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L’éventualité d’actes de contrefaçons et la question connexe de concurrence déloyale dès lors qu’ils sont évoquées, emportent la compétence matérielle du Tribunal judiciaire pour connaître du présent litige sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.
L’article 145 du code de procédure civile dispose, enfin, que « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. ». A ce titre, la Cour de cassation a précisé qu’ « est seul compétent pour ordonner, sur le fondement de l’article 145, une mesure d’instruction liée de façon indissociable à des actes de contrefaçon de marque le président du TGI, dont le juge a compétence exclusive pour connaitre au fond de l’affaire mettant en cause tant des actes de concurrence déloyale que de contrefaçon de marque » (Com. 20 nov. 2012, n°11-23.216). Il résulte de l’article L716-1 du Code de la propriété intellectuelle que « L’atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. ». L’action en contrefaçon et en concurrence déloyale est fondée sur le droit de la responsabilité délictuelle. En outre, pour ordonner une mesure d’instruction, le juge doit caractériser l’existence d’un litige potentiel susceptible d’opposer les parties; il est constant que le préjudice s’infère nécessairement d’un acte de concurrence déloyale. |
→ Résumé de l’affaireL’affaire concerne la cession de gré à gré du fonds de commerce de la société [Localité 5] INTERNATIONAL à la société SNESV, suite à sa liquidation judiciaire. La SNESV a mis en demeure la société GROUPE COMPTOIR de justifier la licéité de ses approvisionnements en vaisselle, suspectant une contrefaçon des articles vendus. Une mesure d’instruction a été ordonnée pour vérifier les faits. La société GROUPE COMPTOIR a contesté cette demande et a demandé la rétractation de l’ordonnance sur requête. Les deux affaires ont été jointes et sont en attente de délibéré.
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→ Les points essentielsMOTIFS DE LA DECISIONSur la compétence du président du Tribunal judiciaireL’article L 721-3 du code de commerce prévoit que les tribunaux de commerce ont compétence pour traiter des contestations relatives aux engagements entre commerçants, artisans, établissements de crédit, sociétés de financement, et autres. Sur le défaut d’actes de contrefaçonLes articles du Code de la propriété intellectuelle définissent clairement ce qu’est une contrefaçon de marque et les interdictions qui en découlent. Il est important de respecter les droits attachés à une marque pour éviter toute atteinte à ces droits. Sur le défaut de justification des droits de propriété intellectuelle de la SNESVLa SNESV a justifié de ses droits de propriété intellectuelle par un acte de cession entre [Localité 5] INTERNATIONAL et la SNESV, démontrant ainsi sa légitimité à agir en cas de contrefaçon. Sur la compétence du Tribunal judiciaireLa compétence du Tribunal judiciaire de Rennes est retenue pour connaître du litige sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, en raison des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale allégués. Sur l’existence d’une “saisie-contrefaçon déguisée”La société GROUPE COMPTOIR est déboutée de sa demande de rétractation de l’ordonnance sur requête au motif d’une saisie-contrefaçon irrégulière, car les opérations du commissaire de justice ne correspondaient pas à une saisie-contrefaçon. Sur l’absence de réunion des conditions de la mesure d’instruction in futurumLa mesure d’instruction demandée par la SNESV est fondée sur un motif légitime et circonscrite dans le temps et dans son objet, justifiant ainsi son utilité dans la perspective d’une action en réparation au fond. Sur la demande de désignation d’un expert judiciaire et de mise sous séquestreFaute de production du procès-verbal de saisie du commissaire de justice, la juridiction ne peut se prononcer sur la nécessité de désigner un expert judiciaire et de mettre sous séquestre. Sur la demande de modification de la requête de la SNESVLa demande de modification de la requête de la SNESV est rejetée, car rien ne justifie une telle modification après son exécution. Sur les demandes accessoiresLa société GROUPE COMPTOIR supportera les dépens de l’instance et sera condamnée à verser à la SNESV la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Les montants alloués dans cette affaire: – La société GROUPE COMPTOIR est condamnée à verser à la SNESV la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
