Anne Cecile BLOCH de la SELARL ANNE CÉCILE BLOCH AVOCAT, avocat au barreau de CUSSET/VICHY

APPELANTE

ET :

S.A.S. H & L PRESTATION A DOMICILE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me MARNAT, avocat suppléant Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Sidonie LACROIX-GIRARD de la SELARL AKLEA, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant.

INTIMEE

M. RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu, M. RUIN, Président en son rapport, à l’audience publique du 06 mars 2023, tenue par ces deux magistrats, sans qu’ils ne s’y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS H & L Prestations à domicile, exerçant sous le nom « Wanteez » est une société de services à la personne qui intervient pour assurer des prestations de service d’aide à la personne pour des personnes âgées, handicapées ou en incapacité temporaire.

Madame [Y] [B] a été embauchée par la société H&L le 22 août 2018, en qualité d’aide à domicile, suivant contrat à durée déterminée, à temps partiel (2 heures par mois).

Le 8 janvier 2019, la société H&L a proposé à Madame [B] un contrat à durée indéterminée, accepté par cette dernière le 1er février 2019.

Le 29 octobre 2019, Madame [B] a été victime d’un accident du travail.

Par requête réceptionnée au greffe le 10 janvier 2020, Madame [B] a saisi le conseil des prud’hommes de VICHY, aux fins notamment de voir constater des manquements graves dans l’exécution de son contrat de travail par son employeur et de le voir condamner au paiement de rappels de salaires.

L’audience devant le bureau de conciliation et d’orientation s’est tenue le 9 mars 2020 et, comme suite au constat de l’absence de conciliation, l’affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement contradictoire rendue le 18 janvier 2021 (audience du 2 novembre 2020), le conseil des prud’hommes de VICHY a :

– condamné la société H&L Prestations à domicile, prise en la personne de son représentant légal, à payer et porter à Madame [Y] [B] les sommes brutes de :

– 20,06 euros au titre du rappel de salaire du mois de février 2019 ;

– 2,01 euros au titre des congés payés sur le rappel de salaire du mois de février 2019 ;

– dit que des sommes ci-dessus énoncées en brut devront éventuellement être déduites les charges sociales salariales précomptées et reversées aux organismes sociaux par l’employeur ;

– débouté Madame [Y] [B] de ses autres demandes ;

– débouté Madame [Y] [B] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– débouté la société H&L Prestations à domicile de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– condamné la société H&L Prestations à domicile, prise en la personne de son représentant légal, aux entiers dépens.

Le 1er février 2021, Madame [Y] [B] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 20 janvier 2021.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 20 juillet 2022 par Madame [Y] [B],

Vu les conclusions notifiées à la cour le 27 janvier 2023 par la S.A.S H&L,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 6 février 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, Madame [B] demande à la cour de :

– réformer la décision rendue par le conseil de prud’hommes de VICHY, sauf en ce qu’elle a condamné la société H&L à lui régler la somme de 22,07 euros bruts ;

– constater que la société H&L a commis des manquements graves dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail ;

– constater qu’elle ne bénéficie pas de la même rémunération que celle versée à d’autres salariées, exerçant des fonctions identiques ;

– lui allouer au titre des rappels de salaire dus au titre de l’égalité salariale la somme de 800 euros outre 10% au titre des congés pays ;

– dire que son contrat de travail aurait dû être modifié pour fixer un nombre d’heures de travail en adéquation avec celles réellement effectuées ;

– dire que l’ensemble des heures complémentaires effectuées n’ont pas été correctement rémunérées et constater que les avenants prévoyant une augmentation du temps de travail n’ont pas été signés entre juin et octobre 2019 ;

– condamner la société H&L à lui verser la somme de 789,60 euros outre 10% de congés payés au titre des heures complémentaires dues entre septembre 2018 et mai 2019, si la Cour juge que son salaire horaire est de 12,03 euros ;

– condamner la société H&L à lui verser la somme de 656,50 euros outre 10% de congés payés au titre des heures complémentaires dues entre septembre 2018 et mai 2019, si la Cour juge que son salaire horaire est de 10,03 euros ;

– condamner la société H&L à lui verser la somme de 7.925,70 euros outre 10% de congés payés au titre, pour les salaires dus entre juin 2019 et octobre 2019, si la Cour fixe sa rémunération à 12,03 euros de l’heure et à la somme de 6.409 euros si la Cour fixe la rémunération horaire à 10,03 euros ;

A titre subsidiaire,

– condamner la société H&L à lui verser la somme de 7.925,70 euros outre 10% de congés payés au titre, pour les salaires dus entre juin 2019 et octobre 2019, si la Cour fixe sa rémunération à 12,03 euros de l’heure et à la somme de 6.409 euros si la Cour fixe la rémunération horaire à 10,03 euros ;

A titre infiniment subsidiaire,

– constater que Madame [B] n’a pas signé les avenants relatifs à l’augmentation de son temps de travail entre juin et octobre 2019 ;

En conséquence,

– dire que les heures réalisées par Madame [B] au-delà de 2 heures contractuelles, doivent donner lieu à majoration ;

– condamner la société H&L à lui verser 259,50 euros outre 10% de congés payés au titre des rappels de salaire s’agissant des heures complémentaires, si la Cour juge que son salaire horaire est de 10,03 euros ou à payer 311,25 euros outre 10% de congés payés au titre des rappels de salaire s’agissant des heures complémentaires, si la Cour juge le son salaire horaire est de 12,03 euros ;

– condamner la société H&L à lui verser la somme de 969,50 euros au titre des indemnités kilométriques ;

– condamner la société H&L à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de son préjudice économique ;

– prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

En conséquence,

– lui allouer :

– au titre de l’indemnité de licenciement : 475,65 euros ;

– au titre de l’indemnité de préavis : 159 euros ;

– au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 636 euros ;

– condamner la société H&L à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

S’agissant de la méconnaissance par son employeur du principe « à travail égal-salaire égal » Madame [B] affirme percevoir une rémunération inférieure à celle versée à d’autres salariés effectuant des prestations identiques, comme le montrent les offres d’emplois qu’elle produit, qui permettent d’attester que l’emploi exercé est identique, sans qualification exigée mais avec une rémunération de 20% supérieure au SMIC horaire. Elle souligne à ce titre et au regard des fiches de paie produites, que la rémunération mensuelle horaire qu’elle percevait était égale à 10,03 euros alors que celle versée aux autres salariés était de 12,03 euros soit 2 euros de plus par heure. C’est ainsi que, sur le fondement de l’article L.3221-1 du Code du travail qui impose une égalité salariale, Madame [Y] [B] sollicite le rappel des salaires rectifiés et portés au taux horaire de 12,03 euros.

Madame [B] s’attache également à démontrer que la rémunération qu’elle percevait ne prenait pas en compte toutes les heures complémentaires réalisées. Alors que son contrat prévoyait une possibilité de réaliser des heures complémentaires dans la limite du tiers de la durée mensuelle contractuelle de travail, elle affirme avoir réalisé, à l’exception du mois de février 2019, des heures complémentaires tous les mois, sans que cette limite soit respectée. Elle produit à cet égard des avenants’ signés chaque mois, qui fixaient la durée mensuelle du travail, démontrant que la durée du travail a été portée à des quotas qui variaient entre 16 et 59 heures. Elle soutient que son employeur n’a jamais correctement rémunéré ces heures complémentaires, certaines payées en méconnaissance de la majoration légale et d’autres jamais payées. A ce titre, Madame [B] considère’ au regard de la jurisprudence, que les heures comprises entre la durée initiale mensuelle et 10% de cette durée sont majorées à 10% tandis que les heures dépassant ces 10% de la durée mensuelle initiale doivent être majorées à 25%.

Madame [B] affirme que la signature systématique d’avenants n’était pas autorisée, le maximum étant de 8 avenants successifs et donc que son employeur aurait dû définir un horaire de travail mensuel définitif, d’autant plus que selon elle, cette situation l’empêchait de signer d’autres contrats de sorte qu’elle devait être constamment disponible pour son employeur, au risque de subir des pressions de la part de la société qui refusait de prendre en considération ses impératifs personnels.

Madame [B] sollicite la condamnation de la société H&L au paiement des heures complémentaires réalisées chaque mois majorées selon le taux légal et calculées sur le fondement du taux horaire applicable.

À compter du mois de juin 2019, Madame [B] explique avoir refusé de signer les avenants soumis par son employeur, de sorte qu’elle sollicite, sur le fondement d’une jurisprudence constante, de percevoir une rémunération pour un emploi à temps complet, sous déduction des sommes déjà versées, à laquelle doit s’ajouter un complément de 10% pour les congés payés. A titre subsidiaire, elle considère que l’employeur doit lui verser l’intégralité de sa rémunération mensuelle, pour la période de juin à octobre 2019 et à titre infiniment subsidiaire, régulariser les heures complémentaires réalisées pendant cette même période.

Madame [Y] [B] sollicite également la condamnation de la société H&L au paiement des indemnités kilométriques non versées. Elle avance à ce titre que les salariés employés dans le domaine du service d’aide à la personne doivent se voir payer une indemnité pour l’intégralité des kilomètres parcourus, sur la base de 0,35 euros par kilométrique. Or, les fiches d’indemnités kilométriques qu’elle produit démontrent que certaines indemnités n’ont pas été payées par son employeur, invoquant sans cesse de faux prétextes ou faisant une application erronée des règles légales.

Au regard des manquements graves qu’elle impute à son employeur, estimant qu’il n’a pas exécuté ses obligations contractuelles de bonne foi, Madame [B] demande à la Cour de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail avec les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner l’employeur au paiement des sommes afférentes. Elle rappelle que la société H&L ne l’a pas rémunérée correctement, l’a contrainte à réaliser de nombreuses heures complémentaires non prévues contractuellement et non régularisées pour certaines, sans même prendre en considération ses impératifs personnels et la menaçant de poursuites en cas d’indisponibilité. Elle soutient que ces manquements lui ont nécessairement causé un préjudice personnel, d’abord économique du fait des sommes erronées qui lui ont été versées, puis moral en raison de la pression infligée par son employeur.

Dans ses dernières écritures, la S.A.S H&L demande à la cour de :

– déclarer Madame [B] mal fondée en son appel ;

– la recevoir bien fondée en son appel incident ;

– confirmer le jugement du conseil des prud’hommes du 18 janvier 2021 en ce qu’il a :

– débouté Madame [B] de sa demande de rappel de salaire au titre de l’égalité salariale ;

– débouté Madame [B] de sa demande de rappel de salaire pour paiement d’heures complémentaires ;

– débouté Madame [B] de sa demande au titre des indemnités kilométriques ;

– débouté Madame [B] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice économique ;

– débouté Madame [B] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

– réformer le jugement du conseil des prud’hommes de Vichy du 18 janvier 2021 en ce qu’il l’a :

– condamnée à payer à Madame [B] la somme de 20,06 euros à titre de rappel de salaire du mois de février 2019 ;

– condamnée à payer à Madame [B] la somme de 2,01 euros à titre de congés payés afférents ;

