COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
Chambre 4-2
ARRÊT AU FOND
DU 02 SEPTEMBRE 2022
N°2022/183
Rôle N° RG 18/01343 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BB2PA
[A] [G]
C/
Association UNEDIC-AGS CGEA IDF OUEST
SELARL AXYME
SAS CONNECTED WORLD SERVICES FRANCE
Copie exécutoire délivrée
le : 02 septembre 2022
à :
Me Alex BREA, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d’Aix en Provence
(vestiaire 149)
Me Pascale PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
(vestiaire 353)
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AIX-EN-PROVENCE – section E – en date du 29 Décembre 2017, enregistré au répertoire général sous le n° F14/01840.
APPELANTE
Madame [A] [G], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Alex BREA, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES
Association UNEDIC-AGS CGEA IDF OUEST Représentée par sa Directrice nationale Mme [S] [I] ; , demeurant [Adresse 1]
Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d’Aix en Provence
SELARL AXYME en la personne de Maître [N], en qualité de liquidate
ur judiciaire de la SAS CONNECTED WORLD SERVICES, dont le siège social est sis, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Pascal GASTEBOIS, avocat au barreau de Paris, Me Pascale PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Jérôme LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
SAS CONNECTED WORLD SERVICES FRANCE Immatriculée au RCS de PARIS sous le n°408 685 816, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège sis, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Pascal GASTEBOIS, avocat au barreau de Paris, Me Pascale PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Jérôme LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Pascal GASTEBOIS, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 15 Novembre 2021, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Jean Yves MARTORANO, Président de chambre, chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Jean Yves MARTORANO, Président de chambre
Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre suppléante
Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre
Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Janvier 2022, délibéré prorogé au 02 septembre 2022
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 septembre 20222022
Signé par Madame Florence TREGUIER, pour le Président de chambre empêché et Mme Cyrielle GOUNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
La société The Phone House, devenue Connected World Services France S.A.S (CWS), qui développait ses activités dans le secteur de la distribution indépendante de services et produits de téléphonie mobile dans le cadre de partenariats avec les opérateurs historiques de réseau mobile, a embauché Madame [A] [G] le 05 décembre 2007 suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, en qualité de conseiller commercial débutant au magasin d'[Localité 5], avec le statut d’employé niveau II échelon 3 de la convention collective des commerces et services de l’audiovisuel, de l’électronique et de l’équipement ménager.
Par avenant du 16 mars 2012 à effet du 1er avril 2012, Madame [A] [G] a été promue responsable de magasin junior, statut cadre position I, avec application, en exécution de l’accord d’entreprise en vigueur, d’un forfait annuel de 217 jours travaillés ;
au dernier état de la relation contractuelle, elle occupait ce poste pour une rémunération forfaitaire mensuelle brute de base de 2.120 €, outre bonus mensuel, challenges et une prime d’ancienneté de 96,28 €.
La SAS CWS, faisant état de difficultés économiques liées à la transformation concurrentielle du marché du secteur des télécommunications, et soulignant avoir précédemment tenté une nouvelle stratégie intitulée « Phone House 2015″ puis été soumise aux interrogations du comité d’entreprise qui avait mis en oeuvre son droit d’alerte avec désignation d’un expert, a engagé, d’abord le 15 octobre 2012, une procédure d’information/consultation du CHSCT et du comité d’entreprise (CE) sur un projet de réorganisation entraînant un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) incluant des cessions de points de vente et un licenciement collectif pour motif économique visant 246 suppressions de postes, puis en mai 2013, avec l’assistance d’un mandataire ad hoc désigné par le tribunal de commerce, une nouvelle procédure d’information/consultation de la représentation du personnel sur un projet de réorganisation avec PSE visant la cessation définitive des activités de distribution et entraînant un projet de licenciement collectif pour motif économique touchant l’ensemble des postes de la distribution, en magasin, du siège et de la plate-forme ;
ce plan a reçu, les 16 juillet 2013 et 6 septembre 2013, les avis favorables du CHSCT et du CE et a été mis en oeuvre à compter du 7 septembre 2013 avec saisine de l’Autorité administrative concernant les salariés protégés ;
dans le cadre de ce PSE la SAS CWS a adressé à Madame [A] [G] ( en recommandé avec demande d’avis de réception ) les lettres suivantes :
‘ le 26 juin 2013 (AR signé le 04/7/2013) un » questionnaire relatif au reclassement à l’étranger et à la formation « , auquel elle n’a pas répondu,
‘ le 16 septembre 2013 (AR signé le 19/9) deux offres d’emploi ( « Responsable Vente chez Norauto en Provence Alpes Côte d’Azur, rémunération non communiquée par l’entreprise » et « Directeur de Magasin chez Grandvision à [Localité 6] (83), rémunération non communiquée par l’entreprise » ) qu’elle n’a pas relevées ;
‘ le 06 juin 2014 ( AR signé le 10 juin) la notification de son licenciement pour motif économique après vaines recherches de solutions de reclassement ;
par lettre du 12 juin 2014 Madame [A] [G] a adhéré au congé de reclassement, et son préavis, non effectué, prenait fin le 9 septembre 2014 et lui a été payé.
