Convention collective de la production audiovisuelle : 11 avril 2018 Cour d’appel de Versailles RG n° 16/00294
Convention collective de la production audiovisuelle : 11 avril 2018 Cour d’appel de Versailles RG n° 16/00294

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 AVRIL 2018

N° RG 16/00294

AFFAIRE :

SASU ERICSSON BROADCAST SERVICES FRANCE SAS

C/

[E] [B]

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 10 décembre 2015 par le conseil de prud’hommes – formation paritaire – de Boulogne Billancourt

Section : encadrement

N° RG : 15/01100

Copies exécutoires délivrées à :

Me Marie CONTENT

Me Agnès BENICHOU BOURGEON

Copies certifiées conformes délivrées à :

SASU ERICSSON BROADCAST SERVICES FRANCE SAS

[E] [B]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE AVRIL DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant, fixé au 21 mars 2018 puis prorogé au 11 avril 2018, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

SASU ERICSSON BROADCAST SERVICES FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparante en la personne de [D] [D], directeur des ressources humaines, intervenant en vertu d’un pouvoir de représentation du 20 avril 2016

assistée de Me Marie CONTENT, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : U0001

APPELANTE

****************

Monsieur [E] [B]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne,

assisté de Me Agnès BENICHOU BOURGEON, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : E0971

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 décembre 2017, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monique CHAULET, Conseiller, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Président,

Madame Monique CHAULET, Conseiller,

Madame Elisabeth ALLANNIC, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Marine GANDREAU,

Par jugement du 10 décembre 2015, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt (section encadrement) a :

– dit fondée la demande de M. [B] de requalification de la succession des CDD d’usage en CDI,

– dit fondée la demande de requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet,

– dit que de ce qui précède, la rupture des relations du travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– fixé le salaire moyen à temps plein à la somme de 4 480,71 euros,

– condamné la société Ericsson Broadcast Services France à payer à M. [B] les sommes suivantes :

. 50 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 13 440 euros à titre d’indemnité de préavis,

. 1 344 euros à titre de congés payés sur préavis,

. 13 440 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

. 47 253 euros à titre des rappels de salaires,

. 4 725,30 euros à titre des congés y afférents,

. 4 480 euros à titre de l’indemnité de requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

. 6 027 euros à titre du rappel du 13ème mois,

. 752,50 euros à titre de la prime de week-end,

. 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [B] du surplus de ses demandes,

– reçu la société Ericsson Broadcast Services France en sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’en a débouté,

– dit qu’il y a lieu à intérêts dans le cadre des dispositions légales liées à la nature indemnitaire et salariale de la condamnation,

– mis les éventuels dépens à la charge de la société Ericsson Broadcast Services France,

– rappelé que l’article R. 1454-28 du code du travail réserve l’exécution provisoire au paiement des sommes dues au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l’article R. 1454-14 du même code,

– dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire du surplus.

Par déclaration adressée au greffe le 4 janvier 2016, la SASU Ericsson Broadcast Services France a interjeté appel de ce jugement et, par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, demande à la cour de :

à titre principal,

– dire l’ensemble des demandes formulées par M. [B] non fondées, l’en débouter,

en conséquence,

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 10 décembre 2015,

– ordonner la restitution par M. [B] de la somme de 37 497,48 euros perçue dans le cadre de l’exécution provisoire du jugement entrepris,

à titre subsidiaire,

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a requalifié à temps plein la relation de travail et fixé le salaire mensuel de référence de M. [B] à 4 480,71 euros,

– dire que M. [B] peut tout au plus prétendre, sur la base d’un salaire de référence de 1 172,00 euros, aux sommes suivantes :

. 3 516 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 351,60 euros bruts au titre des congés payés afférents,

. 3 516 euros bruts au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

. 1 172 euros bruts à titre d’indemnité de requalification,

. 7 032 euros bruts au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en tout état de cause,

– condamner M. [B] à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience par son conseil, M. [E] [B] demande à la cour de :

confirmant le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt,

– prononcer la requalification de la relation de travail entre les parties en contrat à durée indéterminée depuis le 7 novembre 2003,

– condamner la SASU Ericsson Broadcast Services France à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l’article L.1245-1 du code du travail,

en outre,

à titre principal,

– dire que la relation de travail entre les parties est un contrat à durée indéterminée à temps plein,

– fixer, en conséquence, son salaire mensuel de référence à la somme de 4 480 euros,