En conséquence, et statuant à nouveau il est demandé à la cour de :

A titre principal,

– débouté Madame [B] de ses demandes de rappel de salaire dont :

– sa demande de rappel de salaire à hauteur de 800 euros bruts au titre de l’égalité salariales et les congés payés y afférents ;

– sa demande de rappel de salaire pour paiement d’heures complémentaires et du versement des sommes suivantes :

– si le taux horaire retenu est de 12 euros bruts :

* 789,60 euros bruts et les congés payés y afférents au titre de la période de septembre 2018 à mai 2019 ;

* 311,25 euros bruts et les congés payés y afférent au titre de la période de juin 2019 à octobre 2019 ;

– si taux horaire retenu est de 10,03 euros bruts :

* 656,50 euros bruts et les congés payés y afférents au titre de la période de septembre 2018 à mai 2019 ;

* 259,50 euros bruts et les congés payés y afférent au titre de la période de juin 2019 à octobre 2019 ;

– sa demande de rappel de salaire sur la base d’un temps plein sur la période de juin 2010 à octobre 2019 ;

– si taux horaire retenu est de 12 euros bruts : 7.925,70 euros bruts et les congés payés y afférent au titre de la période de juin 2029 à octobre 2019 ;

– si taux horaire retenu est de 10,03 euros bruts : 6.409 euros bruts et les congés pays y afférent au titre de la période de juin 2019 à octobre 2019 ;

– débouté Madame [B] de sa demande de paiement de la somme de 969,50 euros au titre des indemnités kilométriques ;

– débouté Madame [B] de sa demande de dommages et intérêts de 1.500 euros pour préjudice économique ;

– débouté Madame [B] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et du versement de :

– 475,65 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

– 159 euros à titre d’indemnité de préavis ;

– 636 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

A titre subsidiaire :

– si une condamnation au titre des heures supplémentaires devait être prononcée limiter le montant des condamnations à :

– 656, 50 euros bruts au titre de la période de septembre 2018 à mai 2019 ;

– 259,50 euros bruts au titre de la période de juin 2019 à octobre 2019 ;

A titre reconventionnel :

– condamner Madame [B] au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

S’agissant du principe « à travail égal salaire égal », la société H&L affirme que Madame [B] bénéficiait du même niveau de rémunération que les autres aides à domicile. Elle produit à cet effet différents bulletins de salaire d’autres salariées faisant apparaître l’emploi occupé, le niveau de classification ainsi que le taux horaire brut, qui démontre l’égalité des rémunérations. L’intimée relève que Madame [B] ne produit que des annonces illisibles publiées sur le site de pôle emploi, qui n’apportent aucun élément probant pour justifier ses dires.

En ce qui concerne la rémunération des heures complémentaires réalisées par Madame [B], plusieurs périodes doivent, selon elle, être distinguées. La première recouvre les mois de septembre 2018 à mai 2019, période pendant laquelle la salariée signait chaque mois un avenant à son contrat de travail. La société considère que la salariée ne saurait réclamer le paiement d’ heures complémentaires alors que les avenants au contrat de travail indiquaient bien un nombre d’heures de travail correspondant aux bulletins de salaire. La seconde période concerne exclusivement le mois de février 2019, pour laquelle la société s’interroge sur la demande formulée par Madame [B] puisque celle-ci s’était mise en indisponibilité en raison de ses autres activités professionnelles, de sorte qu’elle n’a effectué aucune heure de travail pour le compte de la société H&L, ce qui explique son absence de rémunération. Sur la troisième période, qui porte sur les mois de juin à octobre 2019, la société rappelle que, sans raison valable, Madame [B] a cessé de lui retourner signés les avenants modifiant sa durée de travail. Toutefois, elle a considéré que la salariée avait tacitement accepté cette modification puisqu’elle a effectivement effectué le nombre d’heures indiquées sur ces avenants, établies selon ses propres disponibilités.

L’intimée considère que la présomption de travail à temps complet invoquée par la salariée n’est qu’une présomption simple de sorte qu’elle aurait dû prouver que ses horaires n’étaient pas connus au préalable et qu’elle devait se tenir constamment à la disposition de son employeur. Au contraire, la société H&L soutient que Madame [B] bénéficiait d’une flexibilité importante dans l’organisation de son emploi du temps puisqu’elle communiquait à son employeur ses jours de disponibilité, comme en attestent les échanges produits par la société.

S’agissant du règlement partiel des frais kilométriques invoqué par Madame [B], la société H&L relève la mauvaise foi de la salariée puisqu’elle soutient que celle-ci était parfaitement informée des règles applicables au sein de l’entreprise en la matière, règles auxquelles la salariée ne s’est jamais conformée. En effet, Madame [B] indiquait systématiquement dans le tableau soumis aux salariés l’intégralité des kilomètres parcourus alors que seuls ceux correspondant à plus de 15 kilomètres faisaient l’objet d’un remboursement. L’intimée affirme que les indemnités versées à la salariée correspondaient bien aux kilomètres effectués entrant dans ses obligations prévues en la matière. En outre, Madame [B] prétend que l’indemnité kilométrique due était de 0,35 euros sur le fondement de la convention collective nationale de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile, or celle-ci n’est pas applicable en l’espèce.

En ce qui concerne la résiliation judiciaire du contrat de travail demandée par Madame [B], la société H&L déplore que celle-ci n’apporte aucunement la preuve d’un manquement contractuel dans ses écritures ni pendant l’exécution de son contrat de travail. L’employeur soutient avoir toujours exécuté son contrat de manière loyale , notamment au regard des échanges avec la salariée, qui démontrent sa bonne foi en ce que la société essayait de s’adapter le plus possible aux besoins de Madame [B], alors même que celle-ci communiquait ses indisponibilités tardivement et en dehors des délais de prévenance.