Le 04 décembre 2014, se plaignant de l’exécution déloyale du contrat de travail, du non-respect des dispositions relatives à la convention de forfait jours, du non paiement de l’intégralité de 1a garantie complémentaire conventionnelle maternité, et contestant le bien fondé de son licenciement, Madame [A] [G] a saisi le conseil des prud’hommes d’Aix-en-Provence, section commerce, qui sur exception soulevée par la défenderesse était dessaisie au profit de la section encadrement laquelle rendait, le 29 décembre 2017, un jugement qui a ainsi statué :
‘ Dit que le licenciement pour motif économique de Madame [A] [G] est fondé, et repose sur une cause réelle et sérieuse ;
‘ Déboute Madame [A] [G] de l’intégralité de ses demandes ;
‘ Condamne Madame [A] [G] à payer à la société Connected World Services la somme de 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Par déclaration transmise par le réseau RPVA le 23 janvier 2018, Madame [A] [G] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception reçue le 12 janvier 2018 ;
pendant le cours de la procédure d’appel la SAS CWS, qui avait engagé une procédure de liquidation amiable, a, le 19 décembre 2018, déposé une déclaration de cessation des paiements et a été déclarée en liquidation judiciaire immédiate par jugement du 10 janvier 2019 ;
les organes de la procédure collective ont donc été attraites en la cause, la SELARL AXYME en la personne de Maître [N] en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Connected World Services par exploit du 13 octobre 2020 et l’association UNEDIC-AGS C.G.E.A. Ile de France Ouest par assignation du 21 janvier 2019.
Par conclusions électroniques récapitulatives transmises au greffe via le RPVA le 14 mai 2021, auxquelles il est expressément fait référence pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Madame [A] [G] demande à la cour de :
‘ Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
‘ Constater le défaut de motif économique du licenciement de Madame [A] [G]
‘ Constater l’exécution déloyale et fautive du contrat de travail de Madame [A] [G]
‘ Constater l’exécution fautive de la convention de forfait jours
‘ Constater le non-respect des garanties complémentaires en cas de congé maternité
En conséquence,
‘ Constater et fixer les créances de Madame [A] [G] au passif de la société Connected World Services France et dire que le CG EA Ile de France Ouest doit la garantie sur les créances suivantes :
‘ 60.000 € à titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif
‘ 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale et fautive du contrat de travail
‘ 15.000 € au titre des dommages et intérêts pour exécution fautive de la convention de forfait jours
‘ 6.065,14 euros au titre de la garantie complémentaire maternité
‘ Condamner Maître [N] liquidateur de la société Connected World Services France aux entiers dépens
‘ Condamner Maître [N] liquidateur de la société Connected World Services France à payer la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions électroniques transmises au greffe via le RPVA le 10 décembre 2020, auxquelles il est expressément fait référence pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SELARL AXYME es qualités de mandataire liquidateur de la SAS CWS demande à la cour de :
‘ Donner acte à Me [N] représentant la SELARL Axyme es qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Connected World Services France S.A.S de sa reprise d’instance,
‘ Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Madame [A] [G] de ses demandes au titre de l’exécution fautive du contrat de travail ;
‘ subsidiairement
‘ Réduire les dommages et intérêts à l’euro symbolique
‘ Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Madame [A] [G] de ses demandes au titre de l’exécution fautive de la convention de forfait jours ;
‘ subsidiairement
‘ Réduire les dommages et intérêts à l’euro symbolique
‘ Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Madame [A] [G] de sa demande au titre du maintien des garanties maternité,
‘ Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté Madame [A] [G] de l’ensemble de ses demandes ;
‘ subsidiairement
‘ Réduire l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à son minimum légale de 6 mois de salaire, soit la somme de 14.907,42 €,
‘ Débouter Madame [A] [G] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile
‘ Condamner Madame [A] [G] à lui payer la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Par conclusions électroniques transmises au greffe via le RPVA le 15 avril 2019, auxquelles il est expressément fait référence pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l’association UNEDIC-AGS C.G.E.A. Ile de France Ouest demande à la cour de :
‘ Débouter Madame [A] [G] des fins de son appel et confirmer le jugement du 29/12/2017 ;
Subsidiairement,
‘ Constater et fixer les créances de Madame [A] [G] en fonction des justificatifs produits ; à défaut la débouter de ses demandes ;
‘ Débouter Madame [A] [G] qui ne justifie pas d’un préjudice distinct a hauteur de 15.000 € au titre de l’exécution fautive du contrat au sujet du forfait jours ;
‘ Débouter Madame [A] [G] qui ne justifie pas d’un préjudice distinct à hauteur de 15.000 € au titre de l’exécution fautive du contrat ;
‘ Réduire l’indemnisation sollicitée par Madame [A] [G] dés lors qu’elle ne justifie pas d’un préjudice à hauteur de 60.000 € au titre de la rupture de son contrat de travail ;
Vu les articles L. 3253-6 et suivants du code du travail,
‘ Juger que l’AGS garantit les sommes dues au jour du jugement d’ouverture de la procédure collective de l’employeur, qu’en application de l’article L. 3253-17 du code du travail, la garantie AGS est limitée, toutes sommes et créances avancées confondues, à un ou des montants déterminés par décret (article D.3253-5 du code du travail), en référence au plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions du régime d’assurance chômage, et inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d’origine légale, ou d’origine conventionnelle imposées par la loi et ne peut s’exécuter que sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par ce celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement ;
‘ Juger que la garantie AGS exclut les demandes au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile, les dépens, l’astreinte, les cotisations patronales ou résultant d’une action en responsabilité ;
‘ Juger que le jugement d’ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts légaux et conventionnels (art. L. 622-28 code de commerce ) ;
‘ Débouter Madame [A] [G] de toute demande contraire et le condamner aux dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 octobre 2021.
