09/09/2022
ARRÊT N° 2022/400
N° RG 19/03940 – N° Portalis DBVI-V-B7D-NFD2
NB/KS
Décision déférée du 19 Juillet 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de TOULOUSE ( 18/00054)
[L] [A]
SECTION ENCADREMENT
[Y] [U]
C/
SAS MASTER FILMS
INFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
Madame [Y] [U]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Véronique L’HOTE de la SCP CABINET SABATTE ET ASSOCIEES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
SAS MASTER FILMS
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Nathalie BLANCHET de la SCP D’AVOCATS BLANCHET-DELORD-RODRIGUEZ et par Me Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART-DEVIERS, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant , [V] et [E] chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUME, présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.
FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [Y] [U] a été embauchée à compter du 1er février 2011 par la SAS Master Films en qualité de chargée de production, sous le statut d’intermittente du spectacle.
A compter du 1er mars 2016, Mme [Y] [U] a été engagée par la société Master Films en qualité de chargée de production, catégorie cadre niveau II, suivant contrat à durée indéterminée à temps complet régi par les dispositions de la convention collective nationale de la production audiovisuelle.
Dans le dernier état de la relation contractuelle, son salaire mensuel brut s’élevait à la somme de 2 808 euros.
Par courrier recommandé du 27 juin 2016, la société Master Films a proposé à Mme [U] une modification de son contrat de travail consistant dans la suppression du versement de la prime de treizième mois pour l’année 2016, modification qui a fait l’objet d’un accord tacite de la salariée.
A compter du 21 août 2017, la salariée a été placée en arrêt maladie en raison d’un état anxio dépressif.
Par courrier recommandé du 8 décembre 2017, Mme [U] a pris acte de la rupture de son contrat de travail dans les termes suivants : ‘Vous m’avez signifié le 5 juillet 2017 une modification unilatérale de mon contrat de travail, m’annonçant que je quittais sur le champ mes fonctions de chargée de production prestation, pour être reclassée ailleurs dans l’entreprise, sans autre précision de poste, de fonction ou de rémunération.
Cette modification s’est accompagnée d’accusations sans le moindre fondement s’agissant d’une pseudo incompatibilité d’humeur que j’aurais rencontrée avec le client Airbus.
Ce n’est que six semaines plus tard que vous m’avez précisé que je devais dès à présent m’occuper de la gestion du planning photo, loin de mes responsabilités de cadre que j’occupe depuis plusieurs années.
J’ai refusé cette modification de mon contrat de travail consistant en une rétrogradation par l’intermédiaire du conseil que j’ai saisi.
Corrélativement, cette situation m’a plongée dans un état dépressif sévère médicalement constaté.
Vous n’avez pas hésité en réponse à produire un avenant qui aurait été soumis à ma signature et que vous ne m’avez jamais présenté en direct.
Au-delà, cet avenant, comme l’a écrit mon conseil, entérine en tout état de cause une modification de mon contrat de travail.
Sans perspective de régularisation de ma situation malgré mes demandes répétées, je n’entends pas poursuivre la relation de travail dans ce contexte de déloyauté à mon égard. Je vous informe donc que je prends acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts exclusifs.’
Mme [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse, section Encadrement, le 16 janvier 2018 pour obtenir la requalification de sa prise d’acte de rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et demander le versement de diverses sommes.
Par jugement du 19 juillet 2019, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :
– jugé que la prise d’acte en date du 8 décembre 2017 produit les effets d’une démission,
– débouté Mme [Y] [U] de l’intégralité de ses demandes,
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamné Mme [Y] [U] aux entiers dépens.
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Par déclaration du 23 août 2019, Mme [U] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 7 août 2019, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
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Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique
le 22 avril 2022, Mme [Y] [U] demande à la cour de :
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de requalification de la prise d’acte de rupture dans les termes d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande tendant à voir condamner la société Master Films à lui régler 5 200 euros d’indemnité compensatrice de préavis et 520 euros de congés payés y afférents,
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de 5 385 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (23 200 euros),
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre des conditions vexatoires ayant entouré la rupture du contrat de travail consécutive à la modification unilatérale du contrat de travail (20 000 euros),
-infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
– requalifier la prise d’acte de rupture de Mme [U] dans les termes d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la société Master Films à régler à Mme [U] :
*5 200 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 520 euros de congés payés y afférents,
*5 385 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
*23 200 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*20 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre des conditions vexatoires ayant entouré la rupture du contrat de travail consécutive à la modification unilatérale du contrat de travail,
*3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouter la société Master Films de l’ensemble de ses demandes,
-condamner la société Master Films aux entiers dépens.
