COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 19 MAI 2022
N° RG 19/03703 – N° Portalis DBV3-V-B7D-TPV7
AFFAIRE :
[U] [O]
C/
Société O2 SAINT GERMAIN EN LAYE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 25 Septembre 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE
N° Chambre :
N° Section : AD
N° RG : F 18/00300
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Marie-Emily VAUCANSON
Me François MILLET
le : 20 Mai 2022
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [U] [O]
née le 02 Juin 1980 à [Localité 5] (Algérie)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par : Me Marie-Emily VAUCANSON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 554
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/017506 du 22/06/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de VERSAILLES)
APPELANTE
****************
Société O2 SAINT GERMAIN EN LAYE
N° SIRET : 519 565 865
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par : Me François MILLET de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L97,substitué par Me PETY Mathilde,avocate au barreau de Paris.
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 25 Mars 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle VENDRYES, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT,
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SARL O2 Saint-Germain-en-Laye est spécialisée dans le secteur d’activité des services à la personne (ménage/repassage, garde d’enfants et aide aux personnes âgées, etc). Elle applique la convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012. Elle employait lors des faits 55 salariés.
Par contrat de travail à temps partiel à durée indéterminée du 9 octobre 2015, Mme [U] [O], née le 2 juin 1980, a été engagée par la société O2 Saint-Germain-en-Laye, à compter du 12 octobre 2015, en qualité d’assistante de vie niveau 2, à raison de 62,67 heures par mois.
La durée mensuelle du travail a été portée à 104,08 heures à compter du 1er février 2016 puis à 80,15 heures à compter du 1er juin 2016.
Selon avenant du 1er septembre 2016, le contrat est devenu à temps plein (151,67 heures).
La salariée a été victime d’un premier accident du travail le 15 décembre 2016 et elle a été arrêtée jusqu’au 31 janvier 2017.
Lors de la visite de reprise le 6 février 2017, le médecin du travail a préconisé son affectation sur des chantiers le moins éloignés possible de son domicile pendant un mois.
A la suite d’un second accident du travail, la salariée a été arrêtée du 24 mars au 3 mai 2017. Son arrêt de travail a été prolongé jusqu’au 28 juillet 2017.
Le 29 août 2017, Mme [O] a formulé une demande de rupture conventionnelle de son contrat de travail, ce que la société O2 Saint-Germain-en-Laye a refusé.
La salariée a été en arrêt de travail du 19 septembre 2017 au 12 février 2018 puis du 23 avril au 18 mai 2018.
A l’issue de la visite médicale du 18 avril 2018, Mme [O] a été déclarée inapte à son poste de travail.
Par courrier du 16 mai 2018, la société O2 Saint-Germain-en-Laye a proposé plusieurs postes de reclassement à la salariée, qui les a tous refusés.
Par courrier du 6 juin 2018, Mme [O] a été convoquée à un entretien préalable qui s’est tenu le 18 juin 2018. Elle s’est vu notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 27 juin 2018 ainsi rédigée :
« Nous vous comptons parmi nos collaborateurs depuis le 12 octobre 2015 en qualité d’Assistante de vie et d’Assistante ménagère.
Suite à une visite médicale de reprise datée du 18 avril 2018, le Médecin du travail, le Docteur [X], a émis les conclusions suivantes (…).
Il apparait donc que vous êtes définitivement inapte à votre poste d’Assistante ménagère et d’Assistante de vie au sein de notre société.
Nous avons l’obligation légale de rechercher des postes de travail au sein de l’Unité économique et sociale O2 et dans tout le réseau O2 pour vous proposer un autre poste au titre de votre reclassement.
Pour ce faire, nous sommes tenus de vous proposer un autre emploi approprié à vos capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu’il a formulées concernant votre aptitude, et aussi comparable que possible à l’emploi que vous occupiez précédemment.