La société H&L relève que Madame [B] n’apporte aucunement la preuve d’un quelconque préjudice et que les éléments qu’elle produit notamment pour attester des troubles psychologiques subis du fait de la pression mise par son employeur ne sont absolument pas probants.

L’intimée conteste ne plus avoir souhaité poursuivre la relation contractuelle et affirme qu’après l’avis d’aptitude rendu par le médecin du travail, c’est Madame [B] elle-même qui lui a indiqué qu’elle n’était pas en capacité de reprendre son poste, ce qui a conduit l’employeur à se rapprocher du médecin du travail pour demander la confirmation de l’avis. Elle fait valoir que Madame [B] a réduit considérablement ses disponibilités pour rendre impossible l’exécution de missions pour le compte de la société.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

– Sur la demande au titre du principe ‘à travail égal salaire égal’ –

Le principe ‘à travail égal, salaire égal’ impose à l’employeur d’assurer l’égalité de rémunération entre tous les salariés pour autant que ceux en cause sont placés dans une situation identique.

Il appartient au salarié qui se prétend lésé par une inégalité de traitement de prouver les éléments de faits susceptibles de caractériser une atteinte au principe d’égalité de traitement. En présence de tels éléments, il incombe à l’employeur qui conteste une telle atteinte d’établir qu’il existe des raisons objectives à la différence de traitement entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Pour qu’une atteinte au principe ‘à travail égal salaire égal’ soit établie, doivent être constatés l’existence d’un travail égal (ou de valeur égale), d’un salaire inégal et d’une identité de situation. Il doit donc être procédé à l’examen matériel des tâches réalisées pour permettre de vérifier l’inégalité alléguée.

En l’espèce, à l’appui de ses prétentions, Madame [Y] [B] se borne à verser aux débats ses propres bulletins de salaire faisant mention d’un salaire horaire de 10,03 euros et trois offres d’emploi publiées par l’employeur proposant des emplois d’aide à domicile avec un salaire horaire de 12,03 euros.

Cependant, le seul fait que l’employeur propose un emploi de même nature que celui pour lequel Madame [Y] [B] a été embauchée, avec un salaire supérieur, ne peut suffire à révéler l’existence d’une atteinte au principe ‘à travail égal-salaire égal’ en l’absence de tout élément permettant de laisser penser que des salariés auraient été effectivement embauchés pour assurer des tâches similaires à celles de Madame [Y] [B] avec un salaire supérieur.

En l’état, Madame [Y] [B] ne produit pas de pièces susceptibles d’établir l’existence de telles embauches et ne sollicite pas la production d’éléments de preuve pouvant être en possession de l’employeur alors que celui-ci verse aux débats des bulletins de salaire d’autres salariées mentionnant un emploi occupé, un niveau de classification et un taux horaire brut identiques à ceux de la salariée.

Madame [Y] [B] sera donc déboutée de sa demande au titre du principe d’égalité de rémunération.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

– Sur la demande au titre des heures complémentaires pour la période de septembre 2018 à mai 2019 –

Madame [Y] [B] a été embauchée par contrat de travail à durée déterminée du 22 août 2018 prévoyant une durée mensuelle de travail de 2 heures. Ce contrat a été poursuivi, à compter du 1er mars 2019, par un contrat de travail à durée indéterminée comportant la même durée mensuelle de travail avec la possibilité pour l’employeur de demander à la salariée d’effectuer des heures complémentaires .

La durée mensuelle du travail a été modifiée chaque mois par avenants successifs pour la porter à :

– 38 heures du 1er septembre 2018 au 30 septembre 2018,

– 59,95 heures du 1er octobre 2018 au 31 octobre 2018,

– 55,90 heures du 1er novembre 2018 au 30 novembre 2018,

– 23,10 heures du 1er décembre 2018 au 31 décembre 2018,

– 24,88 heures du 1er janvier 2019 au 31 janvier 2019,

– 28,87 heures du 1er mars 2019 au 31 mars 2019,

– 11,97 heures du 1er avril 2019 au 30 avril 2019,

– 33,43 heures du 1er mai 2019 au 31 mai 2019,

– 29,45 heures du 1er juin 2019 au 30 juin 2019,

– 26,50 heures du 1er juillet 2019 au 31 juillet 2019,

– 6 heures du 23 août 2019 au 31 août 2019,

– 16,97 heures du 1er septembre 2019 au 30 septembre 2019,

– 35,52 heures du 1er octobre 2019 au 31 octobre 2019.

Tous ces avenants ont été signés par la salariée jusqu’à celui du 1er mai 2019. Elle n’a pas signé les avenants suivants.

Madame [Y] [B], qui estime que l’employeur ne pouvait recourir systématiquement à des avenants pour faire varier sa durée de travail, considère que les heures de travail accomplies à partir du mois de septembre 2018 sont des heures complémentaires, eu égard à la durée contractuelle de 2 heures par mois, et doivent donner lieu à majoration de 25% au-delà de la durée contractuelle majorée de 10%.

Pour s’opposer à cette demande, l’employeur souligne que la salariée a signé chaque mois, de septembre 2018 à mai 2019, des avenants à son contrat de travail qui ont modifié la durée du travail et qu’il y a adéquation entre les heures inscrites aux avenants et les bulletins de salaire lesquels font mention de la rémunération versée à la salariée pour le nombre d’heures figurant dans les avenants sans majoration.