Elle fait valoir, pour l’essentiel, qu’elle a été embauchée à compter du 1er mars 2016 en qualité de chargée de production, alors qu’elle occupait antérieurement un poste de directrice de production au service de prestation événementielle ; que dans ce nouveau poste, elle travaillait essentiellement avec le client Airbus, sous la direction de M. [W] [S] qui est par ailleurs son compagnon ; que le 16 mai 2017, une violente altercation l’a opposée à M. [K], qui s’est d’ailleurs excusé de cet incident auprès de M. [S] quelques minutes plus tard ; qu’elle a repris normalement son travail jusqu’au 5 juillet 2016, date à laquelle son PDG, M. [X] [P], lui a annoncé son éviction d’Airbus et l’a cantonnée à des tâches administratives, alors qu’elle était jusqu’alors essentiellement sur le terrain; que lors d’une réunion du 21août 2016, M. [P], sous couvert d’une réorganisation, lui a annoncé son affectation au planning photo et lui a annoncé l’envoi d’un avenant contractuel; que la modification unilatérale du contrat de la salariée sans son accord, consistant à la positionner sur un poste sédentaire et à faibles responsabilités constitue un manquement suffisamment grave pour justifier sa prise d’acte de rupture aux torts de la société employeur; qu’elle constitue en réalité une sanction déguisée, sans aucun respect de la procédure disciplinaire, alors que par ailleurs la salariée a été victime de faits de harcèlement de la part de M. [K], dont les débordements récurrents étaient connus de la société Master Films; que la modification unilatérale du contrat de travail de Mme [U] s’est effectuée dans des conditions parfaitement vexatoires qui ont contribué à la dégradation de son état de santé.
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Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique
le 4 mai 2022, la SAS Master Films demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris,
– juger que l’affectation de Mme [U] au poste d’administratrice de production du service photo constituait une modification des conditions de travail ne requérant pas l’autorisation de la salariée et pouvant être imposée par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction de l’entreprise,
– juger que ce changement de poste ne constituait pas une sanction déguisée mais était justifié par des nécessités économiques et techniques,
– juger que la rupture du contrat de travail de Mme [U] par prise d’acte s’analyse en une démission,
– débouter en conséquence Mme [U] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– condamner Mme [U] à verser à la société Master Films une somme
de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Elle soutient que le changement de poste de Mme [U] constituait une simple modification de ses conditions de travail ne requérant pas l’accord de la salariée;
que cette affectation s’est effectuée sur un même niveau conventionnel et que, contrairement à ce que soutient Mme [U], ce nouveau poste impliquait des responsabilités plus importantes, puisque de simple assistante, elle devenait chef de service, avec une augmentation de son salaire de 240 euros brut par mois; que la réorganisation envisagée était nécessaire pour le fonctionnement de l’entreprise, en l’état de la relation dégradée entre Mme [U] et M. [Z] [K], représentant d’Airbus qui est le principal client de la société Master Films; que le poste proposé à Mme [U] n’était pas un poste sédentaire, impliquant des déplacements fréquents sur sites pour accompagner et diriger les équipes des photographes ; que la salariée, qui ne peut prétendre avoir été remplacée à son poste, par une simple stagiaire, n’a subi aucun traitement vexatoire.
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La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 6 mai 2022.
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Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION :
– Sur la prise d’acte de rupture :
La prise d’acte désigne tout acte par lequel le salarié notifie à l’employeur qu’il met fin au contrat de travail ou qu’il cesse le travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, quelle que soit la dénomination utilisée dans cet acte: démission, prise d’acte, résiliation, départ de l’entreprise, cessation du travail.
Il revient à celui qui invoque la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur de rapporter la preuve de faits suffisamment graves qu’il reproche à son employeur et il appartient au juge d’examiner les manquements de l’employeur invoqués devant lui par le salarié même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient soit d’une démission dans le cas contraire.