MOTIFS DE LA DECISION
L’appel principal a été interjeté dans le mois de la réception de l’acte de notification et il ne ressort pas des pièces du dossier d’irrecevabilité que la cour devrait relever d’office alors que les parties n’élèvent aucune discussion sur ce point.
L’appel incident formé par l’intimée représentée par son liquidateur judiciaire, est également recevable pour avoir été formé dans le délai de l’article 909 du code de procédure civile.
– 1 – Sur l’exécution du contrat de travail
1- a- de la convention de forfait
Au temps de l’exécution de la relation contractuelle les dispositions légales résultaient de la loi du n°2008-789 du 20 août 2008 dont étaient issus les articles L 3121-39 et suivants du code du travail qui disposaient [caractère gras ajouté par la cour] :
Article L3121-39
La conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l’année est prévue par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.
Article L3121-40
La conclusion d’une convention individuelle de forfait requiert l’accord du salarié. La convention est établie par écrit.
Article L3121-41
La rémunération du salarié ayant conclu une convention de forfait en heures est au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l’entreprise pour le nombre d’heures correspondant à son forfait, augmentée des majorations pour heures supplémentaires prévues à l’article L. 3121-22.
Article L3121-42
Peuvent conclure une convention de forfait en heures sur l’année, dans la limite de la durée annuelle de travail applicable aux conventions individuelles de forfait fixée par l’accord collectif:
1° Les cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés ;
2° Les salariés qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps.
Article L3121-46
Un entretien annuel individuel est organisé par l’employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.
Article L3121-47
Lorsqu’un salarié ayant conclu une convention de forfait en jours perçoit une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées, il peut, nonobstant toute clause contraire, conventionnelle ou contractuelle, saisir le juge judiciaire afin que lui soit allouée une indemnité calculée en fonction du préjudice subi, eu égard notamment au niveau du salaire pratiqué dans l’entreprise, et correspondant à sa qualification.
Au sein de l’entreprise, alors dénommée The Phone House France, un accord sur la durée du travail des cadres avait été conclu le 02 avril 2008 et était resté en vigueur en application de l’article 19 III de la loi sus-visée qui disposait que ‘ les accords conclus en application des articles L. 3121-40 à L. 3121-51 du code du travail dans leur rédaction antérieure à la publication de la présente loi restent en vigueur.’ ;
cet accord, produit par Madame [A] [G], stipulait, en son article 3 relatif à la durée du travail du personnel d’encadrement, que ‘ pour les cadres pour lesquels il n’est pas possible d’appliquer strictement l’horaire collectif de travail, il est institué un forfait annuel en jours tel que prévu a l’article L.212-15-3 [devenu L 3121-38 et suivants] du code du travail (…) Par dérogation aux dispositions légales en vigueur, le plafond applicable au sein de la société sera de 217 jours (…) pour les populations suivantes :(…) Cadres commerciaux tels que Responsables de Magasins, (…) Il est précisé concernant les Responsables de Magasins ce qui suit :
La société entend, notamment dans le cadre ne la mise en place ou forfait annuel en jours, développer le rôle de ses Responsables de Magasins en leur conférant une autonomie plus grande dans la gestion de leur magasin. A cette fin, une Charte de l’autonomie, formalisant l’engagement de la société est établie. ‘ ; cette charte est produite par l’intimée ;
s’agissant de Madame [A] [G], responsable de magasin, la convention de forfait annuel en jours résulte d’un avenant au contrat de travail en date du 16 mars 2012 à effet du 1er avril 2012.
Les conditions légales, conventionnelles et contractuelles pour l’application de cette convention de forfait en jours, dont l’appelant ne conteste pas la validité, étaient donc réunies.
Madame [A] [G] soutient qu’elle est légitime à contester l’exécution de cette convention qui, selon elle, non seulement ne s’applique, la concernant, que depuis le 09 septembre 2010, mais encore a été exécutée de mauvaise foi par l’employeur puisqu’il n’y a eu aucun décompte des journées et demi-journées travaillées, et des prises de journées et demi-journées de repos, aucun contrôle de son application, aucun suivi de l’organisation du travail, de l’amplitude des journées d’activités et de la charge de travail qui en résulte et aucun entretien annuel.
La cour relève qu’en l’état de la date de l’avenant susvisé, c’est à tort que Madame [A] [G] soutient que la convention de forfait jours lui est applicable depuis le 9 septembre 2010 puisque c’est seulement à compter du 1er avril 2012 que le statut de cadre lui a été octroyé.
La SAS CWS rétorque qu’elle a valablement et de bonne foi exécuté cette convention de forfait annuel en tenant un décompte des journées et demi-journées travaillées et des prises de repos, présentées sur des tableaux récapitulatifs transmis aux salariés, en contrôlant et suivant l’application de la convention, et enfin en organisant un entretien annuel portant sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale du salarié et enfin sur sa rémunération, et prétend rapporter la preuve de ce respect par la production de ses pièces numéros 13, 14, 15, 16 17 et 18 soit :
– la Charte de l’autonomie des Responsables de Magasin au forfait
– le Règlement intérieur de la société The Phone House
– courriel de Madame [K] [V] du 11 janvier 2012 + annexes
– courriel de Madame [K] [V] du 23 janvier 2013 + annexes
– courriel de Madame [A] [R] du 28 février 2012
– accord sur la durée du travail des Cadres du 2 avri1 2008
La cour relève que ces pièces n’incluent aucun entretien annuel d’évaluation en sorte qu’elle n’est pas en mesure de contrôler que l’employeur a bien organisé les entretiens annuels portant sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise et l’articulation entre la vie professionnelle et personnelle ;
dès lors la SAS CWS a méconnu les dispositions de l’article L. 3121-46 du code du travail susvisé.
