Convention collective de la production audiovisuelle : 17 novembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/02205
Convention collective de la production audiovisuelle : 17 novembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/02205

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 17 NOVEMBRE 2022

N° RG 20/02205

N° Portalis DBV3-V-B7E-UCZB

AFFAIRE :

[P] [F]

C/

S.A.S. SOCIETE D’EDITION DE CANAL PLUS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Septembre 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Section : E

N° RG : 19/01252

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Arnaud OLIVIER

Me Laurent JAMMET de la SELARL ACTANCE

Expédition numérique délivrée à POLE EMPLOI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [P] [F]

né le 16 Avril 1966 à [Localité 3] (ALLEMAGNE)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Arnaud OLIVIER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0476

APPELANT

****************

S.A.S. SOCIETE D’EDITION DE CANAL PLUS

N° SIRET : 329 211 734

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Laurent JAMMET de la SELARL ACTANCE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0168 substitué par Me Cédric MARTINS, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 Octobre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,

EXPOSE DU LITIGE

A compter de l’année 1991, Monsieur [P] [F] a été engagé à différentes périodes par la société d’édition de canal plus, par le biais de contrats à durée déterminée d’usage, en qualité de réalisateur.

Le dernier contrat à durée déterminée d’usage a été conclu au mois de mai 2019.

Par requête reçue au greffe le 23 septembre 2019, Monsieur [P] [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt afin de solliciter la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée d’usage en un contrat à durée indéterminée, de solliciter la requalification du terme du dernier contrat de travail à durée déterminée d’usage en un licenciement et d’obtenir le paiement de diverses sommes.

Par jugement du 3 septembre 2020, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, section encadrement, a :

– Fixé le salaire de référence de Monsieur [P] [F] à 8 047,22 euros brut mensuel ;

– Requalifié les contrats de travail à durée déterminée d’usage successifs en contrat de travail à durée indéterminée ;

En conséquence,

– Condamné la société d’édition canal plus à verser à Monsieur [P] [F] la somme de 7 847,22 euros au titre de l’indemnité de requalification du contrat de travail ;

– Débouté Monsieur [P] [F] de sa demande relative à la discrimination en fonction de l’âge et de la fraude au plan de sauvegarde de l’emploi ;

En conséquence,

– Débouté Monsieur [P] [F] au titre de la nullité du licenciement et de sa demande de réintégration au sein de la société d’édition canal plus ;

– Dit que le licenciement de Monsieur [P] [F] était un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

– Condamné la société d’édition canal plus à verser à Monsieur [P] [F] la somme de 28 165,27 euros brut soit trois mois et demi de salaires au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse selon le barème d’indemnisation prévu à l’article L. 1235-3 du code du travail ;

– Condamné la société édition canal plus à verser à Monsieur [P] [F] la somme de 24 141,66 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 2 414,16 euros au titre des congés payés afférents ;

– Condamné la société d’édition canal plus à verser à Monsieur [P] [F] la somme de 79 957,19 euros brut au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;

– Dit que les rappels de salaires et primes antérieurs aux deux années précédant la rupture du contrat de travail sont prescrits ;

En conséquence,

– Condamné la société d’édition canal plus à verser à Monsieur [P] [F] la somme de 16 094,44 euros brut au titre de rappel de prime sur le treizième mois dû sur les deux dernières années et 1 609,44 euros au titre des congés payés afférents ;

– Condamné la société d’édition canal plus à verser à Monsieur [P] [F] la somme de 8 047,22 euros soit un mois de salaire au titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier ;

– Condamné la société d’édition canal plus à verser à Monsieur [P] [F] la somme de 8 000 euros au titre de dommages et intérêts concernant le préjudice subi au titre du contrat de frais de santé ;

– Débouté Monsieur [P] [F] de ses autres demandes ;

– Ordonné la remise des documents rectifiés afférents à la décision, bulletins de salaire, certificats de travail, et attestation Pôle emploi ;

