Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 7
ARRET DU 02 JUIN 2022
(n° , 15 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/08746 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAO2Q
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Avril 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 18/02791
APPELANTE
Madame [U] [X]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Marlone ZARD, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES
SARL ID EXPERT prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés
en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
SAS ONEYTRUST venant aux droits des sociétés Fia-Net et Oney Tech, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés
en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat, entendu en son rapport, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre,
Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de Chambre,
Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller.
Greffière, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN
ARRET :
– CONTRADICTOIRE,
– mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de Chambre, et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Fia-Net, créée en janvier 2000 par le groupe du Crédit Agricole, met en oeuvre des solutions de lutte contre la fraude pour l’e-commerce par le biais de l’exploitation du logiciel Certissim.
La société ID Expert, créée en 2008 par le groupe Crédit Agricole et dont elle est une filiale, réalise des prestations de contrôle manuel des risques de fraude sur les opérations d’achat réalisées sur Internet au soutien de l’outil Certissim.
La société ID Expert a été cédée à la société Fia Net en 2016 qui détient donc 100% de son capital.
Depuis le 6 janvier 2012, les deux sociétés étaient liées par une convention de prestation de services qui a été résiliée par la société Fia Net le 4 octobre 2017 avec un délai de prévenance de six mois.
La société ID Expert a initié une procédure de médiation en 2018 aux termes de laquelle la société Fia Net a accepté de l’indemniser au titre de la rupture du contrat de prestations de service pour un montant de 1,049 millions d’euros hors taxe.
La société Oney Tech traite le transactions sur la base d’une analyse des comportements d’achat et commercialise des solutions de sécurisation des paiements à distance à travers le logiciel Sellsecure.
En juillet 2018, les sociétés Fia Net et Oney Tech ont fusionné au profit de cette dernière, celle-ci ayant pris le nom de Oneytrust.
Par contrat à durée indéterminée du 27 août 2012, Mme [X] a été engagée en qualité d’analyste fraude par la société ID- Expert. Le 18 février 2014, elle a été promue chargée d’analyse certifiée puis le 1er novembre 2014 référent au service du contrôle expert.
Lors de la réunion de la délégation unique du personnel du 4 octobre 2017, la société ID Expert a précisé que la résiliation du contrat de prestation entraînait la fin de son activité et donc le licenciement économique de tous les salariés, tous leurs postes étant supprimés.
Par courrier du 29 novembre 2017, Mme [X] a été licenciée pour motif économique et a accepté de bénéficier d’un congé de reclassement par courrier du 1er décembre 2017.
Invoquant la qualité de co-employeurs de la société Oneytrust et de la société ID Expert ainsi que l’existence d’une collusion frauduleuse et l’absence de mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi, Mme [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 26 avril 2018 pour obtenir paiement de diverses sommes fondées sur la nullité de son licenciement et subsidiairement sur son caractère abusif.
Par jugement en date du 25 avril 2019, le conseil de prud’hommes a débouté Mme [X] de l’ensemble de ses prétentions.
Pour statuer ainsi, le conseil a jugé que les sociétés Fia-Net et Oney Tech n’étaient pas les employeurs de Mme [X] et qu’aucune demande ne pouvait donc être formulée à leur encontre, que le volume de l’activité de la société ID Expert avait considérablement chuté entre 2016 et 2017 de même que son chiffre d’affaires et son résultat net, ces éléments ayant été confortés par l’expertise du 25 octobre 2017, qu’en outre, l’employeur avait procédé loyalement à des recherches de reclassement.
Le 1er août 2019, Mme [X] a interjeté appel de ce jugement.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Selon ses écritures notifiées le 02 Novembre 2019, Mme [X] conclut à l’infirmation du jugement et statuant à nouveau, elle demande à la cour de :
A titre principal,
– constater la qualité de co-employeur des sociétés ID Expert et Oneytrust, l’absence de mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi et condamner en conséquence in solidum les sociétés ID Expert et Oneytrust à lui payer la somme de 22 128 euros au titre de la nullité du licenciement ;
A titre subisidiaire,
– constater la collusion frauduleuse à l’article L.1224-1 du code du travail et condamner en conséquence in solidum les sociétés ID Expert et Oneytrust à lui payer la somme de 11 064 euros au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse ;
– constater l’absence de cause économique réelle et sérieuse et condamner la société ID Expert à lui payer la somme de 11 064 euros au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse ;
En tout état de cause,
– constater l’inapplicabilité de la convention collective de branche des Télécommunications et condamner en conséquence la société ID Expert à lui payer les sommes suivantes :
– 11 067 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi ;
– 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens ;
– débouter les sociétés ID Expert et Oneytrust de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
Selon ses écritures notifiées le 30 janvier 2020, la société Oneytrust, venant aux droits de sociétés Fia-Net et Oney Tech, et la société ID Expert concluent à l’irrecevabilité des prétentions de Mme [X] et à la confirmation du jugement.
