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Contrôle fiscal et données personnelles : les règles applicables

Contrôle fiscal et données personnelles : les règles applicables

La Cour de Cassation a validé la possibilité pour l’administration de recueillir des informations tirées de la consultation de sites internet à accès publics, et la Cour d’appel de Paris s’est prononcée très récemment dans le même sens (CA Paris, 3 mars 2021, n° 19/09947). Par conséquent, un traitement manuel et ciblé de l’administration fiscale n’a rien d’illicite.

Contrôle fiscal et RGDP 

L’article 2 du RGPD prévoit que : « le présent règlement ne s’applique pas au traitement de données à caractère personnel effectué : (‘) d) par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, y compris a protection contre des menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces ».

De manière identique, l’article 42 de la loi du 6 janvier 1978 prévoit que le Titre II relatif aux « Traitements relevant du régime de protection des données à caractère personnel prévu par le règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 n’est pas applicable aux traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre « par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, y compris a protection contre des menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces ».

En revanche, les traitements mis en oeuvre par l’administration fiscale s’inscrivent dans le cadre de l’article 87 de la loi du 6 janvier 1978, dont le texte est cité.

En outre, l’article 2 de l’arrêté du 24 juillet 2000 précise que la DNEF assure une mission de « recherche des renseignements nécessaires à l’assiette, au contrôle et au recouvrement des impôts et taxes de toute nature » et de « recherche et la constatation des manquements et infractions à la législation et aux réglementations fiscale et économique ».

En conséquence, un traitement « sui generis » mis en oeuvre par l’administration fiscale dispose bien d’une base juridique suffisamment précise.

Absence de mise en oeuvre d’une analyse d’impact relative à la protection des données (« AIPD »)

Il ressort de l’article 90 de la loi du 6 janvier 1978, issu de la transposition de l’article 27 de la directive (UE) 2016/680 du 27 avril 2016 qu’une analyse d’impact relative à la protection des données à caractère personnel est nécessaire « si le traitement est susceptible d’engendrer un risque élevé pour les droits et libertés des personnes physiques », notamment parce qu’il porte sur des données sensibles visées au I de l’article 6 de la loi du 6 janvier 1978 concernant notamment l’origine raciale, l’origine ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses, philosophiques, l’appartenance syndicale d’une personne physique, le traitement des données génétiques, des données biométriques aux fins d’identifier une personne physique de manière unique, des données concernant la santé, des concernant la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle d’une personne physique.

Or en l’espèce, aucune donnée listée au I de l’article 6 n’a fait l’objet d’une quelconque collecte par l’administration fiscale.

Par ailleurs, les personnes investies de l’autorité publique étant soumises à des obligations pour partie comparables à celles qui s’appliquent aux entreprises soumises au RGPD, on peut se référer à l’article 35 du RGPD, relatif aux analyses d’impact, pour préciser le champ d’application de l’analyse d’impact visée à l’article 90 de la loi du 6 janvier 1978.

Par ailleurs, dans le cadre de son contrôle, l’administration n’a procédé à aucune évaluation systématique et approfondie d’informations personnelles, fonctionnant par un procédé automatisé, et sur la base desquelles sont prises des décisions ; aucun traitement de données sensibles à grande échelle n’a été effectué ; aucune surveillance systématique à grande échelle d’une zone accessible au public n’a été faite. L’administration a traité des informations relatives à la société contrôlée ainsi qu’à des personnes liées à ces sociétés. Il s’agit donc d’une recherche d’informations ciblées qui n’a rien de systématique.

Par conséquent, l’administration n’avait pas à mener d’analyse d’impact pour effectuer un traitement « sui generis ».

Droits des personnes contrôlées fiscalement

En vertu de l’article 13 du RGPD, lorsque des données à caractère personnel sont collectées directement auprès de la personne concernée, les informations à lui fournir sont les suivantes : identité du responsable de traitement, coordonnées du délégué à la protection des données, finalités et base juridique du traitement, intérêts légitimes poursuivis par le responsable

lorsque le traitement est fondé sur cette base légale, destinataire des données et éventuelle possibilité de transferts, durée de conservation, possibilité d’en demander l’accès, la rectification ou l’effacement, droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle, conséquences éventuelles de la non-fourniture de ces données, existence éventuelle d’une prise de décision automatisée, informations relatives à une autre finalité éventuelle.

Concernant le « droit à l’oubli », l’article 17 du RGPD prévoit qu’il n’est pas applicable, dans la mesure où ce traitement est nécessaire « pour respecter une obligation légale qui requiert le traitement prévu par le droit de l’Union ou par le droit de l’État membre auquel le responsable du traitement est soumis, ou pour exécuter une mission d’intérêt public ou relevant de l’exercice de l’autorité publique dont est investi le responsable du traitement », ce qui est le cas de l’administration fiscale dans sa mission d’établissement, de recouvrement et de contrôle de l’impôt.

S’agissant du droit à la limitation du traitement, l’article 18 du RGPD prévoit que les données à caractère personnel peuvent néanmoins être traitées pour des motifs importants d’intérêt public de l’Union ou d’un État membre.

Au cas présent, l’administration exerce une mission régalienne qui constitue un intérêt public fondamental, faisant qu’elle ne peut satisfaire aux demandes de limitation, alors qu’elle se situe dans une situation légale et réglementaire à l’égard des contribuables.

Les informations collectées indirectement doivent, en principe, faire l’objet d’une information auprès des personnes concernées conformément à l’article 14 du RGPD.

Néanmoins, en application de l’article 23 du RGPD, les États membres peuvent limiter la portée des obligations prévues par le règlement à l’article 14, lorsqu’une telle limitation est nécessaire pour garantir : « d) la prévention et la détection d’infractions pénales, ainsi que les enquêtes et les poursuites en la matière ou l’exécution de sanctions pénales » et « e) d’autres objectifs importants d’intérêt public général de l’Union ou d’un État membre, notamment un intérêt économique ou financier important de l’Union ou d’un État membre, y compris dans les domaines monétaire, budgétaire et fiscal, de la santé publique et de la sécurité sociale ».

C’est ainsi que les alinéa 4 et 5 de l’article 48 de la loi du 6 janvier 1978 disposent que « en application de l’article 23 du même règlement, le droit à l’information ne s’applique pas aux données collectées dans les conditions prévues à l’article 14 de ce règlement et utilisées lors d’un traitement mis en oeuvre pour le compte de l’État et intéressant la sécurité publique, dans la mesure où une telle limitation est nécessaire au respect des fins poursuivies par ce traitement et prévue par l’acte instaurant le traitement.

Il est fait application des dispositions de l’alinéa précédent lorsque le traitement est mis en oeuvre par les administrations publiques qui ont pour mission soit de contrôler soit de recouvrer des impositions ou d’effectuer des contrôles de l’activité de personnes physiques ou morales pouvant donner lieu à la constatation d’une infraction ou d’un manquement à des amendes administratives ou à des pénalités ».

Par ailleurs, tant la CEDH que la CJUE admettent, en pareille hypothèse, que le principe du contradictoire puisse faire l’objet d’un aménagement, voire qu’il soit écarté purement et simplement, lorsqu’il en va de la sauvegarde d’un intérêt public ou de la protection d’autres personnes.

En conséquence, des restrictions à l’information des personnes ayant fait l’objet de traitement de données sont clairement permises à l’article 48 de la loi du 6 janvier 1978.

Gestion du fichier des comptes bancaires

Il découle de l’article 4 de l’arrêté du 14 juin 1982 relatif à l’extension d’un système automatisé de gestion du fichier des comptes bancaires ainsi que de la consultation du site de la CNIL que les agents de la DGFP pouvaient valablement utiliser les données issues du fichier A pour mettre en oeuvre une visite domiciliaire, y compris en dehors de toute enquête judiciaire.

L’article 2 de l’arrêté du 5 avril 2002 portant création par la DGFP d’un traitement automatisé d’informations nominatives dénommé « accès au dossier fiscal des particuliers (H) » prévoit qu’il est permis « aux agents habilités de la direction générale des finances publiques d’accéder aux dossiers des contribuables dans le cadre des missions d’assiette, de contrôle, de recouvrement qui leur sont dévolues ».

De même, l’article 2 de l’arrêté du 6 juillet 2004 portant création par la DGFP d’un traitement automatisé d’informations nominatives dénommé « accès au dossier électronique des entreprises (ADELIE) » prévoit que ce traitement permet « aux agents de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique habilités d’accéder aux déclarations professionnelles et aux paiements des entreprises à l’égard desquelles ils sont chargés d’une mission d’assiette, de contrôle, de contentieux ou de recouvrement en matière fiscale ».

En outre, l’article 3 de l’arrêté du 28 avril 1987 relatif à la création d’un traitement informatisé de simplification de la gestion des informations de recoupement (SIR) prévoit que ce traitement aide les agents « à apporter une aide à l’organisation des opérations de contrôle sur pièces des dossiers fiscaux et aux opérations de recouvrement ».

Il est donc inexact de considérer que les données issues des fichiers H, ADELIE et SIR ne peuvent servir à mettre en oeuvre une visite domiciliaire sur le fondement de l’article L. 16 B du LPG.

En deuxième lieu, il découle de l’article 4 de l’arrêté du 14 juin 1982 relatif à l’extension d’un système automatisé de gestion du fichier des comptes bancaires ainsi que de la consultation du site de a CNIL que les agents de la DGFP pouvaient valablement utiliser les données issues du fichier A pour mettre en oeuvre une visite domiciliaire, y compris en dehors de toute enquête judiciaire.

Dans ces conditions, les informations extraites des fichiers A, ADELIE, SIR et H sont parfaitement licites et ne peuvent entraîner l’annulation de l’ordonnance.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 15

ORDONNANCE DU 30 JUIN 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : 20/15976 (appel)- N° Portalis 35L7-V-B7E-CCTHI auquel sont joints les RG 20/15988 (recours), 20/16006 (appel) et 20/16007 (recours)

Décisions déférées : Ordonnance rendue le 26 Octobre 2020 par le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de PARIS

Procès-verbal de visite et saisies en date du 27 octobre 2020 dans les locaux sis […], pris en exécution de l’ordonnance rendue le 26 Octobre 2020 par le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de PARIS

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, AT AU-AV, Conseillère à la Cour d’appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l’article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l’article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

assistée de AE AF, greffier lors des débats et de la mise à disposition ;

Après avoir appelé à l’audience publique du 12 mai 2021 :

Monsieur K X

né le […] à […]

Élisant domicila au cabinet TUROT

[…]

[…]

Monsieur Z X

né le […] à […]

Élisant domicile au cabinet TUROT

[…]

[…]

Madame L Y épouse X

née le […] à […]

Élisant domicile au cabinet TUROT

[…]

[…]

Société ORGA+ SARL , société de droit luxembourgeois

enregistrée au RCS du Grand-Duché de Luxembourg sous le n° B129620

Élisant domicile au cabinet TUROT

[…]

[…]

Société R S S.A.S.

immatriculée au RCS de Paris sous le n°503051260

Élisant domicile au cabinet TUROT

[…]

[…]

Représentés par Me Jérôme TUROT de la SELAS CABINET TUROT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0382

assistés de Me Eloïse DE TOURNEMIRE plaidant pour lek CABINET TUROT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0382

APPELANTS ET REQUERANTS

et

LA DIRECTION NATIONALE D’ENQUETES FISCALES

[…]

[…]

Représentée par Me AW DI FRANCESCO de la SELARL URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

assistée de Me Nicolas NEZONDET de la SELARL URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

INTIMÉE ET DEFENDERESSE AUX RECOURS

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 12 mai 2021, l’avocat des requérants, et l’avocat de l’intimée ;

Les débats ayant été clôturés avec l’indication que l’affaire était mise en délibéré au 30 Juin 2021 pour mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

Avons rendu l’ordonnance ci-après :

Le 26 octobre 2020 le juge des libertés et de la détention (ci-après JLD) du Tribunal judiciaire de PARIS a rendu, en application de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales (ci-après LPF), une ordonnance à l’encontre de :

—  la société de droit Luxembourgeois ORGA+ SARL, représentée par M. K X, dont le siège social est sis […], L -1219 Luxembourg et qui a pour objet social l’exécution de toute expertise et assistance économique, technique, administrative et toutes opérations commerciales, industrielles ou financières, ainsi que tous transferts de propriété immobiliers ou mobiliers.