De même, nous devons vous proposer les postes disponibles qui correspondent à vos capacités professionnelles quand bien même ceux-ci ne sont pas situés à [Localité 25] ou dans ses environs, et que vous n’êtes peut-être pas mobile. Nous recherchons donc des postes disponibles dans toute la France.
De plus, nous précisons que nous sommes tenus de recenser tous les postes de travail, qu’ils soient à durée indéterminée (CDI) ou à durée déterminée (CDD). Dans le cas où vous seriez reclassée sur un poste à durée déterminée, à l’échéance de celui-ci, nous rechercherions de nouveau des possibilités de reclassement au sein de nos agences.
Dans un premier temps, nous avons demandé au Docteur [X] des précisions pour qu’il puisse nous apporter ses préconisations afin de pouvoir vous proposer un poste de reclassement dans les meilleures conditions.
Le 2 mai 2018, le Médecin du travail nous a répondu en précisant que :
– Vous êtes apte à occuper un poste à temps plein ;
– Vous pouvez conduire quotidiennement un véhicule ;
– Vous pouvez vous déplacer à pieds régulièrement mais pas de station debout prolongée excédant 30 minutes ;
– Vous pouvez utiliser quotidiennement l’outil informatique et téléphonique ;
– Vous êtes inapte à porter une mallette contenant des tracts à destination des prescripteurs ;
– Vous êtes apte à occuper le poste de Chargé de clientèle ;
– Vous êtes apte à occuper le poste d’Assistant Ressources Humaines ;
– Vous êtes apte à occuper le poste de Conseiller clientèle ;
– Vous êtes apte à occuper le poste d’Assistante d’agence ;
– Vous êtes apte à occuper un poste de Garde d’enfants ;
– Vous êtes inapte à occuper les postes de Jardinier.
Nous nous sommes attachés à vérifier si des postes vacants et disponibles sont en adéquation avec les critères suivants :
– postes respectant les contre-indications médicales ;
– postes en rapport avec vos expériences/aptitudes professionnelles.
En l’espèce, vous occupez au sein de la société les postes d’Assistante ménagère et d’Assistante de vie, au domicile des particuliers, au statut ’employé’.
En conséquence, au regard de la législation applicable en matière de reclassement, nous devions rechercher si nous étions en mesure de vous proposer un reclassement sur un poste correspondant à votre qualification professionnelle, dans des conditions aussi similaires que possibles à cet emploi : soit un poste d’intervenant à domicile.
Or, il nous est apparu impossible de vous proposer un poste ‘intervenant’, même avec aménagements, compte tenu des indications du médecin du travail.
La société a alors pris l’initiative, alors que le code du travail ne l’y contraignait pas, à étendre sa recherche de reclassement au-delà des prescriptions légales, en envisageant un poste administratif supposant un niveau de qualification supérieure.
Dans le cadre de la procédure d’inaptitude en cours, nous avons recherché les postes disponibles au sein de notre réseau O2 et ceux que nous avons pu vous proposer au titre de votre reclassement, par courrier recommandé avec accusé de réception envoyé le 16 mai 2018, étaient les postes suivants :
– Un poste de conseiller clientèle au Mans (O2 Développement) en contrat à durée déterminée, à temps plein, à pourvoir dès que possible.
– Un poste d’Assistant d’agence à [Localité 21] (O2 [Localité 26]) en contrat à durée indéterminée (CDI), à temps plein, à pourvoir dès que possible.
– Un poste d’Assistant d’agence à [Localité 23] (O2 [Localité 23]) en contrat à durée indéterminée (CDI), à temps plein, à pourvoir dès que possible.
– Un poste d’Assistant d’agence à [Localité 14] (O2 [Localité 13]) en contrat à durée indéterminée (CDI), à temps plein. Ce poste est à pourvoir dès que possible.
– Un poste d’Assistant d’agence à [Localité 24] (O2 [Localité 24]) en contrat à durée indéterminée (CDI), à temps plein, à pourvoir dès que possible.