– dire la rupture à l’initiative de l’employeur constitutive d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner, dès lors, la SASU Ericsson Broadcast Services France à lui payer les sommes suivantes :

. 47 253 euros au titre des rappels de salaire,

. 4 725,30 euros au titre des rappels de congés payés y afférents,

– dire la rupture à l’initiative de l’employeur constitutive d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner en conséquence la SASU Ericsson Broadcast Services France à lui payer, à titre principal, les sommes de :

. 13 440 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

. 1 344 euros au titre des congés payés y afférents,

. 13 440 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

à titre subsidiaire,

– fixer son salaire mensuel de référence à la somme de 3 652 euros,

– dire la rupture à l’initiative de l’employeur constitutive d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– en conséquence, condamner la SASU Ericsson Broadcast Services France à lui payer les sommes suivantes :

. 10 950 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

. 1 095 euros au titre des congés payés y afférents,

. 10 950 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

en tout état de cause,

– condamner la SASU Ericsson Broadcast Services France à lui payer les sommes suivantes :

. 50 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 6 027 euros à titre de rappel de 13ème mois,

. 602,70 euros au titre des congés payés afférents,

. 752,50 euros à titre de rappel de prime de week-end,

. 3 500 euros au titre d’article 700 du code de procédure civile,

– ordonner le tout avec intérêt de droit à compter de la réception par la SASU Ericsson Broadcast Services France de la convocation adressée par le greffe du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt,

– condamner la SASU Ericsson Broadcast Services France aux entiers dépens.

SUR CE LA COUR,

M. [E] [B] a été engagé par la société VCF Thématique, devenue Technicolor Network Services France, en qualité d’ingénieur de la vision, par plusieurs contrats à durée déterminée successifs, dont le premier a commencé le 7 novembre 2003 et le dernier s’est terminé le 20 février 2014.

Le 20 août 2012, la société Technicolor Network Services France a pris le nom de son nouvel actionnaire pour devenir la SASU Ericsson Broadcast Services France.

La SASU Ericsson Broadcast Services France (ci-après EBSF) a pour activité principale la production, la postproduction et la diffusion de programmes audiovisuels pour le compte de chaînes de télévision diffusant principalement sur les réseaux câblés et satellite et emploie 300 salariés.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des entreprises techniques au service de la création et de l’événement.

M. [B] a saisi le conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt d’une demande de requalification de ses contrats de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet.

Sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée :

M. [B] sollicite la requalification au motif que les périodes travaillées n’ont pas toutes été couvertes par des contrats et que les dispositions de l’article L. 1242-12 du code du travail n’ont pas été respectées. Sur le fond, il soutient que ses fonctions, concourant à la réalisation finale des émissions, constituent un emploi permanent attaché à un service dont l’activité est pérenne et qu’il les a exercées pendant 10 ans en continu à l’exception des périodes de vacances, aux mêmes fonctions, suivant les mêmes conditions et répondant à une nécessité quotidienne de l’employeur. Il fait valoir que la jurisprudence communautaire définit les raisons objectives comme des circonstances précises et concrètes caractérisant une activité déterminée et, partant, de nature à justifier dans ce contexte particulier l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, que ces circonstances peuvent résulter de la nature particulière des tâches pour l’accomplissement desquelles le contrat a été conclu et qu’en l’espèce il n’était pas affecté à une production ponctuelle et occasionnelle, ses fonctions correspondant à l’activité normale et permanente des sociétés EBSF.

La société EBSF soutient que la jurisprudence communautaire admet le recours à ces CDD quand bien même il s’agirait de couvrir un besoin permanent et que la nature et les caractéristiques inhérentes à une activité peuvent être prises en considération en tant que raisons objectives justifiant la succession de contrats à durée déterminée et fait valoir, au visa des articles L. 1242-2 et D. 1242-2, qu’il est d’usage constant dans le secteur de l’audiovisuel de ne pas recourir au CDI. Elle fait également valoir qu’il résulte des articles L. 1244-1 et L.1244-4 que le code du travail autorise le recours aux CDD d’usage successifs sur un poste avec un même salarié sans avoir à respecter un délai de carence et sans limitation de durée. Elle se réfère en outre à la convention collective qui prévoit, en son article 4.3, l’usage constant de recourir au CDD dans le secteur de la prestation technique au service de la création et de l’événement et à l’accord spécifique aux entreprises techniques du secteur audiovisuel dans le champ duquel elle se situe qui comporte une liste des emplois pour lesquels il est d’usage de recourir à des CDD dont les fonctions d’ingénieur de la vision. Elle soutient que les emplois occupés par M. [B] avaient un caractère par nature temporaire dès lors qu’il était engagé pour de très courtes durées, la plupart du temps une journée, que le nombre de jours et d’heures travaillées était soumis à d’importantes variations et qu’en conséquence M. [B] n’occupait pas un emploi permanent au sein de la société.