L’ordonnance autorisant des opérations de visite et saisie dans les lieux suivants :

— locaux et dépendances sis […], susceptibles d’être occupés par la SAS R S et/ou l’entreprise individuelle GIRAUDET DE BOUDEMANGE GUILHEM et/ou la SAS MO-BEAUVAIS et/ou l’entreprise libérale AG AH AI AJ et/ou la SAS HATIS et/ou l’entreprise individuelle BOIVIN K et/ou l’entreprise individuelle DALPHINET BERNARD et/ou l’entreprise libérale HATTE PAUL AW PIERRE;

— locaux et dépendances sis […], susceptibles d’être occupés par K X et/ou Z X et/ou L X née Y et/ou la SARL CUSTOMER FOCUS CONSULTING et/ou l’entreprise individuelle AK AL AM AN et/ou la SAS CODEEZ et/ou la SAS VALPITER et/ou le syndicat de copropriété M M N et/ou l’entreprise libérale CAMELLI BRUNO et/ou la SCI SONJ et/ou la SA SOC PRIVEE EXPLOITATION IMMOBILIERE.

L’autorisation de visite et saisie des lieux susmentionnés était délivrée aux motifs que la société de droit luxembourgeois ORGA+ SARL serait présumée exercer en FRANCE une activité d’expertise et assistance économique, technique, administrative et commerciale, sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omettrait de passer les écritures comptables y afférentes.

Et ainsi serait présumée s’être soustraite et/ou se soustraire à l’établissement et au paiement des impôts sur les bénéfices et de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des impôts (articles 54 et 209-I pour l’IS et 286 pour la TVA).

L’ordonnance était accompagnée de 47 pièces annexées à la requête.

Il ressortait des éléments du dossier que la société ORGA+ SARL est régulièrement immatriculée et dépose ses comptes annuels auprès du registre du commerce et des sociétés luxembourgeois.

Il serait également établi que depuis le 15/01/2016, K X, associé unique et administrateur/gérant de la société de droit luxembourgeois ORGA+ SARL, serait domicilié en FRANCE, au […].

Par ailleurs, le siège social de la société ORGA+ SARL serait situé à la même adresse (17, rue

Beaumont L-1219 LUXEMBOURG) que la SA CUSTOM qui offre des services de création de société, de prestations comptables et administratives ainsi que de domiciliation.

Dès lors, il pourrait être présumé que la société de droit luxembourgeois ORGA+ SARL aurait établi son siège social dans une adresse de domiciliation depuis le 01/01/2016.

D’autres recherches laisseraient apparaître que depuis l’exercice clos au 31/12/2016, la société ORGA+ SARL ne disposerait d’aucun fonds de commerce, n’emploierait aucun salarié et ne disposerait d’aucun numéro de téléphone sur le territoire luxembourgeois.

Compte tenu de ces éléments, il pourrait donc être présumé que la société de droit luxembourgeois ORGA+ SARL ne disposerait pas à l’adresse de son siège social, sis […], de moyens matériels et humains suffisants pour déployer une activité économique conforme à son objet social.

Il s’avérerait également que M. K X serait domicilié depuis plusieurs années en FRANCE, où il serait imposé à l’impôt sur le revenu, percevrait l’essentiel de ses revenus, serait affilié à un organisme de sécurité sociale, disposerait d’intérêts économiques du fait de ses qualités de président et d’actionnaire majoritaire de la SAS R S.

Ainsi, M. X serait l’associé unique et administrateur de la société ORGA+ SARL et le dirigeant de la SAS R S. Il serait domicilié en FRANCE où il disposerait de sa résidence principale et d’intérêts économiques et percevrait la source principale de ses revenus.

Suite à d’autres investigations, il apparaîtrait que pour les années 2017 et 2018, les montants facturés par la société de droit luxembourgeois ORGA+ SARL seraient identiques aux montants de charges pour redevances de brevets et licences supportées par la société SAS R S.

Dès lors, il pourrait être présumé que la société ORGA+ SARL facturerait des redevances d’incorporels à la société SAS R S.

Il découlerait par ailleurs de ces informations que le montant des redevances présumées facturées par la société ORGA+ SARL à sa société s’ur R S (environ 790 000 € entre 2016 et 2018) semblerait déconnecté du montant activé par la société ORGA+ SARL au titre de ses immobilisations incorporelles (entre 5 800 et 22 200 €), soit un retour sur investissement de plus de 3 500% en 3 ans.

Par ailleurs, la société R S disposerait d’un personnel spécialisé dans le domaine de l’informatique (un informaticien, un ingénieur en sécurité informatique…).

Par conséquent, il pourrait être présumé que la société de droit luxembourgeois ORGA+ utiliserait les moyens de la société R S pour réaliser son activité.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, le JLD a autorisé la visite domiciliaire.

Les opérations de visite et saisie se sont déroulées le 27 octobre 2020 dans les locaux et dépendances sis […], de 9H40 à 11H45, en présence de M. AO AP I AR,représentant de l’occupant des lieux, désigné par M. K X représentant légal de la SAS R S, qui a signé le procès- verbal.

Le 9 novembre 2020, la société ORGA+ SARL a interjeté appel de l’ordonnance du JLD (RG 20/15976) et a formé un recours contre le déroulement des opérations de visite (RG 20/15988).

Le 9 novembre 2020, la société SAS R S, M. K X, M. Z

X et Mme L Y épouse X ont interjeté appel de l’ordonnance du JLD (RG 20/16006) et ont formé un recours contre le déroulement des opérations de visite (RG20/16007) .

L’affaire a été audiencée pour être plaidée le 12 mai 2021, à l’audience la jonction des dossiers a été évoquée. L’affaire a été mise en délibéré pour être rendue le 30 juin 2021.

Par courrier du 14 mai 2021, les appelants ont sollicité la réouverture des débats concernant les dossiers RG 20/16006 et 20/16007 au motif qu’ils ont omis de soulever un moyen d’irrégularité de l’ordonnance.

Par courriel du 17 mai 2021, la DNEF s’oppose à la demande de réouverture des débats.

Cette demande a été jointe au fond.

* * *

SUR L’APPEL

Par conclusions du 17 février 2021 et conclusions récapitulatives du 5 mai 2021, les parties appelantes font valoir :

Les parties arguent à titre principal de l’irrégularité de l’ordonnance du JLD :

I ‘ L’absence de caractérisation des conditions posées par l’article 16 B du LPF

A ‘ L’absence d’acte ou d’omission entrant dans le champ de l’article L. 16 B

1 ‘ Des visites et saisies peuvent être autorisées dans les cas limitativement énumérés par l’article L. 16 B

Il est soutenu que l’article L. 16 B d LPF vise de manière précise les infractions pouvant justifier le recours à ce dispositif et que c’est de manière abusive que l’administration tente de faire juger qu’une visite domiciliaire serait justifiée dès lors qu’il existe le soupçon d’une quelconque fraude fiscale.

2 ‘ Les présomptions visées par l’ordonnance n’entrent pas dans le champ de l’article L. 16 B

Au cas présent, l’ordonnance ne précise pas expressément lequel des manquements prévus à l’article L. 16 B du LPF, constitue le fondement de l’autorisation de visite et saisie.

Parmi les cas limitativement énumérés par l’article L. 16 B du LPF, le seul auquel l’ordonnance puisse être regardée comme faisant référence est la présomption qu’ORGA+ se serait soustraite au paiement de l’impôt « en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures (‘) dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts ».

Cependant, la société ORGA+ tient une comptabilité complète au LUXEMBOURG, qui comprend notamment les opérations dont l’administration prétend qu’elles seraient réalisées en FRANCE et dont la régularité n’est pas contestée.

Il est fait valoir que la possibilité de tenir la comptabilité dans un pays autre que la FRANCE, et le cas échéant dans une langue différente, a été reconnue par le législateur dans les dispositions de l’article 54 du CGI.

L’appelante cite une décision de la Cour d’appel de Paris en date du 9 septembre 2020 (aff. LVMH

c/DNEF) annulant l’ordonnance du JLD qui n’avait pas pris en compte la comptabilité déposée dans un Etat membre de l’Union européenne.

En l’espèce, la motivation de l’ordonnance, qui retient l’absence de comptabilité alors même qu’elle constate que la société ORGA+ dépose ses comptes annuels auprès du registre de commerce et des sociétés luxembourgeois, ne permet pas de retenir la caractérisation des conditions posées par l’article L. 16 B du LPF.

A ce titre, il est demandé d’annuler l’ordonnance.

B ‘ L’absence de présomptions de fraude

Selon une jurisprudence constante, le JLD saisi d’une requête sur le fondement de l’article L. 16 B du LPF est tenu de procéder à une analyse concrète des éléments qui lui sont soumis et d’apprécier le bien-fondé des présomptions.

Au cas particulier, l’ordonnance n’indique pas en quoi les moyens dont ORGA+ dispose au LUXEMBOURG seraient insuffisants pour la réalisation de ces recettes, ni quels seraient les moyens de la SAS R S qui seraient nécessaires à la réalisation de ces recettes.

En effet, la simple perception de redevances n’implique pas nécessairement l’emploi de salariés.

Il est argué que M. X se rend régulièrement dans les locaux d’ORGA+ à LUXEMBOURG, où il dispose d’un bureau et assure la gestion de la société.

Il est soutenu que le fait que les redevances perçues ne soient pas proportionnées au montant comptable des immobilisations corporelles ne constitue pas une présomption qu’ORGA+ exercerait une quelconque activité depuis le territoire français. Cela signifie simplement que la société dispose d’actifs incorporels, en l’espèce notamment une application informatique, qui n’a pas été inscrite à son actif.

Dans ces conditions, la requête de l’administration ne faisait pas état de présomptions de fraude fiscale de nature à autoriser des opérations de visite et saisie.

Il est demandé l’annulation de l’ordonnance.

II ‘ L’autorisation est injustifiée à l’égard de plusieurs personnes

Il découle de l’article 8 de la CESDH ainsi que la jurisprudence de CEDH qu’il ne peut être porté atteinte au respect de la vie privée et du domicile qu’à la seule condition que cette atteinte soit justifiée, nécessaire et proportionnée au but poursuivi.

En l’espèce, l’ordonnance a autorisé non seulement la perquisition des locaux de la société R S sis […], mais également la perquisition des locaux occupés à la même adresse par 7 autres personnes qui n’ont aucun lien avec la société ORGA+. Elle a aussi autorisé la perquisition de locaux sis […], occupés par les parents de M. K X, ainsi que la perquisition des locaux situés à cette adresse occupés par 8 personnes n’ayant aucun lien avec la société ORGA+.

Par conséquent, l’ordonnance ne répond en rien à l’objectif de recherche d’une fraude présumée et porte une atteinte injustifiée et disproportionnée aux libertés fondamentales des personnes précitées.

Il est demandé son annulation.

III ‘ L’exigence de licéité des pièces et le contrôle de cette licéité par le Premier président

A ‘ Sur l’exigence de licéité des pièces

1 ‘ Jurisprudence judiciaire

Il est rappelé qu’en matière civile, le juge judiciaire applique le principe de légalité de la preuve énoncé par l’article 9 du code de procédure civile.

En matière de perquisitions fiscales, la Cour de cassation a jugé de manière constante que lorsque l’ordonnance ayant autorisé une visite a été annulée, les opérations d’exécution se trouvent annulées par voie de conséquence.

2 ‘ Jurisprudence du Conseil constitutionnel

Il ressort clairement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, et notamment de sa décision du 4 décembre 2013 n° 2013-679 DC relative à la loi sur la fraude fiscale, qu’une autorisation de procéder à des opérations de visite et saisie ne doit jamais être obtenue sur le fondement d’informations illégales.

Il est soutenu que dès lors que l’administration communique à l’appui d’une requête soumise au JLD des informations et des pièces couvertes par le secret fiscal, elle utilise ces pièces de manière illégale, puisque la loi lui interdit de divulguer à des tiers (au cas présent, d’abord au juge puis à l’ensemble des personnes à qui cette ordonnance sera remise) des pièces couvertes par le secret.

B ‘ Sur le contrôle au fond de la licéité des pièces effectué par le Premier président de la Cour d’appel

Il ressort des dispositions de l’article L. 16 B du LPF que « le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation qui lui est soumise est bien fondée ». (Il est évoqué l’article L 10-0 AA du LPF).

Par ailleurs, la Cour de cassation a posé pour principe que le juge saisi d’une requête aux fins d’autorisation d’une visite domiciliaire est tenu de vérifier que l’administration détient de manière licite les documents qu’elle produit et de mentionner dans son ordonnance l’origine apparente de pièces sur lesquelles il se fonde.

En l’espèce, le JLD aurait dû constater qu’un grand nombre de pièces communiquées à l’appui de la requête avaient une origine illicite dans la mesure où elles étaient produites par l’administration en violation du secret professionnel auquel elle est soumise et étaient détenues par elle en violation du RGPD.

Conformément à la jurisprudence, il incombe au Premier Président de la Cour d’appel d’apprécier la régularité de l’ordonnance, en vérifiant notamment que les pièces sur lesquelles se fonde l’ordonnance du JLD ne contiennent pas d’information à caractère confidentiel.