Les articles L. 3123-1 à L. 3123-16 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, comportent des dispositions ‘d’ordre public’ et prévoient que le contrat de travail doit mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue ainsi que les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée du travail fixée au contrat. Chacune des heures complémentaires accomplies doit donner lieu à une majoration de salaire (article L. 3123-8).

S’agissant des dispositions du code du travail entrant dans le ‘champ de la négociation collective’, l’article L. 3123-20 prévoit que, par dispositions conventionnelles, la limite dans laquelle peuvent être accomplies des heures complémentaires peut être portée jusqu’au tiers de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans le contrat du salarié à temps partiel et l’article L. 3123-28 précise qu’à défaut d’accord prévu à l’article L. 3123-20, le nombre d’heures complémentaires accomplies par un salarié à temps partiel au cours d’une même semaine ou d’un même mois ne peut être supérieur au dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans son contrat.

L’article L. 3123-21 du code du travail prévoit encore qu’une convention ou un accord de branche étendu peut prévoir le taux de majoration de chacune des heures complémentaires accomplies dans la limite fixée à l’article L. 3123-20, ce taux ne pouvant être inférieur à 10 %.

L’article L. 3123-29 du code du travail précise qu’à défaut de stipulations conventionnelles prévues à l’article L. 3123-21, le taux de majoration des heures complémentaires est de 10 % pour chacune des heures complémentaires accomplies dans la limite du dixième des heures prévues au contrat de travail et de 25 % pour chacune des heures accomplies entre le dixième et le tiers des heures prévues au contrat de travail.

La convention collective des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012 comporte des ‘dispositions particulières spécifiques pour les salariés travaillant à temps partiel’. Elle prévoit, dans ce cadre, que ‘le contrat de travail conclu à temps partiel doit préciser la durée contractuelle garantie’ et que ‘l’organisation du travail d’un salarié à temps partiel doit se faire conformément au droit commun avec notamment (…) la possibilité pour l’employeur d’imposer au salarié l’accomplissement d’heures complémentaires dans la limite de 33% de la durée contractuelle’.

L’article 12 de l’accord du 13 octobre 2016 pris dans le champ d’application de la convention collective des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012 prévoit, au titre des ‘heures complémentaires’, que ‘les salariés à temps partiel pourront être amenés à effectuer des heures complémentaires dans la limite d’un tiers de la durée du travail prévue pour la période de référence. Les heures complémentaires accomplies au-delà de la durée du travail prévue pour la période de référence donnent lieu à une majoration de salaire, déduction faite des heures complémentaires déjà payées en cours de période de référence, conformément aux dispositions légales en vigueur’.

En conséquence, en l’espèce, par application de ces dispositions légales et conventionnelles, l’employeur pouvait imposer à la salariée l’accomplissement d’heures complémentaires dans la limite du tiers de la durée contractuelle.

Les articles L. 3123-1 à L. 3123-16 du code du travail, qui constituent des dispositions d’ordre public auxquelles il ne peut être dérogé, ont pour objet de limiter le nombre d’heures que peut effectuer un salarié à temps partiel au-delà de la durée prévue à son contrat. Il en résulte que toutes les heures effectuées au-delà de cette durée, qu’elles soient imposées par l’employeur ou qu’elles soient prévues par avenant au contrat de travail à temps partiel, sont des heures complémentaires.

Il est vrai que l’article L. 3123-22 du code du travail introduit la possibilité d’augmenter temporairement la durée du travail prévue par le contrat de travail à temps partiel par la signature d’avenants sans que ces heures en complément constituent des heures complémentaires donnant lieu à majoration de salaire. Cependant, d’une part, il n’est pas soutenu en l’espèce et il ne ressort pas des avenants litigieux que ceux-ci auraient eu pour objet d’instituer des compléments d’heures au sens de l’article L. 3123-22. D’autre part, en tout état de cause, il n’aurait pu être procédé à l’établissement de tels compléments d’heures qu’à la condition que la convention collective ou l’accord de branche applicable l’autorise (ainsi qu’en fait l’obligation l’article L. 3123-22). En l’absence de dispositions conventionnelles, les heures complémentaires prévues par ces avenants ne peuvent être qualifiées de compléments d’heures.

Il s’ensuit que toutes les heures fixées par les avenants successifs au-delà de la durée de travail contractuellement fixée à 2 heures par mois, nonobstant le fait que ces avenants ont été signés par la salariée, s’analysent en des heures complémentaires et que toutes celles qui ont été effectuées au-delà de la limite d’un dixième de la durée prévue au contrat, doivent supporter la majoration de 25 % prévue par l’article L. 3123-19 du code du travail.

Le calcul de Madame [Y] [B] qui a appliqué la majoration de salaire de 25% à toutes les heures complémentaires accomplies au-delà de 2 heures et 12 minutes (10% de la durée contractuelle) pour la période de septembre 2018 à mai 2019 doit être retenu et la société H&L Prestations à domicile doit lui payer la somme de 656,50 euros brut à titre de rappel de salaire outre l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande de Madame [Y] [B] sur ce point.

– Sur la demande de rappel de salaire au titre du mois de février 2019 –

Il est constant que l’employeur n’a confié aucune mission à Madame [Y] [B] au mois de février 2019, le bulletin de salaire établi au titre de ce mois faisant mention d’un salaire de 0 euros.

L’employeur soutient que Madame [Y] [B] n’aurait pas été en mesure de réaliser des prestations pour son compte au cours de ce mois en raison de ses autres activités professionnelles mais il n’apporte aucune preuve d’une demande expresse de la salariée tendant à être dispensée d’activité alors que celle-ci conteste l’affirmation de la société.

