Convention collective de la production audiovisuelle : 24 octobre 2017 Cour d’appel de Paris RG n° 16/00734
Convention collective de la production audiovisuelle : 24 octobre 2017 Cour d’appel de Paris RG n° 16/00734

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRÊT DU 24 Octobre 2017

(n°597, 09 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 16/00734

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Novembre 2015 par le Conseil de prud’hommes – Formation de départage de PARIS RG n° 13/08859

APPELANT

Monsieur [Y] [B]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne,

assisté de Me Joyce KTORZA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0053 substitué par Me Caroline TUONG, avocat au barreau de PARIS, toque : B53

INTIMEE

SA FRANCE TELEVISIONS

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Eric MANCA de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0438 substitué par Me Zoé RIVAL, avocat au barreau de PARIS

PARTIE INTERVENANTE :

SYNDICAT NATIONAL DE RADIODIFFUSION ET TELEVISION DU GROUPE FRANCE TELEVISON (SNRT-CGT)

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par M. Christian FRUCHARD, Délégué syndical, muni d’un pouvoir assisté de Me Joyce KTORZA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0053 substituée par Me Caroline TUONG, avocat au barreau de PARIS, toque : B53,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Septembre 2017, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère faisant fonction de Présidente

Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Valérie LETOURNEUR, lors des débats

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

– signé par Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Madame Valérie LETOURNEUR, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******

Monsieur [Y] [B] s’est vu délivrer des bulletins de paie et des contrats de travail à durée déterminée à compter du 4 mai 1998 par la société FRANCE 3, son employeur devenant la société FRANCE TELEVISIONS à compter du mois de mars 2009 à la suite de la loi n°2009-258 du 5 mars 2009 ayant conduit à la fusion absorption des cinq sociétés de l’audiovisuel public,

Le dernier bulletin de salaire vise un salaire journalier d’un montant de 161,75 euros au titre d’un contrat à durée déterminée d’usage , le salarié relevant de la classification 1010 intermittents groupe 1, en qualité de chef opérateur du son.

Monsieur [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 19 juin 2013 d’une demande visant à voir requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 4 mai1998.

Saisi le 12 juin 2013, le conseil de prud’hommes de Paris a, par jugement rendu le 30 novembre 2015, requalifié la relation contractuelle entre Monsieur [B] et la société FRANCE TELEVISIONS en contrat à durée indéterminée à temps partiel depuis le 4 mai 1998 et condamné la société FRANCE TELEVISIONS à payer à Monsieur [B] les sommes suivantes :

– 15’000 € à titre d’indemnité de requalification,

– 4652 € à titre de prime d’ancienneté,

– 5528 € à titre de prime de fin d’année,

– 562 € au titre des mesures FTV

– 577 € à titre du supplément familial

– 3912 € à titre d’indemnité de préavis et 391,20 euros au titre des congés payés afférents,

– 18’586 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 16’000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 2000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

La société FRANCE TELEVISIONS étant également condamnée à payer au syndicat national de radiodiffusion et de télévision du groupe France télévision SNRT CGT la somme de 1000 € à titre de dommages-intérêts ainsi qu’une indemnité de 1000 €sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, les parties étant déboutées de leurs autres demandes,

Monsieur [B] a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe social de la cour du 12 janvier 2016,

Par conclusions visées au greffe le 12 septembre 2017 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Monsieur [B] demande la confirmation du jugement en ce qu’il a requalifié la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 4 mai 1998, dit la rupture de la relation contractuelle constitutive d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société FRANCE TELEVISIONS à lui régler les sommes de 15’000 € au titre de l’indemnité de requalification et 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, son infirmation pour le surplus et en conséquence :

la requalification en contrat de travail à durée indéterminé à temps complet de la relation de travail depuis le 4 mai 1998, et

à titre principal

la fixation de sa rémunération mensuelle de référence au montant de 3645 €

et la condamnation de la société FRANCE TELEVISIONS à lui régler les sommes suivantes :

– 138’965 € à titre de rappel de salaire et 13’896 € au titre des congés payés afférents,

– 10’935 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 1093 € au titre des congés payés afférents,

– 51’941 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

à titre subsidiaire

la fixation de sa rémunération mensuelle de référence au montant de 3545 € et la condamnation de La société FRANCE TELEVISIONS à lui régler les sommes suivantes:

– 132’165 € à titre de rappel de salaire et 13’216 € au titre des congés payés afférents,

– 10’635 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 1063 €au titre des congés payés afférents,

– 50’516 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

à titre très subsidiaire

la fixation de sa rémunération mensuelle de référence au montant de 1802 € et la condamnation de La société FRANCE TELEVISIONS à lui régler les sommes suivantes:

