Contrefaçon Hermès en boutique : quelle juridiction est compétente ?
Contrefaçon Hermès en boutique : quelle juridiction est compétente ?
Ce point juridique est utile ?

En présence d’une contrefaçon en boutique, le tribunal du siège social de la société exploitant la boutique est seul compétent, il convient donc de se référer aux mentions du siège social telles que figurant au registre du commerce. 

Contrefaçon en boutique : la compétence territoriale :

Il résulte de l’article 42 du code de procédure civile que la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur. S’il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l’un d’eux.

En application de l’article 43 du même code, le lieu où demeure le défendeur s’entend :

— s’il s’agit d’une personne physique, du lieu où celle-ci a son domicile ou à défaut, sa résidence,

— s’il s’agit d’une personne morale, du lieu où celle-ci est établie

Adresse de boutique conforme au RCS 

En l’espèce, d’une part, la gérante de la boutique incriminée ne peut prétendre ne pas être domiciliée à Marseille dès lors que l’extrait d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés de la société dont elle est la gérante mentionne bien son adresse.

La circonstance que la gérante réside à une autre adresse au titre d’un contrat de location meublé, notamment pour les besoins de l’exploitation d’une autre boutique située sur la même commune, est insuffisante à attester qu’elle n’aurait plus de domicile à Marseille. 

L’astuce de la société « en sommeil »

A cet égard, la gérante ne peut invoquer le fait que la société serait une société « en sommeil » dès lors que cette affirmation n’est étayée par aucune pièce, et est au contraire contredite par les mentions de la sommation interpellative effectuée par voie d’huissier de justice à la demande de la société Hermès Sellier, par lesquelles la gérante atteste par sa signature se présenter comme la gérante de la société.

Enfin, la gérante qui prétend également, sans le prouver, exploiter la boutique en son nom propre, n’a communiqué aux débats aucun élément attestant d’une immatriculation ou enregistrement à ce titre s’agissant d’une activité commerciale, de sorte que la société figurant aux registres du Greffe peut utilement être considérée au moment de la délivrance de l’assignation comme la société exploitant la boutique en cause et la personne poursuivie comme sa gérante en l’absence de mentions rectificatives portées à l’extrait d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés.


COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT

DU 20 OCTOBRE 2022

N° 2022/

N° RG 22/05694 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJH37

[T] [C]

S.A.S. AGFZ

C/

S.C.A. HERMES INTERNATIONAL

S.A.S. HERMES SELLIER

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Romain CHERFILS

Me Chloé LANCESSEUR

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire de MARSEILLE en date du 22 Mars 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 21/08293.

APPELANTES

Madame [T] [C]

née le 31 Octobre 1978 à [Localité 6] (13), de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Pascal-Alexis LUCIANI, avocat au barreau de GRASSE

S.A.S. AGFZ, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social, sis [Localité 2]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Pascal-Alexis LUCIANI, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEES

S.A.S. HERMES INTERNATIONAL prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, sis [Adresse 1]

représentée par Me Chloé LANCESSEUR, avocat au barreau d’AIX-EN- PROVENCE, assistée de Me Pascal LEFORT, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Mathilde SUZE, avocat au barreau de PARIS, plaidant

S.C.A. HERMES SELLIER prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, sis [Adresse 1]

représentée par Me Chloé LANCESSEUR, avocat au barreau d’AIX-EN- PROVENCE, assistée de Me Pascal LEFORT, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Mathilde SUZE, avocat au barreau de PARIS, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 08 Septembre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2022,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 10 septembre 2021 la SCA Hermès International et la SAS Hermès Sellier ont assigné Mme [T] [C] et la société AGFZ devant le tribunal judiciaire de Marseille en contrefaçon de ses droits d’auteur et de marque ainsi qu’en concurrence déloyale et parasitaire, afin d’obtenir la cessation des ventes de sacs argués de contrefaçon, leur destruction outre la réparation de leurs préjudices.