– Un poste d’Assistant d’agence à [Localité 22] (O2 [Localité 22]) en contrat à durée déterminée (CDD), à temps plein. Ce poste est à pourvoir dès que possible et pour une durée de 5 mois.
– Un poste d’Assistant d’agence à [Localité 11] (O2 [Localité 11]) en contrat à durée indéterminée (CDI), à temps plein, à pourvoir dès que possible.
– Un poste d’Assistant d’agence à [Localité 8] (O2 [Localité 8] Nord) en contrat à durée déterminée (CDD), à temps plein. Ce poste est à pourvoir dès que possible et pour une durée de 7 mois.
– Un poste d’Assistant d’agence à [Localité 7] (O2 [Localité 7]) en contrat à durée indéterminée (CDI), à temps plein, à pourvoir dès que possible.
– Un poste d’Assistant d’agence à [Localité 27] (O2 [Localité 27]) en contrat à durée indéterminée (CDI), à temps partiel, à pourvoir dès le 1er juin 2018.
– Un poste d’Assistant d’agence à [Localité 6] (O2 Aix) en contrat à durée déterminée (CDD), à temps plein. Ce poste est à pourvoir dès que possible et pour un terme imprécis.
– Un poste d’Assistant d’agence à [Localité 20] (O2 [Localité 20] Centre) en contrat à durée indéterminée (CDI), à temps plein, à pourvoir dès que possible.
– Un poste d’Assistant d’agence à [Localité 15] (O2 Côte Varoise) en contrat à durée déterminée (CDD), à temps plein. Ce poste est à pourvoir dès que possible et jusqu’au 31 août 2018.
– Un poste d’Assistant d’agence de la cellule support au Mans (O2 Développement) en contrat à durée indéterminée (CDI), à temps plein, à pourvoir dès que possible.
Par courrier recommandé date du 22 mai 2018, vous nous avez informés que vous refusiez les propositions de reclassement.
En conséquence, par courrier recommandé envoyé le 31 mai 2018, nous vous avons donc informée que nous étions dans l’impossibilité de vous reclasser selon vos critères d’aptitude, au sein de notre société mais également dans les autres sociétés du groupe Oui Care dont les activités, l’organisation, ou le lieu d’exploitation pourraient permettre de permuter tout ou partie du personnel.
Nous faisons donc suite à notre entretien du 18 juin 2018 auquel nous vous avions convoquée par courrier recommandé en date du 6 juin 2018 et vous notifions par la présente votre licenciement en raison de l’impossibilité dans laquelle nous nous trouvons de vous reclasser, après votre inaptitude déclarée à votre poste de travail. (…) »
Par requête reçue au greffe le 29 octobre 2018, Mme [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye aux fins de contester son licenciement et de voir condamner la société O2 Saint-Germain-en-Laye au versement de diverses sommes indemnitaires et salariales.
Par jugement rendu le 25 septembre 2019, le conseil de prud’hommes a :
– dit que le licenciement intervenu est consécutif à l’inaptitude médicale de Mme [O],
– dit que la SARL O2 Saint-Germain-en-Laye a parfaitement respecté ses obligations en matière de recherche de reclassement,
– débouté Mme [O] de l’intégralité de ses demandes,
– débouté la SARL O2 Saint-Germain-en-Laye de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– laissé les dépens éventuels à la charge de Mme [O].
Mme [O] a interjeté appel de la décision par déclaration du 9 octobre 2019.
