Convention collective de la production audiovisuelle : 29 mars 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/01341
Convention collective de la production audiovisuelle : 29 mars 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/01341

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 29 MARS 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/01341 – N° Portalis DBVK-V-B7E-ORJW

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 JANVIER 2020

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER – N° RG F 19/00728

APPELANT :

Monsieur [R] [N]

né le 23 Juillet 1965 à [Localité 2]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Guilhem DEPLAIX, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Laurence GROS avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES :

Société [Localité 3] EVENTS

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Olivier BONIJOLY de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de MONTPELLIER

substitué par Me Mathilde JOYES avocat au barreau de MONTPELLIER

S.A.S. PROMAN 045

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Christine ANDREANI de la SELARL JURIS VIEUX PORT, avocat au barreau de MARSEILLE, substituée par Me Manuel CULOT avocat au barreau de MARSEILLE

Ordonnance de clôture du 16 Janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 FEVRIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président

Madame Caroline CHICLET, Conseiller

Madame Isabelle MARTINEZ, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Mme Caroline CHICLET, conseiller, en remplacement du président, empêché et par Mme Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

[R] [N] a été engagé à compter du 9 septembre 2010 par la société d’économie mixte Enjoy [Localité 3] (devenue [Localité 3] Avants), employant habituellement au moins onze salariés, en qualité de technicien machiniste, statut Etam, dans le cadre d’un contrat à durée déterminée d’usage d’une durée de deux jours à temps complet régi par la convention collective des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs conseils, société de conseil du 15 décembre 1987 (dite Syntec) et par l’accord national du 5 juillet 2001 concernant le statut des salariés du secteur des foires, salons et congrès et l’accord d’entreprise du 15 janvier 1999.

Après le terme de ce contrat, les parties ont signé, entre août 2011 et février 2017, 179 autres contrats à durée déterminée d’usage.

A compter du 1er mars 2017, la société [Localité 3] Events a eu recours à la société de travail temporaire Proman 045 pour recruter des salariés intérimaires et c’est dans ce contexte que [R] [N] a été mis à disposition de la société [Localité 3] Events pour un emploi de technicien machiniste dans le cadre de 6 contrats de mission ayant débuté pour le premier le 11 avril 2017 et dont le dernier est arrivé à échéance le 20 juin 2017 .

Contestant le caractère par nature temporaire de son emploi, les motifs du recours visés dans les contrats de mission et soutenant avoir occupé un emploi participant de l’activité normale de l’entreprise, [R] [N] a saisi le conseil des prud’hommes de Montpellier le 19 juin 2019 pour voir requalifier les contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée dès l’origine, voir juger la rupture du 20 juin 2017 comme s’analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir la réparation de ses préjudices ainsi que l’application de ses droits.

Par jugement du 24 janvier 2020, ce conseil a :

– constaté la prescription de l’action liée à la rupture des relations contractuelles avec la société [Localité 3] Events ;

– dit n’y avoir lieu à requalifier le contrat de travail de [R] [N] en contrat de travail à temps complet ;

– débouté [R] [N] de sa demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;

– débouté [R] [N] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat ;

– débouté les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonné le partage des dépens entre les parties.

Le 4 mars 2020, [R] [N] a relevé appel de tous les chefs de ce jugement ayant déclaré prescrites ses demandes ou l’ayant débouté de ses prétentions.

Vu les conclusions récapitulatives n°1 de [R] [N] remises au greffe le 27 mai 2020 ;

Vu les conclusions de la société d’économie mixte [Localité 3] Events remises au greffe le 14 mai 2020 ;

Vu les conclusions de la Sas Proman 045 remises au greffe le 29 juin 2020 ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 16 janvier 2023 ;

MOTIFS :

Sur la demande de requalification des CDD en CDI :

L’appelant conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a dit prescrite son action et demande à la cour de dire que le délai de prescription de deux ans a commencé à courir au terme du dernier contrat, soit le 20 juin 2017, et que son action intentée le 19 juin 2019 est recevable. Au fond, à l’égard de la société [Localité 3] Events, il conteste le caractère par nature temporaire de son emploi ainsi que le motif du recours au contrat de mission et soutient avoir pourvu durablement un emploi permanent dans l’entreprise. A l’égard de la société Proman 045, il invoque des manquements aux prescriptions des articles L.1251-16 et L.1251-36 du code du travail.

