Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 4
ARRET DU 18 OCTOBRE 2023
(n° /2023, 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00008 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC3MY
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Novembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’EVRY – RG n° F 19/00311
APPELANTE
S.A.S. VITALLIANCE
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Laurent POZZI-PASQUIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
INTIMÉE
Madame [I] [N]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Aurore CHAMPION, avocat au barreau de MELUN, toque : M71
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre
Mme Anne-Gaël BLANC, conseillère
Mme Florence MARQUES, conseillère
Greffière lors des débats : Mme Justine FOURNIER
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, initialement prévue au 11 octobre 2023, prorogée au 18 octobre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, prorogé à ce jour
– signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Clara MICHEL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
Rappel des faits, procédure et prétentions des parties
La société Vitalliance intervient dans le secteur du service à la personne et de l’aide à domicile des personnes en état de dépendance et de fragilité, en raison de leur âge et/ou de leur handicap.
Mme [I] [N] a été embauchée par la SAS Vitalliance en qualité d’auxiliaire de vie à compter du 19 décembre 2011, dans le cadre de plusieurs contrats de travail à durée déterminée, jusqu’au 31 juillet 2014.
Suivant contrat de travail en date du 1er août 2014, la relation de travail s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps partiel, avec reprise d’ancienneté au 5 septembre 2012. Il a été prévu une annualisation du temps de travail de la salariée, à savoir 1228 heures annuelles à compter du 1er août 2014, portée à 1292 heures annuelles par un nouvel avenant à effet du 1er septembre 2014.
Mme [I] [N] a saisi le conseil de prud’hommes d’Evry-Courcouronnes, le 2 novembre 2015, notamment d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et d’un rappel de salaires.
L’affaire a été radiée le 6 avril 2017 puis rétablie à la demande de la salariée en date du 5 avril 2019.
Le 24 septembre 2019, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur.
Dans le dernier état de ses demandes, Mme [I] [N] a demandé que son contrat de travail à temps partiel soit requalifié en contrat à temps plein à compter de septembre 2012 jusqu’au 31 juillet 2014, qu’il soit dit que la relation de travail correspond à un temps complet à compter de septembre 2014 et que l’annualisation de son temps de travail est illégale. Elle a sollicité qu’il soit jugé que la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que la société soit condamnée à lui régler diverses sommes.
Par jugement en date du 26 novembre 2020, le conseil de prud’hommes d’Evry-Courcouronnes a :
– dit que les demandes salariales de Mme [N] ne sont pas prescrites,
– dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de Mme [N] s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– fixé la moyenne des salaires à 1.878 euros,
– requalifié le contrat de travail de septembre 2012 à juillet 2014 de Mme [N] à temps plein,
– condamné la société Vitalliance à verser à Mme [N] les sommes suivantes :
* 11.194 euros à titre de rappel de salaires pour la période de septembre 2012 à juillet 2014,
* 1.119 euros au titre de congés payés y afférents,
* 1.426 euros au titre du rappel des majorations pour heures supplémentaires,
* 142,60 euros au titre des congés payés y afférents,
* 909 euros au titre des heures majorées à 50% au lieu de 100%,
* 91 euros au titre des congés payés y afférents,
* 3.756 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
* 375,60 euros au titre des congés payés y afférents,
– avec intérêts au taux légal sur ces sommes sur ces sommes à compter de la date de la réception au conseil de prud’hommes de la première procédure F 15/01213, soit le 02 novembre 2015,
– condamné la société Vitalliance à verser à Mme [N] les sommes suivantes :
* 15.000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 3.457 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
* 1.800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la date du prononcé du présent jugement, soit le 26 novembre 2020,
– ordonné à la société Vitalliance de remettre à Mme [N] l’attestation destinée à Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire récapitulatif, le tout conforme au présent jugement,
– mis les dépens afférents aux actes et procédures de la présente instance à la charge de la partie défenderesse, y compris ceux dus au titre d’une éventuelle exécution par voie légale en application des articles 10 et 11 des décrets du 12 décembre 1996 et du 08 mars 2001 relatifs à la tarification des actes d’huissier de justice.
