COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-5
ARRÊT AU FOND
DU 12 MAI 2022
N° 2022/
MA
Rôle N°21/03103
N° Portalis DBVB-V-B7F-BHA7R
[W] [HJ]
C/
Association SKEMA BUSINESS SCHOOL
Copie exécutoire délivrée
le : 12/05/22
à :
– Me Jean-Michel RENUCCI de la SELARL ACTANCE MEDITERRANEE, avocat au barreau de NICE
– Me Magali BOUTIN, avocat au barreau de NICE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRASSE en date du 24 Février 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00822.
APPELANTE
Madame [W] [HJ], demeurant 61 Chemin des Bruisses – 06560 VALBONNE
représentée par Me Jean-Michel RENUCCI de la SELARL ACTANCE MEDITERRANEE, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
Association SKEMA BUSINESS SCHOOL, sise Avenue Willy Brandt – 59777 LILLE
représentée par Me Magali BOUTIN, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 04 Janvier 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Michelle SALVAN, Président de chambre, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre
Madame Mariane ALVARADE, Conseiller
Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2022, prorogé successivement au 28 avril 2022, au 5 mai 2022 puis au 12 mai 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 mai 2022,
Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Pascale ROCK, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCEDURE
Mme [HJ] était salariée du Ceram Business School depuis le 12 mars 2001 en qualité d’Analyste Concepteur puis de Chef de projets services informatiques.
Le 30 juin 2009, le Ceram Business School et l’ESC Lille ont fusionné pour donner naissance à l’association SKEMA Business School.
A compter du 1er janvier 2010, Mme [HJ] a été mise à disposition de l’Association en qualité de « Responsable Systèmes Information » dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée du 1er janvier au 31 décembre 2011, transformé en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 septembre 2011. Elle occupait en dernier lieu les fonctions de «Directrice des Systèmes d’Information » (DSI), soumise à une convention annuelle de forfait en jours et percevait une rémunération mensuelle moyenne brute de 6.074,81 €.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l’« enseignement privé hors contrat ».
L’association SKEMA BUSINESS SCHOOL employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement.
Reprochant à sa salariée des négligences et erreurs fautives, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 9 novembre 2017, l’association SKEMA BUSINESS SCHOOL a convoqué Mme [HJ] à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé au 20 novembre 2017, une lettre de mise à pied conservatoire lui ayant été remise en main propre à l’issue dudit entretien et par lettre adressée en la même forme le 30 novembre 2017, elle a été licenciée pour faute grave.
Contestant son licenciement, Mme [HJ] a saisi, le 4 octobre 2018, la juridiction prud’homale afin d’obtenir l’annulation de la convention de forfait en jours, le paiement d’heures supplémentaires et d’une indemnité au titre du travail dissimulé, de voir dire son licenciement nul pour s’inscrire dans le cadre d’un harcèlement moral, subsidiairement, dépourvu de cause réelle et sérieuse et obtenir diverses sommes tant en exécution qu’au titre de la rupture du contrat de travail.
Par jugement rendu le 24 février 2021, le conseil de prud’hommes de Grasse a :
– dit et jugé que le licenciement de Mme [W] [HJ] reposait sur une cause réelle et sérieuse,
– dit et jugé que le forfait annuel en jours était valable,
– fixé le salaire moyen de Mme [W] [HJ] à 6435,70 € brut,
– condamné l’association SKEMA à verser à Mme [W] [HJ] les sommes suivantes :
– 19.307,10 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 1930,71 € brut au titre des congés payés sur préavis,
– 30.745 € brut au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
dit que les condamnations prononcées sont assorties des intérêts au taux légal à compter de la date du présent jugement,
– dit et jugé qu’il n’y a pas lieu à exécution provisoire,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins ou prétentions,
– condamné l’association SKEMA aux dépens.
Mme [HJ] a interjeté appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 21 octobre 2021, Mme [HJ], appelante, demande à la cour de voir :
‘- confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– dit et jugé que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,
– dit et jugé que le forfait annuel en jours est valable,
– limité la fixation de son salaire moyen à 6435,70 € brut,
– limité le montant des condamnations aux sommes suivantes :
19.307,10 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
1930,71 € brut au titre des congés payés sur préavis,
30.745 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
1000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que les condamnations prononcées sont assorties des intérêts au taux légal à compter de la date du présent jugement,
– débouté Mme [HJ] du surplus de ses demandes, fins et prétentions,
Statuant à nouveau :
– annuler le forfait en jours auquel elle a été soumise,
– dire et juger qu’elle a effectué de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été réglées,
En conséquence,
– condamner la SKEMA BUSINESS SCHOOL au paiement des sommes suivantes :
heures supplémentaires 36.057,21€ brut,
Congés payés sur heures supplémentaires 3605,72 € brut,
Indemnité pour dissimulation d’emploi salarié 42.475,80 € net,
Dommages et intérêts pour absence de repos compensateur 5000 € net,
– dire et juger nul et de nul effet son licenciement après avoir constaté qu’il s’inscrit dans un harcèlement moral,
– dire et juger à titre subsidiaire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
A titre principal, (Prise en compte des heures supplémentaires)
– fixer la moyenne des 12 derniers mois de salaire, heures supplémentaires comprises à la somme de 7079,30 € brut et condamner la SKEMA BUSINESS SCHOOL au paiement des sommes suivantes :
Indemnité compensatrice de préavis 21.237,90 €,
Congés payés sur préavis 2123,79 €,
Indemnité conventionnelle de licenciement 56.780,70 € net,
Rappel de salaire sur mise à pied conservatoire 2109,69 € brut,
Congés payés afférents 210,97 € brut,
Indemnité compensatrice de congés payés et de RAT 4836,78 €,
Dommages et intérêts au titre du harcèlement moral 30.000 €,
Dommages et intérêts au titre de la rupture du contrat de travail à titre principal si le harcèlement est reconnu 140.000 € net et à titre subsidiaire si le harcèlement n’est pas retenu 95.570,55 € net,
Dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat 10.000 € net,
Dommages et intérêts pour rupture intervenue dans des conditions vexatoires 10.000 € net,
– A titre subsidiaire (si par extraordinaire, la Cour devait considérer que la convention de forfait de Mme [HJ] est licite),
– fixer la moyenne des 12 derniers mois de salaire, heures supplémentaires comprises à la somme de 6074,81 € brut et condamner la SKEMA BUSINESS SCHOOL au paiement des sommes suivantes :
Indemnité compensatrice de préavis 18.224,43 € brut,
Congés payés sur préavis 1822,44 € brut,
Indemnité conventionnelle de licenciement 48.724,05 € net,
Rappel de salaire sur mise à pied conservatoire 2109,69 € brut,
Congés payés afférents 210,97 € brut,
Indemnité compensatrice de congés payés et de RAT 3167,95 € brut,
Dommages et intérêts au titre du harcèlement moral 30.000 €,
Dommages et intérêts au titre de la rupture du contrat de travail à titre principal si le harcèlement est reconnu 140.000 € net et à titre subsidiaire si le harcèlement n’est pas retenu 82.009,93 € net,
Dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat 10.000 € net,
Dommages et intérêts pour rupture intervenue dans des conditions vexatoires 10.000 € net,
– En tout état de cause :
– faire sommation à l’intimée de justifier qu’elle a réalisé un bilan annuel sur l’organisation du travail et la charge de travail des salariés concernés par le forfait jour et qu’elle l’a communiqué au CE,
– faire sommation à l’intimée de justifier que l’adresse «[W].[HJ]@skema.edu » a été fermée ou à tout le moins qu’un message indique à tout utilisateur qui adresserait un email sur cette adresse qu’elle ne fait plus partie des effectifs,
A défaut d’une telle justification,
– condamner l’association intimée à fermer cette adresse de messagerie sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du jugement à intervenir,
– condamner la SKEMA BUSINESS SCHOOL au paiement des sommes suivantes :
Rappel de salaire sur mise à pied conservatoire : 2109,69 € brut,
Congés payés afférents : 210,97 € brut,
Indemnité compensatrice de congés payés et de RTT : 3167,95 € brut,
– condamner la SKEMA BUSINESS SCHOOL au paiement de la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents sociaux de fin de contrat et du solde de tout compte,
– condamner la SKEMA BUSINESS SCHOOL au paiement de la somme de 5000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance,
– ordonner la remise des documents sociaux sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du prononcé du jugement,
– assortir les condamnations prononcées des intérêts au taux légal, capitalisés à compter du dépôt de la réquisition prud’homale.
Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 30 août 2021, l’Association SKEMA BUSINESS SCHOOL, intimée, demande à la cour de voir :
‘A titre principal :
– constater que la faute grave est parfaitement établie,
– constater que le licenciement pour faute grave de Mme [HJ] est parfaitement justifié et fondé,
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grasse en ce qu’il a requalifié le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse,
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grasse en ce qu’il a débouté Mme [HJ] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grasse en ce qu’il a condamné l’Association au paiement de l’indemnité de préavis et l’indemnité de congés payés y afférent,
– constater que Mme [HJ] n’a fait l’objet d’aucun harcèlement moral,
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grasse en ce qu’il a considéré que la concluante ne rapportait pas la preuve d’agissements constitutifs d’un harcèlement moral,
– constater l’absence de manquements de l’Association,
– constater la validité du forfait annuel en jours,
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grasse en ce qu’il a considéré que le forfait annuel en jours était valable,
– constater que Mme [HJ] ne justifie pas avoir réalisé des heures supplémentaires qui seraient restées impayées,
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grasse en ce qu’il a rejeté la demande d’heures supplémentaires,
– constater l’absence de travail dissimulé,
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grasse en ce qu’il a rejeté la demande de travail dissimulé,
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grasse en ce qu’il a condamné l’Association au paiement de la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouter Mme [HJ] de l’ensemble de ses demandes,
– condamner Mme [HJ] au paiement, au bénéfice de l’Association, de la somme de 4000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens et frais de procédure.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 23 décembre 2021.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité de la convention individuelle de forfait en jours
En application des articles L 3121-39 et L 3121-44 du code du travail, alors en vigueur, l’accord collectif de branche ou d’entreprise, doit prévoir, pour être valable :
– les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait,
– la durée annuelle du travail dans la limite de 218 jours,
– les caractéristiques principales des conventions de forfait-jours : pouvant être :
* les modalités de décompte des journées ou demi-journées travaillées, * les modalités de prise des journées ou demi-journées de repos,
* les modalités concrètes d’application des règles sur le repos quotidien, * les conditions de contrôle de l’application de ce type de forfait,
* les modalités de suivi de l’organisation du travail des salariés, de l’amplitude de leurs journées de travail et de la charge de travail en résultant.
