Contrôle et saisie pour pratiques anti-concurrentielles

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Contrôle et saisie pour pratiques anti-concurrentielles
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Même si un courrier anonyme serait bien mince à lui seul pour constituer le faisceau d’indices de la présomption recherchée, il peut servir de source d’information comme point de départ d’une enquête. Son contenu est d’ailleurs assez explicite sur le fait que les pratiques imputées aux sociétés appelantes pourraient constituer des pratiques constitutives d’avantages contraires aux dispositions des articles L. 1453-5 et 1453-6 du code de la santé publique.

En l’espèce, ce premier élément était corroboré par la dénonciation d’un pharmacien aux termes de laquelle des médecins s’opposeraient aux délivrances d’ordonnances à des patients n’optant
pas pour les prestataires de santé indiqués, laquelle pouvait légitimement a minima conduire l’administration à en vérifier la fiabilité via des investigations complémentaires.

Le groupe familial SOS OXYGENE, spécialisé dans la santé à domicile, a été visé par une enquête de la DGCCRF pour des pratiques anti-concurrentielles liées à des avantages accordés à des prescripteurs dans le secteur de l’oxygénothérapie. Des opérations de visite et de saisie ont été menées dans les locaux des sociétés du groupe, ce qui a conduit à des recours en justice. Les sociétés SOS OXYGENE ont soulevé une question prioritaire de constitutionnalité concernant le respect des droits de la défense dans le cadre de ces opérations. La cour de cassation a jugé que la QPC n’avait pas de caractère sérieux et a rejeté la transmission au Conseil constitutionnel. Les sociétés du groupe SOS OXYGENE ont demandé l’annulation des ordonnances autorisant les visites et saisies, arguant d’un manque de contrôle et de proportionnalité, tandis que la DREETS PACA a soutenu la légalité des opérations et demandé leur confirmation. Le ministère public a recommandé la confirmation des ordonnances contestées. La décision finale a été mise en délibéré pour le 14 août 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

14 août 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
22/15529
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Délég.Premier Président

ORDONNANCE DE VISITES DOMICILIAIRES

du 14 Août 2024

N° 2024/13

Rôle N° RG 22/15529 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKLVW

Rôle N° RG 22/15585 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKL2Z

Rôle N° RG 22/15595 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKL32

Rôle N° RG 22/15599 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKL4B

Rôle N° RG 22/15613 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKL5F

Rôle N° RG 23/01933 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKXZZ

S.A.S. SOS OXYGENE PARTICIPATIONS

S.A.R.L. SOS OXYGENE

S.A.R.L. SOS OXYGENE ILE DE FRANCE NORD

C/

DIRECTION DE LA CONCURRENCE, DE LA CONSOMMATION ET DE LA REPRESSION DES FRAUDE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Maxime DE GUILLENCHMIDT

M. [Y] [W]

Prononcée à la suite d’aun appel interjeté le 27 octobre 2022 contre l’ordonnance rendue par le juge des Libertés et de la Détention du tribunal judiciaire de NICE en date du 13 octobre 2022.

DEMANDERESSES

S.A.S. SOS OXYGENE PARTICIPATIONS, demeurant [Adresse 3] – [Localité 6]

représenté par Me Françoise BOULAN de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Jean-michel URBANI, avocat au barreau de NICE, Me Maxime DE GUILLENCHMIDT, avocat au barreau de PARIS, Me Guillaume HAUDRY, avocat au barreau de PARIS

S.A.R.L. SOS OXYGENE, demeurant [Adresse 3] – [Localité 6]

représenté par Me Françoise BOULAN de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Jean-michel URBANI, avocat au barreau de NICE, Me Maxime DE GUILLENCHMIDT, avocat au barreau de PARIS, Me Guillaume HAUDRY, avocat au barreau de PARIS

S.A.R.L. SOS OXYGENE ILE DE FRANCE NORD, demeurant [Adresse 1] – [Localité 5]

représenté par Me Françoise BOULAN de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Jean-michel URBANI, avocat au barreau de NICE, Me Maxime DE GUILLENCHMIDT, avocat au barreau de PARIS, Me Guillaume HAUDRY, avocat au barreau de PARIS

DEFENDERESSE

DIRECTION DE LA CONCURRENCE, DE LA CONSOMMATION ET DE LA REPRESSION DES FRAUDE, demeurant [Adresse 2] – [Localité 4]

représenté par M. [Y] [W] (Représentant légal) en vertu d’un pouvoir général présenté à l’audience

DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ

L’affaire a été débattue le 06 Juin 2024 en audience publique devant

Laurent SEBAG, Conseiller,

déléguée par ordonnance du premier président.