– 15’379 € à titre de rappel de salaire et 1537 €au titre des congés payés afférents,

– 5406 €au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 540 €au titre des congés payés afférents,

– 25’678 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement

en tout état de cause, la condamnation de La société FRANCE TELEVISIONS à lui régler les sommes suivantes :

– 12’922 € au titre du rappel de la prime d’ancienneté et 1292 €au titre des congés payés afférents,

– 9382 €au titre de la prime de fin d’année,

– 1560 € au titre des mesures FTV,

– 1602 €au titre du supplément familial,

– 125’000 €au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle sérieuse,

– 7000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées au greffe le 12 septembre 2017 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, la société FRANCE TELEVISIONS demande la confirmation du jugement en ce qu’il a rejeté la demande tendant à la requalification des relations de travail en un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein et rejeté les demandes afférentes, son infirmation en ce qu’il a fixé à 15’000 € le montant de l’indemnité de requalification et à titre principal la voir fixer au montant de 1511,23 euros et à titre subsidiaire au montant de 2760,93 euros.

La société FRANCE TELEVISIONS soulève la prescription des demandes de rappel de salaire pour la période antérieure au 8 janvier 2011 et sollicite de voir fixer le salaire mensuel brut de base de Monsieur [B] à 2190,80 euros pour les années 2011 et 2012 et 2760,83 euros pour l’année 2013.

La société FRANCE TELEVISIONS demande de dire irrecevable l’action du syndicat national de radiodiffusion et de télévision du groupe France télévision SNRT CGT et de le débouter de l’intégralité de ses demandes.

Par conclusions visées au greffe le 12 septembre 2007 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, le syndicat national de radiodiffusion et de télévision du groupe France télévision SNRT CGT demande la confirmation du jugement ce qu’il a condamné la société FRANCE TELEVISIONS à lui régler la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, son infirmation pour le surplus et la condamnation de la société FRANCE TELEVISIONS à lui régler les sommes suivantes :

– 10’000 € à titre de dommages-intérêts

– 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel

MOTIFS

– sur la recevabilité de l’action du SNJ-CGT

L’article L. 2132-3 du code du travail dispose que les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.

A cet égard, la violation des dispositions relatives tant au contrat de travail temporaire qu’au contrat de travail à durée déterminée est de nature à porter préjudice à l’intérêt collectif de la profession ;

Cette fin de non recevoir est donc écartée.

– sur les prescriptions

Il est ici rappelé que depuis la publication de la loi 2013-504 du 14 juin 2013, les délais de prescription des actions sont fixés à deux ans au lieu de cinq ans auparavant, en cas de litiges relatifs à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail engagés après le 16 juin 2013 et à trois ans, contre cinq ans auparavant, pour les demandes visant à obtenir le rappel des salaires engagées après le 16 juin 2013.

Cependant, aux termes de l’article 21 de la loi, lorsqu’une instance a été introduite avant la promulgation de celle ci, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne, soit en l’espèce la loi n°2008-561 du 17 juin 2008.

Le point de départ de la prescription de l’action en requalification étant le terme du dernier contrat à durée déterminée , soit, en l’espèce, le 8 janvier 2014 et l’action en requalification et en paiement de l’indemnité de requalification ayant en l’espèce été introduite par Monsieur [B] le 12 juin 2013 , la prescription extinctive ne pouvait être acquise en vertu du texte susvisé lors de la saisine du conseil de Prud’hommes.

L’instance prud’homale ayant été introduite le 12 juin 2013, l’action en paiement des créances salariales reste quant à elle recevable pour la période sollicitée soit de juillet 2008 à janvier 2014.

– sur la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée

Monsieur [B] sollicite la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée depuis le 4 juin 1998 jusqu’au 8 janvier 2014, tant au regard des dispositions communautaires qu’internes.

Il fait valoir que la succession de contrats à durée déterminée d’usage sans motif objectif n’est pas conforme à la directive européenne 1999/70/CE du 28 juin 1999, que La société FRANCE TELEVISIONS a eu recours à de tels contrats afin de pourvoir des postes permanents, pour satisfaire un besoin structurel de main d’oeuvre, que la nature de ses fonctions de chef opérateur du son affecté aux journaux télévisés et magazines d’information de même que leurs modalités d’ exécution au sein de l’entreprise par le biais d’une collaboration continue tout au long de l’année et durant 15 ans atteste de la permanence de son emploi.