IV ‘ L’origine illicite des pièces produites en violation du secret professionnel

A ‘ Sur l’obligation du respect du secret professionnel par l’administration

Il est rappelé que la violation du secret professionnel est sanctionnée par l’article 226-13 du code pénal. Il en va de même concernant le fait de relever des informations à caractère personnel contenues dans des fichiers ou traitements informatiques, sanctionné par l’article 226-21 du même code.

Les dérogations à la règle du secret professionnel sont strictement prévues par les articles L. 113 et suivants du LPF.

S’agissant des autorités judiciaires, il est admis que, dans certaines circonstances, elles puissent ordonner la communication de documents. Mais aucune possibilité n’est reconnue pour l’administration de communiquer spontanément de pièces couvertes par le secret professionnel.

Il est fait valoir que s’il est vrai que l’administration peut utiliser des pièces obtenues dans des procédures visant des sociétés tierces, conformément à la jurisprudence du Conseil d’État, cette faculté ne doit pas être utilisée sans respect du secret professionnel et de la vie privée.

Or, en l’espèce, la DNEF a divulgué dans les motifs de sa requête de nombreuses informations et produit à l’appui de nombreuses pièces, portant atteinte au secret fiscal et à la vie privée de personnes physiques et morales, sans le consentement de ces personnes, et sans avoir pris la peine d’en occulter la moindre partie.

B ‘ L’administration a violé ces principes en produisant à l’appui de sa requête de nombreuses pièces couvertes par le secret fiscal

Au cas présent, l’administration a produit au soutien de sa requête des pièces issues des dossiers fiscaux des personnes morales et physiques tierces par rapport à la société désignée comme auteur présumé de la fraude (ORGA+), et portant atteinte au secret fiscal.

1 ‘ Pièces produites et analysées dans la requête issues du droit de communication exercé par le service

Il s’agit des pièces n° 15 et 16.

2 ‘ Pièces produites et analysées dans la requête issues du dossier fiscal de sociétés autres que la société auteur de la fraude présumée

Il s’agit des pièces n° 10-1 à 10-4 et 21-6.

3 ‘ Pièces produites et analysées dans la requête issues du dossier fiscal de particuliers

Il s’agit des pièces n° 2-1, 14, 17, 18 et 19.

Il est soutenu que la circonstance que M. K X soit administrateur de la société ORGA+ et président de la SAS R S ne retire pas à ces violations leur caractère délictueux car le simple fait qu’une personne ait un lien professionnel avec l’auteur présumé d’une infraction fiscale ne constitue pas un cas légalement reconnu de dérogation au secret fiscal.

4 ‘ Aucune dérogation à l’obligation de secret ne peut s’appliquer en l’espèce

Il est fait valoir qu’aucune disposition ne prévoit que l’administration fiscale puisse produire des pièces couvertes par le secret professionnel devant le JLD à l’appui d’une demande d’autorisation.

C ‘ La violation du secret professionnel et du droit au respect de la vie privée entraîne l’irrégularité de la procédure

Il est argué que les atteintes portées au cas présent au droit au respect du secret fiscal méconnaissent l’article 8 de la CESDH.

En conséquence, l’ordonnance doit être annulée.

V ‘ L’origine illicite des pièces produites en violation des règles garantissant la protection des données

1 ‘ Sur le cadre juridique applicable aux traitements mis en oeuvre par les autorités fiscales

Aux termes de l’article 1er de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 (ci-après LIL), les obligations incombant aux personnes traitant des données à caractère personnel s’exercent dans le cadre du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 (RGPD) et des dispositions de ladite loi.

Le considérant 71 du RGPD visant, parmi les finalités auxquelles le règlement s’applique, les traitements ayant pour finalité de « contrôler et de prévenir les fraudes et l’évasion fiscale », les principes de protection des données personnelles, tels que prévus dans le RGPD t la loi susvisée, sont bien applicables aux traitements mis en place par la DNEF pour les besoins de la requête qu’elle soumet au JLD.

Ainsi, le Premier Président qui contrôle la légalité des pièces produites devant le JLD, peut être amené à constater une violation du RGPD.

Or, les données produites devant le JLD sont issues, d’une part des traitements H, ADELIE, B et A et d’autre part, de traitements sui generis.

Il est argué que les traitements H, A et B répondent bien à une finalité de contrôle et prévention de la fraude au sens de l’article 71 du RGPD et sont donc soumis à l’ensemble des dispositions du Règlement.

2 ‘ Sur les différents traitements de données à caractère personnel sur lesquels se fonde l’ordonnance

a ‘ Les traitements généraux de la DGFP

Il est argué que ces quatre traitements généraux (H, ADELIE, A et B) ne respectent pas les règles posées par le RGPD et la loi susmentionnée dans leur version en vigueur depuis le 25 mai 2018 et le 1er juin 2019, auxquels ils sont pourtant soumis.

b ‘ Les traitements sui generis de la DNEF pour les besoins spécifiques de l’enquête et de la préparation de la requête

Il est argué que l’administration a également procédé à la collecte de données à caractère personnel depuis des sources tierces (pièces n° 1-2 à 1-8, 2-2, 3-1, 3-2, 15, 16, 20-2, 20-5, 20-6, 21-1, 21-3, 21-5).

Or, la DNEF a manqué au respect des règles applicables en matière de protection des données à chaque étape de leur traitement.

A ‘ Sur la violation de la finalité des traitements généraux et la nécessité d’une habilitation

1 ‘ Sur la finalité des traitements

Il découle de l’article 5, b du RGPD que les données à caractère personnel ne peuvent être collectées que pour des finalités déterminées, explicites et légitimes.

Il est argué que la préparation d’une visite domiciliaire, qui ne constitue pas un contrôle fiscal, n’entre pas dans la finalité des traitements H, ADELE ni B.

Quant aux fichiers A, la seule finalité en vue de laquelle des agents des services fiscaux peuvent légalement y accéder est la réalisation d’enquête judiciaire sur réquisition d’un magistrat, ce qui n’est évidemment pas le cas en l’espèce.

2 ‘ Sur la condition d’habilitation

Il est fait valoir que seuls les agents détenteurs d’habilitation sont autorisés à recevoir, accéder et donc à traiter les données personnelles contenues dans les traitements H, ADELIE, B et A dans le but prévu par cette habilitation.

Les appelants ont adressé à la DNEF une sommation de produire les habilitations de M. O C et de tout autre agent de la DNEF ayant extrait des traitements H, ADELIE, B et A les données divulguées dans la demande d’autorisation de visite domiciliaire afin de vérifier l’existence et le contenu de ces habilitations.

Puisque la DNEF s’abstient de produire ces habilitations, il est demandé de constater que la consultation des traitements H, ADELIE, B et A a été réalisée par des agents non habilités, que cette consultation est constitutive d’un délit réprimé par la section 5 du chapitre VI du titre II du code pénal, et que par suite les informations soumises au JLD ont une origine illicite.

B ‘ Une durée de conservation excessive des données personnelles par l’administration fiscale

1 ‘ Des durées de conservation des données limitées par les textes réglementaires applicables à l’administration fiscale

L’article 5 du RGPD prévoit que les données doivent être conservées pour une « durée n’excédant pas celle nécessaire au regard des finalités ».

Par ailleurs, l’article 4 de l’arrêté du 5 avril 2002 portant création du traitement H prévoit que les données relatives au contribuable sont archivées « au début de la 4e année suivant l’année suivante d’imposition ». L’article 3 de l’arrêté du 14 juin 1982 relatif au système A, dans sa version en vigueur lors de la fermeture des comptes, prévoyait une durée de conservation de trois ans après la clôture du compte des personnes physiques.

2 ‘ Des données fiscales produites en violation des règles limitant la durée de conservation des données personnelles prévues par les textes

Au cas présent, M. C atteste le 12 août 2020 avoir consulté le dossier fiscal personnel de M. K X. Les données consultées proviennent des déclarations d’impôt sur le revenu au titre des années 2015 et suivantes. L’administration a donc conservé, puis produit des données dépassant la durée légale de conservation (4 ans).

En outre, M. C a communiqué au JLD toutes les informations relatives aux comptes d’épargne, plans d’épargne etc. détenus par M. X à partir de la consultation du fichier A, alors même que plusieurs d’entre eux sont clôturés depuis le 5 novembre 2002, soit depuis 18 ans.

Suite à cette utilisation illicite des données par la DNEF, M. K X ainsi que M. et Mme Z X ont porté plainte auprès de la CNIL.

Il est demandé l’annulation de l’ordonnance.

C ‘ La DNEF a en outre mis en oeuvre des traitements sui generis sans bénéficier de la base juridique requise

Aux termes des articles 4(1°) et 5 de la LIL, les données à caractère personnel doivent être traitées de « manière licite » et « un traitement de données à caractère personnel n’est licite que si, et dans la mesure où » il repose sur au moins l’une des bases juridiques applicables.

Concernant les administrations, le traitement de données à caractère personnel n’est licite que s’il est « nécessaire à l’exécution d’une mission d’intérêt public » ou qu’il relève « de l’exercice de l’autorité publique ».

Au cas d’espèce, aucune base juridique ne permettait à la DNEF de mettre en oeuvre des traitements sui generis comme celui qu’elle a mis en oeuvre pour préparer la demande d’autorisation ici contestée.

D ‘ La DNEF a mis en oeuvre des traitements sui generis sans conduire l’analyse d’impact (« AIPD ») requise

Aux termes de l’article 35, dès lors qu’un traitement présente « un risque élevé pour les droits et libertés des personnes physiques », le responsable d’un traitement doit mener préalablement une AIPD.

D’après les appelants, tel était le cas en l’espèce, à la lumière des neuf critères décelés par le groupe 29 fédérant toutes les autorités nationales de protection des données au sein de l’UE et créé en application de l’article 29 de la directive 95/46.

A défaut de respect de cette formalité préalable particulièrement nécessaire, ce traitement est illégal.

E ‘ Une collecte de données déloyale en raison de nombreux manquements à l’obligation d’informer les personnes concernées

1 ‘ L’obligation d’informer les personnes est essentielle puisqu’elle conditionne le caractère déloyal de la collecte et la possibilité d’exercice effectif des droits

Il est soutenu que la loi du 6 janvier 1978 a fait de l’obligation d’information des personnes dont les données sont traitées le c’ur du dispositif de protection des données personnelles et que le RGPD s’inscrit dans cette même logique.

2 ‘ Le contrôle jurisprudentiel de la loyauté du traitement et du respect du droit à l’information

Il découle de la jurisprudence tant du Conseil d’État que de la Cour de cassation ainsi que de l’analyse de la CNIL qu’à défaut d’information des personnes, les éléments de preuve ainsi collectés le sont déloyalement et doivent donc être considérés illicites.

3 ‘ Des obligations d’information différentes selon les finalités du traitement et selon les modalités de la collecte des données

Il est indiqué que le RGPD distingue les modalités d’information des personnes, selon que la collecte des données est effectuée directement ou indirectement.

S’agissant de la collecte directe, toute personne mettant en oeuvre un traitement de données personnelles est tenue, en tant que responsable d’une telle opération, de respecter l’obligation d’informer les personnes concernées du traitement auquel il est procédé.

Il en va de même concernant la collecte indirecte des données, mais dans ce cas s’ajoutent quelques spécificités : le responsable de traitement doit informer les personnes de « la source d’où proviennent les données et, le cas échéant, une mention indiquant qu’elles sont issues ou non de sources accessibles au public » et « dans un délai raisonnable après avoir obtenu les données à caractère personnel, mais ne dépassant pas un mois, eu égard aux circonstances particulières dans lesquelles les données à caractère personnel sont traitées ».

Au cas présent, plusieurs modalités de collecte de données ont été utilisées : directe (H, ADELIE, A et B) et indirecte (traitements sui generis).

4 ‘ Une information incomplète des personnes dans le cadre de la collecte directe de leurs données

S’agissant des traitements H, ADELIE et B, excepté le droit d’accès et le droit de rectification, aucun autre droit (droit à l’oubli, droit à la limitation…) n’est énoncé dans les arrêtés les créant.

Il en va de même concernant le fichier A.

5 ‘ Une collecte indirecte par la DNEF sans aucune information des personnes concernées

Enl’espèce, de nombreuses données personnelles figurent dans des pièces du dossier sans que les personnes concernées aient été informées du fait que la DNEF les traitait, ni pour quelle finalité. Les sources de ces données sont variables, certaines ayant été collectées sur Internet et les réseaux sociaux professionnel en particulier.

Or, en droit des données personnelles, le fait qu’une donnée personnelle soit publiquement accessible ne signifie pas qu’elle peut être librement collectée et exploitée.

Il est argué que si des restrictions à l’information des personnes sont permises sous certaines conditions, force est de constater que ni les arrêtés précités ni aucun autre acte produit par l’administration ne prévoient l’existence et l’étendue de ces restrictions, contrairement à ce qu’exige l’article 107 de la LIL.