– Condamné la société d’édition canal plus au titre de l’article L. 1235-4 du code du travail, aux remboursements des indemnités de chômage versées au salarié licencié dans la limite de six mois ;

– Ordonné l’application des intérêts légaux sur les indemnités mises à la charge de la société d’édition canal plus à compter de la notification de la décision à intervenir ;

– Rappelé que l’article 1231-7 du code civil fixe les règles de calcul de l’intérêt légal ;

– Rappelé que l’exécution provisoire est de plein droit pour ce qui concerne les sommes à caractère salarial telle que prévu à l’article R. 1454-28 du code du travail ; et fixé à cet effet, la moyenne des salaires bruts mensuels à prendre en compte sur les trois derniers mois à 7 766,67 euros ;

– Rappelé que les sommes allouées en justice, quelles qu’elles soient, sont soumises au traitement social et fiscal résultant de la loi en vigueur. Que les dispositions résultant de la loi de sécurité sociale, qui assujettissent les sommes allouées, y compris indemnitaires, à charges salariales et patronales, sont d’ordre public ; et qu’il appartient, en conséquence, à chacune des parties de s’acquitter des cotisations pouvant lui incomber ;

– Dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision dans un délai d’un mois, et en cas d’exécution forcée par voie extrajudiciaire, les frais ‘normalement’ supportés par le créancier (et en particulier les honoraires d’huissier de justice), seront supportés par la partie condamnée au principal en sus de l’indemnité mise à sa charge au titre de l’article 700 du code de pocédure civile ;

– Condamné la société d’édition canal plus à verser à Monsieur [P] [F] 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Débouté la société d’édition canal plus de sa demande reconventionnelle ;

– Laissé les dépens de la présente instance à la charge de la société d’édition canal plus.

Par déclaration au greffe du 7 octobre 2020, Monsieur [P] [F] a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 20 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, Monsieur [P] [F], appelant, demande à la cour de :

– Confirmer le jugement en ce qu’il a requalifié les contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, et en ce qu’il a requalifié le terme du dernier contrat de travail à durée déterminée en licenciement ;

À titre principal

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il l’a débouté de sa demande de nullité du licenciement avec réintégration sous astreinte ;

En conséquence :

– Dire et juger nul son licenciement ;

– Ordonner sa réintégration au sein de la société d’édition de canal plus (RCS Nanterre B 329 211 734) ; étant précisé que la société devra lui payer une indemnité de 8 047,22 euros (subsidiairement 7 766,67 euros) pour chaque mois écoulé entre son éviction de l’entreprise (26/05/2019) et sa réintégration ; le tout sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir ; la juridiction de céans réservant sa compétence pour la liquidation de l’astreinte ;

À titre subsidiaire,

– Confirmer le jugement concernant l’indemnité de préavis et les congés payés afférents, l’indemnité conventionnelle de licenciement et les dommages-intérêts pour licenciement irrégulier ;

– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a reconnu le licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais l’infirmer sur le quantum accordé à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence :

– Condamner la société d’édition de canal plus (RCS Nanterre B 329 211 734) à lui payer :

– Dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (50 mois) : 402 361 euros,

A titre infiniment subsidiaire (en l’absence de requalification en contrat à durée indéterminée),

– Condamner la société d’édition de canal plus (RCS Nanterre B 329 211 734) à lui payer :

– Indemnités de collaboration de longue durée : 165 187,31 euros

En tout état de cause,

– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes concernant les dommages-intérêts pour défaut de bénéfice du régime frais de santé ;

– Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné à une indemnité de requalification et à un rappel de prime de treizième mois, mais l’infirmer sur le quantum ;

En conséquence :

– Condamner la société d’édition de canal plus (RCS Nanterre B 329 211 734) à lui payer :