La société FRANCE TELEVISIONS fait état de ce que son activité fait partie de celles pour lesquelles la loi autorise expressément le recours aux contrats à durée déterminée et qu’il est d’usage constant dans la profession de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée comme mentionné dans l’accord national professionnel interbranche du 12 octobre 1998 ou les conventions collectives du secteur de l’audiovisuel; que ces accords constituent la raison objective visée par l’accord cadre européen sur le travail à durée déterminée du 18 mars 1999 mis en oeuvre par la directive susvisée.

S’il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, dans sa rédaction alors applicable, L. 1245-1 et D. 1242-1 du code du travail, que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive n° 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

La détermination par accord collectif de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée d’usage ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l’existence de ces raisons objectives.

Par ailleurs, même lorsqu’il est conclu dans le cadre de l’un des secteurs d’activité visés par les articles L1242-2.3° et D1242-1 du Code du travail, le contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir d’autre objet que de pourvoir un emploi présentant par nature un caractère temporaire.

En l’espèce, il sera relevé à titre liminaire et sur la base de la production par l’employeur des contrats de travail et par Monsieur [B] de ses bulletins de salaire, que la société FRANCE TELEVISIONS n’a pas communiqué aux débats, malgré les fiches de paie attestant d’un emploi pendant ces périodes, les contrats de travail afférents aux années 1998 , 2000 et 2008 non plus que ceux afférents à certaines périodes d’emploi (1999: 4 au 9 janvier, 18 au 21 janvier, 8 au 10 février, 1er mars 5 mars, juillet 16 juillet, neuf aux 13, 18 au 22 août, 23 au 27 août, 31 août, 6 septembre, 18 au 21 octobre, 26 au 28 octobre, 16 au 20 novembre, 3 au 5 décembre/ 2001 : 11 février, 30,31 mars, 1er, 3 au 6 avril/ 2002 : 3 mars, 17 au 21 juillet/ 2004 : 1er au 2 juin/ 2009 : 10 juillet/ 2010 :14 février, 27 avril, 2 au 5 août/2012: 10 février, 4 mai, 29 décembre/ 2013. 28 août;

Cette observation étant faite, il ressort des pièces produites et notamment des contrats et des fiches de paie dès lors produits à la cour que Monsieur [B] a participé pendant près de 15 années, dans le cadre de plusieurs dizaines de contrats à durée déterminée, à la fabrication des éditions régionales de journaux télévisés et de magazines d’information , ce en qualité de chef opérateur du son , sans être spécialement affecté de façon ponctuelle à des émissions particulières.

Il est patent que les besoins en chef opérateur du son affectés à la fabrication des journaux télévisés et magazines d’information sont constants et prévisibles dès lors qu’il s’agit d’une activité pérenne, invariable, ayant lieu 365 jours par an à raison de plusieurs éditions journalières.

Dans ces conditions, le caractère intermittent de l’activité du salarié n’est nullement inhérent à l’emploi de chef opérateur du son, nécessaire à la production d’émissions de la chaîne tout au long de l’année, les pièces produites justifiant également de ce que Monsieur [B] n’était pas le seul chef opérateur du son auquel la société FRANCE TELEVISIONS a eu recours en contrat à durée déterminée ce qui témoigne d’un besoin structurel permanent d’une telle main d’oeuvre au titre d’emplois figurant , sans contestation de ce point par l’intimée, parmi ceux devant être couverts au surplus, désormais par un contrat à durée indéterminée dans le cadre de l’accord d’entreprise du 28 mai 2013.

En l’absence de la justification de facteurs objectifs tenant aux particularités de l’activité concernée et aux conditions de son exercice, de même que du caractère par nature temporaire des fonctions exercées, et étant par ailleurs relevé que le recours au contrat à durée déterminée d’usage ne dispense pas l’employeur d’établir des contrats écrits lesquels ne sont pas tous ici justifiés, il y a lieu de confirmer le jugement du conseil de Prud’hommes en ce qu’il a requalifié la relation contractuelle en un seul contrat à durée indéterminée depuis le 4 mai 1998.

– sur l’indemnité de requalification

Selon l’article L.1245-2 du code du travail, lorsque le tribunal fait droit à la demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit être accordé au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

En l’espèce, compte tenu de la durée des relations contractuelles, de la situation de précarité vécue par Monsieur [B] en l’absence de prévisibilité de revenus réguliers et du défaut de divers avantages sociaux et tandis qu’un rapport d’expertise sur les conditions de travail et la santé des chefs opérateurs prise de son- reportage du 19 décembre 2014 du CHSCT cible l’impact sur la vie personnelle de leur situation de précarité, il y a lieu de fixer l’indemnité de précarité à la somme de 5000 euros.

– sur la requalification en contrat de travail à temps plein

Il est rappelé que la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail.