Par déclaration au greffe en date du 10 décembre 2020, la société Vitalliance a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 9 juillet 2021, la société Vitalliance demande à la Cour de :
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :
* dit que les demandes salariales de Mme [N] ne sont pas prescrites,
* dit que la prise d’acte du contrat de travail de Mme [N] s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* fixé la moyenne des salaires à 1.878 euros,
* requalifié le contrat de travail de septembre 2012 à juillet 2014 de Mme [N] à temps plein,
et en conséquence en ce qu’il a :
* condamné la société Vitalliance à verser à Mme [N] les sommes suivantes :
> 11.194 euros à titre de rappel de salaires pour la période de septembre 2012 à juillet 2014,
> 1.119 euros au titre des congés payés y afférents,
> 1.426 euros au titre du rappel des majorations pour heures supplémentaires,
> 142,60 euros au titre des congés payés y afférents,
> 909 euros au titre des heures majorées à 50 % au lieu de 100%,
> 91 euros au titre des congés payés y afférents,
> 3.756 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
> 375,60 euros au titre des congés payés y afférents
* dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la date de réception au conseil de prud’hommes de la première procédure F 15/01213, soit le 02 novembre 2015,
* condamné la société Vitalliance à verser à Mme [N] les sommes suivantes :
> 15.000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
> 3.457 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
> 1.800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance,
* dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la date du prononcé du présent jugement, soit le 26 novembre 2020,
* ordonné à la société Vitalliance de remettre à Mme [N] l’attestation destinée à Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire récapitulatif,
Et, statuant de nouveau,
– dire et juger la demande de Mme [N] irrecevable, respectivement infondée,
– débouter Mme [N] de l’ensemble des ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence,
– condamner Mme [N] à rembourser à la société Vitalliance la somme de 2.475,14 euros correspondant au règlement de l’indemnité compensatrice de préavis non effectué,
– condamner Mme [N] à rembourser à la société Vitalliance la somme de 12.785,83 euros correspondant au règlement des condamnations assorties de l’exécution provisoire de droit (versée le 08 décembre 2020),
En tout état de cause,
– condamner Mme [N] à payer à la société Vitalliance la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [N] aux entiers dépens de l’instance.
Par ses uniques conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 7 mai 2021, Mme [I] [N] demande à la Cour de :
– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
– déclarer irrecevable la demande reconventionnelle de la société Vitalliance relative à l’indemnité compensatrice de préavis non effectuée par Mme [N] pour absence d’effet dévolutif,
– débouter la société Vitalliance de l’ensemble de ses demandes,
– condamner la société Vitalliance à payer à Mme [N] la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles (article 700 du code de procédure civile),
– condamner la société Vitalliance aux dépens d’appel.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 13 décembre 2022.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.
MOTIFS
1-Sur la prescription de la demande de requalification des contrats de travail à temps partiel conclus du 5 septembre 2012 au 31 juillet 2014 en contrat à temps complet.
La société soutient que l’action de Mme [I] [N] aux fins de voir requalifier son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée est prescrite en application de l’article L 1471-1 du code du travail, lequel prévoit un délai de prescription de 2 ans. La société souligne que la prescription court à compter de la conclusion de chaque contrat, que le dernier ayant été conclu le 5 septembre 2012, la prescription était acquise au plus le 5 septembre 2017 (et donc avant pour les précédents).
La salariée fonde sa demande sur l’article L 3245-1 du code du travail et soutient qu’ayant introduit son action par courrier en date du 30 octobre 2015, receptionné par le Conseil de Prud’hommes, le 2 novembre 2015, son action n’est pas prescrite dans la mesure ou elle avait jusqu’au 17 juin 2016 pour agir.
La cour constate que la salariée ne formule pas de demande de requalification de ses contrats de travail antérieurement à celui à effet du 5 septembre 2012.
Il est de jurisprudence que l’action en requalification d’un contrat à temps partiel en temps plein est une action en paiement des salaires soumise au délai de prescription de l’article L. 3245-1 du code du travail.