Aux termes de l’article L 3121-40 du code du travail : ‘La conclusion d’une convention individuelle de forfait requiert l’accord du salarié. La convention est établie par écrit.’.
Selon l’article L 3121-46 du code du travail : « Un entretien annuel individuel est organisé par l’employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.»
Mme [HJ] fait valoir qu’elle s’est plainte à de nombreuses reprises de ses conditions de travail, et en particulier du surcroît d’activité auquel elle devait faire face,
que suivant procès-verbal de réunion du 28 juin 2017, le comité d’entreprise a alerté l’entreprise sur la multiplication des arrêts de travail pour maladie et la surcharge de travail induite du fait du non remplacement des salariés absents,
que l’Association SKEMA BUSINESS SCHOOL ne respecte pas les dispositions conventionnelles relatives à l’organisation du travail dans le cadre d’une convention individuelle de forfait jours, de sorte que le forfait annuel en jours ne pourra qu’être invalidé et sa demande au titre des heures supplémentaires admise,
que les premiers juges ne pouvaient retenir qu’elle déclarait elle-même ses jours de travail et de repos, que les pièces versées aux débats permettaient de démontrer que le suivi de l’organisation du travail était bien documenté et qu’elle bénéficiait d’un entretien annuel d’évaluation et d’entretiens mid-terms, au cours desquels la question de la charge de travail de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée était évoquée,
que l’Association SKEMA BUSINESS SCHOOL ne saurait se prévaloir d’un avenant à l’accord d’entreprise du 24 mai 2011, conclu le 16 octobre 2012, alors que la convention individuelle de forfait renvoie expressément aux dispositions de la convention collective,
qu’en tout état de cause, ledit avenant lui est inopposable, alors qu’elle n’a pas expressément accepté la modification de son forfait annuel, cet accord d’entreprise ne précisant pas même les conditions de contrôle de l’application du forfait en jours.
Le contrat de travail de Mme [HJ] prévoit qu’elle relève pour le calcul de son temps de travail du forfait annuel en jours conformément à la convention collective nationale de l’enseignement privé hors contrat, la salariée s’engageant à travailler selon un forfait de 205 jours pour une année civile pleine. Son contrat de travail précise que les modalités d’application dudit forfait sont définies par la convention collective en son article 4-2-4.
Il n’est pas discutable que la salariée disposait compte tenu de ses fonctions et de ses responsabilités d’une grande autonomie dans l’organisation de son emploi du temps au sens de l’article L 3121-43 du code du travail.
L’article 4-2-4 de la convention collective de l’enseignement privé hors contrat énonce : ‘ En ce qui concerne les cadres administratifs et de services qui ne relèvent pas de la catégorie des cadres dirigeants, ni des cadres intégrés dans un horaire collectif, le temps de travail peut être fixé par des conventions annuelles individuelles de forfait fixant à 212 jours maximum le nombre de jours de travail effectif.
b – Sont notamment concernés les responsables de département et de service et les responsables de communication interne et externe pour lesquels la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée du fait de la nature de leurs fonctions, des responsabilités qu’ils exercent et du degré d’autonomie dont ils bénéficient dans l’organisation de leur emploi du temps.
c – Modalités de décompte des journées ou demi-journées travaillées Modalités de prises des journées ou demi-journées de repos.
Les journées et demi-journées sont décomptées sous une forme manuelle, automatisée ou informatisée.
Les journées ou demi-journées de repos qui résultent de la mise en place de ce dispositif, doivent être prises impérativement au plus tard avant le terme de l’année de référence et selon un calendrier établi en début de période annuelle pour partie en fonction des souhaits des salariés et pour partie en fonction des nécessités de fonctionnement de l’entreprise.
Il faut entendre par année de référence la période définie à l’article 4.1.6. Les jours de repos peuvent être affectés sur un compte épargne-temps.
d – Modalités du suivi de l’organisation du travail des salariés concernés, de l’amplitude de leurs journées d’activité et de la charge de travail qui en résulte.
– Un document éventuellement auto-déclaratif et ponctuellement visé par la direction de l’entreprise, permettant le suivi de l’organisation du travail, de l’amplitude des journées d’activité et de la charge de travail qui en résulte, est mis en place dans l’entreprise.
– Il est convenu que le repos quotidien entre la fin d’une journée et la reprise d’une activité est fixé à 12 heures consécutives minimales.
– Un bilan annuel sur l’organisation du travail et la charge de travail des salariés concernés est communiqué au comité d’entreprise ou à défaut aux délégués du personnel. »
Les dispositions susvisées qui définissent les modalités de décompte des jours travaillés, les modalités de suivi et de contrôle et les modalités de prise des jours de repos sont de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail des salariés, et par conséquent, à assurer la protection de la sécurité et de la santé de ceux-ci.
Mme [HJ] ne saurait donc se prévaloir de la nullité de la convention de forfait en jours.
Mme [HJ] soutient sans être utilement contredite que les journées non travaillées n’étaient pas établies en début de période annuelle pour partie en fonction de ses souhaits et pour partie en fonction des souhaits de l’employeur,
qu’aucun document éventuellement auto déclaratif n’a été mis en place dans l’entreprise et a fortiori n’a pu être complété par ses soins, ou visé par la direction de l’entreprise aux fins de permettre le suivi de l’organisation de son temps travail, de l’amplitude de ces journées d’activité et de la charge de travail qui en résulte,
qu’aucun bilan annuel sur l’organisation du travail et la charge de travail n’a été communiqué au comité d’entreprise ou à défaut au délégué du personnel, le bilan social produit aux débats ne concernant que la seule année 2017,
que l’employeur n’a en outre jamais organisé d’entretien sur sa charge de travail dans les conditions exigées par l’article L 3121-46 du code du travail, les entretiens annuels et les entretiens « mid-terms » ne traitant pas de la charge de travail et de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
L’employeur ne peut par ailleurs opposer les dispositions de l’avenant numéro 2 à l’accord d’entreprise du 24 mai 2011, en date du 16 octobre 2012, alors que la salariée était soumise à une convention individuelle de forfait en jours suivant avenant du 15 septembre 2011. La production du suivi des absences et d’un état des compteurs des congés payés et des RTT, ne permet pas d’établir l’effectivité d’un contrôle des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires, ni un suivi de la charge de travail. En outre, il ne ressort d’aucun des entretiens annuels d’évaluation ou entretien de performance que cette charge de travail et sa compatibilité avec la vie privée de la salariée aient été abordées, le bilan social établi pour l’année 2017 contenant un chapitre consacré à l’organisation et aux conditions de travail, présentant des éléments statistiques généraux ne satisfait pas aux exigences conventionnelles et légales, alors que l’impact sur la vie personnelle des salariés n’est aucunement évoqué.
Faute pour l’employeur d’avoir mis en oeuvre les garanties légales et conventionnelles lui permettant d’assurer un suivi effectif de la charge de travail de la salariée de nature de garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables, ainsi que d’assurer une bonne répartition dans le temps de son travail, la convention individuelle de forfait en jours est de fait privée d’effet et la salariée en droit de prétendre au paiement d’heures supplémentaires.
Sur les rappels au titre des heures supplémentaires et la contrepartie obligatoire en repos
Le régime probatoire en la matière est fixé par l’article L. 3171-4 du code du travail qui énonce : « En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Mme [HJ] indique qu’elle a dû effectuer de nombreuses heures supplémentaires, 198 en 2015, 283 en 2016 et 243 en 2017, se chiffrant à la somme de 36.057,21 €, outre les congés payés y afférents.
Elle produit un tableau récapitulatif de ses heures travaillées au-delà de la 35ème heure, présentées au jour le jour, ainsi qu’un décompte chiffré desdites heures, des SMS et de multiples courriels (pièce 122) adressés à des heures tardives lors de ses périodes de repos hebdomadaire ou de congé, aux membres du COMEX (Mme [Z], M. [M]), ainsi qu’a Mme [E] et à d’autres collaborateurs de l’association, pour la plupart entre 19 et 21 heures et parfois au-delà (dimanche 22 février 2015 à 19h43, dimanche 29 mars 2015 à 19h32, 11 juin 2015 à 21h27, 15 juin 2015 à 22h50, 22 juin 2015 à 21h04, dimanche 23 août 2015 à 16h09, 30 septembre 2015 à 23h54, 7 octobre à 20h39, dimanche 11 octobre à 10h28, samedi 27 février 2016 à 00h06, 8 mars 2016 à 23h07, 21 novembre 2016 à 22h46, 14 février 2017 à 00h02, 7 mars 2007 à 23h15, 21 avril 2017 à 21h54…).
Elle produit également des attestations de salariés avec lesquels elle a longtemps collaboré, ainsi,
M. [F] déclare ‘…A de nombreuses reprises notamment, lorsque j’étais moi-même d’astreinte (7j/7, 24H/24), nous avons eu à échanger sur des problématiques urgentes le soir, le week-end, pendant ses congés ou encore maladies, et cela afin de répondre à l’activité chargée et aux exigences des nombreux projets demandés par la Direction de SKEMA’
M. [H], ancien chargé de projet, indique ‘afin de répondre à la lourde charge de travail imposée par les projets demandés par la direction, elle dépassait largement les horaires classiques de travail. Le manque de ressources au sein de notre équipe, dû à des départs et maladies (surtout en management intermédiaire) l’obligeait à fournir une charge de travail conséquente, notamment sur les années 2016 et 2017″,
M. [L], confirmant ces déclarations.
Mme [HJ] présente des éléments suffisamment précis à l’appui de sa demande aux fins de permettre à l’employeur d’apporter tous éléments de nature à justifier les horaires qu’elle a effectivement réalisés.