A titre subsidiaire, elles demandent à la cour de juger qu’elles n’ont pas la qualité de co-employeurs et de confirmer le jugement.
En tout état de cause, elles concluent à l’irrecevabilité des demandes fondées sur la convention collective des télécommunications et au rejet des demandes à leur encontre et à la condamnation de Mme [X] à leur payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions notifiées par RPVA.
L’instruction a été déclarée close le 9 février 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’irrecevabilité des demandes formées par Mme [X] tirée de l’absence de la qualité d’employeur de la société Oneytrust
Les sociétés intimées font valoir que Mme [X] a été engagée par la société Fia Net et qu’elles n’ont personnellement jamais été son employeur.
Force est de constater que le moyen soulevé par les sociétés intimées est un moyen de fond qui ne peut en rien aboutir à l’irrecevabilité des demandes formées par Mme [X] à leur encontre.
Sur la demande principale en nullité du licenciement fondée la qualité de co-employeur des sociétés ID Expert et Oneytrust, et l’absence de mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi
Mme [X] invoque la qualité de co-employeur des sociétés Fia-Net devenue Oneytrust et ID Expert, la première s’étant immiscée dans la gestion économique et sociale, ainsi que dans la gestion quotidienne de sa filiale, cette dernière ne jouissant d’aucune autonomie opérationnelle et économique et n’étant propriétaire d’aucun moyen de production et étant fictive. Elle note ainsi une absence d’organe de direction concernant la société ID Expert, une identité des sièges sociaux, la fourniture de prestations de service au profit de la société Fia-Net qui définissait également les orientations stratégiques de la société ID Expert.
Mme [X] dénonce également le défaut de mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi au regard de la diminution progressive des effectifs afin de se situer en dessous du seuil de 50 salariés.
Les sociétés intimées contestent l’existence d’un co-emploi, chaque structure ayant une construction sociale et juridique propre et distincte, ce qui exclut toute confusion et immixtion. Elles rappellent que la société ID Expert est un centre de réception d’appels et de permanence pour le compte d’entreprises et que la société Fia Net a un objet différent consistant à développer des solutions innovantes et automatisées de collecte d’avis pour mesurer la satisfaction des clients, que les salariés de la société ID Expert participent aux bénéfices et que les métiers exercés au sein de chacune de ces sociétés sont différents : fonctions commerciales, marketing et administratives pour la société Fia Net alors que les métiers au sein de la société ID Expert sont exclusivement opérationnels : analystes fraudes et pilotage opérationnel. Elles précisent que les salariés de la société Fia Net qui sont intervenus dans le périmètre de la société Fia Net relèvent de l’application de la convention de prestation de service.
L’existence d’une situation de coemploi est retenue dans deux hypothèses : soit lorsque, dans le cadre d’un contrat de travail unique, le salarié est dans un rapport de subordination avec plusieurs employeurs, soit lorsqu’il existe une confusion d’intérêts, d’activité ou de direction entre l’employeur du salarié et une autre personne physique ou morale, impliquant une immixtion permanente de la société dominante et la perte totale d’autonomie d’action de la société dominée.
Dans le cadre de la première hypothèse, la reconnaissance d’un coemploi implique l’application du même régime juridique que pour l’établissement du lien de subordination dans le cadre de la recherche de l’existence d’un contrat de travail. Il appartient alors au salarié soutenant être lié avec une autre personne, physique ou morale, que celle que son contrat désigne comme employeur, de rapporter la preuve d’un lien de subordination juridique, lequel, selon une définition constante, est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Dans le cadre de la seconde hypothèse, une société faisant partie d’un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l’égard du personnel employé par une autre, que s’il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion permanente de la société dominante dans la gestion économique et sociale de la société dominée et la perte totale d’autonomie d’action de la société dominée.
La prestation de service conclue entre la société ID Expert et la société Fia Net prévoit une assistance générale en vue de la fourniture de conseils et de services dans les domaines tels que le soutien juridique, informatique, le management, la gestion du personnel et un soutien technique relatif à la gestion du parc informatique et téléphonique, ainsi que la prise en charge, sur la plate-forme Fia Net des différentes actions humaines nécessaires dans le cadre de l’évaluation du risque sur une commande.