En application des articles 957 et 965 du code de procédure civile

Greffier lors des débats : Cécilia AOUADI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Août 2024.

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 14 Août 2024.

Signée par Laurent SEBAG, Conseiller et Cécilia AOUADI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE :

Le groupe familial SOS OXYGENE est un prestataire de santé à domicile, spécialisé dans les domaines de l’oxygénothérapie, de l’assistance respiratoire, de la perfusion et la nutrition, créé en 1991.

Au sein de ce groupe, la SAS OXYGENE PARTICIPATIONS est la holding de plusieurs autres sociétés ou agences réparties sur le territoire français, dont la SARL SOS OXYGENE [Localité 6] et la SARL SOS OXYGENE ILE DE FRANCE NORD.

Courant 2021, une enquête nationale visant à contrôler les pratiques anti-concurrentielles était engagée par la DGCCRF, en charge notamment de veiller, en application de l’article L. 1454-6 du code de la santé publique, au respect du dispositif « anti-cadeaux » issu de l’ordonnance n°2017-49 du 19 janvier 2017, applicable à l’industrie pharmaceutique. Il était plus précisément reproché à ce groupe des octrois d’avantages à des prescripteurs dans le secteur de l’oxygénothérapie.

C’est dans ce contexte que la DREETS présentait le 10 octobre 2022 une requête au juge des libertés et de la détention (JLD) de Nice aux fins d’être autorisée à procéder à des visites et saisies au sein des locaux des sociétés niçoise, de l’aire parisienne et de la holding.

Le JLD de Nice, par ordonnance du 13 octobre 2022, y faisait droit et donnait commission rogatoire au JLD de Nanterre pour exercer le contrôle desdites opérations dans les locaux de la SARL OXYGENE ILE DE FRANCE NORD.

Le 17 octobre 2022, le JLD de Nanterre prenait alors une ordonnance sur commission rogatoire relatives à ces opérations prévues sur le site de [Localité 5].

Les 20 octobre et 13 décembre 2022, les locaux des sociétés SOS OXYGENE faisaient l’objet d’opérations de visite et de saisie diligentées par l’administration en application des deux ordonnances précitées des deux JLD.

Par déclarations au greffe du tribunal judiciaire de Nice adressées et reçues les 27 octobre 2022 et 13 décembre 2022, les sociétés SOS OXYGENE interjetaient appel l’ordonnance rendue par le JLD de Nice le 13 octobre 2022 et des procès-verbaux des visites et saisies consécutives réalisées y compris sur commission rogatoire (instances enregistrées sous les numéros RG 22/15529, 22/15585, 22/15595, 22/15599, 22/15613 et 23/1933).

Les sociétés SOS OXYGENE, par l’intermédiaire de leurs conseils Maîtres [U] [H] et Maxime de GUILLENCHMIDT, saisissaient la cour d’appel de la question prioritaire de constitutionnalité suivante : « Les articles L. 512-52, L . 512-53 et L. 512-59 du code de la consommation sont-ils contraires au respect des droits de la défense qui constitue un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la république réaffirmés par le préambule de la constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le préambule de la constitution de 1958, en ce qu’il ne prévoit aucune disposition encadrant les atteintes aux droits de la défense et au secret professionnel ‘ ».

Elles demandaient de la déclarer recevable, de la transmettre à la cour de cassation et de sursoir à statuer sur le fond du litige jusqu’à la décision de la cour de cassation et, le cas échéant, de celle du conseil constitutionnel si ce dernier était saisi après le filtrage opéré par la cour de cassation.

