Convention collective de la production audiovisuelle : 22 janvier 2020 Cour de cassation Pourvoi n° 17-18.177
Convention collective de la production audiovisuelle : 22 janvier 2020 Cour de cassation Pourvoi n° 17-18.177

CIV. 1

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 janvier 2020

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 47 FS-P+B+R+I

Pourvoi n° J 17-18.177

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 JANVIER 2020

1°/ la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes de la musique et de la danse, société civile à capital variable, dont le siège est […],

2°/ M. L… F… Q…, domicilié […],

3°/ M. X… A…, domicilié […], Etat de Californie (États-unis),

ont formé le pourvoi n° J 17-18.177 contre l’arrêt rendu le 10 mars 2017 par la cour d’appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige les opposant à l’Institut national de l’audiovisuel, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est […], défendeur à la cassation.

Intervenants volontaires :

1°/ Le Syndicat indépendant des artistes-interprètes (SIA-UNSA), dont le siège social est […],

2°/ Le Syndicat français des artistes-interprètes (CGT), dont le siège est […].

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes de la musique et de la danse et de MM. F… Q… et A…, de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de l’Institut national de l’audiovisuel, l’avis de Mme Legohérel, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 10 décembre 2019 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mmes Duval-Arnould, Teiller, MM. Betoulle, Avel, Mornet, conseillers, Mme Canas, M. Vitse, Mmes Dazzan, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Legohérel, avocat général référendaire, et Mme Randouin, greffier de chambre.

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 10 mars 2017), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 14 octobre 2015, pourvoi n° 14-19.917, Bull. 2015, I, n° 244), reprochant à l’Institut national de l’audiovisuel (INA) de commercialiser sur son site Internet, sans leur autorisation, des vidéogrammes et un phonogramme reproduisant les prestations de B… S…, dit X… Q…, batteur de jazz décédé le 26 janvier 1985, MM. A… et F… Q…, ses ayants droit, l’ont assigné pour obtenir réparation de l’atteinte ainsi prétendument portée aux droits d’artiste-interprète dont ils sont titulaires, en invoquant l’article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle, aux termes duquel sont soumises à l’autorisation écrite de l’artiste-interprète la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public, ainsi que toute utilisation séparée du son et de l’image de la prestation lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour le son et l’image.

2. Devant la cour d’appel de renvoi, la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes de la musique et de la danse (Spedidam) est intervenue volontairement, tant à l’appui des prétentions de MM. A… et F… Q…, qu’à titre principal en sollicitant la condamnation de l’INA à lui payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice collectif subi par la profession d’artiste-interprète.

3. Par arrêt du 11 juillet 2018 (1re Civ., pourvoi n° 17-18.177, publié), la Cour a rejeté le premier moyen du pourvoi dirigé contre le chef de l’arrêt déclarant irrecevable l’intervention de la Spedidam et saisi la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle portant sur l’interprétation des articles 2, sous b), 3, § 2, sous a), et 5 de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, au regard de l’article 49, II, de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, modifiée par l’article 44 de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006, instaurant, au profit de l’INA, un régime dérogatoire pour l’exploitation des prestations des artistes-interprètes constituant son fonds.

Examen du moyen

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. MM. A… et F… Q… font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes, alors :

« 1°/ que l’article 2, sous b), et l’article 3, § 2, de la directive 2001/29/CE disposent respectivement que les Etats membres attribuent aux artistes-interprètes le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte des fixations de leurs exécutions par quelque moyen que ce soit et sous quelque forme que ce soit ainsi que le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la communication au public de ces fixations ; que sous réserve des exceptions et limitations prévues de façon exhaustive à l’article 5 de la directive, toute utilisation de la fixation d’une interprétation effectuée par un tiers sans le consentement préalable de l’artiste-interprète doit être regardée comme portant atteinte à ses droits ; qu’aux termes de l’article 49, II, de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans sa rédaction issue de l’article 44 de la loi du 1er août 2006, l’institut exerce les droits d’exploitation mentionnés au présent paragraphe dans le respect des droits moraux et patrimoniaux des titulaires de droits d’auteurs ou de droits voisins du droit d’auteur et de leurs ayants droit. Toutefois, par dérogation aux articles L. 212-3 et L. 212-4 du code de la propriété intellectuelle, les conditions d’exploitation des prestations des artistes-interprètes des archives mentionnées au présent article et les rémunérations auxquelles cette exploitation donne lieu sont régies par des accords conclus entre les artistes-interprètes eux-mêmes ou les organisations de salariés représentatives des artistes-interprètes eux-mêmes et l’institut. Ces accords doivent notamment préciser le barème des rémunérations et les modalités de versement de ces rémunérations » ; que, si l’applicabilité du régime dérogatoire institué au profit de l’INA n’est pas subordonnée à la preuve de l’autorisation par l’artiste-interprète de la première exploitation de sa prestation, les dispositions en cause n’instaurent aucune présomption simple d’autorisation préalable de l’artiste-interprète à l’exploitation par l’INA des archives qui contiennent son interprétation ; qu’en affirmant le contraire pour dispenser l’INA de rapporter la preuve de ce consentement et ainsi débouter les héritiers de X… Q… de leurs demandes de dommages-intérêts, la cour d’appel a violé l’article 49, II, de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans sa rédaction issue de l’article 44 de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 et les articles 2, 3, 5 de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information ;