La société [Localité 3] Events et la société Proman 045 concluent à la confirmation du jugement.

A) Sur la prescription :

Contrairement à ce que soutiennent à tort les sociétés intimées, la demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée porte sur l’exécution du contrat et non sur sa rupture ; la demande visant à voir analyser la rupture intervenue au terme du dernier contrat à durée déterminée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à obtenir diverses sommes de ce chef n’étant que la conséquence de la requalification sollicitée.

Le délai de prescription applicable à cette demande de requalification et aux prétentions qui en découlent est donc celui de deux ans de l’article L.1471-1 alinéa 1 du code du travail et non celui de 12 mois prévu par l’alinéa 2 du même article.

La demande de requalification de l’appelant est fondée sur les motifs du recours (et non sur un vice de forme) au contrat à durée déterminée d’usage ou au contrat de mission puisqu’il dénonce l’absence de raison objective établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi de technicien machiniste et qu’il soutient avoir pourvu durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Le point de départ du délai de prescription est donc la date du terme du contrat, ou du dernier contrat en cas de contrats successifs.

En l’espèce, 180 contrats se sont succédés entre septembre 2010 et juin 2017 à l’égard de la société [Localité 3] Events et 6 contrats de mission se sont succédés entre le 11 avril et le 20 juin 2017 à l’égard de la société Proman 045 (peu important les périodes d’inactivité entre chaque contrat) ; le point de départ du délai de prescription étant la date du terme du dernier contrat, soit le 20 juin 2017 (cf contrat du 20 juin 2017 produit en pièce 193 de l’appelant), [R] [N] avait jusqu’au 20 juin 2019 pour intenter son action en requalification des CDD d’usage et des contrats de mission en CDI.

[R] [N] ayant saisi le conseil des prud’hommes le 19 juin 2019, son action tant à l’égard de la société [Localité 3] Events que de la société Proman 045 n’est pas prescrite, contrairement à ce qu’a décidé le conseil, et le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

B) Sur le fond :

1) A l’égard de la société [Localité 3] Events :

La clause 5-1 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999, dispose :

‘Afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les Etats membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n’existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d’une manière qui tienne compte des besoins du secteur spécifique et/ou de catégories de travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes :

a) des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relation de travail ;

b) la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs ;

c) le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail ;’

En application de la clause 8 1, ‘les Etats membres et/ou partenaires sociaux peuvent maintenir ou introduire des dispositions plus favorables pour les travailleurs que celles prévues dans le présent accord’.

Par ailleurs, selon l’article L.1242-1-3°du code du travail dans sa version applicable, l’employeur peut avoir recours au contrat à durée déterminée dans les secteurs d’activité ou il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

L’article D.1242-1 énumère les secteurs dans lesquels le recours au contrat à durée déterminée d’usage est autorisé parmi lesquels, notamment, celui des spectacles, de l’action culturelle, l’audiovisuel, la production cinématographique, et l’édition phonographique.

S’il résulte de la combinaison des articles susvisés du code du travail que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu’il est d’ usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre susvisé, qui a pour objet, en ses clauses 1 à 5, de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

Par conséquent, et même si l’activité de l’employeur dépend d’un des secteurs d’activité où le recours au contrat à durée déterminée d’usage est autorisé, le juge doit examiner les éléments objectifs et concrets liés à l’emploi considéré pour vérifier s’il est ou non par nature temporaire.

Par ailleurs, selon l’article L.1251-40 du code du travail « Lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission ».