A l’audience du 5 octobre 2023, renvoi contradictoire de l’affaire était ordonné au 2 novembre 2023 afin de permettre à la DREETS PACA de répondre à la requête en vue de la QPC.

Dans ses conclusions communiquées le 30 octobre 2023 et soutenues oralement à la barre le 2 novembre 2023, la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités de Provence-Alpes Côte d’Azur défavorable à la transmission de la question qu’elle estimait dépourvue de caractère sérieux, soutenait que :

-le fait que les dispositions litigieuses ne renvoient pas aux dispositions de l’article 56 du code de procédure pénale ne constitue pas de facto une atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, en raison du contrôle a priori du juge des libertés et de la détention avant le déroulement des opérations de visites et de saisies et du contrôle a posteriori devant le premier président de la cour d’appel et, la garantie d’un double degré de juridiction devant la Cour de cassation,

-la Cour de cassation s’est déjà prononcée à plusieurs reprises sur la transposabilité de QPC relatives à l’article L. 450-4 du code de commerce qui s’avère n’être que le pendant des articles L. 512-59 du code de la consommation,

-le recours au scellé fermé provisoire de l’article 56 du code de procédure pénale, permet de pallier toute difficulté tout en garantissant le respect des droits de la défense, les personnes saisies disposant du temps nécessaire pour identifier les courriels susceptibles d’être protégés pour en demander le retrait du scellé aux enquêteurs avant qu’il ne devienne définitif.

Aux termes de leurs écritures notifiées le 31 octobre 2023 et soutenues oralement à l’audience du 2 novembre 2023 les sociétés SOS OXYGENE, par l’intermédiaire de leurs conseils Maîtres [U] [H] et Maxime de GUILLENCHMIDT modifiaient la QPC en ces termes : « Les articles L. 512-52, L . 512-53 et L. 512-59 du code de la consommation sont-ils contraires au respect des droits de la défense garantis par l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en ce qu’il ne prévoit aucune disposition encadrant les atteintes aux droits de la défense et au secret professionnel, et au respect du secret médical garanti par la protection de la vie privée ‘ ». Elles demandaient de la déclarer recevable, de la transmettre à la cour de cassation et de sursoir à statuer sur le fond du litige jusqu’à la décision de la cour de cassation et, le cas échéant, de celle du conseil constitutionnel si ce dernier était saisi après le filtrage opéré par la cour de cassation.

Par ordonnance du 2 novembre 2023, la cour transmettait la question prioritaire de constitutionnalité à la cour de cassation. Sursis à statuer était ordonné avec renvoi à doubles dates selon transmission ou non au Conseil constitutionnel.

La cour d’appel estimait que la QPC présentait un caractère sérieux en ce que :

-l’atteinte dénoncée aux droits de la défense ne porte pas sur la possibilité de recours a posteriori et sans effet suspensif contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant autorisé les saisies sur le fondement des articles L. 512-63 et 64 du code de la consommation, mais bien sur la faculté légale a priori de ce dernier de préserver les droits de la défense à travers la protection des deux secrets, en prévoyant initialement dans sa décision, la limitation des documents saisis pour préserver le secret des correspondances entre avocat et client et le secret médical,

-la protection a priori des saisis par le pouvoir légal donné au juge des libertés et de la détention de contraindre les agents perquisitionneurs à une sélection des documents saisis, a fait l’objet de dispositions légales ad hoc en matières pénale, fiscale et financière, consacrées aux articles 56, 56-1 du code de procédure pénale, L. 16B du livre des procédures fiscales et L. 621-9 du code monétaire et financier pour les visites réalisées par les agents de l’autorité des marchés financiers), mettant en évidence une plausible nécessité d’édiction d’une disposition légale ad hoc similaire pour protéger le secret professionnel en matière d’enquêtes diligentées par la DGCCRF dans le cadre de pratiques anti-concurrentielles,