Le point de départ du délai de prescription court à compter de l’exigibilité des salaires réclamés.
Selon l’article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, entrée en vigueur le 16 juin 2013, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ; la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat est rompu, sur les trois années précédant la rupture du contrat.
Aux termes de l’article 21-V de la loi du 14 juin 2013 les dispositions du code du travail prévues aux III et IV du présent article s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit 5 années.
Au cas d’espèce, le point de départ du délai de prescription le plus lointain est le 1er octobre 2012 (exigibilité du salaire de septembre 2012).
La salariée avait jusqu’au 1er octobre 2017 pour saisir le Conseil de Prud’hommes. Or elle a déposé une requête reçu par le CPH, le 2 novembre 2015.
Son action n’est ainsi pas prescrite.
Le jugement est confirmé de ce chef.
2-Sur la requalification des contrats de travail à temps partiel du 5 septembre 2012 au 31 juillet 2014 en contrat à temps complet
Si la salariée fait référence à une relation contractuelle ayant débuté le 19 décembre 2011, elle ne demande la requalification de celle-ci en temps complet qu’à compter du 5 septembre 2012.
Mme [N] fonde sa demande sur l’article L 3123-17 du code du travail, dans sa version applicable au litige. Elle soutient que durant ses pauses, elle ne pouvait vaquer à ses occupations, devant surveiller et venir en aide à tout moment à la personne agée lourdement handicapée (Mme [O]), si bien que les pauses doivent être considérées comme du temps de travail effectif. Elle indique qu’ainsi, de septembre à décembre 2012, elle a dépassé le temps légal de travail.
La société indique que la durée légale de travail n’a pas été dépassée dans la mesure ou les heures de pauses, bien que rémunérées, ne peuvent être assimilées à du temps de travail effectif. La société souligne que le contrat de travail de la salariée appelée à intervenir au domicile de Mme [O] prévoyait une intervention de 8h30 à 20h30 avec deux heures de pause, rémunérées à 100%, la répartition du travail et des pauses dans la journée. Elle souligne également que le contrat de travail prévoit que la salariée organise son travail afin de respecter les pauses et doit signaler toute difficulté à son employeur, ce qu’elle n’a jamais fait.
Selon l’article L. 3121-2 du Code du travail, les temps consacrés aux pauses peuvent être considérés comme temps de travail lorsque les salariés restent, pendant ces périodes, à la disposition de leur employeur et se conforment à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.
Au cas d’espèce, il est constaté que la salariée pouvait organiser ses pauses en fonction de son travail (par exemple lorsque la personne agée était assoupie), qu’elle pouvait vaquer à ses occupations personnelles pendant ce laps de temps et n’était pas à la disposition de son employeur. Il est à cet égard rappelé que la cour de cassation a jugé que ‘la période de pause […] n’est pas incompatible avec des interventions éventuelles et exceptionnelles demandées durant cette période au salarié en cas de nécessité notamment pour des motifs de sécurité’» » (Cass. soc., 1er avr. 2003, no 01-01.395).
Il est constaté que la convention collective invoquée par la salariée concerne les entreprises à but non lucratif.
Les bulletins de paie de septembre 2012 à décembre 2012, hors temps de pause, démontrent un temps de travail mensuel inférieur à 151,67 heures.
Il n’y a pas lieu à requalification du contrat à temps partiel en contrat de travail à temps complet.
Le jugement est infirmé de ce chef.
3-Sur la demande subsidiaire de revalorisation de l’horaire contractuel pour la période de septembre 2012 au 31 juillet 2014.
Sur le fondement combiné des article L3123-14 et L 3123-15 du code du travail, la salariée soutient qu’ayant dépassé de manière systématique la durée légale du travail sur une période de 3 mois consécutifs, son nouvel horaire contractuel est donc de 151,67 heures par mois à compter du 1er décembre 2012 (soit un temps complet).