Par conclusions adressées par voie électronique le 24 décembre 2019, elle demande à la cour de :
– l’accueillir en ses demandes, fins et conclusions, l’en dire bien fondée, y faire droit,
par conséquent,
– infirmer le jugement de première instance dans toutes ses dispositions,
– dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la société O2 Saint-Germain-en-Laye à verser à Mme [O] la somme de 5 244,75 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la société O2 Saint-Germain-en-Laye à verser à Mme [O] la somme de 2 997 euros à titre d’indemnité de préavis,
– condamner la société O2 Saint-Germain-en-Laye à verser à Mme [O] la somme de 299,70 euros au titre des congés payés sur préavis,
– condamner la société O2 Saint-Germain-en-Laye à verser à Mme [O] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– condamner la société O2 Saint-Germain-en-Laye à verser à Mme [O] la somme de 755,81 euros à titre de rappel d’heures non payées,
– condamner la société O2 Saint-Germain-en-Laye à verser à Mme [O] la somme de 75,58 euros à titre de rappel de congés payés afférents,
– condamner la société O2 Saint-Germain-en-Laye à verser à Mme [O] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
– assortir l’ensemble des condamnations de l’intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir pour les éléments indemnitaires, avec anatocisme.
Par conclusions adressées par voie électronique le 23 mars 2020, la société O2 Saint-Germain-en-Laye demande à la cour de :
– dire et juger que le licenciement de Mme [O] repose sur une cause réelle et sérieuse,
en conséquence,
– débouter Mme [O] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner Mme [O] à verser à la société O2 Saint-Germain-en-Laye la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [O] aux entiers dépens.
Par ordonnance rendue le 2 mars 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 25 mars 2022.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
Sur la demande de rappel de salaire
Mme [O] sollicite un rappel de salaire à hauteur de 755,81 euros au titre des années 2016 et 2017, outre les congés payés afférents, faisant valoir que la société O2 Saint-Germain-en-Laye ne lui a pas versé une rémunération conforme aux heures de travail contractuellement convenues.
L’employeur s’oppose à cette demande et considère qu’il a parfaitement respecté ses engagements en fournissant à la salariée le volume d’heures de travail prévu à son contrat de travail. Il souligne que Mme [O] fait manifestement abstraction des dispositions de son contrat de travail prévoyant l’annualisation de son temps de travail.
Il est constant que Mme [O] a été engagée par la société O2 Saint-Germain-en-Laye, à compter du 12 octobre 2015, le contrat visant « un travail à temps partiel annualisé sur la base d’un horairemensuel de référence de 62,67 heures ». Elle a ensuite signé plusieurs avenants venant modifier la durée mensuelle du travail qui est passée à 104,08 heures à compter du 1er février 2016, à 80,15 heures à compter du 1er juin 2016 et enfin à 151,67 heures à compter du 1er septembre 2016, la durée du travail continuant d’être décomptée sur une base annuelle et pouvant « varier au cours de la période de référence, conformément à l’accord d’aménagement du temps de travail de la société ».
L’accord d’entreprise du 17 mars 2014, modifié par avenant du 23 novembre 2017, précise en son article 4 relatif à l’aménagement du temps de travail des intervenants à domicile :
« Les horaires de travail pourront, en dehors des contrats de travail à durée hebdomadaire, être répartis sur des périodes de référence qui pourront être par exemple :
– sur un ou plusieurs mois,
– sur une période de 12 mois consécutifs (par exemple du 1er janvier au 31 décembre).
Cette répartition de durée et des horaires de travail, sur tout ou partie de l’année, a pour but de permettre de faire varier la durée du travail hebdomadaire ou mensuelle fixée dans le contrat de travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année. (…)
La période de référence choisie, au sein des sociétés de l’UES O2, est l’année civile, du 1er janvier de l’année N au 31 décembre de l’année N.
Les variations possibles de la durée du travail sur la période de référence sont :
– une variation de l’horaire de travail de 40 heures par mois au-dessus ou au-dessous de l’horaire de référence prévu au contrat de travail comme étant le volume horaire mensuel contractuel moyen (…). »
Si Mme [O] produit un tableau de décompte, établi par ses soins, faisant état de 23,16 heures de travail qui ne lui ont pas été fournies par l’employeur en 2016 et de 54,35 heures en 2017, il résulte du tableau dressé par la société O2 Saint-Germain-en-Laye que la salariée a omis de tenir compte dans son calcul de ses arrêts maladie du 8 au 11 février 2016, du 11 avril puis du 16 au 22 avril 2016, du 2 mai 2016, des 11, 12 et 30 juin 2016, du 6 juillet 2016, du 1er novembre 2016 et du mois de février 2017, outre de ses nombreuses absences injustifiées, dont l’employeur précise les dates, et de ses congés sans solde.
