COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
19e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 6 MAI 2020
N° RG 16/04188 – N° Portalis DBV3-V-B7A-Q6ZG
AFFAIRE :
[O] [I] épouse [G]
C/
Me [Z], [P] [W] – Mandataire ad’hoc de la SASU CB TV
AGS CGEA IDF OUEST
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Juillet 2016 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : E
N° RG : 16/00447
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
SELARL O.B.P. Avocats
Me Aldjia BENKECHIDA
SCP HADENGUE et Associés
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX MAI DEUX MILLE VINGT,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant fixé au 25 mars 2020 puis prorogé au 6 mai 2020, les conseils des parties en ayant été avisés dans l’affaire entre :
Madame [O] [I] épouse [G]
née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 8] (89)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Olivier BONGRAND de la SELARL O.B.P. Avocats, Constitué/Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0136
APPELANTE
****************
Me [W] [Z], [P] – Mandataire ad’hoc de la SASU CB TV
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentant : Me Aldjia BENKECHIDA, Constitué/Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0556, substituée par Me Christel ROSSE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 67
INTIMÉ
****************
AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentant : Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN de la SCP HADENGUE et Associés, Constitué/Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 25 Février 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Luc LEBLANC, président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Luc LEBLANC, Président,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Madame Marie-Laure BOUBAS, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER,
FAITS ET PROCÉDURE :
Aux termes d’un contrat de travail à durée déterminée d’usage en date du 26 mars 2002, Madame [O] [I] épouse [G], ci-après Mme [G] a été engagée par la société CB TV en qualité de chef maquilleuse.
Les relations de travail étaient soumises à la convention collective nationale de la production audiovisuelle.
Depuis le 26 mars 2002, Madame [G] a poursuivi son activité professionnelle sans interruption, dans le cadre de contrats successifs de travail à durée déterminée, sous le même intitulé et pour la même société jusqu’au 22 avril 2015.
Par jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 30 juin 2015, la société CB TV a été placée en liquidation judiciaire et un mandataire ad hoc a été désigné pour représenter cette société.
Au moment de son dernier contrat de travail à durée déterminée, la rémunération mensuelle brute de Madame [G] s’élevait à la somme de 564,80 euros pour un temps de travail de deux à trois jours par mois et la société employait habituellement plus de dix salariés.
Madame [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt pour voir requalifier les contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et obtenir le paiement de diverses sommes.
Par jugement du 21 juillet 2016, auquel il convient de se reporter pour l’exposé des faits, prétentions et moyens soutenus devant eux, les premiers juges ont :
– débouté Madame [G] de l’ensemble de ses demandes.
– condamné Madame [G] aux entiers dépens.
Madame [G] a relevé appel du jugement le 16 septembre 2016.
Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 5 juillet 2018, Madame [G] demande à la cour d’appel de :
– infirmer intégralement le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 21 juillet 2016 ;
En conséquence :
– requalifier les contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ;
– fixer au passif de la société CB TV les créances suivantes :
6.000 euros à titre d’indemnité de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ;
3.784,16 euros à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;
9.959,4 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
7.568,32 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 756 euros de congés payés y afférents ;
25.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
96.261,66 euros à titre de rappel de salaire à temps plein de février 2013 à avril 2015, outre 9.626,16 euros de congés payés y afférents;
2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, frais de première instance et d’appel ;
– assortir les condamnations de l’intérêt au taux légal ;
– dire et juger opposable à l’AGS CGEA d’IDF Ouest l’ensemble des créances ainsi fixées au passif de la société CB TV.
Les conclusions transmises par voie électronique le 19 septembre 2018 par le mandataire ad hoc de la société CB TV ont été déclarées irrecevables et l’ordonnance du juge de la mise en état a été confirmée par décision du 22 mai 2019.
Les conclusions transmises par voie électronique le 20 septembre 2018 par l’AGS CGEA d’Ile- -de-France Ouest ont également été déclarées irrecevables et l’ordonnance du juge de la mise en état a été confirmée par décision du 22 mai 2019.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 15 janvier 2020.