En l’espèce, Mme [U] invoque l’existence de manquements de l’employeur consistant en une modification unilatérale de son contrat de travail, laquelle s’analyse en une sanction disciplinaire déguisée, manquements qui seront ci-dessous examinés:
* la modification unilatérale du contrat de travail:
En vertu de l’article 2 de son contrat de travail, les attributions de Mme [U], en sa qualité de chargée de production, sont les suivantes:
– mettre en production des projets que le directeur de production a conclus avec le commercial,
– encadrer et contrôler le travail de l’équipe de tournage et faire respecter les consignes,
– distribuer et valider le travail des assistants de production,
– assurer le suivi des intermittents,
– veiller à la tenue du budget et faire un reporting régulier à l’équipe de production,
– s’assurer du respect de la législation du travail et de la sécurité,
– s’assurer de la rapidité et de la qualité de l’information et des documents relatifs aux tournages,
et plus généralement, toutes les tâches en rapport avec ces fonctions.
Il est constant en l’espèce qu’à compter du 1er mars 2016 et jusqu’au 5 juillet 2017, Mme [U], affectée au service prestation événementielle, travaillait essentiellement avec le client Airbus, représenté par M. [Z] [K]. Le 18 mai 2017, elle a indiqué à son PDG, M. [P], qu’elle avait eu la veille une prestation difficile avec [Z] [K] et qu’elle souhaitait travailler ce jour là à son domicile. M. [P] lui a immédiatement répondu: ‘Pas de problèmes’. Mme [U] a repris normalement son activité jusqu’au 5 juillet, date à laquelle M. [P], au cours d’une entrevue, lui a indiqué qu’elle ne devait plus remettre un pied chez le client Airbus et qu’elle serait, entre le 5 et le 19 juillet 2017, soit jusqu’à sa nouvelle affectation, sédentaire et à disposition de la production (prestation/contenu) pour tous les clients.
Suite à la période de congés d’été, Mme [U] a repris son activité le 21 août 2021. A cette date, M. [P] lui a annoncé sa nouvelle affectation, consistant à prendre en charge le planning des photographes et des ‘prods contenu’, sous la responsabilité de [H] [N]. Un projet d’avenant à son contrat de travail a, le 22 septembre 2017, été communiqué au conseil de Mme [U] par le conseil de la société Master Films, qui définit comme suit les attributions de la salariée, en qualité d’administratrice de production:
– gestion du département photo,
– mise en production des différentes demandes des clients,
– tenue du budget et reporting régulier à la direction,
– mise à disposition rapide et de qualité de l’information et des documents relatifs aux prises de vue,
– gestion de la production photo et du suivi des photographes (dans le respect de la législation du travail et de la sécurité),
– gestion des plannings des photographes salariés,
– embauche et gestion des phonographes free lance,
– gestion de la post production photo,
– relations avec les clients et les sous traitants,
– préparation des dossiers d’archivage,
et plus généralement, toutes les tâches en rapport avec ces fonctions.
Selon les dispositions de la convention collective applicable, le poste d’administrateur de production consiste à assurer la gestion administrative, comptable et sociale de la production. Il est classé au niveau IIIA.
Le poste de chargé de production consiste à assurer le suivi des phases de la production, dans le respect du budget et du calendrier défini. Il est classé au niveau II, soit à un niveau hiérarchiquement plus élevé que le poste d’assistant de production.
Il ressort en outre des recommandations d’un rapport d’audit diligenté au mois de mai 2017 par la Sarl Lemoine conseil à la demande de la société Master Films que le service photo est un poids mort- croissance faible- potentiel de CA faible désengagement à prévoir (pièce n° 23 de l’intimée). Le département photo a d’ailleurs été, dès le 1er novembre 2017, externalisé et confié à la société Soflash Production (pièce n° 27 de l’intimée), alors même que Mme [U], en arrêt maladie, faisait toujours partie des effectifs de la société Master Films.
Il s’ensuit que contrairement à l’appréciation portée sur ce point par le conseil de prud’hommes, l’affectation de Mme [U] au poste d’administratrice de production, en charge de la gestion du département photo correspondait à une rétrogradation par rapport à ses fonctions antérieures, peu important qu’elle ait conservé le bénéfice du niveau II et la même rémunération. Cette modification du contrat de travail ne relevait donc pas du pouvoir de direction de l’employeur et était subordonnée à l’accord de la salariée.
Le manquement de la société Master Films à ses obligations contractuelles est en conséquence établi.
* la sanction disciplinaire déguisée:
Le retrait imposé à Mme [U] de ses anciennes fonctions est consécutif, selon la société employeur, à la vive discussion ayant opposé, le 17 mai 2017, Mme [Y] [U] à M. [Z] [K], représentant du client Airbus.