Il résulte des articles L.1251-5 et L.1251-6 du code du travail que la possibilité donnée à l’entreprise utilisatrice de recourir à des contrats de missions successifs avec le même salarié intérimaire pour remplacer un ou des salariés absents ou pour faire face à un accroissement temporaire d’activité ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente.

Il en résulte que l’entreprise utilisatrice ne peut recourir de façon systématique aux missions d’intérim pour faire face à un besoin structurel de main-d’oeuvre.

En l’espèce, l’appelant ne discute pas que l’activité de la société [Localité 3] Events dépend du secteur prévu à l’article D.1242-1-6° précité pour lequel il est d’usage constant de recourir aux CDD.

Pour justifier le recours répété au contrat à durée déterminée d’usage afin de confier à [R] [N] l’emploi de technicien machiniste pendant plus de 6 ans, l’appelante invoque le caractère ‘nécessairement temporaire’ et la nature ‘par essence fluctuante’ de son activité consistant en l’organisation ‘d’activités de nature privée à vocation de spectacles, congrès, séminaires, salons, expositions touristiques ou culturelles, événements sportifs’ et produit, au soutien de son moyen, les témoignages de trois régisseurs d’exploitation technique et d’un responsable d’audiovisuel, ses résultats financiers des années 2011 à 2016 et un pourcentage en équivalent temps plein des heures de travail accomplies par le salarié au cours de chaque année.

Mais le caractère par nature temporaire de l’emploi confié à [R] [N] au moyen de contrat à durée déterminée d’usage, qui doit être justifié par des éléments objectifs et concrets, ne peut se déduire du seul objet social de la société [Localité 3] Events ni de la fluctuation d’une année sur l’autre de ses résultats financiers ni de la durée du travail de l’intéressé.

Et dès lors qu’il résulte de ses propres témoignages que la société [Localité 3] Events emploie en son sein des techniciens permanents, ainsi qu’en attestent [D] [I], responsable audiovisuel, et [U] [C], régisseur technique (pièces 11 et 14 de la société intimée) qui expliquent qu’ils n’ont recours aux salariés précaires qu’en cas d’insuffisance du personnel permanent (et non en raison du caractère par nature temporaire de l’emploi de technicien machiniste), la société intimée est défaillante dans la preuve qui lui incombe.

La société [Localité 3] Events invoque également, s’agissant des contrats de mission, un surcroît temporaire d’activité.

Cependant, outre que cet accroissement temporaire d’activité n’est pas justifié alors que l’appelant en conteste la réalité, force est de constater qu’en ayant embauché à durée déterminée un salarié pendant plus de 6 ans, quasiment tous les mois de l’année (sauf décembre 2011, juin à septembre 2013, juillet et août 2014, juillet et août 2016, mars et mai 2017) et chaque fois pendant plusieurs semaines du mois, pour occuper le même poste de technicien machiniste, au moyen de 179 contrats à durée déterminée d’usage et de 6 contrats de mission successifs, la société [Localité 3] Events a confié à [R] [N] un emploi qui n’était pas lié à ses besoins ponctuels mais qui était destiné à répondre durablement à son activité normale et permanente.

La société [Localité 3] Events ne justifiant pas du bien fondé du recours aux contrats à durée déterminées d’usage ou de mission, les 186 contrats conclus avec [R] [N] ou la société Proman 045 entre septembre 2010 et le 20 juin 2017 seront requalifiés en contrat à durée indéterminée à compter du 9 septembre 2010.

2) A l’égard de la société Proman 045 :

Contrairement à ce que soutient l’entreprise de travail temporaire, le salarié peut agir en requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée à l’encontre de cette dernière lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d »uvre est interdite non pas été respectées.