L’Association SKEMA BUSINESS SCHOOL fait valoir qu’aucun travail n’était demandé à Mme [HJ] à des heures tardives ou le week-end alors que les SMS qui lui étaient adressés n’exigeaient aucune réponse immédiate, sauf cas d’urgence, ces échanges de SMS étant au demeurant très peu nombreux. Elle rappelle que Mme [HJ] a bénéficié de jours de repos en plus de ses jours de congés dont elle n’aurait pas bénéficié si le forfait annuel en jours n’avait pas trouver à s’appliquer, les jours en cause constituant des jours de repos compensateurs.
Au vu des éléments produits et des observations formulées par l’employeur, il sera retenu des heures supplémentaires non rémunérées à hauteur de la somme de 27.408,02 euros cumulée sur l’ensemble de la période, outre la somme de 2740,80 euros au titre des congés payés, n’étant pas établi un dépassement du contingent annuel ouvrant droit à une somme au titre de la contrepartie obligatoire en repos, la salariée étant déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.
Le jugement sera en conséquence infirmé quant au montant de la condamnation au titre du rappel pour heures supplémentaires.
Sur le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité :
En application de l’article L 4121-1 du code du travail l’employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Cette obligation, non seulement lui interdit de prendre, dans l’exercice de son pouvoir de direction, toutes mesures de nature à compromettre la santé physique et mentale des travailleurs mais lui impose de mener des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d’information et de formation, outre la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
Par ailleurs, en application des dispositions de l’article L 1152-1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Aux termes du même article et de l’article L.1154-1 du code du travail, en sa rédaction applicable à la cause, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Manque à son obligation de sécurité, l’employeur qui, tenu d’en assurer l’effectivité, s’abstient de mettre en oeuvre les mesures nécessaires aux fins de prévenir de tels agissements et les faire cesser.
Il revient à la présente cour de rechercher si Mme [HJ] rapporte la preuve de faits qu’elle dénonce au soutien de son allégation d’un harcèlement moral, si les faits qu’elle présente, appréhendés dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral et dans l’affirmative, si l’employeur justifie que les agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et qu’ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Mme [HJ] fait valoir qu’elle a fait l’objet d’un harcèlement insidieux de la part de Mme [E], directrice des ressources humaines au sein de l’Association SKEMA BUSINESS SCHOOL, qui s’est poursuivi en s’amplifiant en dépit de ses demandes d’intervention auprès de la directrice générale, Mme [Z],
en alourdissant progressivement et de manière exponentielle sa charge de travail, lui confiant sans cesse de nouveaux projets à mettre en ‘uvre avec des dates limites impossibles à respecter,
en ne lui donnant pas les moyens techniques et humains pour remplir ses obligations contractuelles,
en créant des tensions dans son service,
en finissant par lui reprocher des carences dans l’exécution de son contrat dont Mme [E] portait avec Mme [Z] l’entière responsabilité,
que leurs agissements répétés ont eu pour effet d’entraîner une dégradation de ses conditions de travail et ont altéré sa santé physique et mentale, pour avoir été victime d’un burn-out et placée en arrêt de travail,
que son licenciement encourt dès lors la nullité.
Elle produit à l’appui de ses allégations :
– le courriel adressé par Mme [E] le 11 octobre 2016, lui demandant si elle a du temps pour des projets,
– le courriel du 18 octobre 2016 adressé par Mme [E] dans lequel il lui est demandé de rendre compte d’actions pour lesquelles l’intéressée n’a pas la légitimité hiérarchique,
– les SMS échangés avec Mme [Z] le 25 septembre 2015 lui demandant de maintenir le planning du projet SIRH, en dépit de la longue absence d’un de ses collaborateurs, [B] [L], chef de projet SIRH et LMS,
– les échanges de courriels du 23 janvier 2017 avec M. [J] et Mme [E] sur les projets LMS et SIRH,
– le courriel du 31 janvier 2017 aux termes duquel Mme [Z] usait de propos humiliants à son encontre,
– le courriel du 6 février 2017, dans lequel elle a ajouté malgré le manque de personnel, un nouveau projet, à savoir, la planification d’un logiciel sur les campus,
– le courriel de Mme [E] du 7 mars 2017 contenant en annexe le compte-rendu de réunion et les actions urgentes à mener à la suite des dysfonctionnements du logiciel SAGE, également adressé en copie à ses collaborateurs,
– son premier courriel en réponse adressé le même jour à Mme [Z], dénonçant avec véhémence et point par point ce compte-rendu, ayant eu pour effet de la décrédibiliser vis-à-vis de son équipe, reprochant en outre le caractère déplorable de ses conditions de travail, ledit courriel étant demeuré sans réponse,
– son second courriel adressé le 12 mars 2017, dans lequel elle précisait à nouveau à Mme [Z] qu’elle faisait l’objet de tentatives de déstabilisation de la part de deux de ses subordonnés,
– les courriels des 16, 17 et 19 mai 2017, concernant des dépassements de forfait de téléphonie mobile, le rachat d’un téléphone iPhone 6 et les travaux en Amphi A/B à Lille, contenant des propos humiliants de la part de Mmes [E] et [Z].
– le courriel du 6 juin 2017, aux termes duquel elle informait Mme [Z] de l’arrêt de maladie d’un collaborateur, M. [L], victime de burn-out et son courriel en réponse du même jour, lui demandant de le repositionner au sein d’une autre institution sous prétexte que le collaborateur n’arrivait pas suivre le rythme du service, – le courriel du 12 juin 2017 ayant pour objet « recrutements DSI et autres » aux termes duquel Mme [Z] promettait de procéder au recrutement de 3 chefs de projet, une seule annonce ayant toutefois été publiée sur le site de l’APEC le 22 juin 2017 pour un poste, aucun recrutement ne devant par suite intervenir après validation de plusieurs curriculum vitae, un seul entretien ayant été organisé pour une candidature en interne,
– le procès-verbal de compte-rendu de réunion du comité d’entreprise du 28 juin 2017 alertant la direction sur la situation de la DSI, dont certains extraits sont repris ci-après :
« Points à l’initiative du comité d’établissement
1 Nombre et durée des arrêts maladies en 2016/2017 ; inquiétude sur l’état de santé des collaborateurs en général,
Le CE alerte la Direction sur les arrêts maladies en 2016/2017. En effet, des salariés ont été arrêtés pour des raisons de santés importantes.
‘
3. Embauches, départs, mobilité interne, remplacement des arrêts maladie
‘
Le CE alerte encore la Direction sur le fait que des salariés sont arrêtés pour des maladies avec des durées plus ou moins longues sans être remplacés. Ceci entraîne des surcharges de travail pour le personnel restant, en particulier à la DSI, audiovisuel et technique. »,
– le courriel du 3 juillet 2017 adressé à Mme [Z], aux termes duquel elle écrivait en raison du sous-effectif constant : « je suis au bout, je suis libre cet après-midi et à ta disposition pour en parler », sans retour de sa part,
– son courriel de relance du 4 juillet 2017, indiquant : « les conditions de travail sont devenues insupportables pour moi, j’ai beaucoup de respect pour toi mais cela va trop loin, je te sollicite pour un entretien de façon urgente », courriel demeuré également sans réponse,
– son courriel du 17 septembre 2017, informant Mme [Z] de l’urgence de sa situation et de son arrêt de travail : « je ne dors plus depuis des mois et j’ai eu deux accidents de voiture ces deux dernières semaines, je suis allée voir mon médecin vendredi qui m’a arrêtée jusqu’au 30 septembre »,
– la lettre de sa compagnie d’assurance confirmant avoir reçu un constat du 25 septembre 2017, suite à son accident de voiture du 14 septembre 2017,
– son courriel du 16 décembre 2015 demandant le recrutement d’un Responsable Sécurité SI (RSSI),
– le courriel du 11 juin 2016, aux termes duquel Mme [E] lui communique l’information concernant la création de ce poste sur 2016/2017 sans aucune date précise,
– son courriel du 14 mars 2017 demandant à Mme [E] la date à laquelle le poste allait être ouvert, celle-ci lui répondant par retour de courriel du 15 mars 2017 que le poste était ouvert au recrutement depuis le mois de janvier 2017, sans même qu’elle n’ait daigné lui communiquer cette information, l’Association SKEMA BUSINESS SCHOOL lui reprochant à tort de n’avoir adressé la fiche de poste actualisée du RSSI que le 23 octobre 2017, alors que ce poste n’était pas identifié comme prioritaire,
– le procès-verbal de constat d’huissier de Maître [S] en date du 2 décembre 2017 démontrant la mauvaise foi de l’association alors qu’il établit que la fiche de poste de Responsable Sécurité SI n’était pas présente sur les sites de recrutement classiques, ni même sur la page de recrutement de son site, et qu’au 2 décembre 2017, l’ensemble des recrutements annoncés n’étaient toujours pas intervenus,
– les courriels des 9 et 13 octobre 2017 ayant pour objet « recrutement RSI et autres » adressés à Mme [C], du service RH, pour la planification des entretiens, et s’étonnant du fait que les offres n’apparaissaient pas sur les sites de recrutements classiques’.,
– les échanges de SMS avec un ancien collègue de travail, M. [F] permettant de constater qu’en février 2018, le poste de RSSI n’était toujours pas ouvert,
– les courriels échangés avec Mme [E] le 6 janvier 2017, relativement aux difficultés qu’elle rencontrait avec Mme [V] et M. [D], suite à des dysfonctionnements constatés dans le cadre du marché de maintenance du matériel audiovisuel, et avec lesquels le service RH a négocié des ruptures conventionnelles,
– l’attestation établie par M. [Y], chef de projet, ayant collaboré avec elle de mars à novembre 2017, déclarant :’elle a souvent été rabaissée par [U] [E], DRH de SKEMA, notamment en avançant que l’exploitation informatique ainsi que la gestion des projets laissait à désirer…’
– le sms de Mme [K], du 5 juillet 2017 indiquant :’j’ai été très peinée de te sentir si mal ce soir et cela m’inquiète aussi… j’espère que tu vas réfléchir à l’idée de faire ne serait-ce qu’une courte pause qui te permettra de revenir plus forte… car forte tu l’es assurément pour porter une grosse direction à bout de bras, avec des cas à fort caractère… pour avoir tenu tête aux attaques de toutes parts alors que tu aurais dues au contraire être épaulée… je pense que très peu de personnes auraient tenu une telle pression…’,
– les courriels et sms de M [O] [X], responsable du centre étude des langues, du 21 novembre 2017, observant ‘tu es… une bosseuse dont la barque a été tellement chargée depuis si longtemps’ et déclarant le 9 décembre 2017 : ‘courage, bats toi, ne te laisse pas traiter comme une moins que rien, nous sommes nombreux à être choqués par la violence que tu subis.’ ainsi que plusieurs sms de ce dernier datés de janvier, février et mars 2018,
– des extraits de son dossier médical, son médecin traitant ayant diagnostiqué un burn-out avec des troubles du sommeil, accompagné d’une prise de poids anormal, de pleurs, d’une perte de plaisirs, de troubles de la concentration, le médecin du travail ayant été alerté de sa situation,
– les avis d’arrêt de travail initial et de prolongation délivrés par le docteur [I].
Ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.
En réponse, aux fins de justifier que les faits avancés par la salariée sont étrangers à tout harcèlement moral, l’employeur répond que Mme [HJ] ne fait état d’aucun élément démontrant l’existence d’agissements pour caractériser une situation de harcèlement moral,
sur la surcharge de travail,
que les projets évoqués par la salariée (SIRH, ERP, SAGE…) ne sont pas nouveaux,
que Mme [E] avait toute légitimité pour intervenir dans certains domaines ayant pour fonction de définir et de mettre en ‘uvre la gestion du personnel de participer à la définition des orientations stratégiques de l’école, d’accompagner les opérations d’organisation et/ou de réorganisation de l’école,
que le SIRH et le SAGE sont des outils qui intéressent directement le service ressources humaines, Mme [E] étant en outre membre du comité de pilotage de l’ERP, supervisant également le service des achats,
que le projet pilote de refonte du PGE n’est pas un nouveau projet de système d’information mais un simple changement d’organisation dans le cadre d’un programme de mise en place d’un système de vidéo/duplex sur l’ensemble des campus,
que la salariée a toujours été en mesure de prendre ses congés payés,
qu’elle n’a jamais évoqué de difficultés concernant sa charge de travail lors des entretiens mid-terms et des entretiens annuels,
que Mme [HJ] est responsable du départ de ses collaborateurs, ayant souhaité se séparer de M. [P] en juillet 2015, Mme [V] ayant quitté l’association en décembre 2016 en raison de difficultés relationnelles avec la salariée et M. [D] en mars 2017 à la suite d’une rupture conventionnelle qu’elle a sollicitée,
sur les recrutements,
que Mme [HJ] ne peut se plaindre de l’absence de recrutement alors qu’elle a fait preuve de négligence mettant plus d’un an, entre septembre 2016 et le 24 octobre 2017 pour transmettre au service des ressources humaines la fiche de poste concernant le responsable sécurité des systèmes d’information,
que contrairement à ce que soutient la salariée, l’offre était diffusée dès le 20 juin 2017 pour le recrutement de trois chefs de projet annoncé le 12 juin 2017,
qu’ainsi par courriel du 12 juin 2017, Mme [C] écrit à Mme [E] « on lance une offre pour 3 CDP en CDI offre générique … sur l’APEC et nos réseaux. Selon les profils reçus, on affinera si on n’en prend deux ou trois. Vu avec [W], il faudrait le spécialisé par métier»,
que la salariée était informée dès le 28 juin 2017 qu’elle pouvait consulter les candidatures sur le SIRH, le service des ressources humaines lui ayant réclamé ses disponibilités aux fins d’organiser les entretiens le 10 juillet 2017, qu’elle n’y répondait qu’à son retour de congé de sorte que les entretiens ont été réalisés en septembre 2017,
que le service des ressources humaines lui a soumis de nombreux curriculum vitae, qui n’étaient pas validés parfois sans justification,
que la salariée a bénéficié de renfort, qu’ainsi, M. [Y] a été recruté en contrat à durée déterminée en mars 2017 pour travailler sur le SIRH, Mme [G] est intervenue en contrat de prestation le 5 juin 2017 sur le poste de business analyst et travaillait sur le LMS pour pallier l’absence de M. [L] et M. [CL] est également intervenu en contrat de prestation en juillet 2017,
sur les tensions dans son service avec les N-1,
que ces tensions ont été provoquées précisément par des problèmes de management de la salariée au sein de son service, laquelle éprouve des difficultés à conserver ses collaborateurs,
qu’à la suite de différents entretiens annuels, la direction a pris la décision de mettre en place un coaching pour accompagner la salariée à partir du mois de janvier 2017, l’inscrivant à une formation en management,
qu’elle a également bénéficié d’un suivi en interne relativement à l’organisation de son service et à la mise en place de nouvelles pratiques,
sur les ruptures de contrat au sein du service SI,
que les départs de salariés en 2018 ne sont en aucune façon imputables au management de Mme [E] ou de Mme [Z],
qu’ainsi, M. [F] a quitté l’entreprise dans le cadre d’une rupture conventionnelle alors qu’il ne se sentait plus en phase avec l’évolution de l’école, M. [L] a démissionné pour des raisons de santé, Mme [RZ], s’est dirigée vers un autre secteur et M. [Y] a vu son contrat à durée déterminée rompu de manière anticipée le 31 mars 2018, en raison de son manque de compétences, ce qu’il a admis, de sorte qu’il est permis de douter de l’objectivité de l’attestation établie en faveur de la salariée,
que s’agissant des propos humiliants, les courriels produits font état de simples constats relatifs à des dépassements de forfait de téléphone, à l’absence de prise de position concernant son service, s’agissant des travaux audiovisuels des amphis de Lille, Mme [Z] ayant rappelé à la salariée ses responsabilités, alors qu’elle tentait de lui imputer la non-réalisation des travaux, à l’insatisfaction dont Mme [Z] lui a fait part à l’occasion du séminaire pilote de refonte du PGE de Lille, alors que la présentation du projet a été catastrophique…,
que sur le fait de reprocher des carences dans l’exécution de son contrat de travail dont Mme [Z] et Mme [E] porteraient l’entière responsabilité, elle n’en fait aucunement la démonstration alors que l’association n’a fait qu’appliquer les dispositions contractuelles et conventionnelles et user légitimement de son pouvoir de direction,
que par courriel du 4 juillet 2017, Mme [HJ] dénonçait des « conditions de travail devenus insupportables », alors que le 3 juillet 2017, il était fait état de nombreux dysfonctionnements de son service, Mme [Z] ayant alors rappelé à Mme [HJ] la posture attendue d’un directeur, ce point ayant en outre été évoqué lors de l’entretien annuel du 13 juillet 2017,
que Mme [HJ] ne justifie pas en outre d’une dégradation de son état de santé dont l’association serait responsable.
Ces éléments sont de nature à justifier de ce que les décisions de l’employeur sont étrangères à tout harcèlement moral, la cour ajoutant que l’épuisement au travail n’implique pas nécessairement une situation de harcèlement moral,
que l’analyse des courriels et sms produits par Mme [HJ] ne permet pas d’imputer à l’employeur des agissements de harcèlement alors que si la surcharge de travail est avérée, il apparaît que la salariée n’est pas totalement étrangère à cette situation, pour avoir provoqué, voire sollicité le départ de certains de ses collaborateurs, alors que l’employeur n’a pas manqué de réagir, actant l’embauche de trois chefs de projet en remplacement de salariés en arrêt maladie, formulant une offre de recrutement unique dès le 20 juin 2017, le service des ressources humaines ayant soumis à sa validation de nombreuses candidatures,
qu’il n’en résulte pas non plus qu’elle était soumise à une pression insoutenable de la part de Mmes [Z] et [E], excédant leur pouvoir de direction, ni que Mme [E] s’ingérait particulièrement de manière illégitime dans son travail, alors que ses interventions s’inscrivaient précisément dans les fonctions qui lui étaient assignées,
que s’agissant des humiliations et du fait de la discréditer vis-à-vis de son équipe, les échanges de courriels produits qui sont peu nombreux, ne trahissent aucun comportement irrespectueux ou vexatoire de la part de sa direction,
que les attestations versées au dossier, confrontées aux pièces produites par l’employeur, ne permettent pas d’étayer ses propos pour être insuffisamment circonstanciées et probantes, alors que M. [Y], a quitté l’association avant le terme de son contrat, conscient de ses carences professionnelles et que Mme [K] et M. [X] font part de leur ressenti,
que la dégradation de son état de santé, quand bien même, elle serait en lien avec une surcharge de travail, ne permet pas de caractériser une situation de harcèlement moral.
Mme [HJ] sera en conséquence déboutée de sa demande en reconnaissance et en indemnisation d’une situation de harcèlement moral, qui ne saurait donc servir de fondement à une demande de nullité du licenciement.