C’est donc à tort que les premiers juges ont déclaré que l’employeur n’avait pas manqué à ses obligations légales concernant le forfait annuel en jours.
Au regard de la date d’accession au statut de cadre avec application de la convention de forfait retenue ci-dessus, la cour dispose des éléments suffisants pour fixer à la somme de trois mille euros (3.000 €), le montant des dommages et intérêts compensatoires du préjudice subi par Madame [A] [G] du fait de la violation de l’article L. 3121-46 du code du travail.
1- b- de l’exécution fautive du contrat de travail
Sur le fondement de l’article L.1222-1 du code du travail Madame [A] [G] sollicite des dommages et intérêts en soutenant que l’employeur ‘ a exécuté de manière déloyale les contrats en raison de sa présentation incohérente et imprécise du motif économique ‘ et en ‘ n’ayant pas exécuté loyalement son obligation de reclassement’ .
Cependant la cour relève que cette argumentation ne se rattache pas à l’exécution du contrat de travail mais au licenciement et sa mise en oeuvre.
Dès lors c’est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande en dommages et intérêts de ce chef de demande.
1-c- du maintien des garanties au titre de la maternité
Sur le fondement de l’article 4 de l’avenant 17 du 17 septembre 1999 à la convention collective qui, selon elle, stipule qu » il est versé au salarié bénéficiaire, pendant la totalité de la durée légale du congé de maternité, une indemnité journalière, complémentaire à celle versée par la sécurité sociale, égale a 100 % du salaire net correspondant à la tranche B.’ Madame [A] [G], qui soutient n’avoir pas bénéficié de cet avantage, sollicite un rappel de salaires pour la période de février à mai 2014 ainsi calculé : [salaires nets perçus (1 246,25 € + 666,61 €) – salaires mensuels nets sur l’année 2013 (4 x 2 000) = ] 6.065,14 € nets.
Pour s’opposer à cette demande l’intimée rétorque que la rémunération mensuelle sur laquelle Madame [A] [G] fonde son calcul est erronée, que le calcul qu’elle présente est imprécis, que la salariée ne démontre pas dans quelle mesure les textes qu’elle cite dans ses écritures et notamment l’article 4 de l’avenant n°17 du 17 septembre 1999 s’appliquent à sa situation, et qu’enfin pour la période considérée de février à mai 2014, elle a perçu les indemnités journalières de Sécurité Sociale, et qu’ainsi CWS a appliqué la réglementation en vigueur au titre du congé maternité.
La cour relève tout d’abord que si Madame [A] [G] ne produit pas, et se contente de citer le texte conventionnel dont elle réclame l’application, ce texte se trouvant dans le champ contractuel a donc été recherché par la juridiction.
Il s’agit en réalité du Titre V de la convention collective intitulé : Prévoyance – Avenant n° 19 du 1 mars 2000, en vigueur et étendu stipulant un régime de prévoyance institué par l’avenant n° 39 du 21 novembre 1986 applicable depuis le 1er juillet 1986, modifié par l’avenant n° 16 du 17 juin 1999 applicable depuis le 17 juin 1999, l’avenant n° 17 du 17 septembre 1999 applicable depuis le 1er janvier 2000 et l’avenant n° 19 du 1er mars 2000, qui dispose notamment :
‘ Garantie maternité
Article 4
En vigueur étendu
Il est versé au salarié bénéficiaire, pendant la totalité de la durée légale du congé de maternité, une indemnité journalière, complémentaire à celle versée par la sécurité sociale, égale à 100 % du salaire net correspondant à la tranche B.’
La cour souligne qu’il s’agit d’une garantie complémentaire , c’est à dire qui s’ajoute à celle versée par la sécurité sociale, en sorte que c’est à tort que l’intimée soutient que Madame [A] [G] a été remplie de ses droits par le versement de seules indemnités journalières versées par la caisse de sécurité sociale.
En application de ce texte conventionnel la salariée en congé maternité a donc vocation à percevoir un complément salarial s’ajoutant aux indemnités journalières et lui permettant de bénéficier, pendant toute la période de congé maternité, d’un salaire net complet tel qu’il aurait été versé si la salariée avait travaillé.
Il résulte des bulletins de salaire produits par l’intimée elle-même que le salaire de base de Madame [A] [G] s’élevait pour la période considérée, à la somme de [ 2120,00 € + 96,28 € = ] 2.216,28 € brut, soit 1.795,19 € nets ;
Madame [A] [G] ayant perçu des indemnités journalières nettes de [(1 246,25 € + 666,61 €) =] 1.912,86 €, a donc vocation à percevoir un complément salarial de :
[ (1.795,19 € x 4) – 1.912,86 € = ] 5.267,90 € nets.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a débouté Madame [A] [G] de sa demande au titre de ce complément de salaire conventionnel.
– 2 – Sur la résiliation du contrat de travail
La lettre de licenciement est ainsi libellée :
‘ La société Phone House a mis en oeuvre un projet de réorganisation visant a sauvegarder sa compétitivité et celle du secteur d’activité du Groupe auquel elle appartient, avec Plan de Sauvegarde de l’Emploi.
La procédure d’information/consultation des instances représentatives du personnel sur ce projet de réorganisation a pris fin le 6 septembre 2013.