Sur l’immixtion de la société Fia Net dans la gestion économique et sociale de la société ID Expert
Les éléments invoqués par Mme [X] pour une immixtion dans la gestion économique sont les suivants :
– la situation des sièges sociaux des deux sociétés ID Expert et Fia Net à la même adresse,
– l’absence d’organes propres de direction et de management s’agissant de la société ID Expert, ceux-ci provenant de la société Fia Net, M. [J] étant par exemple directeur général des deux sociétés ;
– la société Fia Net était la seule décisionnaire des moyens mis en oeuvre pour parvenir aux volumes de production décidés au niveau de la société ID Expert ;
– une pression quotidienne de la part des supérieurs hiérarchiques salariés de la société Fia Net pour répondre à des rendements soutenus (deux attestations dont l’une n’est pas signée et un courriel de félicitation du responsable de pôle anti-fraude de la société Fia Net en décembre 2015) ;
– la définition par la société Fia Net des orientations stratégiques de la société ID Expert, se fondant sur deux courriels, l’un du 14 septembre 2015 de M. [M], précisant qu’il y a lieu de concentrer l’activité aux traitements d’expertise, soit le contrôle des dossiers et l’examen des pièces, et de confier la gestion des appels téléphoniques à un centre d’appel, la société Unifitel filiale de la société Crédit Agricole Consumer Finance basée au Maroc, et l’autre de M. [J] du 24 octobre 2016 exposant le projet de sous-traitance d’une partie des appels téléphoniques Certissim, des réunions devant être organisées avec les salariés de la société ID Expert pour présenter plus concrètement le projet ;
– l’absence d’actif immobilisé au sein de la société ID Expert, aucun élément n’étant mentionné dans les comptes annuels de l’année 2016 (pièce n°20) ;
– la fictivité de la société ID Expert en raison de l’absence d’esprit de participation à la constitution des apports véritables, d’acceptation d’une certaine répartition des bénéficies ou des pertes, et de gestion collective ;
– la dépendance exclusive du chiffre d’affaires de la société ID Expert par rapport au contrat de prestation de service avec la société Fia Net, Mme [X] se basant sur le compte de résultat de l’année 2016 précisant que la production vendue au titre des services s’est élevée à 3 007 054 euros.
Les éléments invoqués par Mme [X] ne sont pas de nature à démontrer l’existence d’une imixtion permanente de la société Fia Net dans la gestion économique de la société ID Expert. En effet, cela ne peut pas ressortir de la situation des sièges sociaux des deux sociétés à une même adresse. Aucune pièce n’est produite concernant certaines affirmations telle que l’absence d’organes propres de direction et de management. Enfin, les quelques pièces produites, soit deux courriels, ne permettent pas d’établir l’immixtion permanente de la société Fia Net dans la gestion économique de la société ID Expert qui ne peut pas ressortir de la fictivité invoquée au sujet de cette dernière.
Par ailleurs, l’interdépendance sur le plan économique, celle-ci étant évoquée par les sociétés intimées dans leurs écritures, résultait de la complémentarité de leurs domaines d’activité et de l’exécution de la convention de prestation. A cet effet, il y a lieu de relever que l’initiative prise par la société ID Expert pour éviter de se trouver dans un état de cessation des paiements après la dénonciation de la convention de prestation dément toute perte d’autonomie qui est l’une des caractéristiques nécessaire pour démontrer l’existence d’un co-emploi. En effet, la société ID Expert a initié une procédure de médiation avec la société Fia Net en 2018 dans le cadre de laquelle elle a obtenu une indemnisation résultant de la rupture de la convention de prestation.
De même, les éléments invoqués par Mme [X] pour démontrer l’existence d’une immixtion de la société Fia Net dans la gestion sociale de la société ID Expert ne sont pas probants, à savoir l’existence pour les salariés de cette dernière d’une adresse mail mentionnant le nom de la société Fia Net et la nécessité de se présenter comme étant des salariés de cette dernière lors des appels téléphoniques, ces deux éléments relevant de l’exécution de la convention de prestation conclue le 6 janvier 2012, ainsi qu’un seul lieu de travail pour les salariés des deux sociétés. De même, des préconisations adressées aux salariés des deux sociétés dans l’optique du déménagement du lieu de travail n’établissent en rien l’immixtion de la société Fia Net dans la gestion sociale de la société ID Expert dès lors que le lieu de travail est situé sur un même site.
S’agissant du pouvoir de direction, Mme [X] ne peut pas valablement se fonder sur l’article 4 de la convention de prestation qui prévoit la désignation de salariés appartenant à la société Fia Net pour assurer le management des salariés de la société ID Expert, cet article précisant expressément que cette désignation n’a d’objet que dans le cadre de la convention en vue d’assurer la réalisation des prestations.
Dès lors, il n’y a pas d’élément permettant d’établir une immixtion permanente de la société Fia Net dans la gestion économique et sociale de la société ID Expert ainsi que la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière, les seuls éléments produits démontrant que les relations entre la société Fia Net, société mère, et la société ID Expert, sa filiale, n’excédaient pas la nécessaire collaboration entre entreprises d’un même groupe liées par une convention de prestation.
Sur la subordination des salariés de la société ID Expert à l’égard de la société Fia Net
Mme [X] soutient qu’au regard de l’organigramme, il existait un lien de subordination direct des salariés de la société ID Expert à l’égard du directeur général, du responsable assurance et anti-fraude et du directeur administratif et financier de la société Fia Net.