-l’absence de protection légale a priori du juge des libertés et de la détention en la matière, n’est pas suppléée par le recours éventuel à la pratique du scellé fermé provisoire, laquelle ne fait pas intervenir un magistrat mais nécessite une réponse favorable et diligente de l’organe ayant procédé à la saisie, ce qui ne constitue pas nécessairement une pratique suffisamment protectrice des droits constitutionnels dont il est allégué ici l’atteinte,

-le juge des libertés et de la détention n’a, dans son pouvoir de contrôle du déroulement des saisies, aucune latitude pour imposer aux agents de la DGCCRF la mise en ‘uvre de la procédure de scellés provisoires, simplement optionnelle pour ces derniers,

-le type de lieu dans lequel se sont déroulées les perquisitions et saisies critiquées en l’espèce ne correspond pas à ceux protégés par les dispositions combinées des articles 56-1 et suivants du code de procédure pénale et L. 512-61 du code de la consommation (cabinet d’avocat, médecin, notaire, huissier de justice, entreprise de presse ou de communication audiovisuelle).

Par arrêt du 13 février 2024, la cour de cassation disait n’y avoir lieu à transmission de la QPC au Conseil constitutionnel faute de caractère sérieux. Elle jugeait que :

-en premier lieu, si selon l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, les correspondances échangées entre le client et son avocat sont, en toutes matières, couvertes par le secret professionnel, elles peuvent néanmoins être saisies dans le cadre des opérations de visite des lors qu’elles ne relèvent pas de l’exercice des droits de la défense ;

-en deuxième lieu, les dispositions critiquées, telles qu’interprétées par une jurisprudence constante, assurent un contrôle effectif du juge tout au long de la visite et lui permettent de régler les éventuels incidents portant notamment sur la saisie par l’administration des documents protégés par le secret des correspondances entre l’avocat et son client et relevant de l’exercice des droits de la défense, l’annulation de la saisie de tels documents interdisant rétroactivement a l’administration d’en faire état.

-enfin, l’utilisation par les enquêteurs de scellés provisoires, pratique autorisée par cette même jurisprudence, est de nature à faciliter ce contrôle en permettant un examen contradictoire des éléments saisis.

Par conclusions au fond du 23 mai 2024 soutenues à la barre, les sociétés du groupe SOS OXYGENE sollicitent l’annulation des ordonnances rendues par les JLD de Nice et Nanterre rendues sur commission rogatoire pour le second, en date respectivement des 13 et 17 octobre 2022.

Les appelantes soutiennent, notamment, que la demande d’autorisation de visites et saisies de la DREETS ne repose sur aucun élément concret, soulignant que le JLD n’a opéré aucun contrôle de la requête de l’administration et s’est contenté de reprendre les éléments versés par cette dernière.

Elles sollicitent par ailleurs l’annulation des opérations de visite et de saisie du 20 octobre 2022 à [Localité 6] dans les locaux des sociétés SAS SOS OXYGENE PARTICIPATIONS et SARL SOS OXYGENE ainsi que celles des 20 octobre et 13 décembre 2022 à [Localité 5] dans les locaux de la société SARL SOS OXYGENE ILE DE France NORD.

Les appelantes demandent par ailleurs au premier président d’annuler les opérations de mise sous scellé définitif ayant donné lieu à un procès-verbal de visite et de saisie en date du 13 décembre 2022 à la suite des opérations de visite ayant eu lieu le 20 octobre 2022 et d’ordonner la restitution immédiate de l’ensemble des documents saisis par les agents de la DGCCRF lors des opérations de visite et saisies ayant eu lieu les 20 octobre et 13 décembre 2022, ainsi que la restitution immédiate de l’ensemble des fichiers présents sous le scellé numérique définitif ayant donné lieu à un procès-verbal en date du 13 décembre 2022.

A cet égard, les sociétés du groupe SOS OXYGENE soutiennent que l’autorisation de procéder aux visites et saisies susvisées accordée par le JLD a un caractère disproportionné au regard des droits fondamentaux, dès lors que les appelantes ont toujours coopéré avec l’administration fiscale.

Elles invoquent encore une absence de garanties relatives au secret des correspondances avocat-client et au secret médical.

Enfin, les appelantes demandent la condamnation de la DREETS à verser à chacune des sociétés la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre la condamnation aux dépens.