Nous sommes aujourd »hui contraints de vous notifier votre licenciement pour motif économique, et ce après avoir recherché des postes de reclassement.
Les motifs économiques de votre licenciement sont les suivants :
La société Phone House évolue dans un secteur d’activité impacté non seulement par des facteurs macro-économiques, où l’on constate une érosion de l’épargne des ménages et des arbitrages réalisés en matière de dépenses défavorables aux produits et services télécoms, mais aussi et surtout par de profonds bouleversements structurels du marché de la téléphonie mobile.
En effet, d’une part, l’activité de la société Phone House est impactée par l’arrivée de nouveaux acteurs low cost ou MVNO (Mobile Virtual Network Operator) sur le marché français.
Ainsi la part des offres sans engagement (SIM Only) est passée de 20 % à 33 %, mettant à mal les offres subventionnées sur lesquelles reposait le modèle économique du secteur (mobile pour une poignée d’euros contre une période d’engagement longue et un forfait mensuel coûteux).
De plus, l’arrivée de Free en janvier 2012 a accru une intensité concurrentielle déjà extrême, qui dégrade considérablement les marges des opérateurs.
L’arrivée de ces acteurs low cost a entraîné un changement de consommation de la part des clients, préférant acheter des mobiles sans carte SIM, et donc non subventionnés par les opérateurs, tout en prenant chez les différents opérateurs low cost leur abonnement (ventes de mobiles nus passées de 20% des ventes totales fin 2011 à 50 % en février-mars 2012).
La rupture du modèle économique est encore illustrée par la plainte déposée par Free contre SFR pour concurrence déloyale, visant à démontrer que la pratique de la subvention du mobile est illégale.
D’autre part, les constructeurs et distributeurs connaissent eux aussi des bouleversements profonds.
S’agissant des constructeurs, ils subissent un recul de l’ordre de 8 % des ventes, dû au tarif élevé de leurs mobiles, plus subventionnés, entraînant de facto un allongement de leur cycle de vie. De plus, le marché se polarisant autour de deux grands constructeurs, Apple et Samsung (plus de 70 % de parts de marché à eux deux), les autres constructeurs peinent a se développer et à se maintenir sur le marché et baissent significativement leur soutien à la société Phone House.
Enfin l’émergence de constructeurs low cost (ZTE, HUAWEI, WIKO, ALCAYEL) a favorisé les volumes, au détriment de la marge et d’un budget marketing.
S’agissant des distributeurs, et notamment la société Phone House, ceux-ci sont fortement impactés par le changement de ‘business model’. L’explosion des ventes dites ‘Sim only’, qui a représenté 60 % du marché des activations sur janvier 2013 a eu pour conséquence un ralentissement important des ventes de mobile. La société Phone House a ainsi enregistré dans ses magasins une baisse de 15 % du trafic et a vu ses volumes de ventes fortement impactées.
L’arrivée de Free a également provoqué, par effet domino, une renégociation à la baisse des accords commerciaux en vigueur entre opérateurs et distributeurs.
En effet, également impactés dans leur propre réseau de distribution, et contraints de s’aligner en terme d’offre, les opérateurs, pour compenser la baisse de leur marge, ont baissé leurs coûts d’acquisition et revu leur politique de rémunération pour l’ensemble de la distribution.
C’est ainsi que Bouygues Telecom a mis fin a la commercialisation des offres postpavées par la société Phone House a compter du 1er janvier 2013, engendrant un manque à gagner pour la société Phone House de 17 millions d’euros sur les trois prochaines années.
Ces récents bouleversements impactent d’autant plus la société Phone House qu’elle est confrontée à une perte d’activité continue depuis 3 ans.
Ainsi entre les exercices 2008/2009 et 2011/2012, le volume des connexions a baissé de 20%. La croissance de Free contribue alors a aggraver et fragiliser une évolution déjà défavorable auparavant : pour l’exercice 2012/2013, les volumes de connexions ont été en régression de 23 % par rapport à l’année précédente, avec une accélération de la régression depuis janvier 2013 : – 33,5% en janvier, – 32,1 94.. en février et -33,4 % en mars.
Enfin, après avoir perdu Bouygues Telecom, la société Phone House a perdu également son contrat de distribution avec Orange puisque Orange a notifié en janvier 2013 sa décision de ne pas renouveler l’ensemble des contrats avec effet, initialement, au 31 décembre 2013, mais désormais au 31 décembre 2014. L’impact économique de la résiliation d’Orange est considérable, Orange représentant plus de 50 % de la marge directe de l’entreprise et 68 % de sa marge indirecte.
L’impact combiné de la résiliation des contrats Orange et Bouygues Telecom affaiblit très significativement le modèle économique de Phone House, jusqu’à le rendre totalement inopérant.
Au niveau du Groupe, il peut être constaté des baisses structurelles liées au changement de marché. La branche d’activité subit une baisse importante des volumes et des marges sur les 3 derniers exercices mais également en projection pour les 3 futurs exercices.
Cette situation est d’autant plus préoccupante que le Groupe, dans sa branche d’activité, est exposé à de très fortes pressions de ses concurrents : Phones4u, Everything Everywhere, Tesco Mobile, B&You, Sosh, Red, La Poste Mobile etc.
Dans ce contexte, les principaux opérateurs (SFR, BOUYGUES TELECOM) ont réorganisé, pour sauvegarder leur compétitivité, leur propre réseau de distribution en fermant des magasins (en mettant en place des procédures de licenciement pour motif économique avec Plan de Sauvegarde de I’Emploi) et ont mis en cause (en dénonçant les contrats de distribution) les activités de distribution de leurs partenaires dont celles de la société Phone House.
