SOC.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 mars 2020
Rejet non spécialement motivé
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10320 F
Pourvoi n° P 18-20.048
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 MARS 2020
La société France télévisions, société anonyme, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° P 18-20.048 contre l’arrêt rendu le 22 mai 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l’opposant :
1°/ à M. W… B…, domicilié […] ,
2°/ au Syndicat national de radiodiffusion et de télévision groupe France télévisions SNRT-CGT, dont le siège est […] ,
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Mariette, conseiller, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société France télévisions, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. B… et du Syndicat national de radiodiffusion et de télévision groupe France télévisions SNRT-CGT, après débats en l’audience publique du 12 février 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Mariette, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller, Mme Rémery, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société France télévisions aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société France télévisions et la condamne à payer à M. B… et au Syndicat national de radiodiffusion et de télévision groupe France télévisions SNRT-CGT la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société France télévisions
Il est fait grief à l’arrêt partiellement infirmatif attaqué d’AVOIR fait droit à la demande de requalification de la relation de travail en un contrat à durée indéterminée à temps complet, fixé la classification de Monsieur B… aux niveaux B6 N6 du 1er juin 2008 au 26 mars 2010, B6 N7 à compter du 27 mars 2010 jusqu’au 1er janvier 2013, et au groupe 2 C niveau 10 à compter du 1er janvier 2013, d’AVOIR dit que la relation de travail doit se poursuivre à temps complet sur la base de 35 heures hebdomadaires avec la qualification machiniste, en intégrant les progressions salariales automatiques à compter du 1er janvier 2013, et invité les parties à établir les comptes conformément aux dispositions de son arrêt et en particulier pour les sommes dues au titre du rappel de salaires liés à la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à temps plein, et ce à compter du 1er juin 2008 ainsi que, les sommes dues au titre du rappel des primes d’ancienneté pour la période allant du 1er juin 2008 au 1er janvier 2013, d’AVOIR condamné la société FRANCE TELEVISIONS à verser à Monsieur B… les sommes de 10.000 € au titre de l’indemnité de requalification, 20.325,27 € au titre de rappel de la prime d’ancienneté sur la période du 1er janvier 2013 au 30 septembre 2016, 10.425 € au titre de la prime de fin d’année sur la période du 1er juin 2008 au 30 septembre 2016, 1.609 € au titre des primes « FTV » sur la période du 1er juin 2008 au 30 septembre 2016, 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et l’AVOIR condamnée à payer au syndicat SNRT-CGT les sommes de 1.500 € à titre de dommages et intérêts et de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « sur l’indemnité de requalification : aux termes de l’article L. 1245-2 alinéa 2 du code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire. Cette indemnité a pour objet, à la fois, de sanctionner l’employeur qui ne s’est pas soumis à la réglementation sur les contrats à durée déterminée et de dédommager le salarié du préjudice subi en raison de l’insécurité professionnelle et de la privation des avantages, liés au statut de salarié permanent ; en l’espèce, même si le salarié a bénéficié des avantages du statut d’intermittent en percevant un salaire majoré de 30 % par rapport aux salariés permanents et des indemnités de chômage propres aux intermittents du spectacle, il est indéniable que du fait des pratiques de la société France Télévisions, qui n’a jamais fait droit à ses demandes d’intégration, il a été maintenu dans une instabilité professionnelle et une insécurité socio-économique pendant plus de 23 ans. Dès lors, au vu des pièces du dossier, il y a lieu d’infirmer le jugement et d’allouer à Monsieur B… la somme de 10.000 euros au titre de l’indemnité de requalification. Sur la demande de requalification à temps plein ; Il s’agit d’une demande nouvelle en appel. La requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail. Réciproquement, la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat. En cas de requalification de contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, y compris en raison de l’absence d’écrit, il appartient au salarié qui sollicite un rappel de salaire sur la base d’un temps plein de rapporter la preuve qu’il se tenait à la disposition de l’employeur pendant les périodes interstitielles. Au vu des pièces produites Monsieur B… expose et justifie : qu’il n’était jamais prévenu utilement par la société France Télévisions , de ses jours comme de ses horaires de travail, – qu’aucun planning ne lui était, communiqué à l’avance de sorte qu’il lui était impossible de connaître son rythme de travail et ses périodes de repos, – que les périodes de travail étaient susceptibles d’être prolongées par la conclusion, non prévue, d’un nouveau contrat devenu nécessaire, réalisée au dernier moment, le jour même de la prise d’effet de celui-ci, – que ses jours et heures de travail étaient dépourvus de toute régularité, – que les jours de travail pouvaient être modifiés ou annulés