Le différentiel entre les heures contractuellement prévues et les heures effectivement rémunérées s’explique donc par ces absences, étant observé que selon le contrat de travail et ses avenants successifs, Mme [O] avait opté pour « un salaire mensuel calculé sur la base de l’horaire de travail réellement effectué chaque mois », conformément à l’accord d’entreprise qui prévoit que lors de la signature du contrat de travail, le salarié peut choisir soit un mode de paiement au réel, soit un mode de paiement sous forme de lissage de la rémunération.
Aucun manquement ne saurait ainsi être imputé à la société O2 Saint-Germain-en-Laye s’agissant de la rémunération de la salariée.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé sur ce point.
Sur l’exécution déloyale
Mme [O] sollicite ensuite la condamnation de la société O2 Saint-Germain-en-Laye à lui verser la somme de 1 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier et moral qu’elle a subi du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur.
Elle se prévaut de la découverte de caméras de vidéo-surveillance au domicile de certains clients, du non-respect des préconisations du médecin du travail et de la remise tardive de ses documents de fin de contrat.
– sur la présence de caméras de vidéo-surveillance
La salariée reproche à son employeur de ne pas l’avoir informée de la présence de caméras de vidéo-surveillance au domicile de certains clients et de ne pas avoir réagi lorsqu’elle lui a signalé ces faits.
Le contrat de travail prévoit notamment en son article 13 intitulé ‘Comportement à l’égard des clients/en prestation’ :
« (…) Enfin, le salarié est informé que dans le cadre de la surveillance personnelle des domiciles des clients, ce dernier est susceptible d’être filmé sur son lieu de travail. Ceci sera indiqué sur la feuille de route remise au salarié ».
Aucune information de ce type ne figure sur les trois feuilles de route versées aux débats par Mme [O] s’agissant des clients au domicile desquels elle aurait constaté la présence de caméras de vidéo-surveillance.
Il n’est cependant nullement démontré que l’employeur a été alerté par la salariée, l’email du 19 mars 2017, contenant des photos, dont elle fait état, ayant été adressé à un destinataire non identifié n’appartenant manifestement pas à la société et le courrier du 28 décembre 2017 ayant été envoyé à la CNIL.
Le manquement n’est pas caractérisé.
– sur le non-respect des préconisations du médecin du travail
La salariée fait ici valoir qu’à l’issue de la visite médicale de reprise et en dépit des préconisations de la médecine du travail, aucun aménagement n’a été mis en place par l’employeur.
Lors de la visite médicale de reprise du 6 février 2017, le médecin du travail a rendu l’avis suivant :
« Peut reprendre son poste d’assistante ménagère.
Il serait souhaitable pour un mois de donner des chantiers le moins éloignés possible du domicile de la salariée.
Un échange avec l’employeur sera réalisé afin de mettre en place l’aménagement ».
Outre que la société O2 Saint-Germain-en-Laye explicite que ses clients sont, pour la grande majorité, domiciliés dans des communes telles que [Localité 10], [Localité 12], [Localité 16], [Localité 17], [Localité 18], [Localité 19], [Localité 18] et [Localité 25], et ce tandis que la salariée demeure à [Localité 9], située à environ 12 kilomètres de [Localité 25], Mme [O] ne démontre pas qu’elle a été affectée sur des chantiers éloignés de son domicile.
Le manquement n’est pas démontré.
– sur la remise tardive des documents de fin de contrat
Mme [O] estime enfin avoir subi un préjudice du fait de la remise tardive de ses documents de fin de contrat.