Or, l’organigramme du 1er mars 2016 mentionne uniquement le responsable assurance chargé du contrôle qui est réalisé par la société Fia Net aux termes de la convention de prestation.
Par ailleurs, si Mme [X] précise qu’à la lecture des pièces, la société Fia Net prenait des sanctions à l’égard des salariés de la société ID Expert, aucune des pièces du bordereau, qui en comporte 57 représentant quelques 500 pages, n’est visée.
Mme [X] se fonde également sur un courriel adressé par M. [K], directeur des ressources humaines, aux salariés des deux sociétés le 26 janvier 2016 pour annoncer la mobilité interne d’une salariée devant rejoindre la direction des ressources humaines afin de prendre en charge la gestion des relations avec les instances représentatives du personnel et la gestion du plan de formation des deux sociétés.
Or, cette nomination ne démontre pas l’existence d’un lien de subordination de la société Fia Net sur les salariés de la société ID Expert, les deux sociétés ayant seulement fait le choix d’avoir un plan de formation géré par une seule salariée. Il en est de même s’agissant de la transmission par cette salariée aux salariés de la société ID Expert du protocole d’accord préélectoral, de l’agenda électoral et des listes d’électeurs et des salariés éligibles. Cette transmission n’établit pas non plus une immixtion de la société Fia Net dans la gestion des relations de la société ID Expert avec les représentants du personnel en l’absence d’élément attestant de la détermination par cette salariée de la politique de la société ID Expert par la société Fia Net.
Aucun des éléments produits ne permet d’établir l’existence d’un lien de subordination des salariés de la société ID Expert à l’égard de la société Fia Net.
Dès lors, l’existence d’une situation de co-emploi n’est pas retenue.
Sur l’absence de mise en oeuvre d’une plan de sauvegarde de l’emploi
La demande formée par Mme [X] à ce titre est fondée sur l’existence d’une situation de co-emploi et donc sur le dépassement du seuil de 50 salariés.
Toutefois, en l’absence de co-emploi, force est de constater qu’en 2017, la société ID Expert comptait moins de 50 salariés de sorte que le seuil du nombre de salariés pour la mise en place d’un tel plan n’a pas été atteint. En conséquence, Mme [X] ne peut pas reprocher à la société ID Expert de ne pas avoir mis en place de plan de sauvegarde de l’emploi.
Dès lors, la demande de Mme [X] tendant à la nullité de son licenciement et à la condamnation in solidum les sociétés ID Expert et Oneytrust à lui payer des dommages et intérêts à ce titre est rejetée. Le jugement est confirmé sur ce point.
Sur la demande subsidiaire tendant à l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement fondée sur la collusion frauduleuse des sociétés ID Expert et Oneytrust
Mme [X], invoquant l’article L.1224-1 du code du travail, allègue d’une collusion frauduleuse dans la mesure où les deux sociétés constituaient une entité économique autonome, la société ID Expert étant fictive et ayant été exclue de la fusion des sociétés Fia Net et Oney Tech, ce qui a pour effet d’exclure les salariés de la société ID Expert alors qu’ils auraient dû faire partie de la nouvelle entité Oneytrust. Elle précise que les sociétés ID Expert et Fia Net avaient un personnel et des moyens d’exploitation propres, commercialisaient une marque, le logiciel Certissim, avaient une clientèle spécifique (Auchan, SFR, Galeries Lafayette…) et un objectif qui leur était propre, la lutte contre la fraude en ligne.
Elle invoque également la collusion frauduleuse et l’exclusion volontaire de la société ID Expert du cadre de préparation de la fusion entre la société Fia Net et la société OneyTech alors qu’initialement, les salariés de la société ID Expert avaient été intégrés à ce projet puisqu’ils étaient destinataires de courriels en ce sens. Elle dénonce le changement de stratégie de la société Fia Net en septembre 2017, celle-ci ayant décidé de procéder à la migration progressive des flux vers le système Sellsecure et d’abandonner le système Certissim.
Les sociétés intimées concluent à l’absence de collusion frauduleuse, soulignant qu’aucune comportement fautif de la société Fia Net ne peut être relevé au détriment de la société ID Expert par des agissements volontaires directs ou indirects ou par l’intermédiaire d’autres sociétés du groupe. La société ID Expert fait valoir qu’elle n’est pas en état de cessation des paiements et qu’elle a d’ailleurs conclu un accord avec la société Fia Net, soulignant qu’une procédure de conciliation est actuellement en cours en application des articles L. 611-6 et suivants du code de commerce.
L’article L. 1224-1 du code du travail dispose que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.
Mme [X] ne produit aux débats aucun élément permettant d’établir la fictivité alléguée de la société ID Expert ni l’existence d’une entité économique autonome constituée de la société ID Expert et de la société Fia Net, lui permettant ensuite de prétendre au transfert des contrats de travail des salariés au profit de la société Oney Tech étant précisé que ce n’est qu’en juillet 2018 que les sociétés ID Expert et Oney Tech ont fusionné au profit de cette dernière, celle-ci ayant pris le nom de Oneytrust, soit postérieurement à son licenciement prononcé fin novembre 2017. Dès lors, le transfert de son contrat de travail ne pouvait pas être opéré au profit de la société Oneytrust.