L’employeur étant tenu, en exécution du contrat de travail, de fournir du travail à sa salariée, le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a condamné à verser à Madame [Y] [B] la somme de 20,06 euros (brut) correspondant à 2 heures de travail, outre l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante.

– Sur la demande de rappel de salaire concernant la période postérieure au mois de mai 2019 –

En application des dispositions légales visées plus haut, le contrat de travail des salariés à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue ainsi que la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Ces textes précisent que le nombre d’heures complémentaires effectuées par un salarié à temps partiel au cours d’une même semaine ou d’un même mois ne peut être supérieur au dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans son contrat et que les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail effectuée par le salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement.

L’absence d’écrit ou le défaut de mention de la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, le défaut de mention de la répartition du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, de même que le non respect des mentions du contrat sur la durée du travail font présumer que le contrat de travail a été conclu à temps complet.

Il est vrai qu’il ne s’agit que d’une présomption simple mais il incombe, dans une telle hypothèse, à l’employeur de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et, d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

En l’espèce, il apparaît qu’à compter du mois de juin 2019, l’employeur a rédigé des avenants au contrat de travail de Madame [Y] [B] que celle-ci n’a pas signés.

Aux termes de ces avenants, le nombre d’heures de travail qu’il était demandé à la salariée d’exécuter était de :

– 29,45 heures du 1er juin 2019 au 30 juin 2019,

– 26,50 heures du 1er juillet 2019 au 31 juillet 2019,

– 6 heures du 23 août 2019 au 31 août 2019,

– 16,97 heures du 1er septembre 2019 au 30 septembre 2019,

– 35,52 heures du 1er octobre 2019 au 31 octobre 2019.

Le contrat de travail du 22 août 2018 prévoit une durée de 2 heures de travail par mois avec cette précision que ce ‘régime dérogatoire’ doit permettre à la salariée ‘de faire face à des contraintes personnelles, soit lui permettre de cumuler plusieurs activités afin d’atteindre une durée globale d’activité correspondant à un temps plein ou au moins égale à 24 heures hebdomadaires’. Il était néanmoins prévu qu’ ‘en fonction des besoins de la société’, la salariée pourrait être amenée ‘à effectuer des heures complémentaires dans la limite du tiers de sa durée mensuelle contractuelle de travail’. De telles stipulations étaient destinées à permettre à la salariée de s’engager en toute connaissance de cause, en sachant à l’avance l’ampleur d’une éventuelle modification de la durée de son travail et son impact sur sa situation professionnelle ou privée.

Or, les avenants successifs et les bulletins de salaire montrent que les stipulations contractuelles n’ont jamais été respectées et que Madame [Y] [B] a été soumise, par le biais d’avenants, à des variations importantes, irrégulières et totalement aléatoires dans la durée de son travail, pouvant aller de 16 à 35 heures par mois. De telles variations avaient pour effet d’augmenter de manière importante la charge de travail prévue et de dépasser les limites légales et conventionnelles du recours aux heures complémentaires. En outre, compte tenu, d’une part, que les avenants proposés à sa signature étaient datés du 1er de chaque mois, soit au début même de la période pour laquelle une nouvelle durée du travail lui était assignée et que, d’autre part, ni le contrat de travail initial, ni les avenants successifs ne font mention de la répartition du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, l’importance et la variation continuelle des horaires de travail ne permettaient pas à Madame [Y] [B] de s’organiser pour se livrer à d’autres activités en complément ainsi que le prévoit son contrat de travail.

Pour soutenir qu’elle tenait compte des contraintes de la salariée et de ce qu’elle échangeait avec celle-ci pour parvenir à un équilibre entre leurs contraintes respectives, la société verse aux débats plusieurs courriels par lesquels Madame [Y] [B] lui a fait part de sa disponibilité ou de son indisponibilité pour assurer certaines missions. Cependant, s’il apparaît qu’il était procédé à des arrangements ponctuels, Madame [Y] [B] justifie par des courriels adressés à la société, qu’elle s’est plainte à plusieurs reprises de ce que les missions qui lui étaient attribuées ne correspondaient pas à ses disponibilités et rappelait les jours où elle travaille pour un autre organisme.

Rien ne permet de vérifier que le nombre d’heures de travail demandées par l’employeur, très supérieur aux prévisions contractuelles, correspondait au souhait de la salariée. Le fait que Madame [Y] [B] a exécuté sa prestation de travail selon les horaires litigieux ne peut nullement apporter la preuve de son accord. Il ressort, au contraire, de son refus de signer les avenants à compter du mois de juin 2019 que la durée du travail a été fixée depuis lors sans son consentement. Il ne peut non plus être utilement soutenu que la salariée était libre de refuser les changements d’horaire alors qu’il incombe à l’employeur d’apporter la preuve des horaires convenus. Même si Madame [Y] [B] avait connaissance au début de chaque mois du nombre d’heures de travail qui lui était attribué pour le mois, la salariée est bien fondée à soutenir, compte tenu de l’absence totale de précision quant à la répartition de ces heures dans le mois, qu’elle se trouvait dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et était contrainte de rester constamment à la disposition de l’employeur.

Faute pour l’employeur de rapporter la preuve contraire, le seul fait que Madame [Y] [B] exerce une autre activité à temps partiel ne pouvant constituer une telle preuve, la demande de la salariée tendant à être considérée comme travaillant à temps complet à compter du mois de juin 2019 sera accueillie, le jugement devant être infirmé en ce qu’il l’a déboutée sur ce point.

Madame [Y] [B] est, en conséquence, bien fondée à solliciter un rappel de salaire correspondant à la différence, pour la période de juin à octobre 2019, entre le salaire dû au titre d’un travail à temps complet et le salaire perçu pendant la même période, soit la somme de 6.409 euros (brut), outre l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante.