– Indemnité de requalification (6 mois) : 48 283,34 euros

– Rappel de prime de treizième mois : 26 536,12 euros

– Congés payés afférents : 2 653,61 euros

– Confirmer le jugement concernant les sommes allouées au titre de l’article 700 code de procédure civile, la remise de documents sociaux conformes, les condamnations aux frais d’exécution forcée et aux dépens, sans préjudice des condamnations à ce titre pour la procédure d’appel ;

– Infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de ses autres demandes, et notamment de ses demandes de dommages-intérêts pour manquement à la bonne foi contractuelle et rupture brutale et vexatoire de la relation de travail, de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de formation et d’adaptation ;

En conséquence :

– Condamner la société d’édition de canal plus (RCS Nanterre B 329 211 734) à lui payer :

– Dommages-intérêts pour manquement à la bonne foi contractuelle et rupture brutale et vexatoire de la relation de travail : 60 000 euros

– Dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à l’obligation de formation et d’adaptation : 50 000 euros

– Article 700 du code de procédure civile : 5 000 euros

– Intérêts légaux à compter de la convocation de l’employeur ;

– Capitalisation des intérêts (article 1343-2 du code civil) ;

– Les entiers dépens ;

– Dire qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision dans un délai d’un mois, et en cas d’exécution forcée par voie extrajudiciaire, les frais « normalement » supportés par le créancier (et en particulier les honoraires d’huissier de justice), seront supportés par la partie condamnée au principal en sus de l’indemnité mise à sa charge au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Débouter la société d’édition de canal plus de toutes demandes reconventionnelles.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 20 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la société d’édition de canal plus, intimée, demande à la cour de :

A titre principal, sur la validité du recours aux contrats à durée déterminée d’usage conclus entre Monsieur [F] et la société d’édition canal plus :

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de prud’hommes en ce qu’il a :

Requalifié les contrats à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée ;

Condamné la société d’édition canal plus à verser à Monsieur [F] la somme de 7 847,22 euros au titre de l’indemnité de requalification du contrat de travail ;

Et, en conséquence,

– Dire et juger que l’embauche de Monsieur [F] en contrat à durée déterminée d’usage en qualité de réalisateur résultait bien d’un usage constant dans le secteur de l’audiovisuel ;

– Dire et juger que Monsieur [F] ne rapporte pas la preuve qu’il occupait des fonctions par nature permanentes ;

– Rejeter l’ensemble des demandes de Monsieur [F] en les déclarant infondées ;

A titre subsidiaire, sur les demandes liées à la requalification,

Sur le salaire de référence :

– Infirmer le jugement en ce qu’il a fixé le salaire de référence de Monsieur [F] à 8047,22 euros brut mensuel ;

– Dire et juger que le salaire de référence s’élève à 7 847,22 euros en cas de requalification et à défaut 7 200 euros ;

Sur la nullité du licenciement :

– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de prud’hommes en ce qu’il a débouté Monsieur [F] de sa demande relative à la discrimination en fonction de l’âge et de la fraude au plan de sauvegarde de l’emploi ;

– Dire et juger que Monsieur [F] n’a pas été victime de discrimination en raison de son âge ;

– Dire et juger que la société n’a pas commis de fraude au plan de sauvegarde de l’emploi ;

En conséquence,

– Rejeter à titre principal la demande de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

– Ramener à titre subsidiaire, si le conseil de prud’hommes devait analyser la rupture en un

licenciement nul, le quantum de l’indemnité à la somme de 47 083,32 euros ;

Sur l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement :

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a condamné la société d’édition canal plus à verser à Monsieur [F] la somme de 28 165,27 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– Ramener, à titre subsidiaire, le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 23 541,66 euros ;

Sur l’indemnité pour licenciement irrégulier :

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a condamné la société d’édition canal plus à verser à Monsieur [F] la somme de 8 047,22 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier ;

– Débouter Monsieur [F] de sa demande formulée à ce titre ;

Sur l’indemnité compensatrice de préavis :

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a condamné la société d’édition canal plus à verser à Monsieur [F] la somme de 24 141,66 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 2 414,16 euros au titre des congés payés afférents ;