Par ailleurs, cette absence d’information concerne des personnes tierces à la procédure dont les informations ont été collectées, exploitées et produites illégalement (dont adresses, revenus, fonctions, dates de naissance…). Il s’agit notamment des pièces n° 1-2 à 1-8, 2-1, 3-1, 3-2, 10-1 à 10-4, 16 à 18, 20-1 à 21-6.

Il ressort en outre de l’analyse de ces ièces que de nombreuses données à caractère personnel n’apparaissent aucunement nécessaires à l’enquête et concernent des personnes étrangères à son objet.

Il est argué que l’administration aurait dû occulter ces données personnelles et s’abstenir de les produire.

6 ‘ Sur la page CONFIDENTIALITÉ / INFORMATIONS PERSONNELLES créée sur le site impots.gouv.fr

Il est mis en exergue que contrairement à la DNEF qui soutient que l’administration fiscale n’est pas soumise au respect de la législation sur la protection des données, la DGFP à son plus haut niveau s’est estimée soumise à cette obligation d’information puisqu’une page CONFIDENTIALITÉ / INFORMATIONS PERSONNELLES a été créée sur son site impots.gouv.fr.

F ‘ Une communication illicite à des tiers non autorisés constituant une violation de données à caractère personnel

Il est argué que la communication de données à des tiers non autorisés constitue d’abord une violation du principe de confidentialité. Elle est ensuite susceptible de relever des délits réprimant les

manquements aux obligations de sécurité des données personnelles prévus à l’article 226-17 du code pénal d’une part, et de divulgation ) des tiers portant atteinte à l’intimité de la vie privée de la personne concernée (article 226-22 du même code) d’autre part.

En l’espèce, des données personnelles issues des traitements H et A ont été communiquées à des tiers (personnes à qui l’ordonnance a été notifiée) qui n’avaient pas qualité pour les recevoir en vertu des arrêtés qui réglementent ces traitements. Cette communication étant illicite, les pièces qui contiennent de telles données sont également illicites.

G ‘ Sur l’obligation de tenue d’un registre des activités de traitement et d’un système de jurnalisation

Depuis l’entrée en vigueur du RGPD, les responsables des traitements sont tenus de veiller « en toutes circonstances » à « deux éléments centraux », à savoir prendre des « mesures techniques et organisationnelles appropriées » et être à même de démontrer le respect de ces exigences, en particulier au moyen de la tenue d’un registre.

Il est indiqué que ces registres, imposés par l’article 30 du RGPD, constituent des documents administratifs au sens de l’article L. 300-2 du CRPA.

Il est argué que l’extrait de registre de traitement communiqué par la DNEF confirme que le registre H a fonctionné irrégulièrement, notamment quant au délai d’archivage et donc conservation des données, non conforme à la durée mentionnée dans l’arrêté.

Afin de s’assurer que leurs dossiers ont bien été consultés par un agent dûment habilité, les appelants ont demandé la communication du système de journalisation des fichiers H, ADELIE, B et A.

Il est précisé que dans son 36e rapport annuel de 2015, la CNIL prévoyait une journalisation obligatoire des opérations de traitement.

Il est demandé de constater que la DGFP refuse de justifier du respect de son obligation de mise en place d’un système de journalisation, et en conséquence de constater que les données personnelles produites à l’appui de la requête sont issues de traitements exploités irrégulièrement, et ont dès lors une origine illicite.

H ‘ Récapitulatif des manquements et des pièces concernées

Les appelants rappellent les arguments développés supra et demandent l’annulation de l’ordonnance en ce qu’elle repose sur des traitements de données illégaux et des données personnelles collectées, conservées, exploitées et produites irrégulièrement et de façon déloyale.

VI ‘ Illégalité des habilitations des agents perquisitionneurs

Il est argué que l’article L. 16 B du LPF autorise uniquement les agents ayant au moins le grade d’Inspecteur, et habilités à cet effet par la DGFP, à pratiquer des visites et saisies après autorisation du JLD.

Au cas présent, l’ordonnance a autorisé plusieurs agents n’ayant pas le grade d’Inspecteur à procéder aux opérations de visite et saisie, à savoir M. C, M. D, Mme E, Mme F et M. G, ayant chacun le grade de Contrôleur des finances publiques.

A ce titre, il est demandé l’annulation de l’ordonnance.

En conclusion, il est demandé de :

— annuler l’ordonnance rendue le 26 octobre 2020 par le JLD du TJ de PARIS ;

— annuler en conséquence les opérations de visite et saisie réalisées le 27 octobre 2020 par la DNEF dans les locaux visés par l’ordonnance ;

— ordonner la restitution à l’appelante de l’ensemble des documents saisis, sans possibilité pour la DNEF d’en garder copie ;

En tout état de cause,

— condamner la DNEF à verser à l’appelante la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions reçues le 26 avril 2021, l’administration fait valoir :

1 Un rappel préalable de la procédure est exposé.

[…]

2-1 Un rappel préalable des faits ainsi que les éléments soumis à l’appréciation du juge justifiant la mise en oeuvre de la procédure de visite domiciliaire dans la requête sont rappelés et développés.

2-2 L’argumentation développée par les appelantes ne remet pas en cause le bien fondé des présomptions retenues par le premier juge.

1 ‘ Sur l’existence d’acte ou d’omissions entrant dans le champ d’application de l’article L. 16 B du LPF

Les appelants énoncent que l’autorisation de visite et de saisie est infondée, dès lors que la société Orga + tient une comptabilité régulière au Luxembourg et que le défaut de prise en considération de cette comptabilité par les autorités françaises constituerait une discrimination liée à la nationalité de cette société contraire aux dispositions des art 18 et 49 du TFUE.

A titre liminaire, il est précisé que l’ordonnance de la Cour d’appel de Paris en date du 9 septembre 2020, invoquée par les appelants, fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

Par ailleurs, la Cour d’appel de Paris a rejeté clairement (décision du 3 mars 2021) l’argument selon lequel le défaut de prise en compte de la comptabilité luxembourgeoise d’une société constituerait une discrimination liée à la nationalité, contraire aux dispositions des articles 18 et 49 du TFUE.

En premier lieu, il est rappelé que la discussion de l’application d’une convention fiscale relève de la compétence du juge de l’impôt, ce que n’est pas le magistrat saisi d’une demande d’autorisation de visite domiciliaire, ni le Premier président statuant en appel.

De même, la discussion de l’existence d’un établissement stable en FRANCE relève du contentieux de l’impôt.

En deuxième lieu, l’argumentation des appelants est fondée sur une lecture restrictive de l’article L. 16 B du LPF.

Au cas présent, l’ordonnance vise « des présomptions selon lesquelles les sociétés de droit luxembourgeois ORGA+ SARL exercerait sur le territoire national ne activité d’expertise et assistance économique, technique, administrative et commerciale sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et, ainsi, omettrait de passer ou de faire passer les écritures comptables y afférentes ».

Il est argué que ces présomptions se rattachent de toute évidence à l’article L. 16 B du LPF, la société ORGA+ étant présumée se soustraire à l’impôt « en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ».

Dès lors, s’il n’est pas contesté que la société ORGA+ tient une comptabilité au LUXEMBOURG, celle-ci ne reflète pas sincèrement son activité qu’elle est présumée déployer en FRANCE.

Ainsi, outre les présomptions précitées, les présomptions de passation d’écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables (que ce soit au LUXEMBOURG ou ailleurs) sont également fondées.

Il s’ensuit que la prétendue discrimination alléguée par les appelants est infondée.

En outre, la Cour de cassation a rappelé que pouvaient être relevées des présomptions relevant des articles 1741 ou 1743 du CGI.

En troisième lieu, l’administration tient à préciser qu’elle ne reproche pas à la société ORGA+ de tenir sa comptabilité au LUXEMBOURG, ce qui était ici en cause étant la présomption d’exercice d’une activité à partir de la FRANCE, où il pouvait être présumé que la société disposait d’une direction effective et de moyens propres d’exploitation.

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, le fait que la société ORGA+ tienne sa comptabilité au LUXEMBOURG n’interdit pas à l’administration d’enquêter sur les conditions effectives d’exercice de son activité en FRANCE et de recourir à l’article L. 16 B du LPF sans que cela ne constitue une quelconque entrave à la tenue d’une comptabilité sur le territoire du lieu de situation du siège social ou au choix du lieu du siège social, et ce d’autant que les dispositions de l’article L. 16 B du LPF ne constituent aucunement une mesure fiscale susceptible de constituer une présomption générale de fraude.

Il résulte de tout ce qui précède que les motifs retenus par l’ordonnance entrent parfaitement dans le champ d’application de l’article L. 16 B du LPF.

2 ‘ Sur l’existence de présomptions de fraude

Il est d’abord fait valoir que l’article L. 16 B du LPF exige de simples présomptions.

L’administration rappelle les éléments produits à soutien de sa requête et retenus par le JLD dans son ordonnance, dont il pouvait légitimement être présumé que la société de droit luxembourgeois ORGA+ se sert des moyens humains et matériels de la société R S, dont M. K X est le dirigeant, pour exercer son activité sur le territoire national.

Il est soutenu que c’est dans ce but que M. K X a acquis la société luxembourgeoise ORGA+.

Il est argué qu’il existe une pratique connue consistant, pour une entreprise, à localiser les bénéfices (redevances) dans des juridictions à la fiscalité avantageuse (comme le LUXEMBOURG, par exemple), alors qu’elles n’y exercent, en réalité, qu’une activité quasi inexistante.

Dans ces conditions, la requête et l’ordonnance ont fait état de présomptions de fraude qui permettaient de mettre en oeuvre une visite domiciliaire.

3 ‘ Sur la justification de l’autorisation à l’égard de plusieurs personnes

Aux termes de l’article L. 16 B du LPF, l’autorité judiciaire peut autoriser des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s’y rapportant sont susceptibles d’être détenus ou d’être accessibles ou disponibles et procéder à leur saisie, quel qu’en soit le support.

Selon la jurisprudence, le juge peut autoriser des visites en tous lieux dès lors qu’il constate que des documents se rapportant à la fraude présumée sont susceptibles de s’y trouver, ce qui est le cas des locaux de sociétés en relations d’affaires avec une société présumée frauduleuse.

De même, la Cour de cassation a rappelé à maintes reprises que le domicile personnel des dirigeants pouvait être visité.

En l’espèce, le JLD n’a jamais soutenu que l’ensemble des personnes visées étaient concernées par les présomptions de fraude, mais a justement retenu que ces personnes étaient susceptibles d’occuper des locaux en commun avec la société R S et M. K X et qu’ainsi, ces personnes étaient susceptibles de détenir dans leurs locaux des documents et supports d’information relatifs à la fraude présumée de la société ORGA+.

4 ‘ Sur la prétendue illicéité des pièces produites au soutien de la requête et de l’ordonnance

a ‘ Rappels sur le contrôle par le JLD de l’origine licite des pièces

Selon une jurisprudence constante, le juge satisfait aux exigences de l’article L. 16 B du LPF dès lors qu’il a constaté l’origine apparemment licite des pièces produites par l’administration fiscale ; par contre, il n’a pas à contrôler l’origine des renseignements qui ont permis à celle-ci d’obtenir ces documents.

b ‘ Sur la prétendue violation du secret professionnel en matière fiscale

Sur l’exclusion des pièces ayant une origine prétendument illicite

Il est soutenu que les appelants ne peuvent en aucun cas invoquer l’article 10-0 AA du LPF, notamment concernant l’exclusion relative aux visites domiciliaires.

En effet, au cas particulier, il n’est aucunement question d’un quelconque vol de fichiers ou de documents qui auraient été remis à l’administration fiscale de manière illégale, mais de l’exploitation des données internes et propres à l’administration fiscale, ou bien obtenues légalement dans l’exercice de son droit de communication, tel que prévu par les articles L. 81 et suivants du LPF.

Il est argué que l’exclusion visée à l’article 10-0 AA du LPF, selon laquelle une pièce utilisée dans le cadre de l’article L. 16 B peut être écartée en raison de son origine illicite, n’est pas davantage applicable en l’espèce.

Dès lors, l’article 10-0 AA du LPF n’est pas applicable dans le cas soulevé par les appelants et l’exclusion relative aux visite domiciliaires ne peut être invoquée pour prétendre faire échec à l’utilisation des données internes de l’administration dans la mise en oeuvre d’une visite domiciliaire.

Sur le secret professionnel en matière fiscale

L’administration rappelle les dispositions de l’article L. 103 du LPF.

Il ressort du Bulletin officiel des Finances publiques (ci-après BOFiP) que « les dispositions légales conférant à la règle du secret professionnel une portée générale et absolue, les agents doivent, hors les cas où une dérogation est formellement prévue par la loi ou résulte de situations particulières examinées plus loin (BOI-DCJ-SECR-10-20), l’opposer à toute personne autre que le contribuable lui-même, les tiers qu’il a régulièrement mandatés et les ayant cause qui lui succèdent ».