MOTIFS :
Vu les conclusions,
Sur la demande de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée :
Considérant qu’aux termes de l’article L 1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif ; qu’à défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée ;
Considérant que l’article L 1242-13 du même code impose la transmission du contrat de travail au salarié, au plus tard, dans les deux jours ouvrables suivant son embauche ; que la méconnaissance de cette disposition est également sanctionnée par la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée ;
Considérant que les effets de la requalification remontent à la date de conclusion du premier contrat à durée déterminée irrégulier ;
Considérant qu’en l’espèce, il ressort des bulletins de salaire versés aux débats que Mme [G] a été employée par la société CB TV entre le 26 mars 2002 et le 22 avril 2015, dans le cadre de contrats à durée déterminée, sans que des contrats écrits soient établis ou lui soient remis dans le délai imparti ;
Considérant qu’en effet, les contrats fournis en première instance par l’employeur ne couvraient qu’une infime partie de la relation contractuelle et aucun antérieurement au mois d’octobre 2004 et postérieurement au mois de mai 2012 ;
Considérant que c’est donc à tort que les premiers juges ont estimé qu’en dépit de la méconnaissance de dispositions des articles L 1242-12 et L 1242-13 du code du travail, la requalification de la relation de travail de Mme [G] n’avait pas à être ordonnée ;
Considérant que le jugement sera donc infirmé de ce chef et la requalification en contrat à durée indéterminée sera prononcée depuis le 26 mars 2012 ;
Considérant qu’en vertu de l’article L 1245-2 du code du travail, il convient également d’allouer à la salariée une indemnité de requalification d’un montant égal à son dernier salaire mensuel de 564,80 € ; que le jugement sera infirmé de cet autre chef ;
Sur le rappel de salaire à temps plein de février 2013 à avril 2015:
Considérant qu’en l’absence d’écrit mentionnant la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, Mme [G] se prévaut de la présomption de travail à temps complet ;
Considérant toutefois que cette présomption peut être renversée s’il est établi qu’en réalité, le salarié n’a été engagé qu’à temps partiel, n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et n’était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de son employeur ;
Considérant qu’en l’espèce, il ressort des documents produits et notamment des bulletins de salaire fournis par l’intéressée que celle-ci était employée, par intermittence, pour une durée limitée à quelques jours par mois ;
Considérant que, selon les contrats auxquels se réfère l’appelante, la durée de ses différentes missions lui était communiquée plusieurs jours à l’avance de sorte qu’elle pouvait prévoir le rythme de son travail ;
Considérant qu’en dehors de ses prestations ponctuelles de travail liées aux tournages d’émissions télévisuelles, Mme [G] n’était pas tenue de rester à la disposition permanente de son employeur;
Considérant qu’il existe donc en l’espèce des éléments suffisamment précis et concordants permettant de détruire la présomption de travail à temps plein ;
Considérant que le jugement sera donc confirmé en ce qu’il déboute Mme [G] de sa demande de rappel de salaire d’un montant total de 96 261,66 € sur la base d’une rémunération mensuelle reconstituée à hauteur de 3 784,16 € ;
Sur la rupture du contrat de travail et ses conséquences financières:
Considérant que la cessation de la relation de travail requalifiée en contrat à durée indéterminée s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Considérant qu’en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, étant employé au moment de la rupture dans une entreprise d’au moins 11 salariés et bénéficiant d’une ancienneté supérieure à deux années, le salarié est fondé à réclamer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois ;
Considérant qu’en l’espèce, compte tenu de l’âge de la salariée, de son ancienneté dans l’entreprise et de la précarité du métier exercé, il lui sera accordé la somme de 7 500 € en réparation de son préjudice ;
Considérant qu’en outre, Mme [G] a droit à une indemnité compensatrice de préavis de deux mois soit la somme de 1 129,60 € majorée des congés payés y afférents pour 112,96 € ainsi qu’à une indemnité de licenciement calculée selon son ancienneté remontant à mars 2002 soit 1 486,55 € ;
Considérant qu’en revanche, la salariée déjà indemnisée pour l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, ne peut en plus obtenir la réparation du préjudice allégué du fait de l’inobservation de la procédure de licenciement et le jugement sera confirmé sur ce point ;
Sur la fixation des créances de la salariée et la garantie de l’AGS CGEA d’Ile-de-France Ouest :
Considérant que l’ensemble des créances allouées à Mme [G] figurera au passif de la liquidation judiciaire de son employeur;
Considérant qu’il y a lieu de déclarer le présent arrêt opposable à l’AGS CGEA d’Ile-de-France Ouest qui ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-17 et L. 3253-19 à 21 du code du travail et de déclarer que l’obligation de l’AGS de faire l’avance de la somme à laquelle est évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement ;
Considérant qu’il convient de rappeler qu’en application de l’article L 622-28 du code de commerce, le cours des intérêts légaux est suspendu à compter de l’ouverture de la procédure collective ;
Considérant qu’enfin, il convient de condamner le mandataire ad hoc de la société CB TV à verser à Mme [G] la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; que cette condamnation échappe à la garantie de l’AGS ;
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire ;
– Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il déboute Mme [O] [I] épouse [G] de sa demande de rappel de salaire sur la base d’un temps plein et de ses prétentions indemnitaires pour non-respect de la procédure de licenciement ;
Statuant de nouveau sur les chefs infirmés :
– Requalifie la relation de travail de Mme [O] [I] épouse [G] en contrat à durée indéterminée à compter du 26 mars 2012 ;
– Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société CB TV les créances suivantes :
– 564,80 € à titre d’indemnité de requalification,
– 1 129,60 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 112,96 € correspondant aux congés payés y afférents,
– 1 486,55 € à titre d’indemnité de licenciement,
– 7 500 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– Déclare le présent arrêt opposable à l’AGS CGEA d’Ile-de-France Ouest qui ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-17 et L. 3253-19 à 21 du code du travail et déclare que l’obligation de l’AGS de faire l’avance de la somme à laquelle est évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement ;
– Rappelle que le cours des intérêts légaux est suspendu durant la procédure collective ;
– Condamne Maître [Z], [P] [W], ès qualité de mandataire ad hoc de la société CB TV à verser à Mme [O] [I] épouse [G] la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Le condamne aux dépens ;
– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Luc LEBLANC, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,
Laisser un commentaire