– Ramener, à titre subsidiaire, le montant de l’indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 23 541,66 euros ;

Sur l’indemnité de licenciement :

– Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société d’édition canal plus à verser à Monsieur [F] la somme de 79 957,19 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;

– Ramener, à titre subsidiaire, le montant de l’indemnité de licenciement à hauteur de 76 088,92 euros ;

A titre très subsidiaire, sur les demandes de Monsieur [F] en l’absence de requalification

Sur l’indemnité de longue collaboration :

– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a débouté Monsieur [F] de cette demande ;

– Ramener, à titre subsidiaire, le montant de cette demande à hauteur 58 320 euros ;

Sur l’indemnité de formation :

– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a débouté Monsieur [F] de cette demande ;

– Ramener, à titre subsidiaire, le montant de cette demande à hauteur 6 890,24 euros ;

En tout état de cause, sur les autres demandes :

Sur les dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de bonne foi contractuelle et rupture brutale de la relation de travail :

– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a débouté Monsieur [F] de cette demande ;

– Subsidiairement, ramener le montant de cette demande à de plus justes proportions ;

Sur les rappels de prime sur le treizième mois

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de prud’hommes en ce qu’il a condamné la société d’édition canal plus à verser à Monsieur [F] la somme de 16 094,44 euros au titre de rappel de prime sur le treizième mois dû sur les deux dernières années et 1 609,44 euros au titre des congés payés afférents ;

– Débouter Monsieur [F] de cette demande ;

Sur les dommages et intérêts pour défaut de bénéfice de la garantie frais de santé (mutuelle) :

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a condamné la société d’édition canal plus à verser à Monsieur [F] la somme de 8 000 euros au titre de dommages et intérêts concernant le préjudice subi au titre du contrat de frais de santé ;

– Débouter Monsieur [F] de cette demande ;

Sur les dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation et d’adaptation :

– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a débouté Monsieur [F] de cette demande ;

Sur les autres demandes :

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a condamné la société d’édition canal plus à verser à Monsieur [F] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner Monsieur [F] à verser à la société la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Débouter Monsieur [F] de sa demande d’exécution provisoire ;

– Le condamner aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 21 septembre 2022.

SUR CE,

Sur l’exécution du contrat de travail :

Sur la requalification en contrat de travail à durée indéterminée

Monsieur [F] fait valoir, au soutien de sa demande de requalification en contrat de travail à durée indéterminée, qu’il a commencé à travailler pour Canal + à compter du 24 janvier 1991 et travaille depuis cette date quasi-exlusivement pour cette société, dans le cadre d’une relation régulière et continue ; il dénonce un abus de recours au CDD d’usage ;

La société d’édition de canal plus considère au contraire que l’ensemble des conditions permettant le recours au CDD d’usage étaient bien réunies, que les missions de Monsieur [F] étaient par nature temporaires et que l’embauche du salarié n’avait pas pour but de pourvoir à un emploi permanent dans l’entreprise ;

En application de l’article L 1242-1 du code du travail :

« Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. » ;

L’article L. 1242-2 du code du travail prévoit que :

« Sous réserve des dispositions de l’article L.1243-3, un contrat de travail à durée déterminée

ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans

les cas suivants :

[‘]

3° Emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. Lorsque la durée du contrat de travail est inférieure à un mois, un seul bulletin de paie est émis par l’employeur.  » ;

L’article D. 1242-1 du code du travail dispose que :

« en application du 3° de l’article L. 1242-2, les secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois sont les suivants :

[‘]

6° l’audiovisuel, [‘]. » ;

En application de l’article L. 1244-1 du même code :

« Les dispositions de l’article L. 1243-11 ne font pas obstacle à la conclusion de contrats de travail à durée déterminée successifs avec le même salarié lorsque le contrat est conclu dans l’un des cas suivants :

(‘)

3° Emplois à caractère saisonnier définis au 3° de l’article L. 1242-2 ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature

temporaire de ces emplois ; »