Le BOFiP précise les deux séries d’exceptions dans lesquelles les agents de l’administration fiscale ne sont pas tenus au secret professionnel, tel qu’il est prévu par l’article L. 103 du LPF : les situations particulières énumérées au Bulletin officiel référencé « BOI-DCJ-SECR-10-20 » qui liste des exceptions prévues notamment au sein du LPF et les hypothèses où une dérogation est formellement prévue par la loi, comme tel est le cas de l’article L. 16 B du LPF.

Contrairement à ce que prétendent les appelants, d’autres hypothèses que celles prévues aux articles L. 113 et suivants du LPF constituent des exceptions au secret professionnel en matière fiscale.

Ainsi, l’article L. 16 B du LPF prévoit expressément que la requête de l’administration fiscale auprès du JLD doit comporter tous les éléments d’information en possession de l’administration de nature à justifier les présomptions de fraude.

Par conséquent, l’administration peut utiliser les informations dont elle dispose dans les conditions prévues par la loi.

Il est rappelé que la communication des pièces est encadrée par l’article L. 16 B du LPF : au cours de la procédure de visite domiciliaire, les pièces ne sont communiquées par l’administration qu’au JLD au moment du dépôt de la requête ; l’ordonnance est ensuite notifiée aux occupants des lieux au moment de la visite ; uniquement dans le cadre du recours prévu devant le Premier président de la Cour d’appel, les seuls requérants ont communication des pièces remises au premier juge.

Dans ces conditions, il est vain de prétendre que l’administration aurait violé le secret fiscal alors que l’article L. 16 B du LPF constitue une exception en prévoyant une communication des pièces au JLD et aux occupants des lieux visités.

S’agissant de la production de pièces issues du dossier fiscal de sociétés tierces et de particuliers tiers à la procédure, une jurisprudence constante de la Cour de cassation valide la production par l’administration fiscale d’attestations par lesquelles ses agents rendent compte de leurs constatations, y compris de données internes et propres à l’administration fiscale.

La Haute juridiction a également jugé que l’administration fiscale peut mettre en oeuvre l’article L. 16 B du LPF pour rechercher la preuve de la fraude d’un contribuable en se fondant sur des éléments régulièrement constatés par elle (des déclarations fiscales, des recherches effectuées sur des banques de données internationales, des constatations des éléments de comptabilité de sociétés…).

Concernant la production de pièces obtenues dans le cadre du droit de communication prévu par les articles L. 81 et suivants du LPF, la Cour de Cassation considère que de telles pièces peuvent être produites à l’appui de la requête de l’administration fiscale.

Il est soutenu que les appelants ne peuvent sérieusement prétendre que l’administration aurait produit des pièces en violation du secret professionnel auquel sont astreints ses agents, alors que l’article L. 16 B du LPF prévoit des exceptions dont bénéficient le JLD et les occupants des lieux visités.

Par conséquent, les pièces produites ne sont pas illicites et l’ordonnance n’encourt dès lors aucunement l’annulation.

Sur la prétendue violation des règles relatives à la protection des données personnelles

Sur la prétendue violation de la finalité des traitements généraux et la prétendue absence

d’habilitation

En premier lieu, il est rappelé que l’article 2 de l’arrêté du 5 avril 2002 portant création par la DGFP d’un traitement automatisé d’informations nominatives dénommé « accès au dossier fiscal des particuliers (H) » prévoit qu’il est permis « aux agents habilités de la direction générale des finances publiques d’accéder aux dossiers des contribuables dans le cadre des missions d’assiette, de contrôle, de recouvrement qui leur sont dévolues ».

De même, l’article 2 de l’arrêté du 6 juillet 2004 portant création par la DGFP d’un traitement automatisé d’informations nominatives dénommé « accès au dossier électronique des entreprises (ADELIE) » prévoit que ce traitement permet « aux agents de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique habilités d’accéder aux déclarations professionnelles et aux paiements des entreprises à l’égard desquelles ils sont chargés d’une mission d’assiette, de contrôle, de contentieux ou de recouvrement en matière fiscale ».

En outre, l’article 3 de l’arrêté du 28 avril 1987 relatif à la création d’un traitement informatisé de simplification de la gestion des informations de recoupement (SIR) prévoit que ce traitement aide les agents « à apporter une aide à l’organisation des opérations de contrôle sur pièces des dossiers fiscaux et aux opérations de recouvrement ».

Il est donc inexact de considérer que les données issues des fichiers H, ADELIE et SIR ne peuvent servir à mettre en oeuvre une visite domiciliaire sur le fondement de l’article L. 16 B du LPG.

En deuxième lieu, il découle de l’article 4 de l’arrêté du 14 juin 1982 relatif à l’extension d’un système automatisé de gestion du fichier des comptes bancaires ainsi que de la consultation du site de a CNIL que les agents de la DGFP pouvaient valablement utiliser les données issues du fichier A pour mettre en oeuvre une visite domiciliaire, y compris en dehors de toute enquête judiciaire.

Concernant les registres des activités des traitements H, ADELIE, SIR et A constitués par les services de la DGFP conformément à l’article 30 du RGPD, ils sont communiqués en pièces n° 2.

S’agissant des habilitations des agents de la DNEF ayant consulté les fichiers H, ADELIE, SIR et A, elles sont accordées à des agents de la DGFP dans le cadre des fonctions qu’ils occupent au sein de l’administration. Elles concernent des droits d’accès techniques auxdites applications et n’étant pas formalisées en la forme administrative, ne sont pas communicables.

Enfin, en ce qui concerne la communication des extraits du système de journalisation relatifs aux accès des utilisateurs, il est de jurisprudence constante qu’aucune disposition légale ou réglementaire ne fait obligation au responsable du traitement de prévoir que les personnes concernées dont les données personnelles sont collectées puissent accéder aux données relatives à la traçabilité des consultations de leur dossier. Ces extraits ne sont donc pas communiqués.

Par conséquent, les griefs tirés de la violation des finalités de traitement H, ADELIE, SIR et A doivent être rejetés et l’ordonnance doit être confirmée.

Sur la durée de conservation des données

Il est d’abord fait valoir que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, la restitution A (pièce n° 14) ne mentionne aucun compte clôturé en 2002.

Il est argué que les comptes clôturés l’ayant été au cours des années 2015, 2016 et 2020, la durée de conservation de 10 ans prévue par l’arrêté du 10 juillet 2014 trouvait bien à s’appliquer.

S’agissant du fichier «H» (pièce n° 2-1), les données relatives à M. K X sont conservées dans les conditions prévues pour le traitement automatisé d’informations nominatives dénommé « accès au dossier fiscal des particuliers (H) ». Les documents d’impôt sur le revenu archivés, primitifs et correctifs sont conservés sur une durée de dix ans dans la compte fiscal, conformément à ce qui a été déclaré à la CNIL.

Par ailleurs, le traitement de ces données fait l’objet de mentions d’information publiée sur le site i n t e r n e t d e l i b r e a c c è s « i m p o t s . g o u v . f r » , e t p l u s p r é c i s é m e n t à l a p a g e « Confidentialité/Informations personnelles ».

En outre, l’article 2 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen du Conseil du 27 avril 2016 (dit « RGPD ») prévoit que : « le présent règlement ne s’applique pas au traitement de données à caractère personnel effectué : (‘) d) par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, y compris a protection contre des menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces ».

Dès lors, les obligations découlant du RGPD ne sont pas applicables en l’espèce, dans la mesure où l’administration fiscale a mis en oeuvre l’article L. 16 B du LPF en vue de lutter contre la fraude fiscale.

En tout état de cause, si, par extraordinaire, le Premier Président devait écarter la pièce litigieuse n° 2-1, son absence ne remettrait aucunement en cause les présomptions de fraude retenues à l’encontre de la société ORGA+, ni les présomptions « intermédiaires » concernant M. K X, ce dernier étant toujours présumé être résident français et percevoir des revenus de la société R S.

Par conséquent, à supposer que la pièce n° 2-1 soit partiellement écartée, l’ordonnance d’autorisation ne saurait être annulée.

Sur le fondement juridique de la collecte des données

A titre liminaire, il est souligné que la Cour de Cassation a validé la possibilité pour l’administration de recueillir des informations tirées de la consultation de sites d’accès publics, et que la Cour d’appel de Paris s’est prononcée très récemment dans le même sens (CA Paris, 3 mars 2021, n° 19/09947).

Par conséquent, le traitement manuel et ciblé mis en oeuvre par l’administration fiscale n’a rien d’illicite.

Il est encore rappelé que l’article 2 du RGPD prévoit que : « le présent règlement ne s’applique pas au traitement de données à caractère personnel effectué : (‘) d) par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, y compris a protection contre des menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces » et que, de manière identique, l’article 42 de la loi du 6 janvier 1978 prévoit que le Titre II relatif aux « Traitements relevant du régime de protection des données à caractère personnel prévu par le règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 n’est pas applicable aux traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre « par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, y compris a protection contre des menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces ».

En revanche, les traitements mis en oeuvre par l’administration fiscale s’inscrivent dans le cadre de l’article 87 de la loi du 6 janvier 1978, dont le texte est cité.

En outre, l’article 2 de l’arrêté du 24 juillet 2000 précise que la DNEF assure une mission de « recherche des renseignements nécessaires à l’assiette, au contrôle et au recouvrement des impôts et taxes de toute nature » et de « recherche et la constatation des manquements et infractions à la législation et aux réglementations fiscale et économique ».

En conséquence, le traitement « sui generis » mis en oeuvre par l’administration fiscale disposait bien d’une base juridique suffisamment précise.

Sur l’absence de mise en oeuvre d’une analyse d’impact relative à la protection des données (« AIPD »)

Il ressort de l’article 90 de la loi du 6 janvier 1978, issu de la transposition de l’article 27 de la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 qu’une analyse d’impact relative à la protection des données à caractère personnel est nécessaire « si le traitement est susceptible d’engendrer un risque élevé pour les droits et libertés des personnes physiques », notamment parce qu’il porte sur des données sensibles visées au I de l’article 6 de la loi du 6 janvier 1978 concernant notamment l’origine raciale, l’origine ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses, philosophiques, l’appartenance syndicale d’une personne physique, le traitement des données génétiques, des données biométriques aux fins d’identifier une personne physique de manière unique, des données concernant la santé, des concernant la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle d’une personne physique.

Il est mis en exergue que les appelants passent sous silence cette liste à laquelle se réfère expressément l’article 90 de la loi du 6 janvier 1978, et qu’aucune donnée listée au I de l’article 6 n’a fait l’objet d’une quelconque collecte par l’administration fiscale.

Par ailleurs, les personnes investies de l’autorité publique étant soumises à des obligations pour partie comparables à celles qui s’appliquent aux entreprises soumises au RGPD, on peut se référer à l’article 35 du RGPD, relatif aux analyses d’impact, pour préciser le champ d’application de l’analyse d’impact visée à l’article 90 de la loi du 6 janvier 1978.

Il est soutenu qu’encore une fois, aucune des données collectées ne rentre dans l’un des trois cas visés par l’article 35 du RGPD.

En effet, l’administration n’a procédé à aucune évaluation systématique et approfondie d’informations personnelles, fonctionnant par un procédé automatisé, et sur la base desquelles sont prises des décisions ; aucun traitement de données sensibles à grande échelle n’a été effectué ; aucune surveillance systématique à grande échelle d’une zone accessible au public n’a été faite.

Il est précisé que l’administration a traité des informations relatives à la société ORGA+ ainsi qu’à des personnes liées à ces sociétés. Il s’agit donc d’une recherche d’informations ciblées qui n’a rien de systématique.

Par conséquent, l’administration n’avait pas à mener d’analyse d’impact pour effectuer un traitement « sui generis ».

Sur les prétendus manquements à l’obligation d’informer les personnes concernées

Sur la prétendue information incomplète des personnes dans le cadre de la collecte directe de leurs données

Il est indiqué qu’en vertu de l’article 13 du RGPD, lorsque des données à caractère personnel sont collectées directement auprès de la personne concernée, les informations à lui fournir sont les suivantes : identité du responsable de traitement, coordonnées du délégué à la protection des données, finalités et base juridique du traitement, intérêts légitimes poursuivis par le responsable

lorsque le traitement est fondé sur cette base légale, destinataire des données et éventuelle possibilité de transferts, durée de conservation, possibilité d’en demander l’accès, la rectification ou l’effacement, droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle, conséquences éventuelles de la non-fourniture de ces données, existence éventuelle d’une prise de décision automatisée, informations relatives à une autre finalité éventuelle.