La salariée inclut dans son raisonnement les heures de pause dont il a été dit plus haut qu’elles ne constituaient pas des heures de travail effectif, si bien qu’en réalité, elle n’a jamais dépassé la durée légale du travail et ne peut prétendre à l’application de l’article L.3123-15 du code du travail.
La salariée est déboutée de sa demande de ce chef. Il sera ajouté au jugement.
4-Sur la demande tendant à voir dire illégale l’annualisation du temps de travail à compter du 1er août 2014.
La salariée indique que l’avenant à son contrat de travail prévoyant l’annualisation de son contrat de travail (1128 heures annuelles) ne vise aucun accord collectif, ce qui la rend, à elle seule, illégale.
Mme [I] [N] indique que par arrêt du 12 mai 2017, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêté du 3 avril 2014 (JO, 30 avril 2014) portant extension de la Convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012, a censuré la disposition prévoyant un délai de prévenance de 3 jours pour modifier les horaires de travail et l’augmentation du nombre d’heures complémentaire de 10 à 33% d’un salarié à temps partiel, ce qui est précisémment ce que prévoit l’article 5 de son contrat de travail.
Elle indique par ailleurs que l’accord d’entreprise du 12 décembre 2013 dont se prévaut la société ne lui est pas connu et que la société Vitalliance ne justifie pas de l’envoi de cet accord à la DIRECCTE, ni du récépissé par la DIRECCTE de cet accord, alors que cela est prévu par l’article L.2232-28 du Code du travail applicable à l’époque des faits.
La salariée indique qu’en tout état de cause, la censure du conseil d’état s’applique à cet accord.
La salariée souligne également que l’accord collectif ne prévoit pas de période minimale de travail.
La société répond que son accord collectif en date du 12 décembre 2013 est parfaitement valable et que la salariée en a eu connaissance via son espace personnel en ligne.
La société soutient que contrairement à l’arrêté portant extension de la convention collective des services à la personne censuré par le conseil d’état le 12 mai 2017, l’accord collectif dont elle se prévaut prévoit une durée minimale de travail pendant 8 mois pour les salariés à temps partiel et est en conséquence parfaitement valable.
La cour constate que le seul défaut de la mention de l’accord collectif dans le contrat de travail ne rend pas illégale cette annualisation.
Par ailleurs, la société justifie du dépôt, le 30 décembre 2013, de l’accord collectif du 12 décembre 2013 auprès de la DIRECCTE (envoi et récepissé) . Il est par ailleurs justifié que l’accord a été porté à la connaissance des salariés.
L’accord collectif prévoit à son article 4, ‘Cadre de la répartition du temps de travail’, qu’au cours de la période annuelle, ‘pour les contrats à temps partiel, le minimum d’heures travaillées ou en congés payés par mois est équivalent à 50% du nombre d’heures contractuellement travaillées ou en congés payés ramené au mois, à l’exception de 4 mois qui pourront être inférieur à ce minimum d’heures travaillées ou en congés payés’
Si cet article prévoit une durée minimale de travail pendant 8 mois, il n’établit pas de durée minimale de travail continue, en infraction avec l’article L 3123-23 du code du travail, dans sa version en vigueur à l’époque du contrat, ce qui prive la salariée de toute garantie effective de ce chef.
Dès lors, les dispositions de l’accord d’entreprise du 12 décembre 2013 en matière d’annualisation du temps de travail sont nulles.
Le bulletin de paie de septembre 2014 mentionne une durée de travail de 171 heures, soit une durée de travail supérieure à la durée légale de travail.
L’article L. 3123-17 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale du travail ou, si elle inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnement.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a dit ‘illégal et contraire à l’ordre public’ l’annualisation du temps de travail.
Le contrat de travail est requalifié en contrat à durée indéterminée à temps complet. Le jugement est confirmé de ce chef.
5-Sur les demandes de rappel de salaire
5-1 sur la demande de rappel de salaire au titre du contrat requalifié en contrat de travail à temps complet d’octobre 2014 à septembre 2019
Il résulte de la production des bulletins de salaires et du tableau produit aux débats, que la salariée peut prétendre à un rappel de salaire de 11194 euros, outre la somme de 1119 euros au titre des congés payés afférents.