S’il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L.1242-2 et L.1244-1 du code du travail que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, et qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier si le recours à des contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi ;

Si l’article D. 1242-1 du code du travail vise bien l’audiovisuel parmi les secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois et que la société d’édition de canal plus rappelle, en se référant à l’accord national interbranche du 12 octobre 1998 relatif au recours au CDD-U concernant le secteur du spectacle et à l’accord professionnel national de la branche de télédiffusion la possibilité de recourir au CDD-U pour les réalisateurs, notamment dans le domaine du sport, de sorte que les fonctions occupées par Monsieur [F] pouvaient potentiellement autoriser le recours à ce type de contrats, il demeure ainsi nécessaire de vérifier que le recours à des contrats à durée déterminée successifs était justifié par l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi ;

Le fait d’intervenir dans le cadre d’émissions sportives et en particulier lors de matchs de sport ne suffit pas à caractériser le caractère par nature temporaire de l’emploi ;

Il est avéré en l’espèce que Monsieur [F] a été engagé selon des contrats de travail (« lettre d’engagement ») à durée déterminée d’usage, commençant à travailler en qualité de réalisateur pour Canal+ à compter du 24 janvier 1991 ; il a travaillé pour Canal+ quasiment tous les mois de la période comprise entre 1991 et 2018 ; le dernier contrat à durée déterminée d’usage a été conclu au mois de mai 2019 ;

Ces éléments font ressortir le caractère récurrent et la continuité de la relation de travail entre les parties ;

Les interventions de Monsieur [F] s’inscrivent sur une période d’une durée globale de 28 ans, faisant ainsi ressortir également leur longévité exceptionnelle ;

La société d’édition de canal plus ne justifie pas de circonstance particulière ayant généré un besoin seulement temporaire expliquant sur toute cette période le recours aux services de M. [F] ni d’éléments probants démontrant l’existence sur cette même période d’incertitudes quant à la pérennité des manifestations sportives ;

La circonstance que le salarié ait pu, parallèlement à son engagement par l’intimée, travailler pour le compte d’autres sociétés est sans incidence compte tenu de ces constats de récurrence, de continuité et de longévité de la fonction qu’il a occupée au sein de Canal +, d’autant qu’il justifie, du fait de la durée de ses interventions mensuelles et par la productions de documents fiscaux, qu’il a tiré habituellement l’essentiel de ses revenus de cette dernière activité ; il précise à ce titre que la caisse de congés payés des intermittents ne se confond pas avec un employeur tiers ;

Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a requalifié les contrats de travail à durée déterminée d’usage successifs en contrat de travail à durée indéterminée ;

Sur le rappel de prime de treizième mois et le salaire de référence

La convention collective d’entreprise Canal + applicable prévoit que :

« Tous les salariés titulaires d’un contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée, reçoivent pour une année complète de présence, une gratification égale au montant des appointements bruts de base au taux en vigueur au mois de décembre de l’année considérée.

Cette gratification est payée en deux versements effectués à la fin du mois de juin et à la fin du mois de décembre.

Pour les salariés ne possédant pas une année complète de présence, la gratification est calculée proportionnellement au temps de présence sur le ou les semestres considérés.

En cas de cessation du contrat de travail, le calcul prorata temporis de la gratification est effectué sur la base du dernier mois de salaire brut de base. » ;

L’article L.3245-1 du code du travail, issu de la loi du 14 juin 2013, dispose que « l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat» ;

En l’espèce, Monsieur [F] est ainsi fondé à réclamer des rappels de prime de treizième mois au titre, non des deux mais des trois années précédant la rupture du contrat ;

Il sera fait droit, en conséquence, à ses demandes de rappel de prime de treizième mois pour la somme de 26 536,12 euros et celle de 2 653,61 euros au titre des congés payés y afférents ; le jugement est infirmé en son quantum de ce chef ;