Concernant le « droit à l’oubli », l’article 17 du RGPD prévoit qu’il n’est pas applicable, dans la mesure où ce traitement est nécessaire « pour respecter une obligation légale qui requiert le traitement prévu par le droit de l’Union ou par le droit de l’État membre auquel le responsable du traitement est soumis, ou pour exécuter une mission d’intérêt public ou relevant de l’exercice de l’autorité publique dont est investi le responsable du traitement », ce qui est le cas de l’administration fiscale dans sa mission d’établissement, de recouvrement et de contrôle de l’impôt.

S’agissant du droit à la limitation du traitement, l’article 18 du RGPD prévoit que les données à caractère personnel peuvent néanmoins être traitées pour des motifs importants d’intérêt public de l’Union ou d’un État membre.

Au cas présent, l’administration exerce une mission régalienne qui constitue un intérêt public fondamental, faisant qu’elle ne peut satisfaire aux demandes de limitation, alors qu’elle se situe dans une situation légale et réglementaire à l’égard des contribuables.

En ce qui concerne les autres informations, celles-ci sont précisées au sein de l’arrêté du 5 avril 2002 pour le fichier H, au sein de l’arrêté du 14 juin 1982 pour le fichier A, au sein de l’arrêté du 28 avril 1987 pour le fichier SIR et au sein de l’arrêté du 6 juillet 2004 pour le fichier ADELIE.

En outre, ces informations ont fait l’objet d’une information complémentaire sur le site gouvernemental de libre accès impots.gouv.fr.

Il est soutenu que les appelants ne pourront en aucun cas remettre en cause le format adopté pour informer les personnes concernées de leurs droits.

En effet, l’article 12 du RGPD prévoit que l’information doit être communiquée « d’une façon concise, transparente, compréhensible et aisément accessible, en des termes claires et simples (…). Les informations sont fournies par écrit ou par d’autres moyens, y compris, lorsque c’est approprié, par voie électronique ».

Dans ces conditions, les informations extraites des fichiers A, ADELIE, SIR et H sont parfaitement licites et ne peuvent entraîner l’annulation de l’ordonnance.

Sur l’absence d’information des personnes concernées dans le cadre de la collecte indirecte de leurs données

Comme le précisent les appelants, les informations collectées indirectement doivent, en principe, faire l’objet d’une information auprès des personnes concernées conformément à l’article 14 du RGPD.

Néanmoins, en application de l’article 23 du RGPD, les États membres peuvent limiter la portée des obligations prévues par le règlement à l’article 14, lorsqu’une telle limitation est nécessaire pour garantir : « d) la prévention et la détection d’infractions pénales, ainsi que les enquêtes et les poursuites en la matière ou l’exécution de sanctions pénales » et « e) d’autres objectifs importants d’intérêt public général de l’Union ou d’un État membre, notamment un intérêt économique ou financier important de l’Union ou d’un État membre, y compris dans les domaines monétaire, budgétaire et fiscal, de la santé publique et de la sécurité sociale ».

C’est ainsi que les alinéa 4 et 5 de l’article 48 de la loi du 6 janvier 1978 disposent que « en application de l’article 23 du même règlement, le droit à l’information ne s’applique pas aux données collectées dans les conditions prévues à l’article 14 de ce règlement et utilisées lors d’un traitement mis en oeuvre pour le compte de l’État et intéressant la sécurité publique, dans la mesure où une telle limitation est nécessaire au respect des fins poursuivies par ce traitement et prévue par l’acte instaurant le traitement.

Il est fait application des dispositions de l’alinéa précédent lorsque le traitement est mis en oeuvre par les administrations publiques qui ont pour mission soit de contrôler soit de recouvrer des impositions ou d’effectuer des contrôles de l’activité de personnes physiques ou morales pouvant donner lieu à la constatation d’une infraction ou d’un manquement à des amendes administratives ou à des pénalités ».

Par ailleurs, tant la CEDH que la CJUE admettent, en pareille hypothèse, que le principe du contradictoire puisse faire l’objet d’un aménagement, voire qu’il soit écarté purement et simplement, lorsqu’il en va de la sauvegarde d’un intérêt public ou de la protection d’autres personnes.

En conséquence, des restrictions à l’information des personnes ayant fait l’objet de traitement de données sont clairement permises à l’article 48 de la loi du 6 janvier 1978.

Sur la prétendue communication illicite à des tiers non autorisés

Au cas présent, le cadre juridique applicable est celui de la directive n° 2016/680 du 27 avril 2016, transposée au Titre III de la loi du 6 janvier 1978, qui établit des règles relatives à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, y compris la protection contre les menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces.

Il est soutenu que les dispositions du RGPD sont exclues dans le cas présent puisqu’il est question de traitement de données intervenues dans la mise en oeuvre de l’article L. 16 B du LPF.

Ainsi, l’article 121 de la loi du 6 janvier 1978 prévoit que « le responsable du traitement est tenu de prendre toutes précautions utiles, au regard de la nature des données et des risques présentés par le traitement, pour préserver la sécurité des données et, notamment, empêcher (‘) que des tiers non autorisés y aient accès ».

Contrairement à ce que prétendent les appelants, les associés et les dirigeants de sociétés liées à la personne suspectée de fraude qui ont eu connaissance des informations issues des fichiers H, ADELIE, SIR et A ne sont pas des « tiers non autorisés ».

En effet, la société ORGA+, tout comme les associés, les dirigeants et les sociétés liées à la personne suspectée de fraude, sont des parties à la procédure.

Il est rappelé que la communication des pièces est encadrée par l’article L. 16 B du LPF.

En conséquence, aucune communication à des tiers non autorisés n’a été effectuée par l’administration.

Sur l’obligation de tenue d’un registre des activités de traitement

L’administration communique les registres d’activité des traitement H, ADELIE, SIR et A en pièce n° 2.

5 ‘ Sur les habilitations des agents ayant exécuté les opérations de visite et de saisie

Il est fait valoir que les agents ayant procédé à l’exécution des opérations de visite ont le grade d’inspecteur et peuvent, en outre, être assistés d’autres agents des impôts, conformément aux dispositions de l’article L. 16 B du LPF.

La Cour de Cassation a jugé que l’article L. 16 B du LPF ne prohibe pas le recours à des agents de collaboration de catégorie B pour assister les inspecteurs des impôts dans l’accomplissement des visites domiciliaires.

Dans ces conditions, les quatre Contrôleurs des Finances Publiques ont valablement assisté les Inspecteurs des Finances Publiques lors de l’exécution des opérations de visite.

En conclusion, il est demandé de :

— confirmer l’ordonnance du JLD de PARIS du 26 octobre 2020 ;

— rejeter toutes demandes, fins et conclusions ;

— condamner les appelants au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

* * *

SUR LE RECOURS

Par conclusions du 17 février 2021 et conclusions récapitulatives du 5 mai 2021, les parties requérantes font valoir :

Les faits : le JLD a autorisé la visite des locaux sis […], l’administration a procédé le 27 octobre 2020 à la visite de ce domicile. Des documents sur supports papiers et informatiques ont été saisis. Les requérants contestent la régularité des opérations.

Discussion :

Sur l’irrégularité des habilitations des agents perquisitionneurs

Il est demandé de constater que les habilitations d’P G et Q E sont illégales puisque ces agents ayant seulement le grade de Contrôleurs ont été habilités à effectuer des visites et saisies, alors que l’article L. 16 B du LPF autorise uniquement les agents ayant au moins le grade d’Inspecteur.

Il est précisé qu’il n’est pas légal que des agents ayant le grade de contrôleur soient habilités, de manière individuelle, à effectuer des visite et saisies exactement dans les mêmes termes que les habilitations des inspecteurs. Cela leur donnerait individuellement le pouvoir d’effectuer de telles opérations, alors que ce pouvoir est réservé par l’article L. 16 B aux agents ayant au moins le grade d’inspecteur.

Sur l’irrégularité du déroulement des opérations

Des agents n’ayant pas le grade d’inspecteur ont procédé aux visites et saisies indistinctement avec les agents ayant le grade d’inspecteur, les agents ayant le simple grade de contrôleurs non seulement ont été autorisés mais ont effectivement pratiqué les visites et saisies au même titre que les agents ayant le grade d’inspecteur.

Il est argué que si le III de l’article L. 16 B du LPF apporte une assouplissement en permettant que les inspecteurs soient assistés d’autres agents, ceux-ci ne peuvent en aucun cas procéder aux saisies ni prendre connaissance d’un document avant la décision de le saisir prise par un inspecteur.

Or il ressort du procès-verbal que les contrôleurs P G et Q E ont réalisé les opérations de recherche et de saisie visées par le I de l’article L. 16 B du LPF, ensemble avec les inspecteurs précités, sans aucune distinction, et sans qu’il soit précisé que seuls les agents ayant le grade d’inspecteur ont pris connaissance des pièces avant leur saisie.

L’occupant n’a pas été informé que son consentement était nécessaire

Conformément aux exigences posées par l’article L. 16 B du LPF, l’ordonnance énonçait expressément cette obligation de recueillir le consentement de l’occupant et de le mentionner dans le procès-verbal.

Il est soutenu que les agents de l’administration ont méconnu à la fois les dispositions de l’article L. 16 B du LPF et les mentions de l’ordonnance, en interrogeant à la fois M. X et M. I, désigné comme représentant par M. X, sans à aucun moment leur indiquer que leur consentement était nécessaire pour recueillir des renseignements.

Ni l’occupant ni le contribuable n’ont été informés de la faculté de se faire assister par un avocat

Au cas présent, lors de la visite des locaux sis […], les agents de la DNEF n’ont pas notifié à M. X, représentant légal de R S, le droit de se faire assister par un avocat, en violation des dispositions de l’article L. 16 B du LPF.

Par ailleurs, cet article précise que l’ordonnance est notifiée verbalement. Les agents devaient donc notifier verbalement à M. X, par téléphone, l’ordonnance et les droits qu’elle énonçait.

Il est argué que c’est à l’occupant lui-même, M. X, et non à M. I, que devait être donnée cette information sur le droit de se faire assister par un avocat, puisque le choix d’un avocat est un choix intuitu personæ, qui ne peut être fait que par l’occupant lui-même.

Il est soutenu que c’est surtout à M. K X, en sa qualité de contribuable visé par l’ordonnance, que les agents devaient notifier les droits énoncés par l’ordonnance, à défaut de pouvoir lui notifier cette dernière, et en particulier l’informer de la faculté de faire appel à un conseil de son choix.

Or, ils ne l’ont pas fait alors qu’ils se sont entretenus au téléphone à plusieurs reprises avec lui.

La requérante précise que l’irrégularité tient ici au fait que les agents n’ont à aucun moment informé le contribuable lui-même de cette faculté, alors qu’ils auraient dû le faire dès leur contact téléphonique avec M. X.

Il est argué que ce droit a été notifié tardivement puisque la faculté n’est mentionnée qu’à 9h55, alors que le premier contact avec le contribuable a été effectué au téléphone dès 8h20 et à une personne qui n’était pas compétente pour exercer cette faculté.

Dans ces conditions, les opérations sont irrégulières et ont été menées en violation des articles 6§1 et 8 de la CESDH.

En conclusion, il est demandé de :

— déclarer irrégulier le déroulement des opérations de visite et saisie dans les locaux sis […]

[…], qui ont donné lieu au procès-verbal de visite et saisie en date du 27 octobre 2020 ;

— annuler les opérations de saisie dans leur ensemble ;

— dire qu’en conséquence aucun des documents saisis à cette occasion ne pourra être exploité par l’administration fiscale ;

— condamner l’Etat à verser à chacun des requérants la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions reçues le 26 avril 2021, l’administration fait valoir :

1 ‘ Sur les habilitations des agents ayant exécuté les opérations de visite et de saisie

Il est fait valoir que les agents ayant procédé à l’exécution des opérations de visite ont le grade d’inspecteur et peuvent, en outre, être assistés d’autres agents des impôts, conformément aux dispositions de l’article L. 16 B du LPF.

La Cour de cassation a jugé que l’article L. 16 B du LPF ne prohibe pas le recours à des agents de collaboration de catégorie B pour assister les inspecteurs des impôts dans l’accomplissement des visites domiciliaires.

Dans ces conditions, les quatre Contrôleurs des Finances Publiques ont valablement assisté les Inspecteurs des Finances Publiques lors de l’exécution des opérations de visite.

2 ‘ Sur l’exécution des opérations de visite et de saisie indistinctement par des agents ayant le grade d’inspecteur et n’ayant pas le grade d’inspecteur

Il est soutenu que le texte de l’article L. 16 b du LPF ainsi que la jurisprudence de la Cour de cassation autorisent expressément que des inspecteurs soient accompagnés par des agents qui ne soient pas de catégorie A: il suffit qu’un inspecteur soit présent et que les agents soient habilités.

Il ressort de la lecture du procès-verbal que tel était le cas en l’espèce.

