Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 11
ARRET DU 21 MARS 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01207 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDCT3
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Septembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F20/01891
APPELANTE
Madame [T] [D]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Laurent DOUCHIN, avocat au barreau de PARIS, toque : G196
INTIMEE
S.A.R.L. TELE MENAGER PARISIEN TMP
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Joachim CELLIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D2191
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Catherine VALANTIN, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [T] [D] [T], née en 1962, a été engagée par la SARL Télé Ménager Parisien (TMP), par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 janvier 2006 avec une reprise d’ancienneté au 1er juillet 2005 en qualité de vendeuse, niveau II, échelon 1.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des commerces et services de l’audiovisuel, de l’électronique et de l’équipement ménager du 26 novembre 1992.
Par lettre datée du 15 février 2020 et reçue par l’employeur le 17 février 2020, Mme [D] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
A la date de la prise d’acte, la salariée avait 14 ans et 7 mois d’ancienneté et la société TMP occupait à titre habituel moins de onze salariés.
Soutenant que la prise d’acte de la rupture doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et réclamant diverses indemnités à ce titre, Mme [D] a saisi le 4 mars 2020 le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 17 septembre 2020, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
– déboute Mme. [D] de l’ensemble de ses demandes,
– déboute la société Télé Ménager Parisien de l’ensemble de ses demandes ;
– condamne Mme [D] aux entiers dépens.
Par déclaration du 18 janvier 2021, Mme [D] a interjeté appel de cette décision, notifiée le 26 décembre 2020.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 avril 2021, Mme [D] demande à la cour de :
– infirmer la décision déférée,
Statuant à nouveau :
– fixer le salaire de référence à la somme de 2039,20 € brut mensuel
– dire et juger la rupture intervenue aux torts de l’employeur et produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– condamner la société TMP à verser à Mme [D]:
. indemnité compensatrice de préavis : article 34-2 CCN 2 mois (x 2 compte tenu de sa qualité de travailleur handicapé dans la limite de 3 mois) = 6 117 € outre 611,70 € à titre de congés payés.
. indemnité légale de licenciement : 8 383,37 €
En considérant que la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse une indemnité limitée à 12 mois : 24 470 €
– condamner la société TMP à remettre à Mme [D] les documents de fin de contrat conformes (attestation pôle emploi) sous astreinte de 50 € par jour et par document.
– intérêts au taux légal sur toutes les condamnations à compter de la date de saisine du conseil de prud’hommes.
– 4 000,00 € au titre de l’article 700 du CPC.
– dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 18 juillet 2021 la société TMP demande à la cour de:
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 17 septembre 2020 en ce qu’il a débouté Mme [D] de l’intégralité de ses demandes;
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 17 septembre 2020 en ce qu’il a débouté la société Télé Ménager Parisien du chef de ses demandes reconventionnelles notamment celle s’agissant de la condamnation de Mme [D] au paiement de la somme de 3795,34 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et celle s’agissant de la condamnation de Mme [D] à lui verser la somme de 2400 € (2000 € hors taxe augmentés de 20% de TVA) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dire et juger que la prise d’acte de Mme [D] en date du 15 février 2020 s’analyse en une démission,
– rejeter toutes les demandes, fins, moyens et conclusions de Mme [D] ,
– débouter Mme [D] de toutes ses demandes du chef de licenciement sans cause réelle ni sérieuse et du chef des condamnations pécuniaires y afférentes à l’encontre de la société Télé Ménager Parisien (TMP),
– déclarer la société Télé Ménager Parisien (TMP) recevable en ses demandes reconventionnelles de condamnation de Mme [D] au paiement de la somme de 3795,34 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de la somme de 2 400 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens au titre de l’article 699 du même code.
En conséquence:
– condamner Mme [D] au paiement à la société Télé Ménager Parisien (TMP) de la somme de 3 795,34 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis .
– condamner Mme [D] au paiement à la société Télé Ménager Parisien (TMP) de la somme de 2 400 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens au titre de l’article 699 du même code.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 janvier 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 2 février 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la rupture du contrat de travail
Pour infirmation du jugement Mme [T] [D] soutient en substance que la société TMP avait des retards permanents de paiement depuis de nombreux mois, et que c’est seulement à l’issue de la pétition signée par plusieurs salariés que l’employeur a effectué six règlements.
Elle affirme qu’au moment de la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail le 15 février 2020, les salaires de décembre et janvier n’étaient pas réglés. Elle expose par ailleurs que son employeur lui a imposé un changement de ses horaires contraire aux restrictions médicales dont elle faisait l’objet du fait de son statut de travailleur handicapé et, face à son refus, une réduction de son temps de travail.
Elle soutient que ces manquements rendaient impossible la poursuite du contrat de travail et que la prise d’acte de la rupture s’analyse en conséquence en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Pour confirmation du jugement, l’employeur réplique que tous les salaires étaient réglés lorsque la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail et que les retards dans leur versement étaient liés à des difficultés économiques dont Mme [D] avait été informée.
S’agissant de la modification des horaires de travail, la société TMP fait valoir qu’elle relève du pouvoir de direction de l’employeur et qu’elle est la conséquence du changement des horaires d’ouverture du magasin. Elle précise avoir tenu compte des préconisations du médecin du travail, en autorisant Mme [D] à quitter le travail plus tôt tout en lui maintenant l’intégralité de son salaire. La société Télé Ménager Parisien (TMP) affirme ainsi que la prise d’acte s’analyse en une démission.
Les manquements par l’employeur à ses obligations, dès lors qu’ils sont suffisamment graves et récents pour empêcher le maintien du contrat de travail, justifient la prise d’acte par le salarié de la rupture de son contrat, aux torts de l’employeur.
Cette rupture s’analyse alors en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le cas échéant en un licenciement nul.
La preuve des manquements reprochés à l’employeur doit être rapportée par le salarié.
A défaut pour le salarié de rapporter cette preuve, la prise d’acte s’analyse en une démission.
En l’espèce Mme [D] a pris acte de la rupture du contrat de travail par courrier du 15 février 2020 au motif que ses salaires n’étaient plus versés ou versés avec retard et que la société Télé Ménager Parisien (TMP) avait changé les horaires du magasin en imposant 1h30 de pause et la fermeture à 19h30, alors qu’elle était contrainte de partir à 19 heures, lui imputant une demi-heure sur ses congés payés.
S’agissant du non paiement ou du retard dans le paiement du salaire, il ressort des pièces versées aux débats qu’à la date de la prise d’acte par la salariée soit le 15 février 2020, les salaires de décembre 2019 et janvier 2020 n’étaient toujours payés, la société Télé Ménager Parisien (TMP) ayant procédé à leur règlement par 2 chèques d’un montant respectif de 1 308,09 euros et 1 561,54 euros adressés à Mme [D] par courrier du 20 février 2020. La salariée établit par ailleurs que depuis 2018, le salaire était systématiquement payé avec retard en plusieurs échéances, et que fin 2019 les retards de paiement se sont aggravés, les salaires des mois d’octobre et novembre 2019 n’ayant été payés que le 11 janvier 2020, 6 salariés dont Mme [T] [D] s’en étant d’ailleurs plaint auprès de leur employeur par courrier du 4 novembre 2019.
Si la société Télé Ménager Parisien (TMP) invoque des difficultés financières qu’elle n’établit néanmoins pas par la production de documents comptables, ces difficultés ne peuvent en tout état de cause justifier que la salariée subisse pendant de nombreux mois d’importants retards de paiement, atteignant dans les derniers temps de la relation contractuelle plus de 2 mois.
Il est encore établi que la société Télé Ménager Parisien (TMP) a modifié les horaires du magasin, fixant l’heure de fin de journée des salariés à 19h30 au lieu de 19 heures et proposant à Mme [D] qui ne pouvait aux termes des restrictions médicales dont elle faisait l’objet, finir après 19 heures, de travailler le jeudi ou de réduire son temps de travail ce que cette dernière n’a pas accepté.