Par ailleurs, Mme [X] ne peut pas reprocher à la société Fia Net d’avoir en réalité fait le choix d’opter pour un système de sécurité différent de celui mis en oeuvre par la société ID Expert, ni à cette dernière d’avoir été complaisante avec la société Fia Net au regard de la procédure de médiation engagée afin d’obtenir une indemnisation ainsi que cela a été rappelé ci-dessus.
Dès lors, en l’absence d’élément permettant à la fois de retenir l’existence d’une entité économique autonome constituée de la société ID Expert, dont la fictivité n’a pas été démontrée, et de la société Fia Net, et d’une collusion entre les deux sociétés, la demande tendant à la condamnation in solidum les sociétés ID Expert et Oneytrust à lui payer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est rejetée.
Sur la demande plus subsidiaire d’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement fondée sur l’absence de motif économique et de respect par la société ID Expert de son obligation de reclassement
Mme [X] dénie tout motif économique à son licenciement, dénonçant les prétendues mutations technologiques au motif que les deux systèmes Certissim et Sellsecure fonctionnaient sur le même mode opératoire et qu’en réalité, les dirigeants ne souhaitaient plus utiliser le système Sellsecure, que le contrôle manuel n’était pas inadapté au marché du contrôle des risques de fraude et que les missions demandées étaient identiques : traitement des alertes générées par l’outil d’analyse, utilisation d’outils d’alerte…Mme [X] relève que des postes d’analyste de fraude lui ont été proposés au sein de la société Oney Tech, ce qui conforte le caractère imaginaire des mutations technologiques.
Mme [X] conteste également les prétendues difficultés économiques qui ont été créées et programmées par la direction.
Enfin, Mme [X] dénonce le non-respect de l’obligation de reclassement, mettant en exergue que seuls six postes situés à [Localité 3] et [Localité 5] lui ont été proposés, et précise qu’il est très suspicieux qu’aucun autre poste équivalent ou similaire au sein n’ait pas été identifié au sein d’un groupe de dimension internationale comme Auchan.
S’agissant du motif du licenciement, les sociétés intimées invoquent la cessation d’activité de la société ID Expert pour les raisons rappelées dans le jugement ayant entraîné la suppression de tous les emplois. La société ID Expert invoque l’existence de mutations technologiques, précisant que le métier d’analyse fraude n’a pas perduré, cette fonction étant désormais maîtrisée par les émetteurs de moyens de paiement, une chute de son activité, notamment avec la résiliation en 2017 de la convention de prestations par la société Fia Net, ainsi qu’une dégradation très importante de son résultat. Elle souligne que ces éléments ont été confirmés par le cabinet d’expertise dans son rapport du 25 octobre 2017 présenté aux représentants du personnel lors de la réunion d’information consultation du 12 octobre 2017, ceux-ci ayant exprimé leur compréhension à ce sujet.
Les sociétés intimées soutiennent que l’obligation de reclassement a été respectée au regard de l’ampleur des mesures sociales et de l’accompagnement dont les salariés ont bénéficié, le périmètre de reclassement identifié ayant été le plus large possible en considérant la permutabilité au sein des différentes sociétés du groupe. Elles ajoutent que Mme [X] s’est vue proposer six postes en interne et qu’elle n’a pas répondu dans le délai imparti, ajoutant qu’elle a souhaité se reconvertir dans le domaine culturel administrateur de projet culturel, qu’au mois de décembre 2017, elle était absente du territoire français afin de se rendre au Japon pour des représentations théâtrales, et qu’après ces quatre semaines au Japon, elle a confirmé dans le cadre de son entretien évaluation-orientation, son souhait de s’orienter dans ce nouveau domaine, qu’elle a bénéfucué d’une formation PAO ainsi qu’en anglais.
Sur le motif économique du licenciement
Il résulte de la combinaison des articles L.1232-6, L. 1233-16, L.1233-17, L. 1233-3 et L.1233-4 du code du travail, que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit énoncer, lorsqu’un motif économique est évoqué, à la fois la cause économique qui fonde la décision et sa conséquence précise sur l’emploi et le contrat de travail du salarié, qu’il appartient au juge d’apprécier le caractère sérieux du motif économique invoqué par l’employeur ainsi que l’effectivité de l’obligation de reclassement mise à la charge de l’employeur.
Aux termes de l’article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, à une réorganisation rendue nécessaire par la sauvegarde de la compétitivité.