Par conclusions au fond du 4 mars 2024 soutenues à la barre par l’intermédiaire de Monsieur [O]-[Y] [W], inspecteur de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes régulièrement mandaté par le directeur régional adjoint responsable du pôle C de P.A.C.A, la DREETS PACA sollicite le rejet des demandes formulées par les sociétés du groupe SOS OXYGENE et la confirmation, dans son intégralité, de l’ordonnance du JLD de Nice du 13 octobre 2022.

Elle fait valoir que l’ordonnance rendue se fonde sur des présomptions sérieuses d’infractions établies par un faisceau d’indices pertinents (courrier anonyme, dénonciation d’un pharmacien, abonnements à des rencontres sportives, factures de prestataires avec des montants très importants et dont la dénomination des biens ou prestations facturées’).

La DREETS PACA soutient également que le recours aux opérations de visite et saisie n’est pas disproportionné dès lors que les droits de la défense des sociétés du groupe SOS OXYGENE sont garantis par le contrôle du JLD tant au stade de l’autorisation que du contrôle des opérations de visite, puis susceptibles de recours devant le premier président.

Enfin, la DREETS PACA demande la condamnation des appelantes aux entiers dépens.

Par conclusions distinctes du même jour soutenues à la barre par l’intermédiaire de Monsieur [O]-[Y] [W], inspecteur de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes régulièrement mandaté par le directeur régional adjoint responsable du pôle C de P.A.C.A, la DREETS PACA sollicite également du premier président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence qu’il constate la régularité des opérations de visite et de saisie réalisées le 20 octobre et 13 décembre 2022.

Elle rappelle notamment que les saisies réalisées lors des opérations de visite ont un caractère proportionné au but poursuivi, dès lors que la recherche a été faite par mots-clés afin de circonscrire les données saisies au champ des pratiques infractionnelles recherchées et un examen des données numériques présentes dans chaque support a été mené préalablement à chaque saisie. Eu égard au secret médical et au secret des correspondances avocat-client, la DREETS PACA indique que les appelantes ont bénéficié à plusieurs reprises de la faculté de faire procéder à l’occultation des éléments protégés, notamment dans le cadre de la procédure du scellé fermé provisoire, mais qu’elles ne l’ont pas exercée.

En outre, la DREETS PACA fait valoir que l’absence d’intervention du JLD dans les détails des opérations n’est pas de nature à révéler un manque de contrôle de sa part, dès lors qu’il appartient à l’OPJ présent au cours desdites opérations de recueillir les observations des occupants des lieux pour les transmettre au JLD, ce qui a été réalisé en l’espèce.

Enfin, la DREETS PACA demande la condamnation des appelantes aux dépens.

Suivant avis du 7 mars 2024, le ministère public sollicite qu’il plaise à la cour de confirmer les ordonnances querellées.

Les débats clos le 6 juin 2024, la décision a été mise en délibéré au 14 août 2024.

MOTIFS DE LA DECISION:

I/ La jonction

Il y a lieu en application de la’rticle 367 du code de procédure civile d’ordonner la jonction des instances enregsitrées sous les numéros RG 22/15529 à joindre avec 22/15585, 22/15595, 22/15599 et 22/15613 et 23/1933 sous le numéro RG 22/15529.

II/ Sur l’appel contre l’ordonnance rendue par le JLD de Nice le 13 octobre 2022 (RG 22/15529)

Sur la recevabilité de l’appel :

La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance d’autoirsation du juge de slibertés et d ela détention n’ets pas contestée et les léméents du dossier ne font pas apparaître d’irrégularité.

L’appel est ainsi reecvable.

Sur le bien-fondé de l’appel :

Aux termes de l’article L. 512-51 du code de la consommation, pour la recherche et les constatation des infractions et du manquements mentionnées aux articles L. 511-2 et L. 511-7 et des infraction du livre IV, les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de catégories A et B peuvent, sur demande du ministre chargé de l’économie, procéder à des opérations de visite et de saisie en tout lieux.