Le jugement est confirmé de ce chef.
5-2 sur la demande de rappel au titre des majorations des heures supplémentaires
La salariée inclut systématiquement dans les heures de travail effectif les heures de pause dont il a été dit plus haut que tel n’était pas le cas.
Il est dû à Mme [N] la somme de 384,15 euros de ce chef.
Le jugement est infirmé sur le quantum.
5-3 sur la demande de rappel de salaire au titre des heures payées à 50%.
Les heures en question correspondent à des heures de pause de nuit que l’employeur rémunère à 50 % contre 100 % le jour.
Il n’est rien dû à la salariée de ce chef.
Le jugement est infirmé.
6-Sur la rupture du contrat de travail
La salariée a saisi, le 2 novembre 2015, le conseil d’Evry-Courcouronnes, d’une demande de résiliation de son contrat de travail et a pris acte de la rupture de celui-ci par décision en date du 24 septembre 2019.
La demande de résiliation judiciaire est ainsi devenue sans objet. Il est d’ailleurs remarqué que le jugement du conseil d’Evry-Courcouronnes dont il est demandé la confirmation a statué uniquement sur la prise d’acte. Il convient en conséquence d’analyser uniquement les griefs faits dans cette perspective.
Il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquements suffisamment graves de l’employeur qui empêchent la poursuite du contrat. Il appartient au salarié d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.
L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige. Le juge est tenu d’examiner les manquements de l’employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.
Enfin, lorsque le salarié prend acte de la rupture en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul selon les circonstances, si les faits invoqués le justifient, soit d’une démission dans le cas contraire.
A l’appui de sa demande et aux termes de ses écritures la salariée reproche à son employeur les manquements suivants :
1- non respect de son obligation de surveillance médicale obligatoire,
2- le fait de lui imposer de façon illégale de multiples contrats de travail à temps partiel à durée déterminée ;
3- la mise en place d’une annualisation du temps de travail illicite ;
4- l’absence de rémunération de la majoration des heures supplémentaires ;
5-la rémunération partielle de certaines heures de travail effectif ;
6-la non fourniture de l’équivalent d’un travail à temps complet, la laissant chaque mois dans le doute sur sa situation économique à venir.
Il est souligné que la salariée ne justifie pas du grief n°1, que le grief n° 2 n’est pas établi, le recours à plusieurs ‘contrats de travail à temps partiel à durée déterminée ‘ n’étant pas illégal. Le grief n°5 ne peut être retenu ainsi qu’il a été dit plus haut.
Le grief n° 4 est avéré.
Les griefs 3 et 6 sont liés. L’annualisation du temps de travail de la salariée lui a été déclarée inopposable.
Le non paiement d’un équivalent temps plein et d’une partie des majorations au titre des heures supplémentaires, constitue un manquement grave empêchant la poursuite du contrat de travail, rendant justifiée la prise d’acte de rupture, qui doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement est confirmé de ce chef.
7- Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Le salaire mensuel de référence à retenir est de 1570,35 euros, compte tenu de la requalification à temps complet.
7-1-Sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents
La salariée peut prétendre à deux mois de préavis. Il lui est dû de ce chef la somme de 3140,70 euros, outre la somme de 314,07 euros pour les congés payés afférents.
Le jugement est infirmé sur le quantum de ce chef.
7-2-Sur l’indemnité légale de licenciement
En application de l’article R 1234-2 du code du travail dans sa version applicable au litige, il est dû à Mme [N] la somme de 3107,98 euros de ce chef.
Le jugement est infirmé sur le quantum de ce chef.
7-3-Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Selon l’article L 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l’une ou l’autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Le montant de cette indemnité, à la charge de l’employeur, est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par avance au dit article.
Au cas d’espèce, la salariée à 7 ans et 11 mois d’ancienneté et peut prétendre à une indemnité comprise entre 3 et 8 mois de salaire.