En vertu des articles L. 1242-1, L. 1242-2 et L. 1242-12 du code du travail, un contrat à durée déterminée, quel que soit son motif, qui ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans des cas déterminés par la loi et doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif, à défaut de quoi il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

S’il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1244-1 et D. 1242-1 du code du travail que, dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 19 mars 1999 et mis en oeuvre par la Directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, qui a pour objet, en ses clauses 1 et 5, de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

En l’espèce, l’activité de la société EBSF consiste en la production, la post-production et la diffusion de programmes audiovisuels pour le compte de chaînes de télévision diffusant principalement sur les réseaux câblés et le satellite, domaine précisément visé par l’article D.1242-1 du code du travail comme faisant partie des secteurs dans lesquels il est d’usage de recourir au contrat de travail à durée déterminée d’usage.

Cette possibilité est prévue, d’ailleurs, expressément dans la convention collective des entreprises techniques au service de la création et de l’événement applicable depuis décembre 2008 complétée par plusieurs accords dont un spécifique aux entreprises techniques du secteur audiovisuel dans le champ duquel se trouve EBSF.

Cependant, le recours au contrat à durée déterminée d’usage ne dispense pas l’employeur d’établir un contrat écrit comportant la définition précise de son motif, sous peine d’être réputé conclu à durée indéterminée . Ce contrat écrit s’impose également quelle que soit la durée du contrat. Il s’agit d’une présomption irréfragable que l’employeur ne peut écarter en apportant la preuve contraire.

La société EBSF qui ne conteste pas que M. [B] a commencé à travailler au sein de la société VCF Thématique devenue Technicolor Network Services France puis Ericsson Broadcast Services France le 7 novembre 2003, ne produit aucun contrat pour les années 2003 à 2007 inclus, le premier contrat de travail produit au débat et non daté ayant été établi pour les 6 et 7 décembre 2008.

Il résulte du tableau produit par M. [B] qu’aucun contrat écrit n’a été établi entre le mois de novembre 2003 et le mois de novembre 2008 et que, pour les années postérieures, toutes les périodes travaillées ne sont pas couvertes par un contrat à durée déterminée d’usage ou que certains contrats ne sont pas signés ou pas datés. Ce document ne fait l’objet d’aucune contestation de la part de l’employeur.

Il convient en conséquence de constater qu’à défaut de contrat écrit, le contrat de travail était nécessairement, dès le début de la relation contractuelle, un contrat à durée indéterminée.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la rupture :

M. [B] fait valoir, au soutien de sa demande visant à voir qualifier la rupture de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, qu’il a été définitivement exclu des plannings après le 20 février 2014 sans qu’aucune cause économique ni aucune cause personnelle n’ait été alléguée pour justifier de la rupture contractuelle et sans qu’aucune formalité n’ait été respectée.

La société EBSF soutient qu’en cas de requalification des contrats de travail en contrat à durée indéterminée, la rupture ne peut s’analyser que comme une démission eu égard à la volonté non équivoque exprimée par le salarié de rompre le contrat de travail, sans qu’une confirmation écrite soit nécessaire. Elle fait valoir que M. [B] a décidé de mettre fin à sa collaboration avec la société pour se consacrer à un projet professionnel personnel.

La démission ne se présume pas et ne peut résulter que d’une manifestation de volonté claire et non équivoque du salarié de mettre un terme à la relation de travail. Elle n’est pas soumise à des conditions de forme particulières.