Mme [T] [C] et la société AGFZ ont saisi, par conclusions du 22 novembre 2021, le juge de la mise en état d’une exception d’incompétence au profit du tribunal de proximité de [Localité 9] et [Localité 7] près le tribunal judiciaire de Basse-Terre en faisant valoir notamment que la société AGFZ était une société en sommeil, qui n’avait aucun lien de droit avec le titulaire du bail du local commercial au sein duquel est exploitée la boutique « Mamour de Saint Barth», elle-même située sur le territoire de [Localité 7], et que Mme [T] [C] n’est pas domiciliée à [Localité 2].

Par ordonnance en date du 22 mars 2022 le juge de la mise en état a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par Mme [T] [C] et les a condamnées in solidum aux dépens.

— —————

Par acte du 15 avril 2022 Mme [T] [C] et la société AGFZ ont interjeté appel de l’ordonnance et ont saisi la cour d’appel d’Aix-en-Provence d’une requête afin d’être autorisées à assigner à jour fixe.

Ainsi, le 19 mai 2022 Mme [T] [C] et la société AGFZ ont assigné la SCA Hermès International et la SAS Hermès Sellier devant la cour pour l’audience du 8 septembre 2022.

— —————-

Par conclusions enregistrées le 4 août 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, la société AGFZ et Mme [T] [C] font valoir que :

— au visa des articles 42 et 43 du code de procédure civile, le tribunal judiciaire de Marseille n’est pas compétent territorialement dès lors que Mme [T] [C] n’est pas domiciliée à [Localité 2] mais sur le territoire de [Localité 7], et que la société AGFZ est une société en sommeil qui ne possède aucune enseigne, ni aucun nom commercial « Mamour de Saint Barth »,

— selon bail dérogatoire conclu le 1er janvier 2021 Mme [T] [C] a pris à bail un local commercial à [Localité 7] afin d’exploiter la boutique « Mamour de Saint Barth » en son nom propre,

— la société AGFZ n’a aucun lien de droit avec le titulaire du bail du local commercial au sein duquel est exploitée la boutique « Mamour de Saint Barth » et ne possède aucun autre établissement hormis un commerce situé à [Localité 4] exerçant sous l’enseigne « La Galerie »,

— toutes les correspondances ont été adressées à la boutique de [Localité 7]

Les appelantes demandent ainsi à la cour de réformer l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état et de juger le tribunal judiciaire de Marseille incompétent au profit du tribunal judiciaire de Fort-de-France.

Elles sollicitent en outre la condamnation solidaire de la SCA Hermès International et de la SAS Hermès Sellier à leur verser la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre leur condamnation aux entiers dépens dont distraction.

— —————–

Par conclusions enregistrées le 22 juillet 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, la SCA Hermès International et la SAS Hermès Sellier répliquent que :

— la compétence territoriale du tribunal judiciaire de Marseille est justifiée tant par la domiciliation de Mme [T] [C] à Marseille que par la domiciliation de la société AGFZégalement à Marseille, tel que cela ressort de son extrait kbis,

— les appelantes affirment que la société AGFZ serait en sommeil, sans pour autant le démontrer,

— les liens entre la boutique « Mamour de Saint Barth » et la société AGFZ ressortent de différents éléments du dossier, tels que rappelés par le juge de la mise en état, et notamment de la sommation interpellative et du courrier officiel de leur avocat,

— l’extrait kbis de la société AGFZ atteste que Mme [T] [C] est toujours domiciliée à [Localité 2] et ne fait pas mention de la cessation d’activité de la société,

— Mme [T] [C] affirme exercer en nom propre mais ne justifie d’aucun extrait d’immatriculation à ce titre,

— les arguments soulevés par les appelantes sont purement dilatoires

Les sociétés intimées demandent ainsi à la cour de confirmer l’ordonnance du juge de la mise en état et en conséquence, de :

— rejeter l’exception d’incompétence soulevée par Mme [T] [C] et la société AGFZ,

— débouter Mme [T] [C] et la société AGFZ de leurs demandes incidentes,

— déclarer le tribunal judiciaire de Marseille compétent pour connaître du litige porté à son appréciation,

— condamner solidairement Mme [T] [C] et la société AGFZ à leur verser la somme de 5.000 euros chacune en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens

— —————

L’affaire a été retenue à l’audience du 8 septembre 2022 et mise en délibéré au 20 octobre 2022.