Il résulte des explications et des pièces fournies par les parties que l’intéressée est sortie des effectifs de la société le 2 juillet 2018, que ses documents de fin de contrat ont été établis le 7 août 2018, que par courriel du 19 août 2018, la salariée, qui avait récupéré ces documents, a signalé à la responsable d’agence que l’attestation Pôle emploi n’était pas signée, que par courrier du 12 septembre 2018, Mme [O] a été contrainte de mettre en demeure la société O2 Saint-Germain-en-Laye de lui transmettre une attestation Pôle emploi dûment signée, que selon un échange du 18 septembre 2018 avec Pôle emploi, la salariée ne disposait toujours pas à cette date d’un document conforme et qu’elle n’a pu régulariser son inscription comme demandeur d’emploi qu’à la fin du mois de septembre 2018.
Ainsi l’intéressée a subi un préjudice, dont elle justifie, dû au manquement de son employeur, qui sera réparé par l’allocation d’une somme de 1 000 eurosà titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, la capitalisation des intérêts étant en outre ordonnée en application de l’article 1343-2 du code civil.
Sur le licenciement
Mme [O] prétend que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de l’absence de consultation des délégués du personnel et de l’absence de recherches loyales et sérieuses de postes de reclassement.
Aux termes de l’article L. 1226-2 du code du travail :
« Lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.
Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu’il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail. »
Selon l’article L. 1226-2-1 du même code :
« Lorsqu’il est impossible à l’employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement.
L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.
S’il prononce le licenciement, l’employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre. »
Il appartient à l’employeur d’établir qu’il a exécuté de bonne foi cette recherche de reclassement tant au niveau de l’entreprise qu’au niveau du groupe auquel appartient l’entreprise, étant rappelé que le groupe s’entend des entreprises au sein desquelles peut être effectuée la permutation de tout ou partie du personnel.
– sur l’absence de consultation des délégués du personnel
Sur ce premier grief, la salariée ne développe aucune argumentation.
La société O2 Saint-Germain-en-Laye fait valoir qu’il n’y a pas de délégués du personnel au sein de l’entreprise et qu’ils ne pouvaient donc pas être consultés pour donner leur avis sur les propositions de reclassement faites à Mme [O].
Il sera rappelé que la mise en place du comité social et économique, créé par l’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 pour se substituer au comité d’entreprise, aux délégués du personnel et au comité d’hygiène et sécurité, s’est faite progressivement à compter du 1er janvier 2018 pour être généralisée au plus tard le 1er janvier 2020. Pendant cette période transitoire, les institutions représentatives du personnel traditionnelles avaient vocation à perdurer.
Avant la mise en place du comité social et économique, la consultation consécutive à l’inaptitude d’un salarié était de la compétence des délégués du personnel, en application de l’article L. 1226-2 du code du travail dans sa version en vigueur avant le 1er janvier 2018.
Or, la société O2 Saint-Germain-en-Laye justifie de l’organisation d’élections de délégués du personnel les 10 et 31 mars 2017, qui ont donné lieu à l’établissement de procès-verbaux de carence faute de candidats.
Il ne saurait dès lors être reproché à l’employeur de ne pas avoir pas consulté des délégués du personnel qui n’existaient pas.
– sur l’absence de recherches loyales et sérieuses de postes de reclassement
Mme [O] reproche à son employeur de ne lui avoir proposé aucun poste de garde d’enfants à temps plein, pour lequel elle disposait de toutes les compétences. Elle prétend que si la recherche de reclassement avait été élargie au groupe de franchisés auquel appartient l’employeur, un tel poste aurait pu lui être proposé. Elle en déduit que la recherche a été incomplète et par conséquent ni loyale ni sérieuse.
La société O2 Saint-Germain-en-Laye soutient en réplique qu’elle a tout mis en oeuvre afin de reclasser Mme [O].