L’article L.1251-16 du code du travail exige que le contrat de mission soit établi par écrit et comporte notamment :

‘(…)

3° Les modalités de la rémunération due au salarié, y compris celles de l’indemnité de fin de mission prévue à l’article L. 1251-32 ;

(…)

6° Le nom et l’adresse de la caisse de retraite complémentaire et de l’organisme de prévoyance dont relève l’entreprise de travail temporaire. (…)’

Contrairement à ce que soutient à tort l’appelant, les nom et adresse de la caisse de retraite complémentaire et de prévoyance sont mentionnés au recto de chacun des 6 contrats de mission, dans l’encadré situé sous la date du contrat, et les modalités de rémunération du salarié liées à l’indemnité de fin de mission sont explicitées au verso de chacun des 6 contrats produits par la société Proman 045, dont l’appelant ne discute pas l’authenticité. Ce moyen sera par conséquent rejeté.

La preuve de la réalité du motif du recours n’incombant qu’à l’entreprise utilisatrice et non à l’entreprise de travail temporaire, le moyen opposé par l’appelant à la société Proman 045 de ce chef est inopérant.

Par ailleurs, il résulte des articles L. 1251-36 et L.1251-37 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 22 septembre 2017, que l’entreprise de travail temporaire ne peut conclure avec un même salarié, sur le même poste de travail, des contrats de missions successifs qu’à la condition que chaque contrat en cause soit conclu pour l’un des motifs limitativement énumérés par le second de ces

textes, au nombre desquels ne figure pas l’accroissement temporaire d’activité.

En l’espèce, c’est sans faute de sa part que la société Proman 045 n’a pas respecté un délai de carence entre le contrat de mission pour accroissement temporaire d’activité du 11 avril 2017 arrivé à échéance le 14 avril 2017, et le contrat signé le 16 avril pour le jour-même puisque, ainsi qu’elle le soutient justement, le salarié a été affecté sur deux postes de travail distincts à savoir machiniste pour l’organisation du match ‘MHB vs PSG’ pour le premier et machiniste pour l’organisation du meeting du ‘front de gauche’ pour le second.

En l’absence de manquement imputable à la société Proman 045, [R] [N] sera débouté de ses demandes de requalification des CDD en CDI et de toutes les demandes qui en découlent à son égard (rappel de salaire au titre des périodes interstitielles, indemnité de requalification, demandes inhérentes à la rupture analysée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, dommages-intérêts pour exécution déloyale).

Sur les effets de la requalification des CDD en CDI à l’égard de la société [Localité 3] Events :

A) Sur la demande de rappel de salaire au titre des périodes interstitielles :

[R] [N] conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande de rappel de salaires au titre des périodes interstitielles et demande à la cour de dire recevable et non prescrite sa demande et de condamner la société [Localité 3] Events à lui payer, à titre principal, la somme de 54.188,99 € bruts à titre de rappel de salaires pour la période comprise entre le septembre 2010 et le 20 juin 2017 outre celle de 5.418,89 € bruts au titre des congés payés y afférents et, à titre subsidiaire, la somme de 28.225,15 € bruts pour la période comprise entre le 1er juin 2014 et le 20 juin 2017 outre celle de 2.822,51€ bruts au titre des congés payés y afférents.

La société [Localité 3] Events conclut à la confirmation du jugement et au rejet des prétentions qui, selon elle, sont prescrites antérieurement à juin 2014 et mal fondées pour celles postérieures à cette période.

1) Sur la prescription :

La demande de rappel de salaire est soumise au délai de prescription prévu par l’article L.3245-1 du code du travail.

Selon cet article, dans sa rédaction issue de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, ‘l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat’.

L’article 21 V de la loi du 14 juin 2013 prévoit que ‘les dispositions du nouvel article L. 3245-1 du Code du travail s’appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit cinq ans’.

Le salarié sollicitant le paiement de salaires dus entre le 1er septembre 2012et le 20 juin 2017 et ayant saisi la juridiction prud’homale le 19 juin 2019, son action en paiement n’est pas prescrite pour les créances salariales exigibles à partir du 19 juin 2016.

Et dès lors que sa demande en paiement peut porter sur les trois années précédant la rupture du 20 juin 2017, il est recevable à solliciter le paiement de rappel de salaire pour la période comprise entre le 20 juin 2014 et le 20 juin 2017.