En l’espèce, la lettre de licenciement adressé à Mme [X] est la suivante :
‘Les motifs économiques qui nous ont amenés à envisager ce projet ont été développés dans le cadre du document d’information remis aux instances représentatives du personnel et son résumés ci-après : au regard des éléments de l’activité de la société ID Expert et leur impact financiers, cette dernière exerce une activité devenue structurellement inadaptée à l’évolution du marché de contrôle des risques de fraude. Dans ce contexte économique dégradé depuis plusieurs années, il s’avère que le volume d’affaires de la société ID Expert, qui exerce exclusivement une activité de contrôle manuel, continue actuellement de s’effondrer.
En effet, le volume d’activité (enquêtes réalisées) de la société ID Expert a significativement diminué de 79% depuis le mois de septembre 2017 conduisant à un déficit structurel irréversible. Cette situation vient aggraver la perte de volume d’activité constatée entre 2016 et 2017 de ‘ 45%. Ce changement brutal et irréversible de l’activité s’inscrit dans une baisse constante déjà constatée de la performance économique comme le montre l’évolution à la baisse entre 2015 et 2016 du chiffre d’affaires (-13%), du résultat net (-45%) ainsi que de la trésorerie (-48%).
Ces différents éléments financiers découlent de mutations technologiques récentes résultant elles-mêmes de l’apparition de nouveaux systèmes de contrôle alternatifs et plus efficaces de risques de fraude correspondant pleinement aux attentes des clients.
Dans ces conditions, où les caractéristiques inhérentes à l’activité d’ID Expert, largement marquée par le contrôle manuel, sont depuis plusieurs années en inadéquation avec le marché, il apparaît clairement que l’activité de la société est obsolète. Cette situation économique grave découlant de mutations technologiques manifestes compromet la continuité et induit des perspectives négatives et en accélération d’évolution du marché sur plusieurs années, sans améliorations envisageables. Ces circonstances économiques nous contraignent à cesser l’activité de la société ID Expert, et par conséquent à supprimer votre poste.’
Aux termes de la lettre de licenciement, la société ID Expert invoque des difficultés à caractère économique et des mutations technologiques.
Les éléments versés aux débats, et notamment le rapport d’expertise diligenté par le comité d’entreprise, révèlent que le chiffre d’affaires a chuté de 13 % entre 2015 et 2016, qu’il en est de même du résultat net, qui accuse une baisse de 45 %, et de la trésorie, soit moins 48 %. Compte tenu de la dépendance de la société ID Expert par rapport à l’activité de la société Fia Net dans le cadre de la convention de prestation conclue entre elle, l’expert a également examiné la situation de cette dernière et constaté que le volume des transactions devait également baisser en 2017 et dans les années suivantes au regard de la perte de certains clients comme les sociétés C Discount et Zalando représentant respectivement 60 % et 10 % du chiffre d’affaires de la société Fia Net. Dès lors, les difficultés économiques, confortées par les comptes annuels pour 2016, étaient réelles et en lien avec la rupture de la convention de prestation de services. Elle démontre également que tous les postes ont été supprimés.
S’agissant de l’existence de mutations technologiques, la société ID Expert verse aux débats plusieurs articles de la presse spécialisée évoquant les avances considérables en matière de détection des fraudes et le dépassement des méthodes traditionnelles du contrôle manuel en raison de la mise en place de paiements sécurisés par le système 3-D Secure qui est une forme automatisée de contrôle, certaines sociétés ayant fait le choix de reprendre en interne cette fonction.
Il en résulte que ces éléments sont de nature à démontrer l’existence effective des difficultés économiques de la société ID Expert en lien avec les mutations technologiques en matière de détection des fraudes.
Sur l’obligation de reclassement
L’article L. 1233-4 du code du travail modifié par ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, dans sa version applicable du 24 septembre au 22 décembre 2017, dispose que le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités et le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. Il est précisé que pour l’application du présent article, le groupe est défini, lorsque le siège social de l’entreprise dominante est situé sur le territoire français, conformément à l’article L. 2331-1 et, dans le cas contraire, comme constitué par l’ensemble des entreprises implantées sur le territoire français.
Cet article dispose que le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente, qu’à défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure, que l’employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.
Il s’en déduit que l’obligation de reclassement ne porte que sur les emplois disponibles situés sur le territoire national en priorité dans l’entreprise puis en cas d’appartenance à un groupe, dans les entreprises contrôlées par l’entreprise dominante répondant au critère de permutabilité. Le juge forme sa conviction au vu des éléments des deux parties concernant la consistance ou le périmètre de reclassement. Enfin, la tentative de reclassement doit porter sur tous les postes disponibles relevant de la même catégorie que celui occupé ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente et à défaut et sous réserve de l’accord du salarié, sur un emploi d’une catégorie inférieure. L’obligation de reclassement s’accompagne d’une obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail et donc d’assurer l’adaptation du salarié à ses nouvelles fonctions, l’obligation étant limitée à des formations complémentaires, simples et de courte durée. Il incombe à l’employeur de justifier qu’il a recherché toutes les possibilités de reclassement, le juge appréciant souverainement les éléments de preuve produits en fonction des moyens de l’entreprise et du groupe.