Il s’ensuit que le salaire de référence de M. [F], réintégrant ce treizième mois, sera fixé à la somme de 8 047,22 euros ;

Sur l’indemnité de requalification

L’article L 1245-2 du code du travail dispose que :

« Lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande [de requalification] du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s’applique sans préjudice de l’application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée. » ;

Monsieur [F] se réfère seulement à l’ancienneté de la relation de travail et à la précarité de sa situation, qui est toutefois relative au regard des revenus déclarés, comme le relève justement la société intimée ;

Au vu des éléments d’appréciation dont dispose la cour, et sur la base du salaire de référence susvisé, l’indemnité de requalification allouée sera fixée à la somme de 8 047,22 euros ;

Le jugement est infirmé en son quantum de ce chef

Sur l’obligation de formation et d’adaptation

Monsieur [F] sollicite des dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à l’obligation de formation et d’adaptation ;

L’article L 6321-1 du code du travail prévoit une obligation générale pour l’employeur d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail, et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi ;

Il indique n’avoir bénéficié, durant l’exécution du contrat, « d’aucune réelle formation » à ce titre ;

Il n’apporte toutefois pas la preuve d’un préjudice subi à ce titre, étant observé que sa collaboration régulière avec d’autres entreprises révèle sa capacité à occuper un emploi ;

Le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande de dommages et intérêts ;

Sur la rupture du contrat de travail :

Sur la nullité du licenciement

Monsieur [F] demande que son licenciement soit jugé nul ; il invoque en premier lieu une discrimination en raison de son âge ;

Il fait valoir, en second lieu, que la rupture est intervenue en fraude d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ;

La société d’édition de canal plus conteste toute discrimination comme toute fraude ;

L’article L.1132-1 du code du travail prévoit que :

« Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1 er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français. » ;

En application de l’article L. 1134-1 du même code, « lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ». ;

Après avoir indiqué que Canal plus a mis en oeuvre une automatisation des régies afin de réduire les coûts de production et diminué les grilles de rémunérations, Monsieur [F], qui est né en 1966, ajoute que  » la conjonction de ces éléments, associé au fait qu’il, comme plusieurs autres « permittents » se soient vus brutalement privés de travail, est révélatrice de la volonté de Canal plus de recruter des jeunes salariés non formés au détriment des salariés les plus âgés » ;

Ce faisant, il procède essentiellement par voie d’affirmation en ce qui concerne la discrimination qu’il invoque de salariés les plus âgés au détriment de plus jeunes, sans présenter d’éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte ;

En tout état de cause, la société d’édition de canal plus présente deux tableaux récapitulatifs, courant 2018 et courant 2019, qui font apparaître à ces deux périodes des réalisateurs sportifs intermittents comme lui et qui comprennent plusieurs personnes (et non seulement MM. [O] et [Z]) plus âgées que lui ;

Il s’ensuit que la discrimination alléguée n’est pas établie ;

M. [F] estime ensuite que la rupture est intervenue en fraude d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ;

Il indique que quelques mois avant que la société se sépare de salariés et notamment de nombreux « permittents » un PSE avait été mis en place au sein de l’U.E.S. suite à l’arrêt de plusieurs émissions (« les guignols de l’info », « l’effet papillon ») et que le PSE s’est inscrit dans une restructuration plus globale ;

Outre que les émissions citées ne correspondent pas à des émissions sportives telles que celles pour lesquelles intervenait M. [F], la société intimée justifie que la réorganisation annoncée en juillet 2019 s’est accompagnée d’un Plan de départ volontaire et non un PSE, rappelle que M. [F] n’était plus présent dans l’entreprise ni lors de cette annonce, ni lors de sa mise en ‘uvre et précise que ce plan de départ volontaire ne concernait que les permanents ;

Il n’est pas établi que M. [F] était concerné par le plan de sauvegarde de l’emploi qui a été mis en ‘uvre exclusivement pour les salariés permanents et uniquement dans le cadre d’ émissions strictement définies ;