– La société GROUPE COMPTOIR est condamnée aux entiers dépens de l’instance |
→ Réglementation applicable– Code de commerce
– Code de la propriété intellectuelle – Code de procédure civile Article L 721-3 du code de commerce: Article L711-1 du Code de la propriété intellectuelle: Article L716-4 du Code de la propriété intellectuelle: Article L713-2 du Code de la propriété intellectuelle: Article L713-3 du Code de la propriété intellectuelle: Article L712-2 du Code de la propriété intellectuelle: Article L716-5 II. du Code de la propriété industrielle: Article 145 du code de procédure civile: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Stéphane BOURDAIS
– Me Stéphanie PRENEUX |
→ Mots clefs associés & définitions– Compétence du président du Tribunal judiciaire
– Actes de contrefaçon – Marque de produits ou de services – Atteinte aux droits du titulaire de la marque – Interdictions d’usage dans la vie des affaires – Renommée de la marque – Actes et usages interdits – Introduction de produits sur le territoire national – Risque d’atteinte aux droits du titulaire de la marque – Acquisition de la propriété de la marque par l’enregistrement – Justification des droits de propriété intellectuelle – Compétence du Tribunal judiciaire – Mesures d’instruction – Saisie-contrefaçon déguisée – Motif légitime de conserver ou d’établir la preuve – Litige potentiel entre les parties – Mesure d’instruction non contradictoire – Proportion des mesures au but poursuivi – Demande de désignation d’un expert judiciaire et de mise sous séquestre – Modification de la requête de la SNESV – Dépens de l’instance – Indemnité de 1500 euros conformément à l’article 700 du Code de procédure civile – Compétence du président du Tribunal judiciaire: autorité du président du Tribunal judiciaire pour traiter certaines affaires liées à la contrefaçon de marques
– Actes de contrefaçon: actions qui portent atteinte aux droits du titulaire d’une marque en reproduisant ou imitant celle-ci sans autorisation – Marque de produits ou de services: signe distinctif permettant d’identifier des produits ou services sur le marché – Atteinte aux droits du titulaire de la marque: violation des droits de propriété intellectuelle d’une personne sur sa marque – Interdictions d’usage dans la vie des affaires: restrictions sur l’utilisation d’une marque dans le cadre des activités commerciales – Renommée de la marque: notoriété et réputation d’une marque sur le marché – Actes et usages interdits: actions et pratiques prohibées en matière de marques – Introduction de produits sur le territoire national: mise en circulation de produits sur le marché national – Risque d’atteinte aux droits du titulaire de la marque: possibilité de porter préjudice aux droits de propriété intellectuelle d’une personne sur sa marque – Acquisition de la propriété de la marque par l’enregistrement: obtention des droits de propriété sur une marque par le biais de son enregistrement – Justification des droits de propriété intellectuelle: démonstration de la légitimité des droits de propriété intellectuelle sur une marque – Compétence du Tribunal judiciaire: autorité du Tribunal judiciaire pour juger les litiges liés aux marques – Mesures d’instruction: actions prises pour recueillir des preuves ou des informations dans le cadre d’une affaire – Saisie-contrefaçon déguisée: mesure permettant de saisir des produits contrefaits sans en informer préalablement le contrevenant – Motif légitime