En revanche, les demandes portant sur les rappels de salaire au titre des périodes interstitielles antérieures au 20 juin 2014 sont irrecevables comme prescrites, ainsi que le soutient justement la société [Localité 3] Events.

2) Sur le fond :

Il incombe au salarié, qui sollicite un rappel de salaire au titre des périodes interstitielles, de rapporter la preuve qu’il est resté à la disposition permanente de l’employeur durant les périodes séparant deux contrats à durée déterminée.

En l’espèce, [R] [N] démontre que sur les 186 contrats conclus avec la société [Localité 3] Events entre septembre 2010 et juin 2017, 88 contrats ont été signés le vendredi pour le lundi suivant, 2 contrats ont été signés deux jours auparavant, 6 contrats ont été conclus la veille pour le lendemain, 21 contrats ont été conclus le jour-même, 3 contrats ont été signés a posteriori et 30 journées ont été travaillées et rémunérées sans aucun contrat écrit ainsi qu’en attestent les bulletins de paie correspondants.

En outre, l’appelant établit que l’employeur a modifié à 8 reprises les contrats signés pour y ajouter une journée supplémentaire de travail et a cru pouvoir supprimer 8 journées de travail sans avenant.

Il se déduit de ce qui précède que, pendant plus de 6 années, [R] [N] s’est trouvé dans l’impossibilité d’anticiper les périodes travaillées avec la société [Localité 3] Events et que, pour honorer ses 186 engagements répartis sur presque tous les mois de chaque année à raison de plusieurs semaines par mois, sans rythme ni coupure prévisible (pas de contrat en décembre 2011, de juin à septembre 2013, en juillet et août 2014, en juillet et août 2016, en mars et mai 2017) et conclus, le plus souvent, le vendredi pour le lundi (88 contrats) voire pour le jour-même (21 contrats signés le jour de la mission et 30 journées travaillées sans contrat écrit) avec des modifications de dernière minute (ajout de 8 journées) décidées parfois sans avenant (suppression de 8 journées), le salarié a dû se tenir à la disposition permanente de l’employeur durant les périodes séparant deux contrats.

La société [Localité 3] Events sera par conséquent condamnée à payer à [R] [N] sur la base d’une durée du travail contractuelle à temps complet (le salarié ayant toujours travaillé plus de 7 heures au cours de chaque journée travaillée tout au long de la relation contractuelle) la somme de 28.225,15 € bruts à titre de rappel de salaire du 20 juin 2014 au 20 juin 2017 pour les périodes interstitielles outre celle de 2.822,51 € bruts au titre des congés payés y afférents.

B) Sur les demandes inhérentes à la rupture du contrat requalifié :

[R] [N] demande à la cour de dire que la rupture intervenue au terme du dernier CDD doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société [Localité 3] Events à lui payer :

> 10.000 € à titre d’indemnité de requalification,

> 3.342,08 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

> 334,21 € bruts au titre des congés payés y afférents,

> 5.639,76 € au titre de l’indemnité de licenciement,

> 40.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société [Localité 3] Events demande à la cour de ramener les prétentions du salarié à de plus justes proportions, le salarié ne rapportant pas la preuve des préjudices qu’il invoque.

[R] [N] a droit à une indemnité de requalification en application de l’article L.1245-2 du code du travail que la cour évalue à la somme de 1.671,04€ correspondant au dernier salaire mensuel auquel il aurait dû prétendre avant la saisine du conseil et l’appelant sera débouté du surplus de sa demande.

La rupture du 20 juin 2017, survenue à l’échéance du dernier contrat, doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse en l’absence de griefs de l’employeur à l’encontre de [R] [N].

[R] [N], qui avait 6 ans et 9 mois d’ancienneté à la date de la rupture, a droit à une indemnité compensatrice de préavis de deux mois, en application de l’article 15 de la convention collective Syntec, d’un montant de 3.342,08€ bruts correspondant à la rémunération qu’il aurait perçue s’il avait continué à travailler sur la base d’un temps complet outre les congés payés y afférents pour 334,20 € bruts.