Par conséquent, les opérations de visite et de saisie sont régulières.

3 ‘ Sur le consentement de l’occupant

Il découle des dispositions de l’article L. 16 B du LPF que le consentement nécessaire de l’occupant des lieux, ou de son représentant, ou, s’il est présent, du contribuable concerne les seules déclarations qui peuvent être recueillies sur les agissements de fraude ou les demandes de justification d’identité, et ne s’applique pas aux opérations de visite des lieux, d’examen et de saisie des documents ou support d’information, qui s’imposent aux occupants des lieux sur l’autorisation et sous le contrôle du juge.

Au cas présent, la possibilité de demande de renseignements sur les agissements de fraude n’a pas été mise en oeuvre. Aussi, il n’a aucunement été demandé aux occupants de justifier de leur identité et de leur adresse.

En tout état de cause, le procès-verbal de visite et de saisie n’indique rien concernant la prétendue question posée par les agents à MM. X et I à propos de la désignation des occupants des lieux visités.

Conformément à la jurisprudence, l’audition, à la supposer établie, de personnes présentes lors des opérations de visite, ne peut affecter la validité de ces opérations dès lors que son contenu, faute d’avoir été porté au procès-verbal, ne peut être opposé aux intéressés.

Il ressort du procès-verbal que les agents n’ont procédé à aucune audition qui aurait excédé les questions strictement nécessaires à l’exécution correcte des opérations.

Par conséquent, les occupants n’ont fait l’objet d’aucune audition qui aurait nécessité leur consentement et qui vicierait ainsi les opérations de visite et de saisie.

4 ‘ Sur la faculté de se faire assister par un avocat

Conformément au d) du II de l’article L. 16 B du LPF, l’ordonnance comporte la mention de faire appel à un conseil de son choix, étant précisé que l’exercice de cette faculté n’entraîne pas la suspension des opérations de visite et de saisie. L’ordonnance de visite délivrée par le juge est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite à l’occupant des lieux ou à son représentant, qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal. Il n’est donc pas nécessaire que l’ordonnance soit notifiée par acte d’huissier.

Au cas présent, la désignation de M. I comme représentant de M. X est attestée par le procès-verbal de visite et de saisie, signé par l’officier de police judiciaire (OPJ) et par M. I.

Ainsi, comme représentant de M. X, il a été rappelé à M. I la faculté de faire appel à un conseil de son choix. Aucune observation n’a été formulée.

Dès lors, c’est de manière parfaitement régulière que le droit de faire appel à un conseil de son choix à été rappelé à M. I, désigné représentant par M. X.

En conclusion, il est demandé de rejeter toutes demandes, fins et conclusions et condamner les requérants au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

SUR LA DEMANDE DE REOUVERTURE DES DEBATS

Les parties appelantes sollicitent la réouverture des débats pour soulever un moyen d’irrégularité de l’ordonnance constituant un moyen nouveau, or il convient de rappeler que selon la jurisprudence, les documents autres que ceux dont la production a été demandéee en vertu de l’article 442 du Code de procédure civile ne peuvent qu’être écartés des débats clôturés, qu’en l’espèce les débats ont été clôturés à l’audience du 12 mai 2021 et il n’ y a pas lieu à réouverture des débats en vertu de l’article 444 du Code de procédure civile, les parties ayant été en mesure de s’expliquer contradictoirement à l’audience sur les moyens soulevés.

Cette demande sera rejetée

SUR LA JONCTION

Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il convient en application de l’article 367 du code de procédure civile et eu égard aux liens de connexité entre les affaires, de joindre les instances enregistrées sous les numéros de RG 20/15976 et 20/16006 (appel) et sous les numéros de RG20/16007 et 20/15988 (recours) qui seront regroupées sous le numéro le plus ancien.

SUR l’APPEL

Sur l’absence de caractérisation des conditions posées par l’article L 16B du LPF du fait de l’absence d’acte ou d’omission entrant dans le champ de l’article L 16B du LPF.

Il n’est pas contesté par l’administration fiscale que la société ORGA+ tient une comptabilité au Luxembourg, mais ce qui est présumé en l’espèce c’est que cette comptabilité ne reflète pas sincèrement l’activité de la société qui semble déployer cette activité en France par une direction effective et des moyens propres d’exploitation situés en France. Il convient de rappeler que la Cour de Cassation a jugé que la mise en oeuvre de l’article L 16B du LPF pouvait être autorisée en cas d’exercice d’une activité professionnelle occulte sur le territoire national sans souscrire les déclarations fiscales y afférentes. La Cour de Cassation a également jugé que le juge a pu retenir le défaut de souscription des déclarations fiscales comme constituant un indice de l’omission de passation des écritures comptables et des présomptions d’agissements visés par la loi justifiant la mesure autorisée (Cass com 13/10/93, pourvoi 92-14727). La Cour de Cassation a jugé que le président justifie légalement sa décision lorsqu’il retient qu’une société a perçu des produits de son activité commerciale sans souscrire la totalité des déclarations fiscales correspondantes constituant une omission de passation des écritures comptables y afférentes (cass com 26/10/2010 pourvoi- 17-27).

En l’espèce, la décision rendue le 26 octobre 2020 par le JLD s’inscrit parfaitement dans le champ d’application de l’article L16B du LPF.

Ainsi, le moyen selon lequel l’absence d’acte ou d’omission entrant dans le champ de l’article L 16B ne permet pas de caractériser les conditions posées par cet article sera rejeté.

Sur l’absence de caractérisation des conditions posées par l’article L 16B du LPF du fait de l’absence de présomption de fraude.

Il convient de rappeler que le champ d’action de l’administration fiscale doit être relativement étendu au stade de l’enquête préparatoire, étant précisé qu’à ce stade, aucune accusation n’est portée à l’encontre de la société visée dans l’ordonnance et qu’au cas présent, le JLD, dans le cadre de ses attributions civiles, devait rechercher s’il existait des présomptions simples d’agissements prohibés.

En ce qui concerne la création de la société ORGA+ SARL au Luxembourg et dirigée par un ressortissant français, il convient de rappeler que l’administration dans son argumentation ne remet pas en cause la liberté d’établissement de la société ORGA + SARL , liberté qui est rappelée par les parties appelants qui évoquent une discrimination, qu’en présentant une requête au JLD fondée sur l’article L 16B du LPF, l’administration fait valoir la présomption d’une activité exercée à partir de la FRANCE par la société ORGA+ SARL, par l’intermédiaire de son dirigeant et associé unique K X, lui même président de la société R S immatriculée à Paris, qu’il ressort de la requête de l’administration que les sociétés ORGA+ SARL et SAS R S ont le même dirigeant, de plus que la SAS R S apparaît comme l’unique client en France de la société ORGA+ (pièces 9 et 3-1).

Pour présumer de l’absence de réalité de l’activité de la société ORGA+ SARL au Luxembourg, dans sa décision le JLD rappelle que cette société semble disposer au Luxembourg de moyens matériels très limités pour la réalisation de son objet social. En effet, il ressort des pièces communiquées par l’administration que la société luxembourgeoise dispose depuis janvier 2016 d’un associé unique et administrateur / gérant (K X) domicilié en France, que le siège social de ORGA + SARL est situé à la même adresse de la SA CUSTOM qui offre des services de prestations comptables , administratives et de domiciliation aux sociétés ( pièces 4 et 5), qu’ il ressort des bilans déposés auprès du registre des commerces et sociétés du Luxembourg que la société n’a déclaré aucun fonds de commerce acquis à titre onéreux et aucun frais de personnel (pièces 6-1 à 6-3), qu’en 2016 elle n’a déclaré aucun montant au poste’ immobilisations corporelles’, qu’entre 2017 et 2018 elle a déclaré des immobilisations corporelles composées d’installations techniques et outillages, qu’elle a

déposé des immobilisations incorporelles (concessions, brevets, licences, marques) entre 2015 et 2018, qu’elle ne supporte pas d’impôts sur les sociétés , qu’ une recherche sur le site internet de l’ annuaire téléphoniques luxembourgeois de février 2020 révèle un résultat au nom de Orga+ SARL au’ 9 rue des trois cantons au Luxembourg’ avec T U comme contact alors que celui-ci a quitté ses fonctions d’administrateurs en 2015 et que le siège social de la société n’est plus à cette adresse, que le JLD dans sa décision en déduit à juste titre que depuis l’exercice clôt d u 31/12/2016 la société de droit luxembourgeois ORGA+ SARL ne disposerait d’aucun fonds de commerce, n’emploierait aucun salarié et ne disposerait d’aucun numéro de téléphone au Luxembourg, qu’il apparaît ainsi que cette société ne dispose pas de moyens matériels et humains suffisants pour déployer au Luxembourg une activité économique conforme à son objet social.

Qu’en revanche, il résulte des pièces de l’administration fiscale que K X qui déclare être domicilié en France depuis plusieurs années est président de la société SAS R S, qu’il déclare des revenus perçus dans ce cadre, qu’il dispose ainsi en France d’intérêts économiques , qu’il résulte de la requête de l’administration et des pièces que la société ORGA+ SARL dispose d’un numéro de TVA intracommunautaire, que selon le fichier elle a effectué entre 2016 et 2019 des prestations intracommunautaires à destination de clients professionnels dont la totalité à destination de la société SAS R, que pour les exercices 2016 à 2019 le montant des recettes déclarées en ‘autres produits d’exploitation’ par la société ORGA+ SARL est identique aux montants des prestations intracommunautaires facturées à la société SAS R S, que la société SAS R S a pour objet social la distribution de logiciels et de matériels informatiques dédiés à la sécurité des bâtiments et des ressources informatiques, que son président et actionnaire majoritaire est K X, qu’il apparaît qu’en 2017 et 2018 les montants facturés par la société ORGA+ sont identiques aux montants de charges pour redevances des brevets et licences supportées par la société SAS R S, que le JLD en a déduit dans sa décision qu’il peut-être présumé que ORGA+ facture des redevances d’incorporels à SAS R S, que cette société déclare employer K X, un informaticien, un ingénieur en sécurité informatique, un assistant administratif et ainsi dispose d’un personnel spécialisé, que le JLD a ainsi pu présumer dans sa décision que la société ORGA+ utilise les moyens de la société R S pour réaliser son activité.

Ainsi, c’est à juste titre que le JLD a retenu dans son ordonnance, à partir des pièces communiquées par l’administration, que la société en cause pouvait être présumée exercer en FRANCE une activité d’expertise et assistance économique, technique et administrative et commerciale à partir des moyens dont elle disposait sur le territoire national, sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omettraient de passer les écritures comptables y afférentes.

Ainsi, le moyen selon lequel l’absence de présomption de fraude ne permet pas de caractériser les conditions posées par l’article L 16B du LPF sera rejeté.

Sur l’ autorisation injustifiée à l’égard de plusieurs personnes .

Il convient de rappeler que l’article L. 16 B du LPF prévoit que l’autorité judiciaire peut autoriser des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents se rapportant à la fraude présumée sont susceptibles d’être détenus ou d’être accessibles ou disponibles et que l’administration peut procéder à leur saisie, quel qu’en soit le support. La jurisprudence a confirmé que le juge peut autoriser des visites en tous lieux dès lors qu’il constate que des documents se rapportant à la fraude présumée sont susceptibles de s’y trouver.

En l’espèce dans son ordonnance le JLD a autorisé la visite à deux adresses différentes à Paris : au […] à Paris 17 ème et au […] à Paris 17e. Pour chaque lieu pouvant être visité, le JLD a bien précisé les personnes ou sociétés qui étaient susceptibles d’occuper les lieux susvisés, en précisant les liens les unissant aux lieux, et en visant les pièces ( pièces 19 à 20-8 et pièces 21-1 à 21- 6) qui permettent de rattacher les personnes susceptibles d’occuper les lieux ( page

11 en ce qui concerne les locaux du […] et page 10 en ce qui concerne l’adresse du […] .

Ainsi le JLD ne soutient pas que l’ensemble des personnes visées étaient concernées par les présomptions de fraude, mais retient à juste titre que ces personnes physiques ou les sociétés sont susceptibles d’occuper des locaux en commun avec la société R S et M. K X et qu’ainsi, ces personnes étaient susceptibles de détenir dans leurs locaux des documents et supports d’information relatifs à la fraude présumée de la société ORGA+, conformément à l’article L 16 B du LPF. En ce qui concerne l’article 8 de la CESDH évoqué par les parties appelantes, il convient de rappeler que cet article, tout en énonçant le droit au respect de la vie privée et familiale, est tempéré par son paragraphe 2 qui dispose que ‘il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui’. En l’espèce, il n’y a pas eu de violation des dispositions de l’article 8 de la CESDH et la mesure n’a aucunement été disproportionnée à l’égard des personnes susceptibles d’occuper les lieux visités eu égard au but poursuivi

.

Ce moyen sera rejeté.