La société PHONE HOUSE, compte tenu de l’impact des bouleversements ci-dessus indiqués, ne peut maintenir son modèle économique et sa réorganisation impose l’arrêt définitif de son activité retail, ce qui impacte directement les activités au niveau des magasins, du siège et de la plateforme logistique.
Ainsi, pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise et du secteur d’activité du Groupe auquel elle appartient, la société Phone House se voit contrainte de se réorganiser en mettant fin à ses activités de distribution en France pour ne maintenir que son activité résiduelle d’assurance.
Cette réorganisation entraîne la suppression de votre poste de RESPONSABLE MAGASIN.
Afin d’éviter votre licenciement, nous avons recherché des postes de reclassement au sein de la société Phone House et du Groupe.
L’ensemble des postes de reclassement sont disponibles en ligne depuis le 18 juin 2013 et vous avez eu toute latitude pour vous positionner sur un ou plusieurs de ces postes.
Dans le cadre d’un éventuel reclassement au sein du Groupe, conformément aux dispositions de l’article L.1233-4-1 du Code du travail, nous vous avons adressé, par lettre en date du 26 juin 2013, un questionnaire visant a vous interroger sur votre mobilité a l’étranger.
Cependant, vous n’avez pas souhaité vous positionner sur un reclassement à l’étranger.
En outre, après des recherches actives au sein de l’entreprise, il apparaît malheureusement qu’aucun poste correspondant à vos compétences et à votre expérience (y compris sur des postes de catégorie professionnelles différentes ou nécessitant une formation) n’est actuellement disponible au sein de notre société.
Nous avons, par ailleurs, recherché des opportunités d’emploi chez nos partenaires, ces opportunités d’emploi étant en ligne depuis le 18 juin 2013.
Par courrier en date du 16 septembre 2013 , nous vous avons informé, que les postes de :
‘ Responsable Vente chez Norauto à en Provence-Alpes-Côte d’Azur
‘ Directeur de Magasin chez Grandvision à [Localité 6] (83)
pouvaient correspondre à votre expérience et à votre compétence professionnelle.
Vous n’avez pas donné de suite favorable à ces opportunités d’emploi.
En l’absence de possibilités de reclassement, nous sommes donc contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour le motif économique ci-dessus exposé et qui entraîne la suppression de votre poste de travail.
La date de première présentation de cette lettre fixera le point de départ de votre préavis d’une durée de 3 mois que nous vous dispensons d’effectuer mais qui vous sera néanmoins rémunéré aux échéances normales de la paie pendant cette période.
Vous trouverez joint à ce courrier un exemplaire du Plan de Sauvegarde de l’Emploi qui vous
renseignera sur ces mesures.
(…) ‘.
2- a- sur le bien fondé du licenciement
L’article L.1233-3 du code du travail dispose que : « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. » ;
une réorganisation de l’entreprise, lorsqu’elle n’est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu’elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l’emploi;
la sauvegarde de la compétitivité ne se confond pas avec la recherche de l’amélioration des résultats, et, dans une économie fondée sur la concurrence, la seule existence de la concurrence ne caractérise pas une cause économique de licenciement.
Lorsqu’une entreprise fait partie d’un groupe, la sauvegarde de la compétitivité doit s’apprécier tant au sein de la société, qu’au regard du groupe de sociétés exerçant dans le même secteur d’activité, sans qu’il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national.
Le secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique du licenciement est fonction, notamment, de la nature des produits et services vendus, des réseaux et modes de distribution se rapportant à un même marché.
C’est à la date du licenciement qu’il convient d’apprécier l’existence du motif économique invoqué.
Il appartient au juge de vérifier, dans le cadre de son contrôle, si le licenciement économique est justifié par la nécessité de la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise, comme invoqué par la société Connected World Services France, à l’appui de la lettre de licenciement pour motif économique reproduite ci-dessus.
La cour relève tout d’abord que la société Connected World Services France a d’abord intégré les ‘Mobile Virtual Network Operator’ (MVNO) dont fait partie la société Virgin Mobile France, dans son secteur d’activité inclus dans le cadre d’un premier plan de sauvegarde de l’emploi le 27 septembre 2012, puis, l’a ensuite retiré dans un second plan de sauvegarde de l’emploi établi en 2013, sans avoir justifié des raisons d’un tel retrait.
La cour note en outre que si la société Connected World Services France fait bien état d’un ‘groupe’ dans la lettre de licenciement, elle n’en précise pas le périmètre exact.
Pour cerner le périmètre d’activité de la société Connected World Services France, il faut dès lors se référer à sa propre note économique relative au premier plan de sauvegarde, dans lequel il est précisé que son secteur d’activité est celui des ‘télécoms’, soit le marché de la téléphonie incluant des ‘offres de services et de produits’ en téléphonie mobile.
La cour relève également que la société Connected World Services France indique avoir pour activités la ‘vente de connexion via des accords opérateurs, la vente de produits à valeur et service, la vente de téléphones, la vente de tablettes, la vente d’abonnements sous forme de connexions, la vente de connexions sous forme de cartes prépayées, la vente d’assurance et la vente d’accessoires’.
La cour retient enfin que par une décision du 25 juin 2013 relative à une prise de contrôle d’une société ‘New Bbed Limited’ par la société mère Carphone Warehouse Plc, l’autorité de la concurrence a indiqué que l’activité de la société Virgin Mobile relevait du marché ‘de la distribution au détail de téléphonie mobile’.