de conserver ou d’établir la preuve: raison valable de conserver ou d’établir des preuves dans le cadre d’un litige – Litige potentiel entre les parties: conflit éventuel entre les parties concernant les droits sur une marque – Mesure d’instruction non contradictoire: mesure prise sans consultation préalable des parties concernées – Proportion des mesures au but poursuivi: adéquation des mesures prises par rapport à l’objectif recherché – Demande de désignation d’un expert judiciaire et de mise sous séquestre: requête visant à nommer un expert et à placer des biens sous séquestre dans le cadre d’une affaire – Modification de la requête de la SNESV: changement apporté à la demande de la SNESV – Dépens de l’instance: frais engagés lors d’une procédure judiciaire – Indemnité de 1500 euros conformément à l’article 700 du Code de procédure civile: compensation financière accordée selon les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N°
Du 31 mai 2024
N° RG 23/00542 – N° Portalis DBYC-W-B7H-KO3Q
79B
c par le RPVA
le
à
Me Stéphane BOURDAIS, Me Stéphanie PRENEUX
– copie dossier
Expédition et copie executoire délivrée le:
à
Me Stéphane BOURDAIS,
Expédition délivrée le:
à
Me Stéphanie PRENEUX
Cour d’appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
OR D O N N A N C E
DEMANDEUR AU REFERE:
S.A.S.U. GROUPE COMPTOIR, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Stéphanie PRENEUX, avocat au barreau de RENNES
DEFENDEUR AU REFERE:
S.A.S.U. SOCIETE NOUVELLE D’EXPLOITATION SNESV VAISSELLE, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Stéphane BOURDAIS, avocat au barreau de RENNES
LE PRESIDENT: Béatrice RIVAIL, Présidente du tribunal judiciaire
LE GREFFIER: Claire LAMENDOUR, greffier, lors des débats et lors du prononcé par mise à disposition au greffe, qui a signé la présente ordonnance.
DEBATS: à l’audience publique du 20 Mars 2024,
ORDONNANCE: contradictoire , prononcée par mise à disposition au Greffe des référés le 31 mai 2024, date prorogée à celle indiquée à l’issue des débats
VOIE DE RECOURS: Cette ordonnance peut être frappée d’appel devant le greffe de la Cour d’Appel de RENNES dans les 15 jours de sa signification en application des dispositions de l’article 490 du code de procédure civile.
L’appel de cette décision n’est cependant pas suspensif de son exécution.
Par suite, l’affaire a été mise en délibéré finalement au 31 mai 2024, des pièces complémentaires ayant été transmises en cours de délibéré, sur demande du juge des référés.
Il ressort de la comparaison du procès-verbal du commissaire de justice dressé le 29 mars 2023 (pièce n°7) portant sur le catalogue et le site internet GROUPE COMPTOIR, et du catalogue SARREGUIMES (pièce n°5), que concernant le compotier CAFETERIA, les produits vendus par la société GROUPE COMPTOIR ont une désignation identique et une dimension identique, et ce dans les trois formats, à ceux commercialisés par la SNESV.
Concernant le ravier CAFETERIA, les produits vendus par la société GROUPE COMPTOIR et la SNESV ont également une désignation identique et une dimension identique.
En outre, il résulte des photographies versées aux débats par la SNESV, que sur les colis envoyés par la société GROUPE COMPTOIR, portant sur des commandes de raviers et de compotiers CAFETERIA, figure la mention suivante : « Fabriqué en Chine, importé par : [Adresse 4] (pièces n°12 à 15).
Or, il est soutenu par la SNESV que ni la société [Localité 5] INTERNATIONAL, ni la SNESV n’ont été en relation d’affaire avec la société EFFICIENCE.
Au surplus, la SNESV souligne la fourniture en masse par la société GROUPE COMPTOIR d’articles prétendument d’origine « [Localité 5] » et/ou imitant les produits « [Localité 5] », alors même que la société [Localité 5] INTERNATIONAL était placée en redressement judiciaire et avait cessé toute activité, et que la société GROUPE COMPTOIR n’avait pas contracté avec la SNESV pour la fourniture de nouveaux produits, corroborant ainsi l’hypothèse d’actes de contrefaçon.