La société H&L Prestations à domicile sera donc condamnée à payer à Madame [Y] [B] la somme de 6.409 euros (brut), à titre de rappel de salaire pour la période de juin à octobre 2019, outre la somme de 640,90 euros (brut) au titre des congés payés y afférents.

– Sur les indemnités kilométriques –

Madame [Y] [B] reproche à l’employeur de ne pas l’avoir indemnisée pour l’intégralité des kilomètres parcourus. Il ressort de ses explications et de ses calculs qu’elle revendique une indemnité kilométrique pour l’ensemble des kilomètres parcourus pour exécuter sa prestation de travail à partir du départ de son domicile jusqu’à son retour.

Pour s’opposer à cette demande, l’employeur explique qu’au sein de l’entreprise, les frais sont remboursés à 100% seulement lorsqu’il s’agit d’un trajet effectué pour se rendre d’un client à un autre et également lorsque le trajet dépasse 15 km depuis le domicile du salarié.

A l’appui de ses prétentions, Madame [Y] [B] verse aux débats un extrait de la convention collective nationale de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010 qui, dans son article 14 ‘déplacements’ précise que ‘les frais de transport exposés par les salariés au cours de leur travail et entre deux séquences consécutives de travail effectif ou assimilé sont pris en charge’ dans des conditions tarifaires variant selon le type de véhicule utilisé.

Cependant, outre que ces dispositions ne permettent nullement de confirmer les prétentions de Madame [Y] [B] quant à une prise en charge de ses frais de déplacement dès le départ de son domicile, il doit être retenu que l’employeur conteste, à juste titre, l’application de cette convention collective. En effet, celle-ci s’applique, selon son article 1er, aux ‘entreprises et organismes employeurs privés à but non lucratif qui, à titre principal, ont pour activité d’assurer aux personnes physiques toutes formes d’aide, de soin, d’accompagnement, de services et d’intervention à domicile ou de proximité’.

Or, il ressort des éléments versés aux débats que la société H & L Prestations à domicile, SAS au capital de 100.500 euros, immatriculée au RCS de Vienne, est une société à but lucratif. La convention collective revendiquée par l’employeur est celle mentionnée sur les bulletins de salaire, à savoir celle des ‘entreprises de services à la personne’, dont l’applicabilité à l’entreprise s’appuie sur le préambule de la convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012 aux termes duquel la convention s’applique ‘aux employeurs et aux salariés des entreprises à but lucratif et de leurs établissements (…) dont l’activité est réalisée sur le lieu de vie du bénéficiaire de la prestation’ ou ‘dont l’activité principale est la prestation et/ou la délivrance de services à la personne (…)’. En l’absence de tout autre élément d’appréciation, il apparaît que seules les dispositions de la convention collective des services à la personne sont applicables en l’espèce.

Cette convention collective, dans ses dispositions relatives au ‘temps de travail’ et plus particulièrement au ‘temps de déplacement entre deux lieux d’intervention’, prévoit qu’ ‘en cas d’utilisation de son véhicule personnel pour réaliser des déplacements professionnels, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à’ (20 centimes d’euros par kilomètre selon l’avenant du 21 mars 2016 et 22 centimes d’euros par kilomètre selon l’avenant du 31 janvier 2019). Il n’est prévu aucune indemnité pour les autres temps de déplacement. Il est seulement précisé que ‘constitue un temps normal de trajet entre le domicile et le lieu d’intervention…le temps de déplacement, aller ou retour, d’une durée inférieure ou égale à 45 minutes ou d’une distance inférieure ou égale à 30 kilomètres’.

Compte tenu de ces dispositions, Madame [Y] [B] n’est pas en droit de revendiquer la prise en charge de l’intégralité de ses frais de déplacements dès le départ de son domicile ou pour y revenir. Elle n’est pas davantage en droit de revendiquer un taux d’indemnisation de 35 centimes par kilomètre qui ne correspond pas aux taux retenu conventionnellement.

L’article 16 du contrat de travail prévoit que ‘les frais engagés par le salarié à l’occasion de ses déplacements professionnels lui seront remboursés sur présentation des pièces justificatives et notes de frais, conformément aux procédures internes, dans les limites sociales et fiscales et selon le barème en vigueur au sein de l’entreprise. Pour information, les conditions d’indemnisation en vigueur à la date de conclusion du présent contrat sont celles prévues dans la note de service intitulée ‘indemnités kilométriques’, à savoir actuellement 0,27 euros par kilomètre parcouru avec son véhicule personnel exclusivement pour un trajet direct d’un client à un autre’.

La note de frais professionnelles versée aux débats par les deux parties porte la mention, relative aux conditions d’indemnisation : ‘km remboursé au-delà du 15ème km par trajet + coupure inférieure à 1h30″.

Dès lors, dans la mesure où il n’est pas contesté que les frais de déplacement de Madame [Y] [B] ont été indemnisés selon ces modalités, il apparaît que l’employeur a respecté ses obligations et que la salariée a été remplie de ses droits.

Le jugement sera confirmé en ce que Madame [Y] [B] a été déboutée de sa demande sur ce point.

– Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail –

La société H&L Prestations à domicile justifie qu’à plusieurs reprises, Madame [Y] [B] a fait part de ses disponibilités et de ses dates d’indisponibilité et il souligne que ses demandes ont été prises en compte. Toutefois, Madame [Y] [B] est bien fondée à se plaindre de ses agissements en ce que l’employeur a modifié chaque mois la durée de son travail unilatéralement pour la porter à des niveaux très supérieurs à celui prévu dans le contrat de travail, en ce qu’il n’a pas respecté ses obligations légales relatives à la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois et en ce qu’il a persisté à lui demander l’exécution de prestations sans tenir compte de ses périodes de disponibilité, en la menaçant même de poursuites ainsi qu’il ressort du courriel du 4 juin 2019 alors qu’il s’était engagé dans le contrat de travail à ‘tenir compte de ses contraintes personnelles’.