En considération notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [I] [N] de son âge au jour de son licenciement (40 ans), de son ancienneté à cette même date (7 ans et 11 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies à la cour, il y a lieu de lui allouer la somme de 6281,40 euros (4 mois de salaires) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement est infirmé de ce chef.
8- Sur la remise des documents de fin de contrat.
Il convient d’ordonner la remise des bulletins de salaire, d’une attestation Pôle Emploi et d’un certificat de travail conformes à la présente décision, celle-ci étant de droit, sans qu’une astreinte ne soit prononcée.
9- sur le remboursement des indemnités de chômage
En application de l’article 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à la salariée licenciée, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnisation.
Il sera ajouté au jugement de ce chef.
10-Sur les intérêts et leur capitalisation
La cour rappelle qu’en application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal portant sur les créances salariales sont dus à compter de la date de réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation et d’orientation et les intérêts au taux légal portant sur les créances de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.
La capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière sera ordonnée en application de l’article 1343-2 du code civil.
11-Sur les demandes reconventionnelles de la société
Compte tenu de ce qui précède, elles sont sans objet.
12- Sur les demandes accessoires
Le jugement est confirmé sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile.
Partie perdante, la SAS Vitalliance est condamnée aux dépens d’appel.
L’équité commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel au profit de Mme [I] [N] ainsi qu’il sera dit au dispositif.
La SAS Vitalliance est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a :
-dit non prescrite la demande en requalification des contrats de travail à temps partiel conclus du 5 septembre 2012 au 31 juillet 2014 en contrat à temps complet,
-requalifie le contrat à durée indéterminée à temps partiel en date du 1er août 2014 en contrat à durée indéterminée à temps complet,
-condamné la SAS Vitalliance à payer à Mme [N] la somme de 11194 euros à titre de rappel de salaire suite à la requalification en contrat de travail à temps complet d’octobre 2014 à septembre 2019, outre celle de 1119 euros pour les congés payés afférents.
-dit que la prise d’acte du contrat de travail produit les effets d’un liceniement sans cause réelle et sérieuse,
INFIRME le jugement déféré pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DÉBOUTE Mme [I] [N] de sa demande de requalification des contrats de travail à temps partiel du 5 septembre 2012 au 31 juillet 2014 en contrat à temps complet et de sa demande subsidiaire de revalorisation de l’horaire contractuel pour la période de septembre 2012 au 31 juillet 2014,
DIT nulles les dispositions de l’accord d’entreprise du 12 décembre 2013 en matière d’annualisation du temps de travail,
CONDAMNE la SAS Vitalliance à payer à Mme [I] [N] les sommes suivantes :
– 384,15 euros au titre des majorations des heures supplémentaires,
– 3140,70 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 314,07 euros pour les congés payés afférents,
-6281,40 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-3107,98 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
DÉBOUTE Mme [I] [N] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures payées à 50%,
REJETTE la demande de la SAS Vitalliance tendant à voir condamner Mme [N] à lui rembourser la somme de 2 475,14 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis non effectué ;
DIT sans objet la demande de la SAS Vitalliance tendant à obtenir le remboursement des sommes versées en exécution provisoire du jugement déféré,
ORDONNE à la SAS Vitalliance de remettre à Mme [I] [N] un certificat de travail, une attestation destinée au Pôle Emploi et des bulletins de salaire conformes au présent arrêt dans un délai de un mois à compter de sa signification,
RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les créances de nature indemnitaire portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
ORDONNE la capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière en application de l’article 1343-2 du code civil,
ORDONNE d’office à la SAS Vitalliance le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [I] [N] dans la limite de six mois d’indemnisation,
DIT que conformément aux dispositions des articles L. 1235-4 et R. 1235-2 du code du travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe au Pôle Emploi du lieu où demeure la salariée.
CONDAMNE la SAS Vitalliance à payer à SALARIE la somme de 1200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel,
DÉBOUTE la SAS Vitalliance de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel,
CONDAMNE la SAS Vitalliance aux dépens d’appel.
La Greffière Le Président de chambre