En l’espèce, la société ID Expert produit le document d’information en vue de la consultation de la délégation unique du personnel précisant les mesures destinées à favoriser le reclassement en interne, c’est à dire au sein des sociétés du groupe dont elle précise qu’elles permettent la permutabilité, soit les sociétés Oney Bank et Auchan Holding, afin d’identifier les postes susceptibles d’être proposés, une liste devant être régulièrement actualisée. Ce document évoque également le reclassement en externe des salariés dont le licenciement est envisagé avec notamment le congé de reclassement mais également l’aide à la reprise ou la création d’entreprise.
Concernant Mme [X], la société Fia Net produit le courrier du 17 novembre 2017 lui proposant six postes : investigateur ou conseiller clientèle commercial ou partenaires au sein des sociétés Oney Tech ou Oney Bank à [Localité 5] ou à [Localité 3], près de [Localité 4].
Si la société ID Expert précise que la société Auchan Retail a procédé en 2017 à la restructuration de son périmètre avec un plan de sauvegarde de l’emploi validé par l’inspection du travail avec une priorité au reclassement de ses salariés, elle ne verse toutefois aux débats aucune pièce démontrant qu’elle a interrogé les sociétés du groupe auquel elle appartenait pour avoir connaissance des postes disponibles et susceptibles d’être proposés à Mme [X]. Elle ne produit par ailleurs aucun élément permettant d’identifier les sociétés appartenant au groupe, comme par exemple un organigramme ou des éléments comptables retraçant les liens capitalistiques entre les sociétés en question. En effet, les sociétés intimées ont précisé dans leurs écritures qu’en 2016, elles appartenaient toutes deux au groupe Crédit Agricole puis ensuite qu’elles étaient ensuite intégrées dans le groupe Auchan sans pour autant produire de pièces permettant d’identifier le périmètre du reclassement. Les documents transmis à la délégation unique du personnel dans le cadre du projet de licenciement économique contiennent quelques organigrammes donnant uniquement la situtation juridique de la société ID Expert par rapport à la société Fia Net et la société Oney Tech, mais aucun document n’évoque les liens capitalistiques et juridiques de la société ID Expert par rapport au Crédit Agricole ou au groupe Auchan alors que ces derniers sont mentionnés dans les écritures de la société intimée.
En outre, les pièces produites auxquelles la société ID Expert se réfère ne démontrent pas qu’elle a interrogé les sociétés supposées appartenir au groupe Auchan pour connaître les postes disponibles susceptibles d’être proposés aux salariés licenciés, les pièces listées par celle-ci étant les suivantes : les rapports annuels de 2017 et de 2018 de l’observatoire de la sécurité et des moyens de paiement, le premier évoquant notamment le recours croissant à des dispositifs d’authentification tels que le protocole 3D-Secure, une question posée à l’assemblée nationale le 3 octobre 2017 concernant les licenciements liés au projet de réorganisation du groupe Auchan, le rapport du cabinet chargé du reclassement de juin et de septembre 2018 rappelant la proposition de 6 postes pour les employés concernés, un article du journal La Tribune du 14 septembre 2017 sur la baisse des résultats des hypermarchés Auchan et leur transformation entraînant la création de 780 emplois d’ici trois ans et la suppression de 462 postes dans les fonctions support (finance, administration, juridique et achats), le journaliste précisant qu’un syndicat a évoqué un périmètre de 72 000 personnes avec un turn over de 8000 emplois par an, et enfin l’extrait Kbis de la société Oneytrust.
Il en résulte que la société ID Expert ne démontre pas avoir recherché toutes les possibilités de reclassement notamment au sein des sociétés Auchan Holding et Oney Bank expressément citées dans le document d’information élaboré dans le cadre de la consultation de la délégation unique du personnel. Le licenciement de Mme [X] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
L’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version modifiée par ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 dispose que lorsque le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis, et que si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau reproduit dans l’article.
En l’occurence, pour une ancienneté de cinq ans, l’indemnité minimale s’élève à trois mois de salaire brut et l’indemnité maximale est de six mois.
Au regard de la perte d’une ancienneté de cinq années, de son âge lors de la rupture, soit 43 ans, de l’absence d’élément concernant sa situation professionnelle postérieure à l’exception du bénéfice du congé de reclassement, il y a lieu de lui accorder une somme de 5532 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse compte tenu du montant du salaire mensuel brut de 1 844 euros, soit trois mois de salaire.
Sur le remboursement indemnités à Pôle emploi
Conformément aux dispositions de l’article L1235-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, la société Oneytrust est tenue de rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées à Mme [X] dans la limite de deux mois à compter de son licenciement.