Il a également droit à l’indemnité conventionnelle de licenciement de l’article 5 de l’accord d’entreprise du 15 janvier 1999 qui prévoit l’allocation, après cinq ans d’ancienneté, d’un demi mois de salaire par année d’ancienneté avec un maximum de douze mois soit la somme de 5.639,76 € (1.671,04 € bruts (salaire moyen à temps complet sur 12 mois) x 50% x 6 ans et 9 mois).

S’agissant du préjudice résultant de la perte de l’emploi, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée (1.671,04 € bruts), de l’âge de l’intéressé (52 ans), de son ancienneté dans l’entreprise (6 ans et 11 mois en incluant le préavis) et de l’absence d’information sur sa situation professionnelle actuelle, la société [Localité 3] sera condamnée à lui verser la somme de 10.100 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa version antérieure à l’ordonnance du 22 septembre 2017.

Lorsque le licenciement est indemnisé en application des articles L.1235-3 du code du travail, comme c’est le cas en l’espèce, la juridiction ordonne d’office, même en l’absence de Pôle emploi à l’audience et sur le fondement des dispositions de l’article L.1235-4 du même code, le remboursement par l’employeur de toute ou partie des indemnités de chômage payées au salarié par les organismes concernés, du jour du licenciement au jour du jugement, et ce dans la limite de six mois. En l’espèce au vu des circonstances de la cause il convient de condamner l’employeur à rembourser les indemnités à concurrence de 6 mois.

Sur la demande au titre de l’exécution déloyale du contrat :

[R] [N] conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande de dommages-intérêts d’un montant de 10.000 € pour exécution déloyale du contrat.

La société [Localité 3] Events conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

L’employeur, durant plus de 6 années, a méconnu les règles relatives au contrat à durée déterminée d’usage et au contrat de mission en confiant à [R] [N] un emploi non temporaire par nature permettant à l’entreprise de faire face à ses besoins structurels de main d’oeuvre et contraignant ce dernier à rester constamment à sa disposition entre deux contrats.

Ce faisant, la société [Localité 3] Events a manqué à son devoir de loyauté envers [R] [N] ce qui a causé à ce dernier un préjudice distinct de celui né de la perte d’emploi puisqu’il a été maintenu, sans raison objective, dans un statut de salarié précaire pendant plus de 6 ans.

Ce manquement justifie l’allocation d’une indemnité de 2.000 € à titre de dommages-intérêts et le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la demande de rappel de salaire au titre de la prime de 13ème mois :

[R] [N] conteste la prescription opposée par les premiers juges à sa demande de rappel de salaire au titre de la prime de 13ème mois et demande à la cour de condamner in solidum la société [Localité 3] Events et la société Proman 045 à lui payer, à titre principal, la somme de 7.798,17 € bruts outre les congés payés y afférents pour la période de septembre 2010 au 20 juin 2017 et, à titre subsidiaire, la somme de 4.677,02 € bruts outre les congés payés y afférents pour la période du 1er juin 2014 au 20 juin 2017.

La société [Localité 3] Events oppose la prescription de la demande pour la période antérieure au 20 juin 2014 et conteste le bien fondé de la demande pour la période non atteinte par la prescription.

La société Proman 045 conteste être redevable de la prime de 13ème dont le défaut de paiement est, selon elle, imputable à l’entreprise utilisatrice.

A) Sur la prescription :

Il a été vu dans les motifs qui précèdent que l’appelant est recevable à solliciter le paiement de rappel de salaire pour la période comprise entre le 20 juin 2014 et le 20 juin 2017, les primes de 13ème mois antérieures au 20 juin 2014 étant en revanche irrecevables comme prescrites.

B) Sur le fond :

La société [Localité 3] Events ne démontrant pas avoir payé à [R] [N], qui le conteste, la prime de 13ème mois prévue par l’article 8 du chapitre 3 de l’accord collectif d’entreprise du 15 janvier 1999, elle sera condamnée à lui payer la somme de 4.455,89 € bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 20 juin 2014 au 10 avril 2017 (soit pour la période où elle était l’employeur) ainsi que les congés payés y afférents d’un montant de 445,58 € bruts.