L’employeur produit les attestations suivantes :

– de M. [O] [N], responsable de site chez le client France 24 chargé de superviser la planification des techniciens qui déclare que M. [B] est venu le voir en février 2014 pour lui dire qu’il ne voulait plus être planifié du fait qu’il montait sa propre entreprise de conseil et demandait à être sorti du groupe d’envoi des mails. Il ajoute en avoir pris bonne note et lui avoir demandé d’informer également de sa décision la chargée de planification, [H] [O]. M. [N] ajoute que M. [B] lui a indiqué qu’il pourrait le solliciter par le biais de sa société pour des prestations mais plus en tant qu’intermittent et qu’il a en effet été fait appel à sa société courant 2014 pour encadrer la modernisation des dispositifs de gestion des caméras et l’accompagnement des techniciens, période au cours de laquelle il a eu ses derniers échanges avec M. [B] qui ne l’a plus jamais contacté et encore moins demandé une réintégration dans le planning des intermittents.

– de Mme [H] [O], chargée d’affaires pour les salariés travaillant sur le site France 24, qui déclare être chargée de la planification des techniciens intermittents en fonction de leurs disponibilité et besoins du client et avoir fait appel à ce titre à de nombreuses reprises et durant plusieurs années à M. [B]. Elle atteste qu’en février 2014, celui-ci l’a prévenue par un appel téléphonique qu’il ne souhaitait plus faire partie du pool d’intermittents planifiables afin de se consacrer pleinement à un projet personnel de création d’entreprise de conseil et qu’elle a aussitôt confirmé ce point par mail aux responsables du site France 24. Elle ajoute qu’au printemps 2015 M. [B] l’a appelée pour prendre de ses nouvelles et qu’elle l’a assurée qu’à son avis il n’y aurait pas de problème pour qu’il intègre à nouveau les équipes.

– de M. [L], responsable de site adjoint, qui déclare qu’en janvier 2014, date à laquelle il était responsable du site à Public Sénat sur lequel M. [B] intervenait en tant qu’ingénieur de la vision, ce dernier lui a fait part qu’il ne pourrait plus travailler pour la société Ericsson car il devait travailler à temps plein pour le client France 24 en créant sa propre société.

M. [B] ne conteste pas le contenu de ces attestations.

La société produit également le Kbis de la société MCTV créée par M. [B] et immatriculée le 11 mars 2014 ainsi que deux factures de prestations passées entre la société Ericsson et la société MCTV le 22 septembre 2014 et le 16 janvier 2015.

La volonté clairement exprimée par M. [B] de cesser de travailler, en qualité de salarié, pour le compte de la société EBSF équivaut à une démission.

Il convient donc, infirmant le jugement, de dire que la rupture s’analyse en une démission et de débouter M. [B] de ses demandes à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité de préavis et de congés payés sur préavis et à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement.

Sur la requalification en contrat de travail à temps complet :

La requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat.

Réciproquement, la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail.

M. [B] se réfère aux dispositions de l’article L.3123-14 qui précise que le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit et soutient qu’à défaut de contrat de travail mentionnant la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, le contrat est présumé à temps complet et il appartient à l’employeur de rapporter la preuve d’une part de la durée exacte du travail convenue et, d’autre part, de ce que le salarié n’était pas dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler. Il soutient que l’employeur ne produit aucun contrat de travail répondant aux dispositions de l’article L.3123-14, qu’en conséquence la relation est présumée à temps complet et que l’employeur, qui ne fournit aucun planning de travail, décidait seul de la durée du travail, qu’en conséquence il ne pouvait prévoir à quel rythme il devait travailler et il était dans l’obligation de rester à la disposition de l’employeur. Il argue aussi de systèmes d’astreintes et des modifications de dates pouvant intervenir.

L’employeur soutient que, pour pouvoir prétendre à la requalification à temps plein de ses contrats de travail à durée déterminée successifs, M. [B] doit avoir été contraint de se tenir à la disposition de son employeur pendant les périodes non travaillées séparant chaque contrat et donc démontrer qu’il était à la disposition permanente de l’entreprise, preuve qu’il ne rapporte pas en l’espèce. Il ajoute que M. [B] a travaillé pour d’autres employeurs.

Il n’est pas discuté que les contrats à durée déterminée étaient à temps plein. La relation contractuelle a donc été requalifiée en contrat à durée indéterminée à temps plein.

La demande de paiement des périodes séparant les contrats à durée déterminée formulée par le salarié ne peut qu’être analysée en une demande de paiement des périodes interstitielles.

Il appartient donc au salarié de rapporter la preuve qu’il s’est tenu à la disposition de son employeur pendant ces périodes.