au dernier moment, La société France Télévisions ne conteste pas utilement ces éléments se bornant à faire état des emplois dont le salarié aurait disposé auprès d’autres sociétés de production et, du peu de jours travaillés en moyenne par mois pour FranceTélévisions. Or en l’espèce, la notion de jours effectivement travaillés s’avère peu significative et pertinente, au regard des circonstances particulières régissant la relation contractuelle puisque l’employeur, qui ne conteste nullement que Monsieur B… n’a jamais refusé un seul contrat, détermine unilatéralement le nombre de jours de travail attribués au salarié. Par ailleurs, si les quelques documents fiscaux produits font état de rémunérations, perçues par Monsieur B…, de la part d’autres employeurs, la faible importance de celles-ci n’est pas de nature à remettre en cause la disponibilité effective du salarié réservée prioritairement à la société France Télévisions. Il résulte des énonciations qui précèdent que les conditions contractuelles de travail imposées par la société France Télévisions durant plus de 20 ans, à Monsieur B… induisaient de fait, une précarisation de sa situation lui imposant, sous peine de ne plus pouvoir travailler , de renoncer à tout autre engagement sérieux, pour demeurer à la disposition effective de France Télévisions son principal fournisseur de travail. Dès lors en l’absence de tout contrat écrit répondant aux exigences légales, le salarié rapportant la preuve qu’l se tenait à la disposition de l’employeur pendant les périodes interstitielles, la présomption de l’article L. 3123-14 du code du travail doit produire son plein effet ; Il convient donc d’infirmer le jugement et de dire que le contrat à durée indéterminée reconnu au profit de Monsieur B… doit, être qualifié de contrat à temps plein. (
) ; sur le rappel de salaires ; du fait de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein, le salarié est en droit de voir appliquer, pour le rappel des sommes dues et pour toute sa durée, l’ensemble des règles relatives à la rémunération applicable aux salariés relevant d’un contrat à durée indéterminée ; les rappels de salaire dus à Monsieur B… doivent donc non seulement intégrer le salaire de base, ce salaire de base progressant comme pour les autres salariés, mais être complété par les primes d’ancienneté et les autres primes annuelles statutairement prévues ; pour le calcul des rappels de salaire, l’ensemble des sommes versées par l’employeur en rémunération des contrats à durée déterminée doivent être déduites ; en revanche, les sommes perçues par le salarié au titre des ASSEDIC n’ont pas à être décomptées. En l’espèce, en l’absence d’éléments relatifs à la valeur du point d’indice et, eu égard au caractère évolutif des grilles de salaires, la cour n’est pas en mesure de calculer le rappel de salaires au vu de principes ci-dessus énoncés. Il convient donc de renvoyer les parties à établir les comptes. Sur les accessoires de salaire ; Monsieur B… sollicite un rappel de prime d’ancienneté en application de l’article V.4-4 de la Convention Collective de la Communication et de la Production audiovisuelles qui institue -une prime d’ancienneté qui s’ajoute au salaire mensuel de base de qualification et s’établit, par an, proportionnellement au groupe de qualification du salarié d’une part et à l’ancienneté d’autre part, au taux de 0,8 % jusqu’à 20 ans et au taux de 0,5 % au-delà, sans pouvoir excéder 21 % du salaire de référence,- l’article 1.4.2 de l’accord collectif d’entreprise France Télévisions du 28 mai 2013 s’y substituant qui prévoit une prime d’ancienneté égale à 0,8 % du salaire minimal garanti du groupe de classification 6 Cadre 2, par années d’ancienneté entreprise jusqu’à 20 ans, puis 0,5 % par année de 21 à 36 années. Il demande également le versement de la prime de fin d’année dite «PFA» dont le montant est déterminé chaque année et qui est inversement proportionnelle au salaire perçu. Il réclame en outre le versement de l’augmentation de salaire collective désignée sous le vocable de mesure FTV. La Société France Télévisions s’oppose à ces demandes au motif que le salarié ne saurait revendiquer les avantages liés au statut de salarié permanent en plus de ceux dont il a bénéficié en qualité d’intermittent. La rémunération de Monsieur B… à la suite de la requalification de son contrat n’est pas calculée à partir de la rémunération contractuelle d’intermittent mais au vu des dispositions conventionnelles applicables, et le rappel de salaire doit être déterminé après déduction de l’ensemble des sommes et avantages perçus par le salarié dans le cadre de ses contrats à durée déterminée successifs. (