Dès lors , en cas de requalification de plusieurs contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, le salarié ne peut prétendre au paiement de rappels de salaire pour les périodes intermédiaires séparant deux contrats qu’à la condition de justifier qu’il se trouvait alors à la disposition de l’employeur.

En l’espèce, le salarié justifie, par les pièces par lui produites( contrats, bulletins de paie, mails, déclarations de revenus), qu’hormis une période de six mois début 2004, il a travaillé durant chacun des mois des années 1998 à 2014 , ses jours de travail étant peu espacés dans le temps, la cour observant que le rythme de succession des contrats, leur caractère inopiné et l’absence de prévisibilité de leurs dates l’obligeaient à se tenir en permanence à la disposition de la société , celle ci lui faisant part téléphoniquement à dates variables de ses missions sans hésiter à en modifier les modalités juste avant l’embauche ce qui ne lui permettait aucune organisation.

De ce fait, Monsieur [B] justifie de la faiblesse de la part des revenus qu’il a pu percevoir par ailleurs pendant la période susvisée ( moyenne de 7%) , cette part variant de 1% à 4% au cours des années 2009, 2010, 2011 et 2013.

La justification est donc en l’espèce apportée par le salarié de ce qu’il s’est trouvé à la disposition de l’employeur pendant les périodes intermédiaires.

Etant observé par ailleurs que s’agissant des périodes travaillées, la présomption d’un emploi à temps complet se déduit ici et par application de l’article L 3123-14 du code du travail, du défaut de production par l’employeur de certains contrats écrits dont le premier en date du 4 mai 1998 , du défaut de mentions portant sur la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois dans d’autres, que cette présomption ne se trouve pas renversée par la société FRANCE TELEVISIONS en l’absence de sa démonstration de ce que Monsieur [B] n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition, il doit être fait droit à la demande de requalification de l’entière relation de travail à temps plein.

– sur les demandes salariales

La requalification de la relation contractuelle qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l’entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s’il avait été recruté depuis l’origine dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée de sorte que son salaire n’est pas celui qu’il percevait en qualité de salarié engagé par un contrat de travail à durée déterminée mais celui qu’il aurait perçu s’il avait été engagé par un contrat de travail à durée indéterminée.

Monsieur [B] revendique une rémunération mensuelle de base d’un montant de 3301 euros et produit à cet égard les avenants au contrat de travail à durée indéterminée de trois chefs opérateurs du son en date des 8 août 2014 et 24 juin 2015 ainsi qu’ un bulletin de salaire d’un chef opérateur au 30 septembre 2015.

Il convient cependant d’observer que les salaires ainsi visés le sont ponctuellement, au titre de mois des 2014 et 2015 à la date desquels Monsieur [B] ne travaillait plus pour la société FRANCE TELEVISIONS, qu’ils ne sauraient donc être retenus au titre d’une reconstitution d’une rémunération relative à la période s’étendant de juillet 2008 à janvier 2014, aucun élément n’étant donné sur le montant des salaires perçus par des salariés de même ancienneté et qualification que Monsieur [B] sur cette période.

Dans le cadre de sa demande subsidiaire, Monsieur [B] sollicite un repositionnement au niveau de placement 18 au 1er janvier 2013 et un salaire de base mensuel retenu à hauteur de 3201 euros.

Il se déduit des pièces conventionnelles produites que Monsieur [B] qui relevait du groupe 4 ( techniciens supérieurs) aurait été repositionné à compter du 1er janvier 2013 au sein du groupe S5 compte tenu de l’accord collectif d’entreprise France Televisions du 28 mai 2013.

Cependant compte tenu des seuls éléments communiqués à la cour relatifs à sa reconstitution de carrière depuis 1998 en application des textes conventionnels, le cour retiendra ici le premier niveau de placement visé dans le groupe 5 spécialisé soit un niveau 12 ce qui conduira à retenir un salaire mensuel brut de base à cette date au montant de 2760,83 euros.

A partir de cet élément et des dispositions conventionnelles relatives aux rémunérations, le salaire mensuel brut de base de Monsieur [B] a lieu d’être retenu aux montants de 2113,46 euros pour les années 2008 et 2009 et 2190,80 euros pour les années 2010 à 2012 soit une somme totale pour la période considérée de 72 918,87 euros outre congés payés afférents de 7291 euros, ce, déduction faite des salaires de base par lui perçus.