L’employeur produit, pour démontrer que M. [B] n’était pas à la disposition permanente de l’entreprise, un tableau récapitulatif du nombre de jours et d’heures travaillés par an depuis le début de la relation contractuelle ainsi qu’un tableau récapitulatif du nombre de jours travaillés pour chaque mois de la relation contractuelle.

Il ressort de ce dernier tableau non contesté par M. [B] que celui-ci a travaillé en moyenne 5,2 jours par mois en 2004, 6,6 jours par mois en 2005, 2,1 jours par mois en 2006, 9,2 jours par mois en 2007, 7,8 jours par mois en 2008, 6,7 jours par mois en 2009, 9,2 jours par mois en 2010, 9,6 jours par mois en 2011, 10,4 jours par mois en 2012 et 7,3 jours par mois en 2013.

Il résulte de ces tableaux que le nombre de jours travaillés variait d’un mois à l’autre et d’une année sur l’autre et la société Ericsson justifie de la durée exacte mensuelle ou hebdomadaire convenue.

L’employeur fournit également une attestation de Mme [O] qui déclare que l’emploi du temps de M. [B] l’obligeait à le mettre en indisponibilité totale ou partielle de façon régulière pendant des périodes plus ou moins longues, qu’il lui en faisait part oralement et qu’elle a toujours fait le nécessaire pour lui proposer un planning adapté à ses besoins.

M. [B], qui produit ses plannings, ne démontre pas être resté à la disposition de l’employeur pour effectuer un travail pendant les périodes interstitielles. Les quelques mails produits par le salarié démontrant qu’il pouvait être informé par internet et par mail de modifications de plannings ne suffisent pas à établir qu’il était contraint de rester à la disposition de l’employeur.

Il résulte par ailleurs de ses déclarations d’impôts que M. [B] travaillait pour d’autres sociétés notamment en 2013 pour Canal Lumière, Direct 8 Arc de Seine, l’Equipe, Au Clair de Lune, D8 Films Arc de Seine.

Il s’ensuit que M. [B], qui n’établit pas s’être tenu à la disposition de l’employeur durant les périodes interstitielles, ne peut prétendre à un rappel de salaires au titre des dites périodes. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l’indemnité de requalification :

Dès lors que le contrat de travail de M. [B] est un contrat à durée indéterminé dès le début de la relation contractuelle, il n’y a pas lieu de lui allouer une indemnité de requalification.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la prime de 13ème mois et les primes de week-end :

Aux termes de l’article 7 de l’accord d’entreprise, à compter du 21ème week-end compromis dans l’année, le salarié percevra une compensation à hauteur de 152,5 euros pour le 21ème et 305 euros pour les week-end suivants.

L’accord précise seulement que ces dispositions ne s’appliquent pas au personnel travaillant en cycle, ce qui n’est ni soutenu ni établi pour M. [B].

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a fait droit à la demande de M. [B] de ce chef.

Aux termes de l’article 8 de cet accord, à tout collaborateur engagé de manière définitive sera versée, courant décembre, à titre de « 13ème mois », une prime égale au salaire de base du mois de décembre.

L’employeur soutient que le salarié ne peut cumuler les avantages prévus par la convention collective pour les salariés engagés en CDD d’usage et les avantages prévus pour les salariés en CDI.

En tout état de cause, le contrat étant requalifié, ce moyen ne pourra être retenu.

Il convient, confirmant le jugement, de faire droit à la demande de M. [B] à ce titre qui n’est pas critiquée dans son quantum, de confirmer le jugement de ce chef et d’y ajouter la condamnation de l’employeur à lui payer la somme de 602,70 euros au titre des congés payés afférents à la prime de 13ème mois.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Infirme partiellement le jugement,

Statuant à nouveau,

Dit que la rupture de la relation de travail s’analyse en une démission,

Déboute M. [B] de ses demandes à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis et à titre d’indemnité de licenciement,

Déboute M. [B] de sa demande de rappels de salaires,

Déboute M. [B] de sa demande d’indemnité de requalification,

Confirme pour le surplus le jugement,

Y ajoutant,

Condamne la SASU Ericsson Broadcast Services France à payer à M. [B] la somme de 602,70 euros au titre des congés payés afférents à la prime de 13ème mois,

Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

Condamne la SASU Ericsson Broadcast Services France aux dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l’avis donné aux parties à l’issue des débats en application de l’article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Clotilde Maugendre, président et Madame Marine Gandreau, greffier.

Le greffier,Le président,

 


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