Ainsi, si la cour peut admettre qu’une distribution indépendante de produits de téléphonie demeure différente de celle d’un opérateur de télécom :
– l’une est relative à la vente des téléphones ou accessoires, parfois associés à des forfaits pour le compte d’opérateurs qui le rétribue pour ce service, c’est l’activité dont se revendique la société Connected World Services France,
– l’autre a trait à la vente de ses propres forfaits de téléphonie, c’est le cas des ‘mobile virtual network operator’ (MVNO) dont fait partie la société Virgin Mobile France, que la société Connected World Services France a désormais exclue de son champ d’activités en raison de cette différence, à l’occasion de son deuxième plan de sauvegarde de l’emploi,
elle relève cependant que l’activité de distribution indépendante revendiquée par la société Connected World Services France demeure néanmoins indissociable de celle des opérateurs de téléphonie qui distribuent leurs produits par le biais de leurs propres boutiques dédiées mais aussi par celui de distributeurs indépendants, comme la société Connected World Services, ses magasins ‘The Phone House’ commercialisant notamment les produits Virgin Mobile, et retient ainsi qu’elles ont une activité commune identique de ‘vente de forfaits et de mobiles’.
Par ailleurs, s’agissant d’un groupe, le motif économique s’apprécie au niveau du secteur d’activité du groupe dans lequel l’entreprise intervient, et demeure celui de l’ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l’influence d’une entreprise dominante dans les conditions définies à l’article L. 2331-1 du code du travail qui dispose dans sa version en vigueur au moment du licenciement, qu »un comité de groupe est constitué au sein du groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce. Est également considérée comme entreprise dominante, pour la constitution d’un comité de groupe, une entreprise exerçant une influence dominante sur une autre entreprise dont elle détient au moins 10 % du capital, lorsque la permanence et l’importance des relations de ces entreprises établissent l’appartenance de l’une et de l’autre à un même ensemble économique. L’existence d’une influence dominante est présumée établie, sans préjudice de la preuve contraire, lorsqu’une entreprise, directement ou indirectement :
– peut nommer plus de la moitié des membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance d’une autre entreprise ;
– ou dispose de la majorité des voix attachées aux parts émises par une autre entreprise ;
– ou détient la majorité du capital souscrit d’une autre entreprise.
Lorsque plusieurs entreprises satisfont, à l’égard d’une même entreprise dominée, à un ou plusieurs des critères susmentionnés, celle qui peut nommer plus de la moitié des membres des organes de direction, d’administration ou de surveillance de l’entreprise dominée est considérée comme l’entreprise dominante, sans préjudice de la preuve qu’une autre entreprise puisse exercer une influence dominante ‘.
En application de cette règle, la cour relève que la Société Omer Telecom Limited (dont ‘Virgin Mobile’ est l’enseigne commerciale) constitue bien une société qui appartient au groupe, notamment car la société mère Carphone Warehouse Plc en détient 46% des droits de vote, alors que personne ne détient une fraction supérieure à la sienne et ce alors même que le groupe ne se limite pas aux seules sociétés situées sur le territoire français, peu important qu’elle ait son siège social à Londres.
En conséquence, la cour retient que la société mère Carphone Warehouse Plc exerce bien ainsi une influence dominante sur la Société Omer Telecom Limited (enseigne Virgin Mobile) qui rentre dans le périmètre du «comité de groupe » et donc du groupe pour l’appréciation du motif économique.
Elle en déduit en conséquence, que les activités ‘MVNO’ de la société Virgin Mobile font ainsi partie intégrante du groupe auquel appartient la société Connected World Services France et doivent dès lors être prises en considération pour apprécier la nécessité de la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise qu’il lui appartient de vérifier au niveau du secteur d’activité du groupe dont relève la société Connected World Services France.
La cour constate, au vu des pièces produites, que l’expert comptable du comité d’entreprise a relevé qu’au niveau du secteur des Télécoms du groupe incluant donc le marché européen des ‘MNVO’ de la société Virgin Mobile, le taux de croissance à long terme (taux ‘Earnings Before Interest and Taxes’) demeure élevé et ne laisse augurer aucune menace sur le secteur d’activité de la téléphonie du groupe.
De plus, la société Connected World Services France qui prétend encore à l’appui de la lettre de licenciement que ‘ l’activité de la société Phone House (devenue société Connected World Services France) est impactée par l’arrivée de nouveaux acteurs low-cost ou ‘MVNO’ (Mobile Virtual Network Operator) sur le marché français ‘, ne tient pas compte de la circonstance que les activités ‘MVNO’ de la société Virgin Mobile font aussi partie intégrante du groupe auquel elle appartient et dont la ‘concurrence’ qu’elle croit dénoncer lui profite dès lors pour partie, ce qui rend inopérant le motif invoqué de ce chef à l’appui de la lettre de licenciement.
Dans la lettre de licenciement, la société Connected World Services France indique que ‘ l’émergence de constructeurs low-cost (ZTE, HUAWEI, WIKO, ALCAYEL) a favorisé les volumes, au détriment de la marge et d’un budget marketing ‘, passant ainsi encore sous silence les activités de la société Virgin Mobile qui font partie du groupe et qui demeurent pourtant également un acteur ‘low-cost’ ayant favorisé des volumes qui ont eux aussi nécessairement profité à son propre groupe.