Sur l’ exigence de licéité des pièces .

Il convient de rappeler que le JLD dans sa décision, après avoir exercé un contrôle ‘in concreto’ des pièces qui lui étaient soumises, précise ‘ attendu que les pièces présentées à l’appui de la requête ont une origine apparemment licite et qu’elles peuvent être utilisées pour la motivation de la présente ordonnance’, ainsi le JLD a satisfait à son obligation de vérifier la licéité apparente des pièces produites par l’administration fiscale.

Ce moyen sera rejeté.

Sur l’irrégularité de la procédure en raison de l’origine illicite des pièces produites en violation du secret fiscal, du secret professionnel et du droit au respect de la vie privée .

Il convient de rappeler que l’article L 16 B du LPF prévoit que la demande de l’administration fiscale présentée au juge doit comporter ‘tous les éléments d’information en possession de l’administration de nature à justifier sa visite’, ainsi l’administration fiscale peut utiliser les informations dont elle dispose dans les conditions prévues par la Loi, que contrairement à ce qu’affirment les parties appelantes d’autres hypothèses que celles prévues aux articles L113 et suivants du LPF constituent des exceptions au secret professionnel en matière fiscale, qu’en l’espèce les pièces de l’administration à l’appui de sa requête résultent de l’exploitation de données internes et propres à l’administration ( pièces 10-1 à 10-4, 21-6, 2-1, 14, 17, 18 et 19 contestées par les appelantes), ou bien de d’élements obtenus légalement dans l’ exercice de son droit de communication prévu par les articles L81 et ss du LPF (pièces 15 et 16 contestées par les appelantes).

Il ne s’agit d’aucun vol de fichiers ou de documents qui auraient été remis à l’administration fiscale de façon illégale , l’exclusion visée par l’article 10 0AA du LPF n’est pas applicable en l’espèce.

En ce qui concerne la production de pièces issues du dossier fiscal de sociétés tierces et de particuliers tiers à la procédure, la Cour de cassation a validé la production par l’administration fiscale d’attestations par lesquelles ses agents rendent compte de leurs constatations, y compris de données internes et propres à l’administration fiscale, elle a également jugé que l’administration

fiscale peut mettre en oeuvre l’article L. 16 B du LPF pour rechercher la preuve de la fraude d’un contribuable en se fondant sur des éléments régulièrement constatés par elle (déclarations fiscales, recherches effectuées sur des banques de données internationales, constatations des éléments de comptabilité de sociétés…), de plus concernant la production de pièces obtenues dans le cadre du droit de communication prévu par les articles L. 81 et suivants du LPF, la Cour de cassation considère que de telles pièces peuvent être produites à l’appui de la requête de l’administration fiscale.

Ainsi il en résulte que les parties appelantes ne peuvent prétendre que l’administration aurait produit des pièces en violation du secret professionnel auquel sont astreints ses agents, alors que l’article L. 16 B du LPF prévoit des exceptions dont bénéficient le JLD et les occupants des lieux visités.

Il convient de rappeler également qu’à l’occasion de la visite domiciliaire, c’est l’ordonannce du JLD qui est notifiée à l’occupant des lieux visités et non l’ensemble des pièces à l’appui de la requête, ainsi aucune atteinte au secret fiscal ne peut être relevée.

Ce moyen sera rejeté.

Sur l’irrégularité de la procédure en raison de l’origine illicite des pièces produites en violation des régles garantissant la protection des données.

Il convient de rappeler que les arrêtés qui ont permis la création par la DGFP d’un traitement automatisé d’informations nominatives ( H, ADELIE et SIR) ont prévus que les agents habilités de la DGFP pourraient accéder aux dossiers contenus dans ces fichiers, que de même les agents de la DGFP ont été autorisés à utiliser les données issues du fichier A, s’agissant des agents de la DNEF qui ont consulté ces dossiers ils bénéficient d’habilitations de la part de leur administration dans le cadre de leurs fonctions, dont aucun texte ne prévoit la communication.

Il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 2 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 concernant le RGPD que :’Le présent règlement ne s’applique pas au traitement de données à caractère personnel effectué: (…) par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, y compris la protection contre des menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces », que par ailleurs la Cour de cassation a rappelé que le droit de visite de l’administration au titre de l’article L 16B du LPF vise a lutter contre la fraude fiscale, tout en respectant la liberté individuelle et le droit au recours juridictionnel effectif, en énonçant : ‘les dispositions de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales (…) assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle ainsi que du droit d’obtenir un contrôle juridictionnel effectif de la décision prescrivant la visite avec les nécessités de la lutte contre la fraude fiscale » (Cass. com. 8 déc. 2009, n° 08 21.017), de même l’article 23 du RGPD prévoit la limitation de la portée des obligations, notamment l’obligation d’information, lorsque cette limtation est nécessaire dans le cadre de la prévention et de la détection d’infractions pénales, les enquêtes et les poursuites. Il en résulte que les restrictions à l’information des personnes ayant fait l’objet de traitement de données sont permises.

Ainsi l’administration a pu produire auprès du JLD des pièces à l’appui de sa requête concernant des informations provenant de bases de données ou de sites d’accès public dans le respect des règles garantissant la protection des données, aucune origine illicite des pièces produites ne peut être soulevée en l’espèce.

Ce moyen sera rejeté.

Sur l’illégalité des habilitations des agents perquisitionneurs.

En ce qui concerne l’habilitation des agents autorisés par l’ordonnance à effectuer les visites et saisies domiciliaires, l’administration fiscale précise que lors d’une demande d’autorisation, les agents déposent les pièces constituant les éléments soumis à l’appréciation du JLD et présentant au juge les habilitations des personnes appelées à intervenir.

En l’espèce, l’ordonnance rendue par le JLD du Tribunal judiciaire de Paris vise la requête de l’administration fiscale qui a été présentée le 19 octobre 2020 par AW- AX J- AY, inspecteur des finances publiques affecté à la Brigade d’intervention interrégionale de Paris-Nord.

Le JLD précise dans sa décision (page 12) que les copies des habilitations nominatives de l’agent qui a présenté la requête et de ceux désignés pour l’exécution des opérations « tous agents de la DGFP spécialement habilités par le Directeur général des Finances Publiques en application des dispositions de l’article L. 16 B du LPF » lui ont été présentées et il précise en page 1, que la copie d e l ‘ h a b i l i t a t i o n n o m i n a t i v e d e l ‘ a g e n t q u i a p r é s e n t é l a r e q u ê t e , à s a v o i r M J-AY « spécialement habilité par le Directeur général des Finances Publiques en application des articles L. 16 B et R. 16 B-1 du livre des procédures fiscales » lui a été présentée.

Ainsi, en énonçant dans le dispositif de l’ordonnance que les copies des habilitations nominatives des agents autorisés lui ont été présentées, le juge satisfait aux exigences légales.

Il convient de préciser également que les agents ayant procédé à l’exécution des oéprations ont le grade d’inspecteur et ont la possibilité d’être assistés d’autres agents des impôts tels que les contrôleurs pour effectuer les visites domiciliaires conforméméent à l’article L 16 B du LPF.

Ce moyen sera rejeté .

Ainsi l’ordonnance du JLD du Tribunal judiciaire de Paris du 26 octobre 2020 sera confirmée.

SUR LE RECOURS

Sur l’irrégularité des habilitations des agents perquisitionneurs.

Il résulte du procès-verbal de visite que V W, inspecteur principal des finances publiques et AA AB, inspecteur des finances publiques, ont procédé aux opérations de visite au […], que P G et Q E, Contrôleurs des Finances publiques sont également intervenus, que dans son ordonnance le JLD les désigne nommément (page 12) pour procéder aux opérations, que la même ordonnance précise que les habilitations lui ont été présentées, que d’ailleurs la copie des habilitations figurent dans le dossier du JLD transmis à la Cour, qu’il en résulte qu’aucune irrégularité des habilitations ne peut être soulevée.

Il convient de préciser également que les agents ayant procédé à l’exécution des opérations ont le grade d’inspecteur et ont la possibilité d’être assistés d’autres agents des impôts tels que les contrôleurs pour effectuer les visites domiciliaires , d’ailleurs la Cour de Cassation a jugé que l’article L. 16 B du LPF ne prohibe pas le recours à des agents de collaboration de catégorie B pour assister les inspecteurs des impôts dans l’accomplissement des visites domiciliaires. Ainsi la visite a été effectuée conformément à l’article L 16 B du LPF.

Ce moyen sera rejeté .

Sur l’irrégularité du déroulement des opérations du fait que des agents n’ayant pas le grade d’inspecteur ont procédé aux visites et saisies indistinctement avec les agents ayant le grade d’inspecteur.

Il résulte du procès-verbal de visite que M. V W, inspecteur principal des finances publiques et M. AA AB, inspecteur des finances publiques ont procédé aux opérations de visite, qu’ils ont été assistés d’P G et Q E, contrôleurs des Finances publiques, que tous ces agents ont été désignés dans son ordonnance par le JLD (page 12) pour procéder aux opérations. Il convient de préciser également que les agents ayant procédé à l’exécution des opérations ont le grade d’inspecteur et ont la possibilité d’être assistés d’autres agents des impôts tels que les contrôleurs pour effectuer les visites domiciliaires, d’ailleurs la Cour de Cassation a jugé que l’article L. 16 B du LPF ne prohibe pas le recours à des agents de collaboration de catégorie B pour assister les inspecteurs des impôts dans l’accomplissement des visites domiciliaires. Ainsi la visite a été effectuée conformément à l’article L 16 B du LPF.

Ce moyen sera rejeté .

Sur l’irrégularité du déroulement des opérations du fait que l’occupant n’a pas été informé que son consentement était nécessaire.

Il convient de rappeler que l’article L 16B du LPF III bis prévoit l’audition de l’occupant des lieux ou de son représentant, concernant les agissements du contribuable, sous réserve de son consentement. En l’espèce il résulte du procès-verbal de visite du 27 octobre que Monsieur AO AP I AR représentant de l’occupant des lieux désigné, n’a pas fait l’objet d’une telle audition, qu’étant présent sur les lieux à l’arrivée des agents de l’administration il a répondu aux questions usuelles concernant l’organisation pratique de la visite domiciliaire, sans que cela ne requiert un quelconque consentement, et cela conformément à l’article L16 B du LPF.

Ce moyen sera rejeté.

Sur l’irrégularité du déroulement des opérations du fait que ni l’occupant ni le contribuable n’ont été informés de la faculté de se faire assister par un avocat.

Il convient de rappeler que l’article L 16 B II du LPF prévoit que l’ordonnance du JLD doit comporter ‘ d) la mention de la faculté pour le contribuable de faire appel à un conseil de son choix’, que l’ordonnance du JLD du 26 octobre 2020 comporte bien cette mention (page 13). Lors de la visite domiciliaire, l’ordonnance a été notifiée à Monsieur AO AP I AR qui a été désigné par M X comme représentant de l’occupant des lieux, qu’il est de plus indiqué sur le PV qu’il est porté à la connaissance de ce dernier qu’il a la faculté de faire appel à un conseil de son choix, qu’il convient de rappeler que la visite domiciliaire s’exerçant de façon inopinée, le ‘contribuable’ visé par l’ordonnance peut ne pas être présent sur les lieux, que la possibilité pour les agents de l’administration de notifier les droits au représentant de l’occupant des lieux, permet aux parties de bénéficier de l’assistance d’un avocat lors de la visite conformément à l’article L 16 B du LPF, qu’il résulte de la rédaction du PV signé par le représentant de l’occupant des lieux que celui-ci a été averti de la possibilité de faire appel à un conseil et ce dans le respect de l’article L 16B du LPF.

Ce moyen sera rejeté.

Ainsi le procès-verbal de visite domiciliaire du 27 octobre 2020 sera déclaré régulier.

Les circonstances du dossier justifient qu’il soit accordé la somme de 2000 euros à la DNEF au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant contradictoirement et en dernier ressort:

—  Disons n’ y avoir lieu à réouverture des débats concernant les dossiers comportant les numéros de RG 20/15 976 et RG 20/16006 (appel) ;

—  Ordonnons la jonction des dossiers comportant les numéros de RG 20/15976 et RG 20/16006 (appel) avec les dossiers comportant les numéros de RG 20/15 988 et RG 20/16007 (recours) sous le numéro le plus ancien 20/15976 ;

—  Confirmons en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS en date du 26 octobre 2020 ;

—  Déclarons régulières et confirmons les opérations de visite domiciliaires en date du 27 octobre 2020 réalisées dans les locaux et dépendances sis […] ;

—  Rejetons toute autre demande ;

—  Accordons la somme de 2000 euros (deux mille euros) à la DNEF au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

—  Disons que la charge des dépens sera laissée aux parties appelantes.

LE GREFFIER

AE AF

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

AT AU-AV


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