Sur la demande de Mme [X] tendant à l’inapplicabilité de la convention collective de branche des Télécommunications
Mme [X] fait valoir que la société ID Expert était assujettie à la convention collective de branche des télécommunications dans l’unique but d’appliquer aux salariés une convention collective moins favorable que celle appliquée aux salariés de la société Fia Net, la salariée relevant que la classification et la rémunération proposées étaient nettement moins favorables, notamment s’agissant du travail dominical faisant l’objet d’une faible contrepartie financière. Elle fait valoir que les appels téléphoniques ne constituaient pas le c’ur de métier du contrôleur de fraude ainsi que l’a reconnu M. [M] en 2015 qui avait envisagé un projet de sous-traitance d’une grande partie des appels téléphoniques Certissim. Elle estime que les salariés de la société ID Expert devaient se voir appliquer la convention collective applicable au sein de la société Fia Net, à savoir celle des entreprises de courtage d’assurances et/ou de réassurances.
Les sociétés intimées concluent à l’irrecevabilité de la demande de Mme [X], soulignant qu’un rappel de salaire a été sollicité sans aucun justificatif, et au rejet de la demande d’application de la convention collective des entreprises de courtage et ou de réassurance qui remet en cause l’application de la convention des télécommunications. Elles font valoir que l’activité exercée par la société ID Expert et sa localisation géographique s’inscrivent dans le champ d’application professionnel et territorial de la convention des télécommunications au regard du contrôle manuel opéré de la fraude via l’utilisation de l’outil certissim induisant de nombreux appels téléphoniques. Elle précise que ces appels téléphoniques constituent le moyen principal de lutter manuellement contre la fraude, en joignant l’internaute dont l’identité figure sur le bon de commande et que son objet social est le suivant : ‘centre d’appel, centre de réception d’appels et de permanence téléphonique pour le compte d’entreprises’.
Si les sociétés intimées contestent la recevabilité de la demande formée par Mme [X], elles ne développent aucun moyen de droit à l’appui de cette demande qui est donc rejetée.
La convention collective des entreprises de courtage d’assurances et/ou de réassurances est applicable, aux termes de l’article 1 relatif au champ d’application, aux employeurs, compris dans la nomenclature de l’INSEE sous le code NAF 67.2Z, et inscrits au registre du commerce avec la mention ‘ courtage d’assurances et/ou de réassurances’, aux groupements d’intérêt économique (GIE), constitués exclusivement d’entreprises visées ci-dessus, ou contrôlées par elles, et ayant pour objet de faciliter, par la mise en ‘uvre de moyens techniques ou humains, l’exercice des activités de courtage d’assurances ou de réassurances que ces entreprises pratiquent, au personnel de toutes catégories, appartenant à leurs services intérieurs ou extérieurs, au siège social ou à leurs succursales.
L’accord du 2 décembre 1998 relatif au champ d’application de la convention collective des télécommunications précise que sont concernés l’ensemble des salariés de droit privé des entreprises relevant normalement des codes NAF 642.A e 642.B, dont l’activité principale est la mise à disposition de tiers de services de transmission d’informations ou d’accès à l’information (voix, sons, images, données), par tout moyen électrique, radioélectrique, optique ou électromagnétique, et que sont compris dans ce champ, au titre de leur activité principale:
– les opérateurs de télécommunication, tels que définis dans la loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996 :
– l’exploitation de réseaux de télécommunication ouverts au public ou fournissant au public un service de télécommunication ;
– les sociétés de commercialisation de services de télécommunication ;
– les fournisseurs d’accès Internet, et les fournisseurs de services Internet ;
– les câblo-opérateurs ;
– les diffuseurs de programmes audiovisuels ;
– les sociétés ayant pour activité principale une activité de centre d’appel, détenues par une société dont l’activité principale est incluse dans le champ du présent article.
Le code NAF mentionné dans les statuts de la société ID Expert ainsi que sur les bulletins de paie des salariés et dans leurs contrats de travail est le suivant : 8220Z activités centres d’appels. Si l’activité de la société ID Expert consistait à s’assurer de l’identité des consommateurs sur Internet et donc de lutter contre la fraude, le contrôle manuel et téléphonique opéré par les salariés ne correspondait pas à une activité de courtage d’assurances ou de réassurances. Dès lors, la demande formée par Mme [X] tendant à voir appliquer cette convention collective est rejetée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement sauf en ce qu’il a dit que le licenciement pour motif économique était fondé, en ce qu’il a rejeté l’indemnisation sollicitée par Mme [X] à ce titre et mis les dépens de première instance à sa charge ;
Et statuant à nouveau sur les seuls chefs infirmés,
DIT que le licenciement pour motif économique de Mme [X] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la société ID Expert à payer à Mme [X] les sommes suivantes :
– 5 532 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de l’arrêt,
– 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
ORDONNE à l’employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à Mme [X] dans la limite de deux mois d’indemnités;
CONDAMNE la société ID Expert au paiement des dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE