SOC.
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 juillet 2017
Cassation partielle
Mme X…, conseiller le plus ancien faisant fonction de président
Arrêt n° 1263 F-D
Pourvoi n° T 16-15.950
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
1°/ la société D8, société par actions simplifiée,
2°/ la société D8 films, société par actions simplifiée,
ayant toutes deux leur siège […],
contre l’arrêt rendu le 1er mars 2016 par la cour d’appel de Versailles (6e chambre), dans le litige les opposant à Mme Sophie Y…, domiciliée […],
défenderesse à la cassation ;
Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 8 juin 2017, où étaient présents : Mme X…, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme A…, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, Mme Z…, avocat général, Mme Hotte, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme A…, conseiller, les observations de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat des sociétés D8 et D8 films, de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de Mme Y…, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme Y… a été engagée suivant contrats à durée déterminée à compter du 22 novembre 2010 par les sociétés Direct production devenue D8 et D8 films appartenant au groupe Canal + ; que la relation contractuelle a pris fin le 21 juin 2013 ; que la salariée a saisi la juridiction prud’homale de demandes en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et en paiement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés font grief à l’arrêt de requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée et de les condamner à payer diverses sommes, alors, selon le moyen :
1°/ que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison du caractère par nature temporaire de ces emplois ; qu’en l’espèce, l’ensemble des dispositions conventionnelles applicables prévoyaient le recours au contrat à durée d’usage pour les opérateurs synthétiseurs (ou opérateurs prompteurs) et il était constant que Mme Y… n’avait été employée en cette qualité pour les exposantes que quatre-vingt-dix jours sur une période de deux ans et demi ; que, pour faire droit à la demande de requalification des contrats à durée déterminée de Mme Y… en contrat à durée indéterminée, la cour d’appel a retenu que les exposantes employaient d’autres opérateurs prompteurs par contrats à durée déterminée, ce dont elle a déduit l’existence d’un « besoin récurrent » d’opérateurs prompteurs ; qu’en statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés de ce que d’autres salariés étaient employés dans les mêmes fonctions par contrat à durée déterminée, et alors qu’elle avait constaté que les périodes d’emploi de l’intéressée n’avaient été que de quelques jours par mois, la cour d’appel a violé les articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1244-1 et D. 1242-1 du code du travail, ensemble l’accord cadre du 18 mars 1999 mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 ;
2°/ que constitue une « raison objective », au sens de la clause 5 de l’accord-cadre européen sur le travail à durée déterminée du 18 mars 1999 mis en oeuvre par la directive n° 1999/70 du 28 juin 1999, l’identification, par les partenaires sociaux, des emplois qui présentent un caractère « par nature temporaire » ; que l’emploi d’opérateur synthétiseur a été considéré comme présentant une nature temporaire par les signataires de l’accord national professionnel interbranche du 12 octobre 1998 relatif au recours au contrat à durée déterminée d’usage concernant le secteur du spectacle, mais aussi par ceux de l’avenant « intermittent » du 3 mai 1999 à la convention collective d’entreprise Canal +, de la convention collective de la production audiovisuelle du 13 décembre 2006, de l’accord collectif national de branche de la télédiffusion, et de l’annexe III de la convention collective nationale de l’audio-vidéo informatique relative aux salariés dits intermittents techniques de l’audio vidéo informatique employés par contrat à durée déterminée dit d’usage ; qu’en statuant comme elle l’a fait, déniant tout effet à l’analyse concordante et réitérée qui avait été retenue par les partenaires sociaux, la cour d’appel a violé les articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1244-1 et D. 1242-1 du code du travail, ensemble l’accord cadre du 18 mars 1999 mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 ;
Mais attendu, d’abord, que s’il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, dans sa rédaction alors applicable, L. 1245-1 et D. 1242-1 du code du travail, que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive n° 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi ;
Attendu, ensuite, que la détermination par accord collectif de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée d’usage ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l’existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné ;
Et attendu que la cour d’appel, qui a constaté que la fonction d’opérateur prompteur était nécessaire de manière quotidienne du lundi au vendredi sur les plateaux afin d’assurer les émissions « Touche pas à mon poste » « Le Grand 8 » « Le Journal télévisé de D8 », « Enquête réalité » et « Direct auto », que le registre unique du personnel produit par l’employeur sur une période de sept mois, démontrait l’emploi régulier, sous contrats à durée déterminée, d’une dizaine d’opérateurs prompteurs, que les sociétés disposaient d’un volant d’une dizaine d’intermittents opérateurs prompteurs comme Mme Y… qu’elles pouvaient alternativement solliciter, et que la salariée avait de manière ininterrompue, du 22 novembre 2010 au 4 juillet 2012 puis du 21 décembre 2012 au 21 juin 2013, régulièrement collaboré à l’émission « Touche pas à mon poste », a pu en déduire que les contrats à durée déterminée successifs avaient pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
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