Selon les articles L. 512-63 et L. 512-64 du même code et après décision du juge des libertés et de la détention autorisant de telles visites et saisies, la personne à l’encontre de laquelle l’ordonnance mentionnée de l’article L/ 512-52 a été prise peut en interjeter appel devant le premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle le juge a autorisé la mesure, suivant les règles prévues par le code de procédure pénale.

L’appel est formé par déclaration au greffe du tribunal judiciaire dans un délai de dix jours à compter de la notification de l’ordonnance.

Il n’est pas suspensif.

L’ordonnance du premier président de la cour d’appel est susceptible d’un pourvoi en cassation, selon les règles prévues par le code de procédure pénale.

Les pièces saisies sont conservées jusqu’à ce qu’une décision soit devenue définitive.

Le déroulement des opérations de visite et de saisies peut faire l’objet d’un recours devant le premier président de ka cour d’appel dans le ressort de laquelle le juge a autorisées ces dernières, suivant les regèles prévues par le code de procédure pénale.

La personne à l’encontre de laquelle l’ordonnance a été prise et les personnes mises en cause par les pièces saisies au cours de ces opérations peuvent former un recours.

Ce recours est formé par déclaration au greffe du tribunal judiciaire dans un délai de dix jours à compter de la remise ou de la réception du procès-verbal et de l’inventaire ou, pour les personnes n’ayant pas fait l’objet de visite et de saisies et qui sont mises en cause, à compter de la date à laquelle elles ont reçu notification du procès-verbal et de l’inventaire.

Le recours n’est pas suspensif.

L’ordonnance du premier président de la cour d’appel est susceptible d’un pourvoi en cassation, selon les règles prévues par le code de procédure pénale.

Les pièces saisies sont conservées jusqu’à ce qu’une décision soit devenue définitive.

Sur l’absence de contrôle du JLD :

En vertu de l’article L. 512-52 du code de la consommation, chaque visite est autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter.
Lorsque ces lieux sont situés dans le ressort de plusieurs juridictions et qu’une action simultanée doit être menée dans chacun d’eux, une ordonnance unique peut être délivrée par l’un des juges des libertés et de la détention compétents.
Le juge vérifie que la demande d’autorisation qui lui est soumise est fondée. Cette demande comporte les éléments d’information en possession de l’administration de nature à justifier la visite.
Le juge désigne le chef du service qui doit nommer les officiers de police judiciaire chargés d’assister à ces opérations et d’apporter leur concours en procédant, le cas échéant, aux réquisitions nécessaires. Ces officiers de police judiciaire tiendront le juge informé du déroulement des opérations.

Le juge qui autorise une visite et une saisie à la requête de l’administration contrôlant le respect des règles de concurrence doit exercer son contrôle en vérifiant de manière concrète, par l’appréciation des éléments d’information que cette administration est tenue de lui fournir, que la demande d’autorisation qui lui est soumise est bien fondée.

Il est soutenu par les appelantes que la demande d’autorisation n’établissant pas la présomption sérieuse d’une existence d’une infraction, l’exigence de contrôle judiciaire n’a pas été satisfaite.

Cependant, les appelants ne mettent en exergue aucune motivation stéréotypée de la part du premier juge, ni une reprise in extenso de la requête, tant et si bien qu’il doit être considéré alors que le premier juge a opéré son contrôle, devant conduire au rejet de ce moyen.

Sur l’absence de présomptions sérieuses d’existence d’une infraction :

Il résulte du renvoi fait par l’article L. 512-52 du code de la consommation précité aux dispositions des articles L. 511-5 et 7 du même code que, de telles visites domiciliaires ne sont pas automatiquement liées à la constatation d’infractions, même si ce peut être le cas, mais aussi à de simples manquements civils aux informations précontractuelles et pratiques commerciales trompeuses.

Dès lors, il est constant qu’au stade de la requête présentée au juge des libertés et de la détention, l’administration n’a pas à rapporter la preuve de la commission d’infractions, elle doit seulement justifier de présomptions de pratiques suspectées rendant nécessaire l’opération de visite domiciliaire.