S’agissant de la prime d’ancienneté , l’article V.4-4 de la convention collective de la communication et de la productions audiovisuelle prévoit une prime d’ancienneté proportionnelle au salaire de référence du groupe de qualification du salarié d’une part, et au nombre d’année d’ancienneté d’autre part dont le taux est fixé par année d’ancienneté à 0,8% jusqu’à 20 ans puis 0,5% de 21 à 30 ans sans pouvoir excéder 21% du salaire de référence, l’accord d’entreprise postérieur retenant pour sa part 0.8% du salaire minimal garanti du groupe de classification 6 (Cadre 2) par année d’ancienneté entreprise jusqu’à 20 ans, puis 0.5% par année de 21 à 36 années.

Ces éléments conduiront à faire droit à la demande de Monsieur [B] chiffrée à la somme de 12 922 euros outre congés payés afférents.

S’agissant de la prime de fin d’année, le salarié produit sans être démenti un document interne visant les règles de calcul des primes de fin d’année arrêté à l’année 2002, La société FRANCE TELEVISIONS visant le principe de ce complément salariale jusqu’en 2006 ( sa pièce 24).

Aucun justificatif n’étant produit relativement au versement d’une telle prime pour les années 2008 à 2014, la demande de ce chef doit être écartée.

Des mesures salariales générales désignées FTV sont pour leur part justifiées pour le moins à compter de 2009 ce qui conduira à allouer à Monsieur [B] la somme de 1560 euros de ce chef dans les termes sollicités.

La justification étant enfin apportée de ce que Monsieur [B] a un enfant à charge, il convient de faire droit à sa demande de rappel de supplément familial à hauteur de 1602 euros.

– sur la rupture

Le conseil de Prud’hommes a lieu d’âtre suivi en ce qu’il a retenu qu’en cessant de fournir du travail à Monsieur [B] à compter du 8 janvier 2014, La société FRANCE TELEVISIONS a pris l’initiative de rompre le contrat de travail sans pour autant en respecter de procédure ou en justifier d’un fondement.

En application des dispositions de l’article IX.8 de la convention collective de la communication et de la production audiovisuelles, l’indemnité compensatrice de préavis sera fixée à la somme de 8966,08 euros outre congés payés afférents, étant tenu compte du supplément familial et de la prime d’ancienneté.

L’indemnité conventionnelle de licenciement sera retenue à la somme de 42588,83 euros sur la base de l’article IX.6 de la même convention.

Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salariée , de son âge, de son ancienneté, de son retour à l’emploi dans des conditions précaires après une reconversion et dans un secteur professionnel distinct et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, il lui sera alloué une somme de 20’000 € à titre de dommages-intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application de l’article L 1235-4 du code du travail, l’employeur sera tenu de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées au salarié licencié dans la limite d’un mois d’indemnités de chômage.

Il est rappelé que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’intimée de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes soit le 21 juin 2013 et que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

– sur les demandes du syndicat national de radiodiffusion et de télévision du groupe France télévision SNRT CGT

Le jugement du conseil de Prud’hommes, dont les motifs pertinents sont ici adoptés, a lieu d’être confirmé en ce qu’il a condamné la société FRANCE TELEVISIONS à payer au syndicat la somme de 1000 euros compte tenu de la dimension collective du litige et du préjudice s’en déduisant.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement entrepris excepté en ce qu’il a requalifié la relation contractuelle depuis le 4 mai 1998 en contrat à durée indéterminée et s’agissant des condamnations en paiement prononcées au bénéfice du syndicat national de radiodiffusion et de télévision du groupe France télévision SNRT CGT ainsi que sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette les fins de non recevoir,

Requalifie les contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein,

Condamne la société FRANCE TELEVISIONS à payer à Monsieur [B] les sommes suivantes :

– 72918,87 euros à titre de rappel de salaire et 7291 euros au titre des congés payés afférents,

– 8966,08 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 896 euros au titre des congés payés afférents,

– 42588,83 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 12922 euros au titre du rappel de la prime d’ancienneté et 1292 euros au titre des congés payés afférents,

– 1560 euros au titre des mesures FTV,

– 1602 euros au titre du supplément familial,

– 20 000 eurs à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Ordonne le remboursement par La société FRANCE TELEVISIONS à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à la suite du licenciement de Monsieur [B], dans la limite d’un mois et dit qu’une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée par le greffe par lettre simple à la direction générale de Pôle emploi conformément aux dispositions de l’article R. 1235-2 du code du travail,

Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2013 et que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne La société FRANCE TELEVISIONS à payer à Monsieur [B] et au syndicat national de radiodiffusion et de télévision du groupe France télévision SNRT CGT en cause d’appel les sommes respectives de 1500 euros et de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes des parties,

Condamne La société FRANCE TELEVISIONS aux dépens.

LE GREFFIER LA CONSEILLÈRE FAISANT

FONCTION DE PRÉSIDENT

 


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