Ces agissements de l’employeur caractérisent une exécution déloyale du contrat de travail qui a causé à Madame [Y] [B] un préjudice certain en raison du trouble apporté à ses conditions de travail, justifiant la condamnation de la société H & L à payer à Madame [Y] [B] la somme de 800 euros à titre de dommages-intérêts.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté Madame [Y] [B] de sa demande à ce titre.

– Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail –

Lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, la résiliation ne peut être prononcée qu’en présence de fautes commises par l’employeur suffisamment graves pour emporter la rupture du contrat de travail.

La résiliation judiciaire du contrat de travail à l’initiative du salarié et aux torts de l’employeur produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, il ressort des éléments versés aux débats que la société H & L n’a pas respecté le contrat de travail la liant à Madame [Y] [B], qu’il lui a fait exécuter, par le biais d’avenants successifs modifiant chaque mois la durée de son travail, de nombreuses heures complémentaires dépassant dans des proportions importantes et non conformes aux dispositions légales la durée du travail contractuellement prévue et qu’il a cherché à lui imposer des horaires de travail malgré son engagement contractuel de tenir compte des contraintes résultant de l’exercice d’une autre activité à temps partiel.

Les manquements de l’employeur à ses obligations sont établis et présentent un caractère de gravité tel qu’ils justifient la résiliation du contrat de travail à ses torts.

Madame [Y] [B] est donc en droit de solliciter une indemnité compensatrice de préavis qui, eu égard à son salaire (1.902,60 euros brut par an), sera fixée à 158,55 euros brut (1 mois de salaire), ainsi qu’elle le demande, à laquelle s’ajoute l’indemnité compensatrice de congés payés afférente, soit 15,85 euros brut ainsi qu’une indemnité de licenciement égale à 158,55 euros brut (1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté).

S’agissant de la rupture du contrat de travail intervenue postérieurement au 24 septembre 2017, l’article L. 1235-3 du code du travail prévoit que si l’une ou l’autre des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans un tableau différent selon que l’entreprise emploie habituellement plus de dix ou moins de onze salariés (barème Macron).

Ce texte définit des montants minimaux et maximaux d’indemnité de licenciement calculés en mois de salaire, en fonction de l’ancienneté et du nombre de salariés dans l’entreprise. Ainsi, dans les entreprises d’au moins 11 salariés, l’article L. 1235-3 prévoit que l’indemnité de licenciement varie de 1 à 20 mois de salaire brut suivant l’ancienneté dans l’entreprise, en fixant des montants minimaux et maximaux.

Madame [Y] [B], née en 1978, voit son contrat de travail rompu après 4 ans et 8 mois d’ancienneté au service d’une entreprise dont il n’est pas contesté qu’elle emploie au moins 11 salariés, à l’âge de 45 ans.

En application de l’article L. 1235-3 du code du travail et au regard de son ancienneté, Madame [Y] [B] peut prétendre à une indemnité comprise entre 3 et 5 mois de salaire mensuel brut, soit entre 475,65,16 euros et 792,75 euros.

Compte tenu des éléments d’appréciation versés aux débats, et notamment du salaire de l’intéressée, de son ancienneté et de son âge, le préjudice résultant pour Madame [Y] [B] de la perte injustifiée de son emploi sera réparé en lui allouant la somme de 636 euros qu’elle sollicite.

– Sur les dépens et frais irrépétibles –

Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.

La société H&L Prestations à domicile sera condamnée aux entiers dépens d’appel ainsi qu’à verser à Madame [Y] [B] une somme de 3.000 sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

– Confirme le jugement en ce que la société H&L Prestations à domicile a été condamnée à payer à Madame [Y] [B] la somme de 20,06 euros (brut) au titre du rappel de salaire du mois de février 2019 et celle de 2,01 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante ;

– Confirme le jugement en ce que Madame [Y] [B] a été déboutée de sa demande de rappel de salaire au titre du principe ‘à travail égal salaire égal’ ;

– Confirme le jugement en ce que Madame [Y] [B] a été déboutée de sa demande d’indemnités kilométriques ;

– Confirme le jugement en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance ;

– Infirme le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau,

– Condamne la société H&L Prestations à domicile à payer à Madame [Y] [B] les sommes de :

* 656,50 euros (brut) à titre de rappel de salaire sur heures complémentaires pour la période de septembre 2018 à mai 2019, outre 65,65 euros (brut) au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante,

* 6.409 euros (brut) à titre de rappel de salaire pour travail à temps complet du mois de juin 2019 au mois d’octobre 2019, outre 640,90 euros (brut) au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante,

* 800 euros, à titre de dommages-intérêts, pour exécution déloyale du contrat de travail ;

– Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [Y] [B] aux torts de l’employeur et dit que cette résiliation produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– Condamne la société H&L Prestations à domicile à payer à Madame [Y] [B] les sommes de :

* 158,55 euros (brut) à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 15,85 euros (brut) au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante,

* 158,55 euros à titre d’ indemnité de licenciement,

* 636 euros (brut) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– Y ajoutant,

– Condamne la société H&L Prestations à domicile à payer à Madame [Y] [B] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamne la société H&L Prestations à domicile aux dépens d’appel ;

– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN

 


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