* Sur le défaut de justification des droits de propriété intellectuelle de la SNESV :
L’article L712-2 du Code de la propriété intellectuelle indique que : « La propriété de la marque s’acquiert par l’enregistrement. »
En l’espèce, la SNEVS verse aux débats l’acte de cession de gré à gré entre [Localité 5] INTERNATIONAL et la SNESV en date du 20 octobre 2022, aux termes duquel il résulte que la SNESV détient l’ensemble des droits de propriété intellectuelle et/ou commerciales de la SAS [Localité 5] INTERNATIONAL, dont les marques, les dessins et modèles (pièce n°4).
Dès lors, la SNESV justifie ainsi de ses droits de propriété intellectuelle.
* Sur la compétence du Tribunal judiciaire :
L’article L716-5 II. du Code de la propriété industrielle précise que, « les autres actions civiles et les demandes relatives aux marques, autres que celles mentionnées au I, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire. »
L’article 145 du code de procédure civile dispose, enfin, que « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. ».
A ce titre, la Cour de cassation a précisé qu’ « est seul compétent pour ordonner, sur le fondement de l’article 145, une mesure d’instruction liée de façon indissociable à des actes de contrefaçon de marque le président du TGI, dont le juge a compétence exclusive pour connaitre au fond de l’affaire mettant en cause tant des actes de concurrence déloyale que de contrefaçon de marque » (Com. 20 nov. 2012, n°11-23.216).
En l’espèce, l’éventualité d’actes de contrefaçons et la question connexe de concurrence déloyale sont évoquées par la requérante, de sorte qu’il convient de retenir la compétence matérielle du Tribunal judiciaire de Rennes pour connaître du présent litige sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.
Sur l’existence d’une “saisie-contrefaçon déguisée” :
Aux termes de l’article L615-5 du Code de propriété intellectuelle, « La contrefaçon peut être prouvée par tous moyens.
A cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d’experts désignés par le demandeur, en vertu d’une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d’échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou procédés prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s’y rapportant. L’ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux produits ou procédés prétendus contrefaisants en l’absence de ces derniers.
La juridiction peut ordonner, aux mêmes fins probatoires, la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour fabriquer ou distribuer les produits ou pour mettre en œuvre les procédés prétendus contrefaisants.
Elle peut subordonner l’exécution des mesures qu’elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du défendeur si l’action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou la saisie annulée.
A défaut pour le demandeur de s’être pourvu au fond, par la voie civile ou pénale, dans un délai fixé par voie réglementaire (article R615-3 CPI : 20 jours ouvrables ou 31 jours civils à compter de l’ordonnance), l’intégralité de la saisie, y compris la description, est annulée à la demande du saisi, sans que celui-ci ait à motiver sa demande et sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés. »
En outre, le grief tiré de l’exécution d’une saisie-contrefaçon déguisée ne peut être retenu qu’autant qu’il est établi que l’huissier s’est livré à des opérations relevant des pouvoirs exorbitants propres à la saisie contrefaçon (Cour d’appel de Paris, 30 septembre 2016, RG n°15-22.360).
En l’espèce, la société GROUPE COMPTOIR fait valoir que la requête de la SNESV est en réalité une saisie-contrefaçon qui ne porte pas son nom. En effet, elle indique que l’ordonnance sur requête en date du 09 juin 2023, prévoit au titre des missions des commissaires de justice, la « description et la réalité des articles de vaisselle que cette dernière commercialise depuis le 27 mai 2022 sous une désignation commune avec les collections de la société « [Localité 5] ». », la description étant une des modalités d’exécution de la saisie-contrefaçon. Par ailleurs, la société GROUPE COMPTOIR indique qu’en présence d’un texte spécifique permettant l’obtention de preuve dans le cadre d’une saisie-contrefaçon, les dispositions de l’article 145 du Code de procédure civile ne sauraient trouver à s’appliquer en l’espèce. Enfin, elle ajoute que la saisie doit être annulée en raison de l’absence, pour le demandeur, d’assignation au fond dans le délai légal.