2°/ que l’article 2, sous b), et l’article 3, § 2, de la directive 2001/29/CE disposent respectivement que les Etats membres attribuent aux artistes-interprètes le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte des fixations de leurs exécutions par quelque moyen que ce soit et sous quelque forme que ce soit ainsi que le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la communication au public de ces fixations ; que, sous réserve des exceptions et limitations prévues de façon exhaustive à l’article 5 de la directive 2001/29, toute utilisation de la fixation d’une interprétation effectuée par un tiers sans le consentement préalable de l’artiste-interprète doit être regardée comme portant atteinte à ses droits ; que, si les dispositions des articles 2, sous b), et 3, § 2, de la directive 2001/29/CE permettent la prise en compte d’un consentement exprimé de manière implicite et non seulement par écrit, l’objectif de protection élevé des artistes-interprètes auquel se réfère le considérant 9 de la directive implique que les conditions dans lesquelles une présomption de consentement peut être admise soient strictement définies afin de ne pas priver de portée le principe même du consentement préalable de l’artiste-interprète ; qu’en particulier, tout artiste-interprète doit être effectivement informé de la future utilisation de la fixation de son interprétation par un tiers, des hypothèses dans lesquelles son consentement à cette utilisation peut être présumé ainsi que des moyens mis à sa disposition en vue de l’interdire s’il le souhaite ; qu’en considérant que l’article 49, II, de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans sa rédaction issue de l’article 44 de la loi du 1er août 2006 instituait valablement au bénéfice de l’INA une présomption simple de consentement préalable de l’artiste-interprète à l’exploitation commerciale de la fixation de ses prestations figurant dans les archives de l’institut sans rechercher si les dispositions en cause aménageaient des garanties assurant l’information effective et individualisée des artistes-interprètes sur l’éventualité d’une telle exploitation, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 49, II, de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans sa rédaction issue de l’article 44 de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006, 2, 3, 5 de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information ;

3°/ que, si la mission de conserver et mettre en valeur le patrimoine audiovisuel national assumée par l’INA est d’intérêt général, la poursuite de cet objectif et de cet intérêt ne saurait justifier une dérogation non prévue par le législateur de l’Union à la protection assurée aux artistes-interprètes par la directive 2001/29/CE permettant à l’INA d’exploiter commercialement les supports sur lesquels ont été fixées leurs interprétations ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé l’article 49, II, de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans sa rédaction issue de l’article 44 de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 et les articles 2, 3, 5 de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information. »

Réponse de la Cour

5. Par arrêt du 14 novembre 2019 (affaire C-484/18), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que l’article 2, sous b), et l’article 3, § 2, sous a), de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une législation nationale qui établit, en matière d’exploitation d’archives audiovisuelles par une institution désignée à cette fin, une présomption réfragable d’autorisation de l’artiste-interprète à la fixation et à l’exploitation de sa prestation, lorsque cet artiste-interprète participe à l’enregistrement d’une œuvre audiovisuelle aux fins de sa radiodiffusion.

6. L’arrêt attaqué constate que l’INA a une mission particulière donnée par les lois successives de conserver et de mettre en valeur le patrimoine audiovisuel national, qu’il assure la conservation des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme et contribue à leur exploitation, qu’il détient seul les archives de son fonds et qu’il est seul titulaire des droits de leur exploitation. Il ajoute que les vidéogrammes et phonogrammes litigieux sont soumis au régime dérogatoire dont bénéficie l’INA.

7. Il en résulte que l’artiste-interprète X… Q… avait participé à la réalisation de ces œuvres aux fins de leur radiodiffusion par des sociétés nationales de programme et qu’il avait, d’une part, connaissance de l’utilisation envisagée de sa prestation, d’autre part, effectué sa prestation aux fins d’une telle utilisation.

8. Dès lors, c’est à bon droit que la cour d’appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a énoncé qu’en exonérant l’INA de prouver par un écrit l’autorisation donnée par l’artiste-interprète, l’article 49, II, de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, ne supprime pas l’exigence de ce consentement mais instaure une présomption simple d’autorisation qui peut être combattue et ne remet pas en cause le droit exclusif de l’artiste-interprète d’autoriser ou d’interdire la reproduction de sa prestation ainsi que sa communication et sa mise à la disposition du public.

9. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes de la musique et de la danse, et MM. A… et F… Q… aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt.

 


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