La fraude alléguée n’est pas démontrée ;

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de nullité de la rupture (nullité du licenciement) et de la demande de réintégration au sein de la société d’édition canal plus, ainsi que les demandes indemnitaires en lien avec la nullité de la rupture ;

En application de l’article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ;

En l’espèce, la société d’édition de canal plus a cessé de fournir du travail à Monsieur [F] à l’issue du dernier contrat à durée déterminée d’usage conclu au mois de mai 2019 et la relation de travail a pris fin sans que ne soit invoqué de motif de licenciement ni que soit mise en oeuvre de procédure de licenciement, étant rappelé qu’il a été fait droit à la demande de requalification en contrat de travail à durée indéterminée ;

Dès lors la rupture de la relation de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; le jugement est confirmé de ce chef ;

Sur les conséquences financières

A la date de son licenciement Monsieur [F] avait une ancienneté de 28 ans au sein de l’entreprise qui employait de façon habituelle plus de 11 salariés ;

L’article L. 1235-3 du code du travail issu de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 publiée le 23 septembre 2017 prévoit, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et si la réintégration n’est pas demandée et acceptée, une indemnisation à la charge de l’employeur dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau produit, soit pour une ancienneté telle que celle de Monsieur [F], une indemnité minimale de 3 mois de salaire brut et une indemnité maximale de 19,5 mois de salaire brut ;

Monsieur [F] soutient que le barême prévu par l’ article L. 1235-3 du code du travail issu de l’ordonnance susvisée est contraire aux conventions internationales, ce que conteste la société intimée ;

L’article 24 de la charte européenne révisée ratifiée par la France le 7 mai 1999 n’a pas d’effet direct comme laissant une marge d’appréciation aux parties contractantes pour permettre à des particuliers de s’en prévaloir dans le cadre de litige devant les juridictions judiciaires nationales, en revanche l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT s’impose aux juridictions françaises en étant d’application directe en droit interne qui affirme qu’en cas de licenciement injustifié, il appartient au tribunal d’« ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée », qui permet une marge d’appréciation sur l’indemnisation adéquate, de sorte que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail qui fixent un barème applicable à la détermination, par le juge, du montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en usant de la marge d’appréciation laissée à chaque Etat, est compatible avec les stipulations de l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT ;

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT ;

Il en résulte que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention précitée ;

Il appartient au juge d’apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l’article L. 1235-3 du code du travail ;

Tenant compte notamment de l’âge, de l’ancienneté de Monsieur [F] et des circonstances de son éviction, étant observé qu’il n’apporte pas d’informations précises sur sa situation d’emploi postérieure à la rupture de la relation de travail avec Canal plus ou ses recherches de nouvel emploi, et qu’il ne peut se référer utilement à un Plan de sauvegarde de l’emploi, en réalité plan de départ volontaire, fondé sur un motif économique, il convient de confirmer le jugement ayant condamné l’employeur au paiement d’une indemnité totale de 28 165,27 euros brut à ce titre ;

Il y a lieu de confirmer aussi le jugement en ce qu’il a condamné la société édition canal plus à verser à Monsieur [F] les sommes de :

– 24 141,66 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 2 414,16 euros au titre des congés payés afférents,

– 79 957,19 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;

M. [F] sollicite également des dommages et intérêts pour licenciement irrégulier du fait d’un non-respect de la procédure ;

Cependant, l’indemnité due au salarié dont le licenciement est irrégulier en la forme ne peut être accordée que si le licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse, ce qui n’est pas le cas en l’espèce : elle ne peut se cumuler ici avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Il y a donc lieu de débouter M. [F] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier ;

Le jugement est infirmé de ce chef ;

M. [F] sollicite des dommages-intérêts pour manquement à la bonne foi contractuelle et rupture brutale et vexatoire de la relation de travail ;

En application de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi ;

En application de l’article L. 1222-1 du code civil, l’octroi de dommages et intérêts est subordonné à la démonstration, par le salarié, d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice ;