La SNESV rétorque qu’il ne s’agit pas d’une description détaillée, comme prévu par le texte, mais que les constatations du commissaire de justice se sont inscrites dans un cadre plus large que la saisie-contrefaçon.
En l’espèce, nonbstant l’absence de versement aux débats par les parties du procès-verbal de saisie du commissaire de justice, il ressort des pièces communiquées, que si l’ordonnance sur requête du 09 juin 2023 prévoit bien la description des articles dans le cadre des missions du commissaire de justice, il n’en demeure pas moins que ce dernier indique, au terme d’un courrier en date du 28 novembre 2023, avoir orienté ses opérations « comme un constat sur ordonnance conforme à [sa] mission et non pas comme une saisie-contrefaçon »; il ajoute n’avoir « réalisé aucune description détaillée » (pièce n°6).
Dès lors, il y a lieu de constater, d’une part, que l’ordonnance sur requête du 09 juin 2023, ouvre la voie à une simple description, et non à une description détaillée, qui caractériserait la saisie-contrefaçon, et d’autre part, qu’aucun élément contraire de la société GROUPE COMPTOIR n’est versé aux débats, susceptible de mettre en cause les affirmations du commissaire de justice, auxiliaire de justice assermenté.
Par conséquent, la société GROUPE COMPTOIR sera déboutée de sa demande tendant à rétracter l’ordonnance sur requête au motif qu’il s’agit d’une saisie-contrefaçon irrégulière.
Sur l’absence de réunion des conditions de la mesure d’instruction in futurum :
L’article 145 du Code de procédure civile indique que : « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »
Sur le motif légitime :
Le motif légitime s’entend d’un rapprochement entre la vraisemblance d’un procès au fond et l’utilité, voire la pertinence, dans cette perspective, de la mesure d’instruction demandée à condition que le demandeur à la mesure d’instruction s’attache à justifier d’éléments rendant crédible ses craintes.
En l’espèce, la SNEVS soupçonne la société GROUPE COMPTOIR d’avoir commis à son égard des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale.
Il résulte de l’article L716-1 du Code de la propriété intellectuelle que « L’atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. ». L’action en contrefaçon et en concurrence déloyale est fondée sur le droit de la responsabilité délictuelle.
En outre, pour ordonner une mesure d’instruction, le juge doit caractériser l’existence d’un litige potentiel susceptible d’opposer les parties; il est constant que le préjudice s’infère nécessairement d’un acte de concurrence déloyale.
En l’espèce, à l’examen des pièces versées aux débats, il apparaît que la société SAS AVL DEVELOPPEMENT agissant pour le compte de la SNESV a été autorisée, le 22 juillet 2022, par le Tribunal de commerce de MACON, à acquérir le fonds de commerce de la société [Localité 5] INTERNATIONAL, incluant les actifs incorporels listés, ainsi que tous les droits qui y sont attachés (pièce n°2).
Il ressort également des pièces communiquées que par acte de cession d’éléments d’actifs conclu le 20 octobre 2022, la SAS JEAN-JACQUES DESLORIEUX agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société [Localité 5] INTERNATIONAL, a cédé au profit de la SNESV les actifs incorporels dépendants du fonds de commerce de fabrication de production de marchandises en porcelaine et faïence, fabrication et production de marchandises en céramique de la société [Localité 5] INTERNATIONAL (Pièce n°4).
Or, il a précédemment été établi que des actes de contrefaçon ont pu être réalisés par la société GROUPE COMPTOIR, en violation des droits intellectuels détenus par la SNESV, et que dès lors, la société SNESV serait fondée à demander réparation du préjudice subi.
Ainsi, au vu de l’examen de ces différents éléments, tout procès au fond sur le fondement de la responsabilité civile de la société GROUPE COMPTOIR, n’est pas irrémédiablement voué à l’échec.