A l’issue de la visite médicale du 18 avril 2018, Mme [O] a été déclarée inapte à son poste de travail en un seul examen après une étude de poste et des conditions de travail réalisée le 10 avril 2018. S’agissant de son reclassement, le médecin du travail a précisé dans l’avis d’inaptitude : « Madame [O] [U] pourrait être reclassée sur un poste de travail sans port de charge, de station debout prolongée, ni de tâches nécessitant de mouvements de flexion du rachis. Elle pourrait être reclassée sur un poste de garde d’enfants ou un poste de type administratif avec un poste informatique adapté. La salariée peut bénéficier d’une formation compatible avec ses capacités restantes sus-mentionnées. »
Par courrier du 24 avril 2018, la société O2 Saint Germain en Laye a sollicité du médecin du travail des précisions pour mener à bien sa recherche de postes de reclassement. Elle lui a adressé un questionnaire, que le médecin a complété et dont il ressort que la salariée était apte à occuper un poste à temps plein, à conduire quotidiennement un véhicule, à se déplacer à pieds régulièrement sans station debout prolongée excédant 30 minutes, à utiliser quotidiennement l’outil informatique et téléphonique mais qu’elle était inapte à porter une mallette contenant des tracts à destination des prescripteurs. Le médecin du travail a explicitement indiqué que Mme [O] était apte à occuper les postes de chargé de clientèle, d’assistant ressources humaines, de conseiller clientèle, d’assistante d’agence ou encore de garde d’enfants mais qu’elle était inapte à occuper le poste de jardinier.
Sur la base de ces indications, la société O2 Saint Germain en Laye a proposé à la salariée, par courrier du 16 mai 2018, différents postes répondant aux préconisations de la médecine du travail, qu’elle a refusés, parmi lesquels un poste de garde d’enfants, à temps partiel, en détaillant les conditions d’emploi (tâches principales du poste, salaire, lieu de travail, compétences requises, type de contrat), étant relevé que si Mme [O] verse aux débats ce courrier, elle omet d’en produire la page 3 où figurait la proposition du poste de garde d’enfants, comme le démontre l’employeur, de même qu’elle s’abstient de communiquer son courrier en réponse du 22 mai 2018 aux termes duquel elle a décliné les postes proposés en indiquant « En réponse de votre courrier où vous me proposé des postes de garde d’enfants et dans l’administration, je décline votre [poste] de garde d’enfants pas intéressée et l’administration trop loin de chez moi ».
S’agissant du périmètre de recherches, la société O2 Saint-Germain-en-Laye fait justement observer qu’elle n’avait aucune obligation d’élargir son périmètre de reclassement aux franchises de la marque O2, sa seule obligation étant de rechercher des postes de reclassement au sein du groupe O2 ce qui exclut les franchises de la marque O2.
Il résulte de l’ensemble de ces constatations que l’employeur s’est acquitté sérieusement et loyalement de son obligation de reclassement.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a retenu que le licenciement de Mme [O] était motivé par une cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a débouté l’intéressée de ses demandes subséquentes.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société O2 Saint-Germain-en-Laye supportera les dépens en application des dispositions de l’article’696 du code de procédure civile.
Elle sera en outre condamnée à payer à Mme [O] une indemnité sur le fondement de l’article’700 du code de procédure civile, que l’équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 1 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement le 25 septembre 2019 par le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye sauf en ce qu’il a débouté Mme [U] [O] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE la société O2 Saint-Germain-en-Laye à verser à Mme [U] [O] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour remise tardive d’une attestation Pôle emploi conforme, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil ;
CONDAMNE la société O2 Saint-Germain-en-Laye à verser à Mme [U] [O] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE la société O2 Saint-Germain-en-Laye de sa demande de ce chef ;
CONDAMNE la O2 Saint-Germain-en-Laye aux dépens.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code procédure civile et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Madame BOUCHET-BERT Elodie,Greffière,auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,