La cour relève de la même façon que les coupures de presse versées aux débats par le liquidateur de la société Connected World Services France (PC 30 annexes 6, 12,13) qui ont trait à une simple analyse de la compétitivité du marché des ‘MVNO’en France, ne sont pas de nature à rapporter la preuve ‘d’une forte compétitivité’, et alors au surplus qu’au moins l’une de ces ‘MVNO’ appartient au même groupe (la société Virgin Mobile) dont l’activité demeure susceptible de profiter à CWS.
De même, les pièces, notamment comptables, et leur traduction d’anglais en français, sont parcellaires et insuffisantes.
Ainsi, alors qu’une réorganisation de l’entreprise ne peut constituer un motif de licenciement que si elle est effectuée pour la sauvegarde de la compétitivité du secteur d’activité dans lequel elle oeuvre au sein groupe auquel elle appartient, en prévenant des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l’emploi, la société Connected World Services France, en excluant de fait les activités ‘MVNO’ de la société Virgin Mobile, échoue à établir que son plan de sauvegarde poursuit un pareil but.
Dès lors, la motivation de la lettre de licenciement ne reflète pas la réalité économique dénoncée.
Le fait que l’Inspection du travail ait autorisé le licenciement des salariés protégés, ne saurait avoir d’impact sur le sort des salariés non protégés tel que Madame [A] [G].
Il convient donc d’infirmer le jugement du conseil des prud’hommes en ce qu’il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et rejeté les demandes de Madame [A] [G] au titre de la résiliation du contrat de travail.
2- b- sur les conséquence de l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement
Il est rappelé que licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse porte les effets suivants :
-condamnation de l’employeur au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, légale ou conventionnelle, avec incidence congés payés (articles L.1234-1 et L.1234-5 du code du travail)
– condamnation de l’employeur au paiement de l’indemnité légale (article L1234-9) ou conventionnelle de licenciement si l’ancienneté du salarié est suffisante ;
-condamnation de l’employeur au paiement d’une indemnité égale au minimum aux salaires des six derniers mois brut sans cumul avec une indemnité pour irrégularité de procédure et remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, lorsque l’effectif salarial est supérieur à 10 salariés et que le salarié concerné totalise une ancienneté supérieure à deux années, (article L1235-3 rédaction applicable aux faits de la cause antérieure à l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017) ou à des dommages et intérêts proportionnels au préjudice subi sans plancher minimum, mais avec cumul avec une indemnité pour irrégularité de procédure, si ces deux conditions ne sont pas réunies,(article L1235-5) ;
En l’espèce Madame [A] [G] ayant plus de 2 ans d’ancienneté au sein d’un effectif salarial de plus de 10 personnes, il y a lieu de lui allouer l’indemnité prévue par l’article L. 1235-3 du contrat de travail, sur la base du salaire moyen de 2.216,28 €.
Au vu de l’âge de la salariée, de son ancienneté, du fait qu’elle n’a pas repris un emploi et qu’elle a des charges fixes, notamment immobilières, il y a lieu de fixer cette indemnité à la somme de 15.000,00 €.
3- Sur les frais non répétibles
C’est à tort que le conseil des prud’hommes a alloué une somme à la SAS CWS au titre de ses frais non répétibles de première instance ;
sa décision sera donc infirmée de ce chef.
Il serait en revanche inéquitable de laisser Madame [A] [G] supporter l’intégralité de ses frais de première instance et d’appel ; une somme de 2.000 € lui sera donc allouée en application de l’article 700 du code de procédure civile de ce chef.
4- Sur le remboursement des indemnités de chômage
L’article L.1235-4 du code du travail dispose que dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.
La société CWS étant en liquidation judiciaire, il n’y a pas lieu à application de ce texte.
PAR CES MOTIFS
La cour
Déclare recevables les appels, principal de Madame [A] [G] et incident de la SAS Connected World Services France.
Confirme le jugement entrepris, en ce qu’il a débouté Madame [A] [G] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l’exécution déloyale et fautive du contrat de travail.
L’Infirme en toutes ses autres dispositions.
Statuant à nouveau,
Dit que la Société Connected World Services France n’a pas respecté les dispositions de la convention de forfait jours ;
Dit que Madame [A] [G] n’a pas été intégralement remplie de ses droits conventionnel à complément de salaire pendant la période de maternité.
Dit que le licenciement de Madame [A] [G] n’est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Fixe les créance de Madame [A] [G] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Connected World Services France de la façon suivante :
‘ 3.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions de l’article L. 3121-46 du code du travail relatives à la convention de forfait en jours sur l’année ;
‘ 5.267,90 € nets à titre de complément de salaire conventionnel pour la période de maternité ;
‘ 15.000,00 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
‘ 2.000,00 € en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais non répétibles de première instance et d’appel.
Constate que le cours des intérêts est arrêté, en application de l’article L 622-28 du code de commerce depuis la date du jugement d’ouverture de la procédure collective.
Déclare le présent arrêt opposable à l’association UNEDIC-AGS C.G.E.A. Ile de France Ouest .
Dit que l’AGS devra garantir, par application des dispositions de l’article L 3253-8 du code du travail, le paiement ( hors frais non répétibles accordés en application de l’article 700 du code de procédure civile ) de la totalité des sommes fixées dans la limite du plafond applicable aux faits de la cause prévu aux articles L 3253-17 et D 3253-5 du même code sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles pour procéder au paiement.
Dit que les dépens seront inscrits en frais de liquidation judiciaire.
Le GreffierLe Président