MOTIFS

Sur la compétence territoriale :

Il résulte de l’article 42 du code de procédure civile que la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur. S’il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l’un d’eux.

En application de l’article 43 du même code, le lieu où demeure le défendeur s’entend :

— s’il s’agit d’une personne physique, du lieu où celle-ci a son domicile ou à défaut, sa résidence,

— s’il s’agit d’une personne morale, du lieu où celle-ci est établie

En l’espèce, d’une part, Mme [T] [C] ne peut prétendre ne pas être domiciliée à Marseille dès lors que l’extrait d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés de la société AGFZ dont elle est la gérante mentionne une adresse au [Localité 2]) à la date du 18 novembre 2021, étant rappelé que l’assignation au fond a été délivrée le 10 septembre 2021.

La circonstance que Mme [T] [C] réside à une autre adresse au titre d’un contrat de location meublé situé à [Adresse 8], notamment pour les besoins de l’exploitation de sa boutique « Mamour de Saint Barth », située sur la même commune, est insuffisante à attester qu’elle n’aurait plus de domicile à [Localité 4].

D’autre part, la société AGFZ est elle-même domiciliée à [Adresse 5]) au regard du même extrait kbis produit aux débats.

A cet égard, les appelantes ne peuvent invoquer le fait que la société AGFZ serait une société « en sommeil » dès lors que cette affirmation n’est étayée par aucune pièce, et est au contraire contredite par les mentions de la sommation interpellative effectuée le 15 avril 2021 par voie d’huissier de justice à la demande de la société Hermès Sellier, par lesquelles Mme [T] [C] atteste par sa signature se présenter comme la gérante de la société AGFZ à l’enseigne « Mamour de Saint Barth ».

Ces affirmations sont également contredites par les termes du courrier officiel de Maître [Z] [G] en date du 11 mai 2021 par lequel celui-ci se présente comme le « Conseil de la société AGFZ exploitant l’enseigne MAMOUR DE SAINT BARTH, représentée par sa Gérante en exercice, Madame [T] [C] », étant observé qu’à cette date, ni la domiciliation des intéressées, ni les liens existant entre la boutique « Mamour de Saint Barth », la société AGFZ et Mme [T] [C] ne sont discutés, le débat portant exclusivement sur la réalité des contrefaçons reprochées à cette boutique au titre de la commercialisation de sacs.

Enfin, Mme [T] [C] qui prétend également, sans le prouver, exploiter la boutique « Mamour de Saint Barth » en son nom propre, n’a communiqué aux débats aucun élément attestant d’une immatriculation ou enregistrement à ce titre s’agissant d’une activité commerciale, de sorte que la société AGFZ peut utilement être considérée au moment de la délivrance de l’assignation comme la société exploitant la boutique susvisée et Mme [C] comme sa gérante en l’absence de mentions rectificatives portées à l’extrait d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés.

En conséquence, l’ordonnance déférée sera confirmée en toutes ses dispositions.

Sur les frais et dépens :

La société AGFZ et Mme [T] [C] conserveront in solidum la charge des entiers dépens de la procédure d’appel, recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile, et seront tenues in solidum de régler à la SCA Hermès International et à la SAS Hermès Sellier chacune la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 22 mars 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Marseille,

Y ajoutant,

Condamne in solidum la société AGFZ et Mme [T] [C] aux entiers dépens de la procédure d’appel, recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la société AGFZ et Mme [T] [C] à payer à la SCA Hermès International et à la SAS Hermès Sellier, chacune, la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l’appel.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT


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