Le salarié de l’entreprise temporaire ne pouvant avoir une rémunération inférieure à celle qu’il aurait perçue s’il avait été salarié au même poste au sein de l’entreprise utilisatrice, la société Proman 045, qui ne démontre pas s’être acquittée du paiement de la prime de 13ème mois due pendant les contrats de mission du 11 avril 2017 au 20 juin 2017 alors que cette obligation lui incombait en sa qualité d’employeur sauf à engager une action en responsabilité contre l’entreprise utilisatrice, sera condamnée à payer à [R] [N] ladite prime au prorata temporis des heures effectivement travaillées sur la période ainsi que les congés payés y afférents.

Sur les autres demandes :

Les créances de nature salariale produisent des intérêts au taux légal à compter du jour où l’employeur a eu connaissance de la demande (soit à compter de la date de réception de sa convocation devant le bureau de conciliation), et les sommes à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt.

Il sera fait droit à la demande de remise des documents sociaux et de régularisation de la situation du salarié auprès des organismes sociaux, sans que l’astreinte soit nécessaire.

Les sociétés [Localité 3] Events et Proman 045 qui succombent en tout ou partie, seront condamnées in solidum aux entiers dépens de première instance et d’appel et à payer à [R] [N] la somme de 2.500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés en première instance et en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement ;

Infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;

Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action en paiement des rappels de salaire pour les créances salariales (périodes interstitielles et primes de 13ème mois) postérieures au 20 juin 2014, les créances antérieures à cette date étant en revanche prescrites ;

Requalifie les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 9 septembre 2010 à l’encontre de la société [Localité 3] Events ;

Dit que [R] [N] s’est tenu à la disposition permanente de la société [Localité 3] Events entre deux contrats ;

Dit que la société [Localité 3] Events a engagé sa responsabilité envers [R] [N] pour manquements à l’obligation de loyauté ;

Condamne par conséquent la société [Localité 3] Events à payer à [R] [N] les sommes suivantes :

> 28.225,15 € bruts à titre de rappel de salaire du 20 juin 2014 au 20 juin 2017 pour les périodes interstitielles,

> 2.822,51 € bruts au titre des congés payés y afférents,

> 1.671,04 € au titre de l’indemnité de requalification,

> 3.342,08€ € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

> 334,20 € bruts au titre des congés payés y afférents,

> 5.639,76 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

> 10.100 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

> 2.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat,

> 4.455,89 € bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 20 juin 2014 au 10 avril 2017 au titre des primes de 13ème mois,

> 445,58 € bruts au titre des congés payés y afférents,

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l’employeur a eu connaissance de leur demande et les sommes à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt ;

Ordonne à la société [Localité 3] Events dans les deux mois suivant la signification du présent arrêt de remettre à [R] [N] une attestation Pôle Emploi et un bulletin de salaire rectificatif conformes au présent arrêt et de régulariser la situation du salarié auprès des organismes sociaux ;

Condamne la société Proman 045 à payer à [R] [N] les primes de 13ème mois dues pour la période du 11 avril 2017 au 20 juin 2017 au prorata temporis des heures effectivement travaillées avec intérêts au taux légal à compter du jour où l’employeur a eu connaissance de cette demande ;

Déboute [R] [N] de ses autres demandes, du surplus de ses prétentions et de ses demandes d’astreinte ;

Ordonne le remboursement par la société [Localité 3] Events au Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à [R] [N] du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de 6 mois ;

Dit que le greffe adressera à la direction générale de Pôle Emploi une copie certifiée conforme de l’arrêt, en application de l’article R.1235-2 du code du travail;

Condamne in solidum les sociétés [Localité 3] Events et Proman 045 aux entiers dépens de première instance et d’appel et à payer à [R] [N] la somme de 2.500 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d’appel.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

Pour le président, empêché

C. CHICLET

 


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