En l’espèce, en premier lieu, même si un courrier anonyme serait bien mince à lui seul pour constituer le faisceau d’indices de la présomption recherchée, il peut servir de source d’information comme point de départ d’une enquête. Son contenu est d’ailleurs assez explicite sur le fait que les pratiques imputées aux sociétés appelantes pourraient constituer des pratiques constitutives d’avantages contraires aux dispositions des articles L. 1453-5 et 1453-6 du code de la santé publique.

Par ailleurs, ce premier élément était corroboré par la dénonciation d’un pharmacien aux termes de laquelle des médecins s’opposeraient aux délivrances d’ordonnances à des patients n’optant

pas pour les prestataires de santé indiqués, laquelle pouvait légitimement a minima conduire l’administration à en vérifier la fiabilité via des investigations complémentaires.

En outre, il ne ressortait pas intrinsèquement de la facture d’achat de gaz à destination d’un hôpital du Val de Marne par l’une des sociétés appelantes qu’elle soit licite, un tel procédé pouvant parfaitement nourrir l’un des avantages prohibés en l’espèce.

Enfin, les pratiques de cadeaux divers et variés relevés par l’administration pouvaient légitimement nourrir à ses yeux le fondement de pratiques anticoncurrentielles prohibées, dont la présomption pouvait suffire. Il en va ainsi des abonnements à des rencontres sportives, dont rien n’établissait qu’ils n’étaient pas aussi, au moins partiellement, destinés à profiter aux professionnels de santé. Il en va de même pour les factures de champagne, dont certaines anciennes datant de 2020, lesquelles pouvaient constituer des cadeaux prohibés comme avantages illicites, même avant l’ordonnance n°2017-49 du 19 janvier 2017, prévus par les anciens articles L. 4113-6 et L. 4163-2 du code de santé publique.

Il ressortait donc de l’ensemble de ces éléments un faisceau d’indices permettant d’accréditer la pertinente analyse du premier juge.

Ce moyen doit donc être rejeté.

Il convient en conséquence de confirmer l’ordonnance entreprise par le premier juge niçois du 13 octobre 2022.

III/ Sur les recours formés contre les opérations de visite et de saisie des 20 ocotobre et 13 décembre 2022 (RG 22/15585, 15595, 15599, 15/613, 23/1933) :

Sur la recevabilité des recours :

La recevabilité des appels contre les procès-verbaux des opérations de visite et de saisie des 20 octobre et 13 décembre 2022 n’est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d’irrégularité.

Les appels sont ainsi recevables.

Sur la proportionnalité de la mesure autorisée :

Aux termes de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme : ‘Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance’.

Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

La présomption de commission d’une infraction ou d’une atteinte anticoncurrentielle doit être suffisante pour que l’atteinte aux droit fondamentaux que constitue une visite domiciliaire soit proportionnée aux craintes objectives de l’administration et à l’ampleur ou la complexité du processus frauduleux et l’article 8 précité impose un contrôle de proportionnalité de la mesure.

A cet égard, la cour rappelle que la recherche d’autres moyens d’investigation n’est pas exigée par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, la Cour européenne exigeant seulement que la législation et la pratique en la matière offrent des garanties suffisantes contre les abus lorsque les Etats estiment nécessaire de recourir à des mesures de visite domiciliaire pour établir la preuve matérielle des délits, notamment de fraude fiscale, et en poursuivre le cas échéant les auteurs.

Aucun texte ne subordonne la saisine de l’autorité judiciaire, pour l’application des dispositions des articles L. 512-52 et suivants du code de la consommation, à l’impossibilité de recourir à d’autres procédures de contrôle.

Le premier président, statuant en appel, apprécie l’existence des présomptions d’infraction ou d’atteinte anticoncurrentielle, sans avoir à justifier autrement la proportionnalité de la mesure qu’il confirme.