Il ressort du bulletin de paie du mois de janvier 2020, que la société Télé Ménager Parisien (TMP) a alors imputé la demi heure quotidienne de travail que la salariée ne pouvait effectuer entre 19 heures et 19 heures 30 sur ses congés payés lui comptabilisant 1 jour de congé spécifique et réduisant ainsi de fait son temps de travail.
Si la modification des horaires relève du pouvoir de direction de l’employeur, ce dernier ne peut en revanche imposer une réduction du temps de travail à la salariée ce qui constitue une modification du contrat de travail et pas simplement des conditions d’exécution du contrat.
Les manquements ainsi établis présentent un caractère de gravité qui rendait impossible la poursuite du contrat de travail, et par infirmation du jugement, la cour retient que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences financières;
Mme [D] soutient que son salaire de référence des 3 derniers mois est de 2.039,20 € brut, son salaire de novembre 2019 étant de 2.481,16 € et non de 1981,55 € .
Pour sa part, l’employeur affirme que le salaire de référence est de 1.897,67 € sur les 12 derniers mois ou de 1.872,67 € sur les 3 derniers mois .
Il ressort des bulletins de paie versés aux débats que le salaire du mois de novembre 2019 est de 2 481,16 euros et non de 1 981,55 euros comme indiqué à tort dans l’attestation pôle emploi, et que le salaire de référence de la salariée est donc de 2 039,20 euros.
A la date de la rupture Mme [D] comptabilisait 14 ans et 7 mois d’ancienneté.
La société Télé Ménager Parisien (TMP) sera en conséquence condamnée à payer à Mme [D] en application de l’article L 5213-9 du code du travail, du fait de son statut de travailleur handicapé, la somme de 6.117 euros au titre de l’indemnité de préavis outre la somme de 611,70 euros au titre des congés payés afférents, la somme de 8.383,37 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise, en application de l’article L 1235-3 du code du travail, entre 3 et 12 mois de salaire mensuel.
Mme [T] [D] justifie de son refus de prise en charge par pôle emploi à la date du 15 mai 2020.
Il y a, en conséquence lieu d’évaluer son préjudice à la somme de 24.000 euros et de condamner la société Télé Ménager Parisien (TMP) au paiement de cette somme.
La société Télé Ménager Parisien (TMP) sera par ailleurs déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de l’indemnité de préavis.
Sur les autres demandes:
Il y a lieu d’ordonner la remise par la société Télé Ménager Parisien (TMP) à Mme [T] [D] des documents de fin de contrat conformes à la présente décision, dans un délai de 2 mois à compter de sa signification, sans qu’il soit nécessaire de prononcer une astreinte.
Pour faire valoir ses droits en cause d’appel Mme [T] [D] a dû exposer des frais qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge.
La société Télé Ménager Parisien (TMP) sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
INFIRME le jugement, sauf en ce qu’il a débouté la SARL Télé Ménager Parisien (TMP) de sa demande reconventionnelle au titre de l’indemnité de préavis,
Et statuant à nouveau,
DIT que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la SARL Télé Ménager Parisien (TMP) à payer à Mme [T] [D] les sommes de:
– 6.117 euros au titre de l’indemnité de préavis
– 611,70 euros au titre des congés payés afférents,
– 8.383,37 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement
– 24.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
ORDONNE la remise par la SARL Télé Ménager Parisien (TMP) à Mme [T] [D] des documents de fin de contrat conformes à la présente décision, dans un délai de 2 mois à compter de sa signification, sans qu’il soit nécessaire de prononcer une astreinte.
CONDAMNE la SARL Télé Ménager Parisien (TMP) à payer à Mme [T] [D] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du cde de procédure civile.
CONDAMNE la SARL Télé Ménager Parisien (TMP) aux dépens.
La greffière, La présidente.
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