) En revanche pour la période postérieure à janvier 2013, les décomptes produits par Monsieur B… ne sont que l’exacte application des accords d’entreprise. Il lui est donc alloué la somme de 20.325,27 euros au titre de rappel de la prime d’ancienneté du 1er janvier 2013 au 30 septembre 2016 (…) ; Les parties étant d’accord sur la base de calcul permettant de déterminer le montant des primes de fin ‘année et des primes « FTV » il convient de faire droit à la demande du salarié et de condamner l’employeur sur la base d’un temps complet à lui payer la somme de 10425 euros au titre de la prime de fin d’année et celle de 1609 euros au titre des primes « FTV » ; Sur la poursuite du contrat de travail ; Au regard des éléments développés ci-dessus, il est fait droit à la demande de poursuite de la relation de travail dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée écrit selon les termes de la classification retenue par la Cour. Par contre, Monsieur B… ne justifie d’aucune pièce permettant de faire droit à sa demande nouvelle en appel, d’affectation à Toulouse, l’employeur démontrant au vu d’un récapitulatif des collaborations que le salarié a travaillé dans de nombreuses régions, et plus souvent à Montpellier qu’à Toulouse. Sur les demandes du SNRT-CGT ; Aux termes de l’article L. 2132-3 du Code du travail : « Les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent ». La violation des dispositions légales relatives au contrat à durée déterminée par la Société France Télévisions est de nature à porter atteinte à l’intérêt collectif de la profession, et ce d’autant plus que la situation de Monsieur B… n’est nullement isolée. Il convient donc d’infirmer le jugement, de déclarer recevable le Syndicat SNRTCGT en son intervention et de condamner la Société France Télévisions à lui payer la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts ; Sur les frais irrépétibles et les dépens En application de l’article 700 du code de procédure civile, la société France Télévisions sera condamnée à verser à Monsieur W… B… la somme de 2.500 euros et au syndicat SNRT-CGT celle de 1.000 euros, qui s’ajouteront à celles allouées en première instance, au titre des frais exposés qui ne sont pas compris dans les dépens. La SA France Télévisions est de plus condamnée au paiement des entiers dépens » ;
1. ALORS QUE la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat ; que, réciproquement, la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail ; qu’il incombe au salarié, engagé en vertu de plusieurs contrats à durée déterminée non successifs requalifiés en contrat à durée indéterminée, d’établir qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur au cours des périodes non travaillées entre les contrats ; qu’en l’espèce, l’exposante avait souligné que Monsieur B… ne rapportait pas la preuve de ce qu’en dehors des quelques jours mensuels travaillés pour son compte, il était demeuré à sa disposition, les documents fiscaux versés par ce dernier au débat révélant qu’il avait perçu près de la moitié de ses rémunérations d’autres employeurs que FRANCE TELEVISIONS ; que, pour procéder à requalification de la relation de travail en un contrat à durée indéterminée à temps complet, dire que la relation de travail devait se poursuivre sur la base d’un temps complet, inviter les parties à établir les comptes sur les rappels de salaires et de prime d’ancienneté liés à cette requalification, et condamner de l’exposante au titre de la prime d’ancienneté, de la prime de fin d’année, des primes FTV, la cour d’appel a retenu que « Monsieur B… expose et justifie qu’il n’était jamais prévenu utilement par la société France Télévisions de ses jours comme de ses horaires de travail, qu’aucun planning ne lui était communiqué à l’avance de sorte qu’il lui était impossible de connaître son rythme de travail et ses périodes de repos, que les périodes de travail étaient susceptibles d’être prolongées par la conclusion, non prévue, d’un nouveau contrat devenu nécessaire, réalisée au dernier moment, le jour même de la prise d’effet de celui-ci, que ses jours et heures de travail étaient dépourvus de toute régularité, que les jours de travail pouvaient être modifiés ou annulés au dernier moment », que si la société France TELEVISIONS faisait « état des emplois dont le salarié aurait disposé auprès d’autres sociétés de production et du peu de nombre de jours travailles en moyenne par mois pour FRANCE TELEVISIONS », la faible importance de ces rémunérations ne serait « pas de nature à remettre en cause la disponibilité effective du salarié réservée prioritairement à FRANCE TELEVISIONS » ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé, comme elle y était invitée, si le salarié établissait s’être effectivement tenu à la disposition de l’employeur durant les périodes pendant lesquelles il avait travaillé auprès d’autres sociétés de production, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1245-1 et L. 3123-14 en sa rédaction alors applicable du code du travail, ainsi que des articles 1134 dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1315 devenu 1353 du code civil ;
2. ET ALORS subsidiairement QUE la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat ; que, réciproquement, la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail ; qu’ainsi, lorsqu’il a procédé à la requalification de contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, ordonné que la relation contractuelle se poursuive conformément à la requalification ainsi prononcée, et condamné l’employeur au paiement de sommes au titre des périodes non travaillées séparant les contrats à durée déterminée, le juge ne peut, sur le fondement de cette dernière condamnation, qui est étrangère la durée travaillée, ordonner que le contrat se poursuive à temps plein ; qu’en déduisant du rappel de salaire auquel elle a condamné la société FRANCE TELEVISIONS au titre des périodes non travaillées entre les contrats, que le contrat devait se poursuivre à temps plein, la cour d’appel a violé les articles L. 1245-1et L. 3123-14 en sa rédaction alors applicable du code du travail, ainsi que des articles 1134 dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et 1315 devenu 1353 du code civil.
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