Dès lors qu’existent des présomptions d’agissements contraires aux dispositions légales précitées, la procédure de visite domiciliaire est justifiée en ce qu’elle permet de rechercher la preuve des agissements supposés et ainsi d’accéder à des documents de gestion quotidienne de l’entreprise ou relatifs à l’organisation interne, que l’entreprise assujettie n’a pas l’obligation de remettre dans le cadre d’une procédure de contrôle classique. Ces présomptions sont suffisantes pour que l’atteinte aux droits fondamentaux qu’apporte une visite domiciliaire apparaisse proportionnée aux craintes objectives de l’administration et à l’ampleur ou la complexité du processus frauduleux, et pour que le juge des libertés et de la détention estime, au vu des documents produits et examinés, que la mesure autorisée soit elle-même proportionnée au but recherché conformément à l ‘article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, aucun texte ne faisant obligation à l’administration de justifier de son choix de recourir à la procédure articles L. 512-52 et suivants du code de la consommation.

En l’espèce, la cour observe que les appelants ne prennent pas même la peine d’indiquer à la cour quel(s) acte(s) préalable(s) l’administration aurait dû réaliser avant de procéder aux opérations de visites et de saisies contestées.

Mais surtout, la cour observe que le groupe SOS OXYGENE est malvenu de se plaindre d’une atteinte portée à sa vie privée alors que manifestement il s’était préparé et organisé au contrôle en amont, n’ayant pas manqué de diffuser des consignes écrites en interne (pièce 19 scellé 1 du procès-verbal de visite et de saisie des 20 et 21 octobre 2022).

Il convient en conséquence d’écarter purement et simplement ce moyen jugé non sérieux.

Sur l’absence de garanties relatives au secret médical et au secret des correspondances avocat-client :

En vertu de l’article 66-5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères, les notes d’entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel.

Au sens de la pénalisation de sa violation par l’article 226-13 du code pénal, le secret médical s’impose à toute personne qui en est dépositaire, soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire. Il s’applique ainsi aux correspondances entre un professionnel de santé telle qu’une entreprise pharmaceutique et des personnes dévoilant leur identité et une pathologie à cette dernière.

Dès lors en l’espèce que la cour de cassation a repoussé le caractère sérieux de la question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été déférée dans le cadre de la présente instance aux motifs notamment que la pratique des scellés provisoires aux enquêteurs facilite le contrôle du juge et que la saisine du premier président de la cour d’appel représente une garantie a posteriori de la saisie prétendument attentatoire à ces secrets, les appelants n’ayant pas opposé la première aux enquêteurs et utilisé la seconde par le recours présentement intenté, ce moyen doit être aussi écarté comme non fondé.

L’ensemble des moyens étant écarté, il y a lieu de rejeter les recours contre les opérations de visite et saisie, ainsi que toutes les demandes subséquentes des appelants.

IV Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Les appelants qui succombent au litige seront déboutés de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les appelants supporteront les dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement,

Ordonnons la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG 22/15529 à joindre avec 22/15585, 22/15595, 22/15599, 22/15613 et 23/1933 sous le numéro RG 22/15529 ;

Déclarons recevable l’appel formés par les sociétés SOS OXYGENE PARTICIPATIONS, SOS OXYGENE et SOS OXYGENE ILE DE FRANCE NORD contre l’ordonnance d’autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nice en date du 13 octobre 2022 ;

Déclarons recevables les appels formés par les sociétés SOS OXYGENE PARTICIPATIONS, SOS OXYGENE et SOS OXYGENE ILE DE FRANCE NORD contre les opérations de visite et de saisie réalisées les 20 octobre et 13 décembre 2022 ;

Confirmons l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nice en date du 13 octobre 2022 ;

Rejetons les recours formés contre les opérations de visite et de saisie réalisées les 20 octobre et 13 décembre 2022 et écartons toutes les demandes d’annulation afférentes à ces opérations, ainsi que toute autre demande des sociétés SOS OXYGENE PARTICIPATIONS, SOS OXYGENE et SOS OXYGENE ILE DE FRANCE NORD ;

Déboutons les sociétés SOS OXYGENE PARTICIPATIONS, SOS OXYGENE et SOS OXYGENE ILE DE FRANCE NORD de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons les sociétés SOS OXYGENE PARTICIPATIONS, SOS OXYGENE et SOS OXYGENE ILE DE FRANCE NORD aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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