Les faits allégués n’étant pas constitutifs de harcèlement moral, le grief tenant à la surcharge de travail l’ayant exposée à un stress permanent et prolongé et ayant entraîné la dégradation de son état de santé n’étant pas retenu au titre d’un élément constitutif de harcèlement moral, Mme [HJ] n’est pas fondée à soutenir que l’Association SKEMA BUSINESS SCHOOL a manqué à son obligation de sécurité et sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.
Sur le licenciement pour faute grave :
Aux termes de l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
La faute grave, dont la preuve incombe à l’employeur, se définit comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.
Pour qualifier la faute grave, il incombe donc au juge de relever le ou les faits constituant pour le salarié licencié une violation des obligations découlant de son contrat de travail ou des relations de travail susceptible d’être retenue, puis d’apprécier si le fait allégué était de nature à exiger le départ immédiat du salarié.
Par ailleurs, en matière de licenciement de nature disciplinaire, l’article L.1332-4 du code du travail énonce qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales ».
Il est toutefois constant que l’employeur est fondé à se prévaloir au soutien d’un licenciement pour motif disciplinaire de griefs, même prescrits à la date de l’engagement de la procédure, s’ils procèdent du même comportement fautif que les griefs invoqués dans la lettre de licenciement .
La lettre de licenciement en date du 30 novembre 2017 est ainsi motivée :
‘(…)
nous vous notifions votre licenciement pour faute grave en raison de nombreuses négligences et erreurs fautives ainsi que de votre désintérêt pour votre travail, manifestés notamment par les faits ci-après exposés et déjà évoqués lors de l’entretien précité.
‘ Dysfonctionnements relatifs à la sécurité informatique
Organisation déficiente de la direction SI : Nous avons relevé courant novembre 2017, divers problèmes d’organisation faisant peser des risques en matière informatique, tels que la non maîtrise des priorités dans la résolution des incidents informatiques à raison d’un support IT insuffisamment structuré qui n’est donc pas en mesure de résoudre les incidents critiques rapidement, l’absence d’une procédure efficiente de gestion des comptes et des droits des utilisateurs…
Filtrage URL : Nous avons constaté courant novembre 2017 que les filtrages URL ne fonctionnaient que très partiellement et aléatoirement dans l’ensemble des trois campus français. Ainsi, il a été possible de se connecter à des sites pornographiques, de prostitution, d’achat de drogue en ligne ou encore de téléchargement illégal depuis des postes de travail. Vous aviez pourtant pris des engagements en juillet 2016 quant à la mise en place d’une politique de filtrage généralisée à partir du dernier semestre 2016.
Lors de l’entretien, vous avez indiqué ne pas être au courant de ces dysfonctionnements or il est de votre responsabilité en tant que directrice des systèmes d’information de veiller à l’application des règles en matière de sécurité informatique.
Conservation des mots de passe du service paie : Vous avez été alertée, au cours du premier semestre 2017, du fait que les mots de passe du service paye étaient stockés dans des fichiers non sécurisés et donc à l’entière disposition des membres de la direction des systèmes d’information. Lors de l’entretien, nous vous avons reproché de ne toujours pas avoir remédié à ce problème de sécurité. Vous avez alors prétendu ne pas avoir connaissance de ce problème et avez donc confirmé n’avoir rien fait pour y remédier. Vous étiez pourtant parfaitement informée de cette situation.
Création d’un poste de responsable sécurité SI ; la validation budgétaire pour la création d’un poste de responsable sécurité des systèmes d’information vous a été notifiée en septembre 2016 pour un recrutement en janvier 2017. Ce recrutement, au vu des problématiques déjà connues, était à initier rapidement or vous n’avez transmis au service RH la fiche de poste finalisée que le 24 octobre dernier, soit plus d’un an après la décision de recruter.
La sécurité informatique doit être l’une des principales préoccupations d’un directeur des systèmes d’information normalement diligent. Un tel désintérêt pour la question et l’importance des failles relevées démontrent la gravité de votre négligence en la matière et fait courir un risque très important à l’entreprise.
‘ Vétusté du réseau et absence de son renouvellement
Le marché relatif au renouvellement du coeur de réseau lillois – qui nous a révélé, par le biais des réponses des candidats, la vétusté du matériel et l’urgence de son remplacement – aurait dû être finalisé en juillet dernier pour un changement du coeur du réseau en août. Ce marché n’a été notifié que ce mois-ci et le coeur du réseau n’a toujours pas été changé et ne le sera pas avant fin 2018.
Lors de t’entretien, vous nous avez indiqué que votre incapacité à finaliser le dossier était liée à l’absence pour motif de vacances et ensuite de maladie d’un membre de votre équipe qui serait le seul en mesure de prendre une décision et que le réseau était toujours sous contrat de maintenance.
D’une part, considérant l’urgence de la situation et votre fonction de directrice de systèmes d’information, il vous appartenait d’effectuer toutes les diligences nécessaires et de prendre les décisions utiles au maintien en fonctionnement de notre système d’information et de ne pas attendre l’éventuel retour d’un salarié (absent pour 5 mois) ; d’autre part, l’argument selon lequel II y a un contrat de maintenance est totalement inopérant puisque le prestataire en charge de la maintenance vous a informée que les pièces de rechange étaient introuvables en raison de la vétusté du matériel et un candidat au marché vous a informée que le fabricant ne faisait plus de support depuis 2009.
À ce jour et dans l’attente de son changement, le coeur de réseau de SKEMA peut tomber en panne à tout moment, ce qui aurait des conséquences très graves pour notre activité.
Cette vétusté de longue date du réseau qui explique certains problèmes de SI (lenteur du réseau…) ainsi que votre inaction ces derniers mois pour procéder au changement du coeur de réseau, alors même que la gestion de ce marché aurait dû vous rappeler l’urgence de remédier à cette vétusté, révèlent une nouvelle fois votre désintérêt total pour les systèmes d’information dont vous êtes la directrice et font courir des risques importants à notre association.
‘ Le marché de sauvegarde des données
Nous avons découvert en novembre que la direction des systèmes d’information réalisait plusieurs fois par jour des sauvegardes de l’intégralité du contenu des serveurs en se servant d’un contrat de prestation ayant pour objet la sauvegarde de fichiers informatiques. Cette utilisation à mauvais escient, probablement pour tenter de pallier l’absence de mise en place de plan de reprise d’activité des serveurs au sein de votre direction, a eu pour conséquence un accroissement considérable des données sauvegardées et donc un très important surcoût de la prestation de sauvegarde (37 000 euros de surcoût en seulement 6 mois pour un marché initial annuel de 39 600 euros).
À cette occasion, nous avons d’ailleurs appris l’absence de plan de reprise d’activité des serveurs.
Lors de l’entretien préalable, vous avez indiqué ne pas être en mesure de faire un état précis de l’avancement de ce sujet et n’avoir été informée que récemment de ce problème de surcoût et avoir missionné un membre de votre équipe sur le sujet.
Cet argument ne peut prospérer. Dans l’hypothèse où vous auriez réellement méconnu ce problème, cela aurait démontré votre désintérêt pour une question aussi essentielle que la sauvegarde des données informatiques de notre association, question pour laquelle un directeur SI doit évidemment mettre en place des règles efficientes. Surtout, nous avons découvert que, contrairement à ce que vous prétendez, vous aviez été alertée dès novembre 2016 par le prestataire de service du premier dépassement du volume des données sauvegardées par rapport aux prévisions contractuelles. Vous avez par la suite reçu plusieurs alertes, notamment par courriels, concernant l’accélération du dépassement de stockage de données et des coûts y afférents. Au surplus, vous avez validé le paiement des factures de ce surcoût depuis février 2017. Vous étiez donc parfaitement informée de ce problème et n’avez strictement rien fait ; démontrant encore votre négligence fautive et votre désintérêt pour vos missions, peu importe les conséquences financières ou
techniques.
‘ Gestion des demandes d’achat et factures
Renouvellement des téléphones : sans aucune logique, vous faites procéder par vos services au renouvellement de téléphones portables en choisissant le modèle iPhone 6s à 259 euros HT alors que SKEMA bénéfice de la possibilité d’acquérir des iPhone 7, plus récents et qui auraient permis de résoudre des problèmes de réception subis dans notre établissement de Paris, à 189 HT…
Factures impayées : courant novembre, nous avons découvert que, sans aucun motif, vous n’avez pas validé le paiement d’une facture de plus de 70 000 euros, soumise à votre validation en septembre, pour des travaux de câblages informatiques (passage de fibre) à Lille qui avaient pourtant été effectués par notre fournisseur. Ce fournisseur a donc dû attendre plus de deux mois pour que le processus de paiement de cette somme substantielle s’enclenche.
Demandes d’achats : des demandes d’achats vous sont adressées auxquelles vous ne répondez pas. À titre d’exemple, une demande d’achat de licences office, considérée comme importante pour l’école, a été effectuée le 27 septembre 2017 et vous n’y avez jamais répondu.
Là encore, ces faits constituent des négligences fautives qui préjudicient à notre association (dépenses inutiles, risques de litige, retard dans l’activité…).
‘ Dysfonctionnements des outils
Dysfonctionnement généraux des outils : divers problèmes quant au mauvais fonctionnement des outils sont très régulièrement remontés à la direction générale, aux équipes RH et aux institutions représentatives du personnel et ce par des directeurs et autres salariés quel que soit leur établissement ou leur niveau de poste : coupures d’accès informatiques intempestives, retards non justifiés de mise à disposition de matériel à destination des nouveaux salariés ou de retour de longs congés (ex : une coordinatrice qui n’a pas eu de matériel informatique à son retour de congé parental), réattribution de l’ordinateur de l’ex-directrice de l’établissement de Paris sans reformatage et donc avec ses fichiers à disposition (risque grave d’atteinte à la confidentialité des données de l’association)…
Ces dysfonctionnements récurrents vous ont été signalés à plusieurs reprises.
