RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 3
ARRÊT DU 11 Septembre 2018
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 16/09676
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Juillet 2016 par le Conseil de prud’hommes – Formation de départage de PARIS RG n° 14/01755
APPELANT
Monsieur Julien X…
[…] l’Ecole
représenté par Me Joyce Y…, avocat au barreau de PARIS, toque : B0053
substitué par Me Cloé Z…, avocat au barreau de PARIS, toque : B0053
INTIMEE
SA FRANCE TELEVISIONS
[…]
représentée par Me Marie A…, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001 substituée par Me Nicolas C…, avocat au barreau de PARIS
PARTIEINTERVENANTE :
Syndicat SNRT-CGT FRANCE TELEVISIONS (Syndicat National de Radiodiffusion et de Television du Groupe France Télévisions)
[…]
représentée par Me Joyce Y…, avocat au barreau de PARIS, toque : B0053 substitué par Me Cloé Z…, avocat au barreau de PARIS, toque : B0053,
M. Christian B… (Délégué syndical ouvrier)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Mai 2018, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de Chambre
Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère
Madame Laurence SINQUIN, Conseillère
Greffier : Mme Sylvie FARHI, lors des débats
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de Chambre et par Madame Sylvie FARHI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur Julien X… a été embauché par la société France TÉLÉVISIONS à compter du […] pour exercer des fonctions de technicien vidéo, aux termes de plusieurs contrats à durée déterminée.
La relation de travail était soumise à la convention collective de la communication et de la production audiovisuelle, puis, à compter du 1er janvier 20113, à l’accord d’entreprise France Télévision.
Le 3 février 2014, monsieur X… a saisi le Conseil de Prud’hommes de Paris pour solliciter la requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et en paiement de diverses sommes. Le Syndicat SRNT-CGT FRANCE TELEVISIONS est intervenu volontairement et a sollicité des dommages et intérêts.
Le 13 juin 2016, le Comité d’Orientation et de Carrières a intégré monsieur X… dans les effectifs de France Télévisions à temps plein, à effet du 22 août, groupe 4 classification 4B niveau de placement 6 au salaire mensuel de 2.422,75 Euros, avec une ancienneté remontant au 18 septembre 2010.
Par jugement du 8 juillet 2016, le juge départiteur du Conseil de Prud’hommes a ordonné la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 8 18 septembre 2010, à temps complet pour l’avenir et dit que le contrat de travail se poursuit aux conditions suivantes :
– Qualification : technicien d’exploitation
– Niveau : Groupe 4
– Salaire de base : 2.173,42 Euros
La société France TÉLÉVISIONS a été condamnée à payer à monsieur X… les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la convocation devant le bureau de conciliation pour les demandes à caractère salarial :
– 6.000 Euros à titre d’indemnité de requalification ;
– 2.988 Euros à titre de rappel de prime d’ancienneté ;
– 4.123 Euros au titre de la prime de fin d’année ;
– 1.500 Euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
La société France TÉLÉVISIONS a été condamnée à payer au Syndicat SRNT-CGT FRANCE TELEVISIONS 1.000 Euros à titre de dommages et intérêts et 500 Euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Le 19 juillet 2016, monsieur X… a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions visées par le greffe le 28 mai 2018 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, monsieur X… demande à la Cour de confirmer le jugement sur la requalification en contrat à durée indéterminée et les condamnations prononcées au titre de la prime d’ancienneté, la prime de fin d’année et l’article 700, de l’infirmer sur le surplus, de requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein depuis le 18 septembre 2010, de dire que la relation de travail doit se poursuivre au niveau de reclassification groupe 5S, de fixer son salaire de base à 3.210 Euros en conséquence de condamner la société France TÉLÉVISIONS à lui payer, avec intérêts au taux légal à compter de la convocation devant le bureau de jugement :
– 113.452 Euros pour la période du 18 septembre 2010 au 31 août 2016, subsidiairement 84.544 Euros et les congés payés afférents,
– 11.021 Euros pour la période du 1er septembre 2016 au 30 septembre 2017, subsidiairement 4.899 Euros, et les congés payés afférents
– 10.000 Euros à titre d’indemnité de requalification
– 7.000 Euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile
Par conclusions visées par le greffe le 28 mai 2018 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, le Syndicat SRNT-CGT FRANCE TELEVISIONS demande à la Cour de condamner la société France TÉLÉVISIONS à lu payer 10.000 Euros à titre de dommages et intérêts et 1.000 Euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Par conclusions visées par le greffe le 28 mai 2018 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, la société France TÉLÉVISIONS demande à la cour d’infirmer le jugement sur la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 18 septembre 2010 et sur les condamnations prononcées, de débouter monsieur X… et le Syndicat SRNT-CGT FRANCE TELEVISIONS de l’intégralité de leurs demandes, à titre subsidiaire de les limiter aux sommes suivantes :
– 1.211 Euros à titre d’indemnité de requalification ;
– 1.478,81 Euros à titre de rappel de prime d’ancienneté ;
– 2.228,08 Euros à titre de rappel de prime de fin d’année ;
– 236,72 Euros au titre des mesures TV
Elle sollicite condamnation de monsieur X… et du Syndicat SRNT-CGT FRANCE TELEVISIONS à lui verser chacun 5.000 Euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS
Sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
C’est par de justes motifs, adoptés par la cour ,que le premier juge, après avoir rappelé les dispositions des articles L. 1242-1, L. 1242-2 du code du travail dans leur rédaction alors applicable, et constaté qu’aucun contrat n’était versé aux débats par les parties, en sorte qu’il ne pouvait contrôler les motifs de recours, a requalifié l’ensemble des contrats à durée déterminée de monsieur X… en contrat à durée indéterminée ; si la société France TÉLÉVISIONS persiste à prétendre que ces contrats étaient conformes aux dispositions légales et conventionnelles, force est de constater qu’elle ne les produit toujours pas à hauteur d’appel ; le jugement sera donc confirmé sur la requalification, ainsi que sur l’indemnité qui a été allouée à monsieur X… à ce titre dont le montant est adapté à la durée des relations contractuelles et à la situation de précarité induite par cette succession de contrats à durée déterminée ;
Sur la requalification à temps complet
Ainsi que l’a rappelé le juge départiteur , la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat ; et réciproquement, la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail ;
Il appartient donc à monsieur X… qui revendique une requalification à temps plein, d’établir qu’il s’est tenu en permanence à la disposition de l’employeur ;
Monsieur X… ne conteste pas que de […] il a travaillé entre 6 jours et 13 jours par mois (au vu de ses bulletins de paie, 6 jours en 2010, puis 7,8 en 2011, 13 en 2012, 8,3 en 2013, 11,1 en 2014 et 7,1 en 2015) mais explique, sans être contredit, que c’est la société France TÉLÉVISIONS seule qui décidait de la planification des salariés pour leurs jours de travail, qu’il lui faisait systématiquement savoir qu’il était entièrement disponible et n’a d’ailleurs jamais refusé une seule journée de travail ;
Il verse aux débats des plannings ‘prévisionnels ‘ que la société France TÉLÉVISIONS lui adressait le vendredi pour la semaine suivante et il ressort de ces plannings que les jours et les horaires de travail variaient constamment, en sorte qu’il ignorait son rythme de travail ; au vu de ses déclarations de revenus et des tableaux de rappel de salaire qu’il verse aux débats, il tirait de son travail pour la société France TÉLÉVISIONS l’essentiel de ses revenus (98,5% en 2012, 97 % en 2013, 12% en 2014, à vérifier et 98% en 2015, hors congés spectacles) ;
Il est donc établi par monsieur X…, au vu de ce qui précède, que jusqu’à la date de signature de son contrat à durée indéterminée à temps plein, il s’est tenu entièrement à la disposition de l’employeur et que, ignorant son rythme de travail, il n’avait la possibilité de travailler pour d’autres employeurs que de façon très marginale, si bien que le contrat doit être requalifié en contrat de travail à plein temps ;
Sur le rappel de salaires
Monsieur X… prétend que son salaire de base de référence s’établit, […], à 3.210 Euros, ou, subsidiairement à 2.722 Euros, dès lors que dès son embauche, il a été classé dans le groupe 5S correspondant au statut cadre ;
Toutefois, dès lors que le salarié, par l’effet de la requalification, devient un salarié permanent de l’entreprise, il doit être replacé dans la situation qui aurait été la sienne s’il avait été recruté depuis l’origine dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, avec le salaire et les accessoires de salaires prévus par la convention collective ;
Monsieur X… avait 21 ans lorsqu’il a été recruté par société France TÉLÉVISIONS par un premier contrat à durée déterminée, titulaire d’un BTS et d’une licence d’études cinématographiques et sans expérience professionnelle. Il a toujours exercé au sein de la société France TELEVISIONS des fonctions de technicien vidéo qui correspondent au groupe IV de la convention collective applicable, et les salariés, auxquels il se compare ont une ancienneté de 10 ans supérieure à la sienne ; quant aux ‘nuages de points de rémunération’ , ils sont dépourvus de pertinence lorsqu’il s’agit d’apprécier une égalité de traitement ;
Selon les dispositions de la convention collective applicable lors du recrutement de monsieur X…, le salaire minimal d’un technicien vidéo était de […],85 […], […],65 Euros à compter du […] ; après le […], son niveau était celui d’un technicien confirmé, soit le niveau 4 du groupe 4 défini par l’accord France Télévision qui correspond aux fonctions et à l’ancienneté de monsieur X…, le salaire de base de ce niveau étant de 2.265,92 Euros, porté à 2.282,58 Euros à compter de 2014;
Le rappel de salaire, qui n’est pas affecté par les sommes qui ont pu être versées à monsieur X… au titre de l’assurance chômage, s’élève en conséquence, au vu des bulletins de paie de mars 2011 à septembre 2016 qui ont été versés aux débats, à la somme de 38.928,51 Euros (aucun rappel pour les années 2011 et 2012, 8.705,81 Euros au titre de l’année 2013, 6.788,16 Euros au titre de l’année 2014, 13.222,58 Euros au titre de l’année 2015 et 10.2011,96 Euros jusqu’au 31 août 2016), outre les congés payés afférents ;
Le jugement sera en revanche confirmé pour les périodes postérieures à l’intégration de monsieur X… dans les effectifs de la société FRANCE TELEVISIONS à temps complet, pour un salaire supérieur au salaire minimum de sa catégorie ;
Sur les accessoires de salaires
Ainsi qu’il a été vu ci-dessus, monsieur X… peut prétendre, du fait de la requalification, aux accessoires de salaires, à savoir la prime d’ancienneté, la prime de fin d’année et la prime FTV sur a base de son salaire de référence ;
La prime d’ancienneté, selon les dispositions collectives applicables, est de 0,8% par année d’ancienneté jusqu’à 20 ans, calculée sur le salaire de référence, et à compter du 28 mai 2013, sur le salaire de référence du groupe de qualification ; le jugement sera confirmé en ce qu’il a alloué à monsieur X… la somme de 2.988 Euros à Euros à ce titre, dont le montant n’est contesté par FRANCE TELEVISIONS au seul motif qu’il n’y aurait pas lieu à requalification à temps complet ;
Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a débouté monsieur X… de sa demande de congés payés sur cette prime d’ancienneté, laquelle, en l’occurrence, ne rémunère pas un travail effectif ; il ressort en effet du décompte de monsieur X… que la somme réclamée au titre de la prime d’ancienneté couvre les 12 mois de l’année, périodes de travail et de congés payés confondus si bien que son inclusion dans l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés conduirait à la faire payer pour partie deux fois par la société FRANCE TELEVISIONS;
Il convient encore de confirmer le jugement sur le montant de la prime de fin d’année; la société France TÉLÉVISIONS la conteste pour le même motif que pour la prime d’ancienneté et il en va de même des mesures FTV, la décision du premier juge étant infirmée sur ce point ;
Sur l’intervention du Syndicat SRNT-CGT FRANCE TELEVISIONS
Le Syndicat SRNT-CGT FRANCE TELEVISIONS justifie d’une délibération spéciale de son bureau national pour sa représentation en justice en qualité d’intervenant volontaire ;
La violation des dispositions légales relatives aux contrats à durée déterminée par la société France TÉLÉVISIONS étant de nature à porter atteinte à l’intérêt collectif de la profession, le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit son intervention recevable ainsi que sur la somme qui lui été allouée, adaptée au préjudice subi ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement, sauf en ce qu’il a débouté monsieur X… de ses demandes de rappel de salaires ainsi qu’au titre des mesures FTV ;
Statuant à nouveau de ces deux chefs ;
Condamne la société France TÉLÉVISIONS à payer à monsieur X…, avec intérêts au taux légal à compter du […], la somme de 38.928,51 Euros à titre de rappel de salaires pour la période de janvier 2013 à août 2016, outre 3.892,85 Euros pour les congés payés afférents et celle de 500 Euros au titre des mesures FTV ;
Vu l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
Condamne la société France TÉLÉVISIONS à payer à monsieur X… une somme supplémentaire de 1.500 Euros et au Syndicat SRNT-CGT FRANCE TELEVISIONS une somme de 500 Euros, au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, plus amples ou contraires ;
Met les dépens à la charge de la société France TÉLÉVISIONS.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
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