Il est constant que le 18 mai 2017, Mme [U] a informé M. [P] de cet incident, ce dernier lui ayant seulement répondu: ‘Pas de problèmes’. Ce n’est que
le 5 juillet 2017, soit un mois et demi plus tard, que M. [P] a indiqué à Mme [U] qu’elle ne devait pas remettre un pied chez le client Airbus, alors même que dans l’intervalle, elle avait de nouveau travaillé avec M. [K]. Elle verse aux débats un échange de mails avec ce dernier datant de l’été 2017 (pièce n° 24) qui démontre l’absence d’incidence de l’entretien houleux du 17 mai 2017 sur les relations
contractuelles entre Master films et Airbus, M. [K] écrivant à Mme [U]
le 7 juillet 2017: ‘Hello [J], la situation nous a dépassé, soyons patients’, l’invitant à déjeuner et terminant par la phrase suivante: ‘A bientôt, j’espère ».
Elle verse également aux débats un précédent mail que lui a adressé M. [K]
le 21 janvier 2017 lui indiquant: ‘Je ne suis jamais fâché contre toi, c’est juste que quand je suis crevé, je serais presque…de mauvaise foi’ (pièce n° 40).
La société Master Films, qui soutient que le retrait de Mme [U] lui a été imposé par la supérieure hiérarchique de M. [K], ne produit aucun élément corroborant cette affirmation, de sorte qu’il est permis de douter de l’opportunité de la réorganisation brusquement mise en place par l’employeur.
Il s’ensuit qu’en dépit des dénégations de M. [P], la modification unilatérale du contrat de travail de la salariée apparaît comme une sanction déguisée, à l’occasion de laquelle elle n’a pas pu bénéficier des garanties d’une procédure contradictoire.
Il résulte de l’ensemble des observations qui précèdent que la société employeur, en modifiant unilatéralement le contrat de travail de la salariée sous couvert d’une réorganisation, et en faisant porter sur la salariée la responsabilité d’un prétendu différend, a commis des manquements qui sont suffisamment graves pour justifier la rupture de la relation contractuelle aux torts de la société Master Films.
Il y a lieu en conséquence d’infirmer le jugement déféré et de juger que la prise d’acte de rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– Sur les conséquences de la prise d’acte:
Mme [Y] [U] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur à l’âge de 41 ans et à l’issue de près de sept ans d’ancienneté dans l’entreprise. Elle a droit au paiement de l’indemnité de préavis et aux congés payés y afférents à hauteur des sommes brutes de 5 200 euros et de 520 euros qu’elle réclame à ce titre. Elle est également fondée à percevoir l’indemnité conventionnelle de licenciement qui compte tenu de la reprise de son ancienneté à compter
du 1er février 2011, s’élève à la somme de 5 385 euros.
Elle a droit en outre, en raison du caractère abusif de la rupture, à des dommages et intérêts calculés en vertu des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, que la cour estime devoir fixer à la somme de 16 848 euros représentant l’équivalent de six mois de salaire brut.
Le brusque retrait de ses fonctions antérieures imposé à Mme [U], qui a eu pour effet de provoquer une dégradation de son état de santé, a causé à cette dernière un préjudice moral distinct qu’il convient de réparer par la condamnation de la société Master Films à payer à la salariée une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Conformément aux dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur à Pôle Emploi Occitanie des indemnités chômage éventuellement payées à la salariée, dans la limite de trois mois d’indemnités.
– Sur les autres demandes:
La société Master Films, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Il serait en l’espèce inéquitable de laisse à la charge de la salariée les frais exposés non compris dans les dépens; il convient de faire droit à sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse le 19 juillet 2019,
Et, statuant de nouveau et y ajoutant:
Dit que la prise d’acte en date du 8 décembre 2017 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Condamne la société Master Films à payer à Mme [Y] [U] les sommes suivantes:
*5 200 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 520 euros brut de congés payés y afférents,
*5 385 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
*16 848 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par la salariée,
Ordonne le remboursement par la société Master Films à Pôle Emploi Occitanie des indemnités chômage éventuellement payées à la salariée, dans la limite de trois mois d’indemnités.
Condamne la société Master Films aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Condamne la société Master Films à payer à Mme [Y] [U] une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La déboute de sa demande formée à ce même titre.
Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
C.DELVER S.BLUMÉ
.
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