SIRH : Nous ne pouvons que constater aujourd’hui un ensemble de dysfonctionnements sur l’outil SIRH actuellement en cours de développement par modules. Si nous ne prenons pour exemple que le module de recrutement mis en production en mars dernier, de nombreux dysfonctionnements sont toujours non résolus à ce jour : de nombreux bugs signalés depuis des mois persistent, mauvaises traductions de la version anglaise, perte d’entretien professionnel, impossibilité de postuler pour certains candidats.
Votre manque d’implication quant à cet outil et à l’accompagnement du chef de projet engendre une absence de solution et mène l’ensemble des équipes du corps professoral à refuser l’utilisation de l’outil et impose à ces équipes et aux équipes RH de définir de nouvelles procédures afin de pailler les difficultés rencontrées.
‘ Gestion des congés de vos subordonnés en fonction des contraintes de service
Nous avons par exemple appris que trois de vos subordonnés sont venus travailler une partie de leur congés d’été afin de faire face aux impératifs de service en raison de votre négligence dans la planification des congés. Pour l’un d’entre eux ([R]), vous n’avez averti le service RH de la suspension de ses congés, afin de régulariser sa situation, que mi-octobre, soit environ deux mois après les faits. Il y a donc des salariés censés être en congé qui viennent travailler sans que vous ne vous souciez des conséquences en matière de congé, d’accident du travail ou d’assurance. Il y a donc également une négligence fautive dans le suivi de l’activité de vos équipes.
‘ Gestion des priorités et mauvaise gestion des stocks
Malgré tous les sujets de grandes importances évoqués ci-avant que vous ne traitiez pas, vous avez décidé d’organiser une tombola afin de céder des ordinateurs et des téléphones qui n’étaient plus utilisés. A cette occasion, vous avez donc demandé à différents services, dont le votre, de travailler sur ce sujet (demandes de rédaction d’un règlement au service juridique ; d’étude des règles URSSAF au service RH ; de test et/ou remise en état au service informatique) jusqu’à ce que, le 15 novembre, nous soyons informé que cette tombola concernerait une centaine de PC datant de 2008…
Le fait de vouloir organiser une tombola pour se débarrasser d’ordinateurs ayant une dizaine d’année, sans licence, et donc complétement obsolètes alors que des sujets stratégiques ne sont pas traités et le fait de faire travailler d’autres services pour rien parce que vous ne vous étiez pas renseignée sur le matériel en cause démontre encore une fois votre désintérêt et votre négligence.
Lors de l’entretien préalable, à l’ensemble de ces éléments (hormis lorsque nous avons retranscrit vos réponses dans la présente lettre) vous n’avez pas su nous répondre, ce qui révèle une nouvelle fois votre désintérêt et négligence dans le suivi des dossiers relevant de votre responsabilité.
Par conséquent, votre maintien au sein de SKEMA est impossible puisque les faits que nous avons constatés constituent des fautes graves justifiant ainsi votre licenciement sans Indemnités ni préavis (…).’
Il est ainsi reproché au salarié
– des dysfonctionnements relatifs à la sécurité informatique
– la vétusté du réseau et son absence de remplacement
– des carences dans le marché de sauvegarde des données
– des carences dans la gestion des demandes d’achat et factures
– le dysfonctionnement des outils
– la gestion des congés de ses subordonnés en fonction des contraintes du service
– la gestion des priorités et la mauvaise gestion des stocks.
Mme [HJ] fait grief au conseil de prud’hommes d’avoir retenu que si l’association intimée ne pouvait se prévaloir d’une faute grave, « la lettre de licenciement se rapportait à des insuffisances professionnelles et à un manque de vigilance ayant pour conséquence une dégradation et des dysfonctionnements dans le service dont elle avait la responsabilité ».
Elle fait valoir que les premiers juges ont commis une erreur manifeste car il ne pouvaient requalifier un licenciement pour faute grave, donc de nature disciplinaire, en un licenciement pour insuffisance professionnelle,
que l’employeur indique du reste qu’il ne lui est pas reproché des insuffisances professionnelles mais des négligences et erreurs fautives,
que pour la plupart, les faits sont anciens et l’employeur ne peut contourner la prescription des faits fautifs en précisant de manière artificielle et fallacieuse qu’il n’en aurait pris connaissance qu’au mois de novembre 2017,
que les griefs sont de surcroît infondés, rappelant qu’en 17 ans de carrière, elle n’a jamais reçu la moindre sanction, alors qu’elle produit des attestations de salariés témoignant de ses compétences lesquelles étaient reconnues (M. [Y], M. [F], Mme [N], M. [L]) et plusieurs SMS de soutien reçus à l’annonce de son licenciement.
Sur les dysfonctionnements relatifs à la sécurité informatique
L’Association SKEMA BUSINESS SCHOOL fait valoir que Mme [HJ] a été alertée sur ces dysfonctionnements dès le mois de janvier 2017, qu’elle a été accompagnée par sa direction et aidée par la mise en place d’un plan d’action à court terme, qu’elle n’a toutefois pas réagi et pris les mesures qui s’imposaient,
sur l’organisation déficiente de la direction des services d’information,
que courant novembre 2017, elle a eu à déplorer d’autres problèmes d’organisation faisant peser des risques en matière informatique, en particulier du fait d’un support IT insuffisamment structuré, ne permettant donc pas de résoudre les incidents avec célérité, de l’absence d’une procédure efficiente de gestion des comptes et des droits des utilisateurs…, ces risques ayant été mis en évidence par la société KPMG qui a réalisé un audit du service informatique sur la période du 7 décembre 2017 au 12 février 2018,
sur le filtrage URL, que l’attention de Mme [HJ] avait été attirée sur cette problématique lors des réunions du comité d’établissement du campus de Sophia-Antipolis C.E. du mois de juillet 2016, au cours desquelles elle avait pris l’engagement de mettre en place une politique de filtrage généralisé à partir du dernier semestre 2016, qu’en mai 2017, lors de sa présentation au COMEX, bien qu’ayant assuré de la résolution des difficultés, courant novembre 2017, elle devait constater que les filtrages URL ne fonctionnaient toujours que très partiellement et de façon aléatoire dans l’ensemble des campus,
sur la conservation des mots de passe du service paie, que Mme [HJ] était informée en février 2017 du fait que des mots de passe du service paie étaient stockés dans des fichiers non sécurisés, qu’en juin 2017, il lui était demandé d’affecter un collaborateur à cette tâche, qu’elle désignait M. [Y] déjà en charge du SIRH, au motif qu’elle n’avait pas de nouveau chef de projet alors même qu’elle n’avait pas fait part de ses besoins,
sur la création d’un poste de responsable sécurité des systèmes d’information (RSSI), qu’elle n’a transmis la fiche de poste finalisée que le 23 octobre 2017, soit plus d’un plan après la décision de recruter, en dépit d’un rappel de la directrice des ressources humaines, Mme [E] par courriel du 15 mars 2017,
que le recrutement de deux chefs de projet pour renforcer les équipes a également été décidé en juin 2017, l’offre ayant été diffusée le 20 juin 2017, Mme [HJ] ayant été informée dès le 28 juin 2017 par le service des ressources humaines de la possibilité de consulter les candidatures, sans qu’elle ne fasse toutefois part de ses disponibilités aux fins d’organiser les entretiens qui n’ont pu avoir lieu qu’à son retour de congé.
Mme [HJ] répond qu’aucun de ces manquements ne lui est imputable,
que le rapport d’audit établi par la société KPMG devra être écarté dans la mesure où seuls des extraits sont versés aux débats et qu’il a été établi après son départ et hors son contradictoire,
sur la conservation du mot de passe du service paie, elle fait valoir qu’elle a mandaté des experts de la société SPIE, que les équipes paie, Mmes [Z] et [E] ont d’ailleurs fait état d’améliorations et d’une situation plus stabilisée (courriel du 8 septembre 2017),
que quant au retard dans le recrutement du chef de projet chargé du logiciel de paie SAGE, elle justifie de l’envoi de la fiche de poste à Mme [E] le 14 mars 2017,
que s’agissant de la création du poste de responsable de la sécurité des systèmes d’information et le recrutement des chefs de projet, elle relève la mauvaise foi caractérisée de l’employeur qui a attendu le mois de mars 2018 pour diffuser des annonces sérieuses de recrutement.
*
Sur la prescription, l’employeur a constaté un certain nombre de dysfonctionnements, se situant certes au-delà du délai de deux mois de l’article L.1332-4 cité ci-avant, pour lesquels la salariée s’était engagée à remédier ou avait indiqué que des solutions avaient été trouvées, mais qui se sont reproduits par la suite ou ont persisté, de sorte que la cour ne retiendra pas la fin de non-recevoir ainsi soulevée, alors que la salariée a elle-même déclaré lors de l’entretien préalable à son licenciement ignorer que ces difficultés subsistaient.
A l’examen des pièces soumises à la cour, sans qu’il soit besoin de se référer au rapport établi par la société KPMG, s’il apparaît que la salariée a réagi aux sollicitations de son employeur, il peut toutefois lui être reproché une absence de suivi alors qu’elle indique qu’elle n’avait pas connaissance de nouveaux dysfonctionnements, il peut également lui être reproché de ne pas avoir fait diligence dans le recrutement du responsable RSSI, alors que postérieurement à son départ, l’association a dû prioriser le recrutement d’un nouveau responsable de service repoussant de manière légitime celui du RSSI, sans qu’elle ne puisse par ailleurs imputer le non-recrutement des chefs de projet à l’employeur, alors que des offres de poste avaient été diffusées en juin 2017 et que des candidatures lui avaient été transmises dès le 28 juin 2017.
Le grief est ainsi caractérisé.
Sur la vétusté du réseau et l’absence de son renouvellement,
L’Association SKEMA BUSINESS SCHOOL fait valoir que la vétusté du réseau a été révélée lors d’une consultation en date du 27 mars 2017 dans le cadre du renouvellement du matériel actif, que la salariée en a été alertée dès cette période tant par le prestataire que par le service achats, que ce marché devait être finalisé en juillet 2017, que la commande de matériel n’a finalement été passée qu’en janvier 2018 et le changement réalisé en avril 2018,
que face à l’urgence de la situation, la salariée a fait preuve d’immobilisme, ce qui révèle son désintérêt pour le service qu’elle dirigeait.