En l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats qu’une nouvelle grille taraifaire a été mise en place, que Monsieur [F] a difficilement acceptée, que des échanges ont eu lieu entre les parties et finalement un rendez-vous le 11 juin 2019 ;

Il n’est pas démontré de mesures brutales ou à caractère vexatoires entourant les circonstances de la rupture de la relation de travail ni de faute de l’employeur ;

Le jugement ayant rejeté cette demande de dommages et intérêts est confirmé sur ce point ;

Sur le remboursement par l’employeur à l’organisme des indemnités de chômage

C’est à juste titre qu’en application de l’article L. 1235-4 du code du travail, le conseil a ordonné le remboursement par la société d’édition de canal plus à Pôle emploi, partie au litige par l’effet de la loi, des indemnités de chômage qu’il a versées le cas échéant à Monsieur [F] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois d’indemnités. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.  

Sur les autres demandes

Monsieur [F] sollicite des dommages et intérêts concernant le préjudice qu’il indique avoir subi au titre du contrat de frais de santé, du fait que ses frais de santé sont restés à sa charge pendant toutes les années de la relation de travail ;

L’accord collectif qui met en place une couverture sociale complémentaire d’entreprise engage l’employeur vis-à-vis de ses salariés et de leurs ayants-droits ;

Lors de la mise en place d’une couverture sociale complémentaire, l’employeur est tenu de remettre au salarié une notice d’information établie par l’organisme assureur ;

L’accord interbranche des intermittents du spectacle prévoit le bénéfice d’une garantie « frais de santé  », c’est-à-dire une mutuelle, pour les intermittents justifiant de 24 cachets ou 24 jours de travail au cours des 12 mois précédents ;

Il n’est pas justifié qu’en 28 ans, Monsieur [F] ait jamais bénéficié de la mutuelle d’entreprise ni même été informé de l’existence d’une mutuelle ou reçu de notice d’information du régime ;

C’est vainement que la société intimée indique que la mutuelle d’entreprise était applicable uniquement aux permanents dès lors qu’il a été fait droit à la demande de requalification en contrat à durée indéterminée ;

Monsieur [F] subit un préjudice du fait que ses frais de santé sont restés à sa charge pendant toutes ces années.

En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu’il a condamné la société d’édition canal plus à verser à Monsieur [F] la somme de 8 000 euros au titre de dommages et intérêts concernant le préjudice subi au titre du contrat de frais de santé ;

Par ailleurs, il y a lieu d’enjoindre à la société d’édition de canal plus de remettre à Monsieur [F], dans le mois suivant la signification du présent arrêt, des bulletins de salaire, certificats de travail, et attestation Pôle emploi rectifiés ; le jugement est confirmé de ce chef ;

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale seront dus à compter de la réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation ;

S’agissant des créances de nature indemnitaire, les intérêts au taux légal seront dus à compter de la décision les ayant prononcées ;

Il y a lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil à compter de la date de la demande qui en été faite ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens d’appel seront mis à la charge de la société d’édition de canal plus ;

La demande formée par M. [F] au titre des frais irrépétibles en cause d’appel sera accueillie, à hauteur de 2 000 euros ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ses dispositions relatives aux montants du rappel de prime de treizième mois et de l’indemnité de requalification et en ses dispositions relatives au licenciement irrégulier pour non-respect de la procédure,

Statuant de nouveau des dispositions infirmées et y ajoutant,

Condamne la SAS société d’édition de canal plus à payer à Monsieur [P] [F] les sommes suivantes :

– 26 536,12 euros bruts à titre de rappel de prime de treizième mois et 2 653,61 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

– 8 047,22 euros nets à titre d’indemnité de requalification du contrat de travail,

– 2 000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles de procédure en cause d’appel,

Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la décision les ayant prononcées,

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société d’édition de canal plus aux dépens d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Juliette DUPONT, Greffier en pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, La PRÉSIDENTE,

 


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