Mme [HJ] conteste ce grief, indiquant que l’employeur ne peut lui reprocher d’avoir fait preuve d’un désintérêt total alors :
qu’elle a adressé un courriel au membre de son équipe en charge de la gestion de ce dossier (M.[A]) lui rappelant le caractère critique de la situation, la nécessité de remplacer rapidement les équipements , lui demandant de tenir ses engagements en termes de délais et de prendre ses responsabilités (courriel du 12 avril 2017),
qu’elle a mis en place des solutions en indiquant aux fournisseurs pour les matériels non disponibles que ceux-ci pouvaient être remplacés par du matériel équivalent, (courriel du 10 avril 2017),
que l’examen des propositions des fournisseurs, reçues pendant l’absence du responsable de la consultation, a été suspendu jusqu’à son retour prévu au 1er septembre 2017,
qu’en raison de la prolongation de son arrêt de travail, deux autres salariés ont été chargés du suivi du dossier.
Il incombait toutefois à la salariée d’anticiper les éventuelles difficultés qui pouvaient survenir dans la gestion d’un dossier dont l’urgence avait été signalée en mars 2017, de surcroît par des prestataires dans le cadre de la consultation relative au renouvellement du réseau, alors qu’il résulte du dossier que le marché devait être finalisé en juillet 2017 pour un changement du c’ur du réseau en août 2017, l’absence du responsable du dossier sur cette période étant connue de longue date.
Le grief sera retenu.
Sur le marché de sauvegarde de données,
L’Association SKEMA BUSINESS SCHOOL indique avoir découvert en novembre 2017 que la direction des services d’information réalisait des sauvegardes de l’intégralité du contenu des serveurs en utilisant un contrat de prestation ayant pour objet la sauvegarde de fichiers informatiques, ce qui a pour conséquence un accroissement considérable des données sauvegardées et un surcoût de la prestation de sauvegarde, à hauteur de 37.000 € pour six mois pour un marché initial annuel de 39.600 €, la consommation d’espace représentant plus du double de celle prévue au marché initial,
qu’elle a également réalisé à cette occasion il n’existait aucun plan de reprise d’activité des serveurs,
que dès novembre 2016, la salariée a été alertée par le prestataire du premier dépassement du volume des données sauvegardées par rapport aux prévisions contractuelles,
qu’elle a en outre reçu plusieurs courriel relatifs au dépassement de stockage de données et des coûts induits (courriel du 28 février 2017 – courriels adressés à M. [A] les 30 novembre 2016, 21 décembre 2016, 29 mai 2017 et 28 août 2017, adressés en copie à Mme [HJ].
La salariée fait valoir que les faits sont anciens, l’employeur précisant avoir été informé pour la première fois le 28 février 2017,
qu’elle s’est rapprochée de ses équipes à plusieurs reprises et obtenu des réponses satisfaisantes, des solutions ayant été trouvées,
que dès qu’elle a été alertée par le fournisseur le 1er septembre 2017 de l’existence d’un dépassement continu atteignant la somme de 17.340 €, elle s’en est préoccupée, relançant son collaborateur, qui lui a répondu que des actions ont été mises en place pour réduire la taille des backups,
qu’elle a donc fait preuve de diligence et traité la difficulté rencontrée,
qu’en outre, l’employeur évoque à tort un dépassement de 37.000 € sur six mois alors qu’il se chiffre à 22.631 €,
que du reste le budget de fonctionnement de son service sur l’exercice 2016/2017 se chiffrait à 1,7 millions alors qu’elle n’a utilisé qu’une somme de 1,5 millions environ, de sorte que l’employeur est malvenu de lui reprocher un léger dépassement.
En ce que toutefois, il est reproché une utilisation à mauvais escient d’un contrat de prestation prévu pour la sauvegarde de fichiers informatiques, le grief est caractérisé, la salariée reconnaissant que ce mode de gestion pouvait être à l’origine de difficultés, alors qu’elle indique avoir été alertée le 1er septembre 2017 par le fournisseur en raison d’un dépassement qui continuait de progresser et relancer le remplaçant du responsable (courriel du 5 septembre 2017 mentionnant en objet « RE URGENT dépassement budget ‘ validation facture TAS »), sans qu’elle ne puisse opposer la prescription alors que ces dépassements ont perduré, et peu important le montant du préjudice dont il pourra seulement être tenu compte dans le cadre de l’appréciation de la gravité de la faute.
Sur la gestion des demandes d’achat et facture
L’Association SKEMA BUSINESS SCHOOL reproche à la salariée d’avoir réalisé une demande d’achat de téléphone le 27 octobre 2017 alors que qu’elle n’ignorait pas que l’association disposait de meilleures conditions tarifaires pour l’achat de téléphones plus récents,
factures impayées,
de n’avoir pas validé le paiement d’une facture de plus de 70.000 € qui lui a été soumise en septembre 2017 pour des travaux de câblage informatique, le fournisseur n’ayant été réglé que deux mois plus tard, ainsi que d’une seconde facture à échéance au 30 septembre 2017, qui n’était payée que le 30 octobre 2017,
Le demandes d’achat
d’avoir laissé en attente de validation cinq demandes d’achat datées de septembre et octobre 2017, empêchant le démarrage des prestations.
Mme [HJ] fait valoir que ce grief n’a pas été abordé lors de l’entretien préalable, ainsi que cela résulte du compte rendu du délégué du personnel l’ayant assistée, ce qui constitue une irrégularité manifeste de procédure,
qu’au fond, la demande d’achat de téléphone a été validée par Mme [E], qu’un seul téléphone était concerné sur la flotte de 166 téléphones mobiles et non pas le renouvellement de téléphones portables comme indiqué dans la lettre de licenciement,
que la facture à hauteur de 71.980,88 € TTC, émise le 18 septembre 2017, devait être imputée sur l’exercice 2018 et n’a pas été réglée dans l’attente d’informations complémentaires à la signature, qui ne parviendront pas avant la date de son départ de l’association,
qu’en ce qui concerne l’absence de réponse aux demandes d’achat, la procédure de mise en paiement n’a pas été respectée par le fournisseur ainsi que cela résulte du courriel du 22 juin 2017 adressé en réponse au chef de projet, M. [Y] lui précisant la procédure adéquate,
que seule une facture d’un montant de 810 € a été réglée avec retard,
que s’agissant des demandes d’achat concernant des licences Office 365, pour lesquelles la dépense n’a pas été budgétée en raison de leur gratuité, elle n’a pas signé la commande et demandé des explications, les éléments ayant été transmis le 6 novembre 2017, à une date à laquelle elle avait quitté l’association.
Au regard des explications formulées et justifications présentées par la salariée, le grief n’est pas fondé.
Sur les dysfonctionnements des outils informatiques à disposition du personnel
L’Association SKEMA BUSINESS SCHOOL indique avoir à déplorer divers dysfonctionnements récurrents liés aux outils, signalés à la salariée à plusieurs reprises, tels que la lenteur récurrente des systèmes d’information, du service de messagerie outlook, les coupures d’accès informatiques intempestives, l’accès à des personnes non autorisées à la base de données économique et sociale, les retards non justifiés de mise à disposition de matériel à destination des nouveaux salariés ou de retour de long congé…
que s’agissant du système d’information de gestion des ressources humaines, la direction a eu à constater un ensemble de dysfonctionnements en cours de développement par module, avec la persistance de nombreuses anomalies que la salariée était dans l’incapacité de solutionner.
Elle produit les courriels échangés entre Mme [E], M. [T] et M. [Y], notamment les courriels adressés par Mme [E] le 15 novembre 2017, émettant quelques réserves quant à la traduction anglaise qui n’est pas correcte, relayant la réticence de la faculté à utiliser l’outil en cause en raison de la persistance de nombreuses anomalies et le 18 octobre 2017, dans lequel elle indique que la faculté refuse d’utiliser l’outil, le courriel de M. [T] du 24 octobre 2017 listant de façon non exhaustive les problèmes SIRH rencontrés au cours des dernières semaines, indiquant en outre que le prestataire demande sa présence à toutes les réunions en raison de difficultés de compréhension rencontrées avec M. [Y] (problème de communication, manque de précision dans sa communication, problèmes de concentration, absence d’organisation et de planification, incapacité de maîtriser les problèmes techniques après plusieurs mois…).
Elle se référe au rapport d’audit de la société KPMG qui a mis en évidence l’insatisfaction des utilisateurs et des responsables métiers vis-à-vis du service rendu par la DSI les incitant à développer une IT parallèle compte tenu de la capacité de la DSI à solutionner les problèmes bloquants.
Mme [HJ] observe que le procès-verbal du comité d’établissement du 29 septembre 2017 mentionne sur les lenteurs récurrentes des systèmes d’information que la direction a indiqué « il n’y a pas eu de remontée particulière à ce niveau » ,
que le traitement des dysfonctionnements des outils informatiques relevait de ses équipes,
que s’agissant de la gestion du SIRH, (solutions de gestion des ressources humaines du marché), un point était fait toutes les deux semaines avec les responsables désignés par le service DSI et la direction des ressources humaines pour suivre l’avancement du projet et résoudre les dysfonctionnements constatés, un comité de pilotage étant planifié chaque fois que nécessaire, les dernières réunions s’étant tenues les 21 juillet et 21 septembre 2017,
qu’un point d’avancement hebdomadaire était fait au sein de son service et un reporting régulier aux membres du Comex,
qu’elle n’a aucunement fait preuve d’un manque d’implication dans le cadre de la gestion de ce projet et dans l’accompagnement du chef de projet,
que contrairement à ce qui est indiqué dans la lettre de licenciement, par courriel du 29 mai 2017, Mmes [Z] et [E] faisaient état de « retours plutôt positifs sur cet outil ».
Il incombait toutefois à la salariée en sa qualité de directrice des systèmes d’information de s’assurer du traitement des incidents par son équipe et la responsabilité de l’échec de l’outil SIRH doit lui être imputée alors que le collaborateur qui a été chargé du dossier n’avait manifestement pas les compétences requises.
Sur la gestion des congés des subordonnés en fonction des contraintes du service,
L’Association SKEMA BUSINESS SCHOOL reproche à Mme [HJ] un manque d’anticipation lors de la prise des congés de ses subordonnés, la contraignant à rappeler certains d’entre eux pour faire face aux impératifs du service et tardant à opérer les régularisations nécessaires auprès du service des ressources humaines.
Ce grief est caractérisé, sans que la prescription ne puisse être opposée, alors qu’il s’inscrit dans le cadre plus général de la gestion de ses équipes.
Sur la gestion des priorités et la mauvaise gestion des stocks
Il est reproché à Mme [HJ] d’avoir organisé une tombola afin de céder des ordinateurs et des téléphones qui n’étaient plus utilisés, mobilisant la force de travail, alors qu’elle avait été alertée sur les nombreux inconvénients de cette tombola, notamment quant à la nécessité de formater les équipements, d’enlever les licences Microsoft, d’installer de nouveaux logiciels… et de n’avoir procédé à aucune vérification de la qualité du matériel, alors qu’il est apparu que cette tombola concernait une centaine de postes datant de 2008 et par conséquent obsolètes.
L’employur estime que sa responsabilité est engagée, dès lors qu’il lui revenait de prendre les décisions et de donner des recommandations.
Mme [HJ] répond que l’idée de l’organisation d’une tombola était venue à la suite des demandes de rachat d’anciens téléphones portables, Mme [Z] lui ayant demandé d’étudier la question de la possibilité de reprise de téléphones portables et d’ordinateurs, ainsi que d’intervenir devant le COMEX pour présenter l’inventaire des stocks, (courriel du 26 avril 2017 à Mme [Z] dans lequel elle indique envisager une tombola pour les collaborateurs, mais que très peu d’ordinateurs étaient en bon état),
que le 6 juin 2017, elle est intervenue devant le COMEX et a présenté la procédure en vigueur et les possibilités d’action,
qu’il revenait au COMEX de décider en toute connaissance de cause de l’organisation ou non d’une tombola (courriel du 6 juin 2017).
La cour considère qu’il ne peut être reproché à la salariée d’avoir émis l’idée d’organiser une tombola, alors que la direction avait souhaité trouver des solutions aux fins de recycler l’ancien matériel et que le projet avait été soumis au COMEX.
Les éléments du dossier démontrent un manque d’implication de la salariée, quand bien même elle s’en défend, alors qu’elle n’est pas même informée des dysfonctionnements de son propre service, un défaut d’organisation et un manque d’accompagnement de ses équipes assimilables à de la négligence et à des erreurs fautives relevant de sa responsabilité en qualité de directrice des systèmes d’information alors qu’il lui incombe de veiller au bon fonctionnement du service, de manager ses équipes et de s’assurer de l’application des règles en matière de sécurité informatique.
Les premiers juges ont justement relevé une tolérance de l’employeur qui a conservé la salariée en dépit des manquements constatés ne permettant pas de retenir la faute grave. Les griefs énoncés, pour ceux subsistants, justifient son licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Le jugement du conseil de prud’hommes sera confirmé, par substitution des motifs, en l’absence de caractérisation d’une insuffisance professionnelle.
Il se déduit de ces motifs que le licenciement n’est pas motivé par une faute grave mais par une cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences du licenciement
Il conviendra de retenir au titre du salaire moyen des 12 derniers mois la somme de 7079,30 euros, incluant les heures supplémentaires, comme calculé par la salariée, en l’absence de décompte produit par l’employeur, les heures supplémentaires étant moindres sur les douze derniers mois.
Mme [HJ] sollicite les sommes de 2109,69 euros et de 210,97 euros à titre de rappels de salaire pour mise à pied conservatoire et des congés payés y afférents. Il lui sera accordé les sommes en cause, ayant à tort fait l’objet d’un licenciement pour faute grave et été privée du préavis du fait de l’employeur, peu important la suspension du contrat de travail pour maladie.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
En application des articles L 1234-1 et suivants du code du travail et compte tenu des circonstances de l’espèce, Mme [HJ] a droit à une indemnité compensatrice de préavis égale à trois mois de salaire, soit 21.237,90 euros, outre une somme de 2123,79 euros au titre des congés payés y afférents.
En application de l’article L1234-9 du code du travail et des dispositions conventionnelles, le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte une année d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.
Il lui sera alloué la somme réclamée de 56.780,70 euros, la salariée bénéficiant d’une ancienneté de plus de seize ans.
Sur l’indemnité compensatrice de congés payés et de RTT
La somme demandée de 4836,78 euros, non utilement contestée, sera accordée à la salariée.
Sur la demande d’indemnité au titre du travail dissimulé
L’article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié.
Aux termes de l’article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 du même code relatif au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L’article L.8221-5, 2° du code du travail dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
En l’espèce, l’intention délibérée de mentionner sur les bulletins de salaire un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli n’est pas établie, alors que la salariée était par ailleurs soumis à une convention de forfait en jours.
La demande d’indemnité sera en conséquence rejetée.
Sur les dommages-intérêts pour préjudice distinct
En application de l’article 1240, du code civil, des articles 1103 et 1231-1 du code civil, Mme [HJ] sollicite la condamnation de l’Association SKEMA BUSINESS SCHOOL à lui payer une somme de 10.000 euros à titre de dommages intérêts en raison du caractère brutal et/ou vexatoire du licenciement et du préjudice moral ainsi subi.
Mme [HJ] ne rapporte pas la preuve de circonstances vexatoires ayant entouré son licenciement, ni d’un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi, de sorte qu’elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts, le jugement étant confirmé.
Sur les dommages et intérêts pour remise tardive des documents sociaux
Mme [HJ] fait valoir qu’elle est sortie des effectifs le 30 novembre 2017, qu’elle a été contrainte d’adresser à son ex-employeur un courrier recommandé le 23 décembre 2017, dénonçant l’absence de remise de ses documents sociaux de fin de contrat, qui ont en définitive été établi le 4 janvier 2018, réceptionnés le 8 janvier 2018, sans toutefois que sa situation ne soit régularisée, l’attestation pôle emploi n’étant au demeurant pas conforme, qu’elle a bien subi un préjudice dès lors que ses droits à allocation chômage ont été retardés.
Mme [HJ] ne justifie pas du préjudice qui lui aurait été causé par le retard dans la délivrance des documents sociaux à hauteur d’une somme de 5000 euros, alors que l’employeur indique sans être utilement contredit qu’elle a retrouvé un emploi moins d’un mois après son licenciement et qu’elle n’a pas même été inscrite en qualité de demandeur d’emploi.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la sommation d’avoir à justifier de la suppression de l’adresse « [W].[HJ]@skema.edu »
Mme [HJ] soutient que la messagerie professionnelle ouverte à son nom est toujours active.
Elle entend faire sommation à l’Association SKEMA BUSINESS SCHOOL de justifier que cette adresse électronique a été fermée ou qu’un message indique qu’elle ne fait plus partie des effectifs et sollicite que son ex-employeur soit condamné à fermer ladite adresse sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du jugement à intervenir.
Mme [HJ] sera déboutée de sa demande infondée, ne démontrant pas que l’existence de cette adresse courriel.
Sur les intérêts :
Les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d’indemnité de licenciement sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation.
Les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris sur les sommes qui sont confirmées, et du présent arrêt sur le surplus,
Il convient d’ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 devenu 1343-2, du code civil.
Sur les autres demandes :
La cour ordonnera à l’Association SKEMA BUSINESS SCHOOL de remettre à Mme [HJ] les documents de fin de contrat rectifiés: l’attestation destinée au Pôle emploi, le certificat de travail et un bulletin de salaire conformes à la présente décision.
Il n’est pas nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte.
Sur les dépens et les frais non-répétibles :
L’Association SKEMA BUSINESS SCHOOL qui succombe dans la présente instance, doit supporter les dépens et il y a lieu de la condamner à payer à Mme [HJ] une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 2000 euros, en sus de celle qui lui a été allouée en première instance.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,
Confirme le jugement sauf en ce qu’il a
fixé la moyenne des salaires à la somme de 6435,70 euros,
rejeté les demandes au titre des heures supplémentaires, de rappel de salaire pour mise à pied conservatoire et d’indemnité compensatrice de congés payés,
condamné l’Association SKEMA BUSINESS SCHOOL à payer à Mme [HJ] les sommes de 19.307,10 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, 1930,71 euros au titre des congés payés et 30.745 au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Fixe le salaire moyen de Mme [HJ] à la somme de 7079,30 euros,
Condamne l’Association SKEMA BUSINESS SCHOOL à payer à Mme [HJ] les sommes suivantes:
2109,69 euros à titre de rappel de salaire pour mise à pied conservatoire,
210,97 au titre des congés payés y afférents,
21.237,90 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
2123,79 euros au titre des congés payés y afférents,
4836,78 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
56.780,70 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
Ordonne à l’Association SKEMA BUSINESS SCHOOL de remettre à Mme [HJ] ses bulletins de salaire, le certificat de travail et l’attestation Pôle emploi rectifiés conformes au présent arrêt,
Dit n’y avoir lieu de prononcer une astreinte,
Dit que les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris à hauteur des sommes qui sont confirmées et du présent arrêt sur le surplus,
Dit que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d’indemnité de licenciement sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 devenu 1343-2, du code civil,
Y ajoutant,
Condamne l’Association SKEMA BUSINESS SCHOOL à payer à Mme [HJ] une somme de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne l’Association SKEMA BUSINESS SCHOOL aux dépens,
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
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