Par conséquent, la mesure d’instruction demandée, qui a vocation à établir la réalité et l’étendue des actes de concurrence déloyale et de contrefaçon allégués, qui auraient été commis par la société GROUPE COMPTOIR, dans la perspective d’une action en réparation au fond, est fondée sur un motif légitime.
Sur la nécessité de recourir à une mesure non contradictoire :
En l’espèce, il a été précédemment établi que la requête comporte une motivation circonstanciée s’agissant de la dérogation au principe du contradictoire.
Pour rappel, il était légitime de procéder par voie de requête afin d’éviter le risque de dissimulation des éléments démontrant la réalité et l’ampleur des faits incriminés.
Par conséquent, la mesure d’instruction demandée devait nécessairement déroger au principe du contradictoire.
Sur la proportion des mesures au but poursuivi :
Constituent des mesures légalement admissibles des mesures d’instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l’objectif poursuivi.
Ainsi, une ordonnance ne saurait être rétractée dès lors qu’elle « cible de façon précise une recherche volontairement limitée aux fichiers, documents et correspondances, tous en rapport avec les faits litigieux et que ladite ordonnance ne se rapporte qu’à des mots-clés précisément énumérés et en rapport avec l’activité de concurrence déloyale dénoncée. »
En l’espèce, à l’examen de l’ordonnance sur requête, il en ressort que les recherches sont limitées à 10 mots clés : OSLO, CAFETERIA qui sont des collections de [Localité 5] INTERNATIONAL, et BOURRELET, EUROPA, ELEGANCE, HORIZON, PYRO, SPACE et TAO, qui sont des articles phares de [Localité 5] INTERNATIONAL, ainsi que [Localité 5].
Par ailleurs, il apparaît que les recherches ont pour point de départ le 27 mai 2022, date du placement en liquidation judiciaire de la société [Localité 5] INTERNATIONAL, et date à laquelle elle ne pouvait nécessairement plus commercialiser des articles [Localité 5].
Dès lors, il apparaît que la mesure est circonscrite, tant dans le temps que dans son objet, et que telle qu’elle est encadrée par les différents mots clés, elle ne saurait porter sur des données extérieures aux faits objets du litige.
Par conséquent, il est démontré que la mesure est proportionnée au but poursuivi et ne porte pas atteinte au secret des affaires.
Ainsi, la société GROUPE COMPTOIR sera déboutée de sa demande tendant à rétracter l’ordonnance que requête au motif que les conditions de la mesure d’instruction in futurum ne sont pas réunies.
Sur la demande de désignation d’un expert judiciaire et de mise sous séquestre
Faute pour les parties de produire le procès-verbal de saisie du commissaire de justice ayant exécuté la mesure le 15 juin 2023, permettant au juge d’apprécier la nature des éléments recueillis, la juridiction n’est pas en mesure de se prononcer sur l’opportunité de procéder à la désignation d’un expert judiciaire et à la mise sous séquestre.
Dès lors, la société GROUPE COMPTOIR sera déboutée des demandes formulées à ce titre.
Sur la demande de modification de la requête de la SNESV
En l’espèce, rien ne justifie la modification des termes de la requête en date du 09 juin 2023, qui, selon les affirmations des parties, a déjà été exécutée. Dès lors, la SNESV sera déboutée de sa demande à ce titre.
Sur les demandes accessoires :
Succombant, au sens de l’article 696 du Code de procédure civile, la société GROUPE COMPTOIR supportera la charge des entiers dépens de la présente instance.
La société GROUPE COMPTOIR qui succombe, sera condamnée à verser à la société SNESV la somme de 1500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Déclarons le Tribunal judiciaire de Rennes compétent pour en connaitre,
Déboutons la société GROUPE COMPTOIR de sa demande de rétractation de l’ordonnance du 09 juin 2023;
Déboutons la société GROUPE COMPTOIR de sa demande de désignation d’un expert judiciaire ;
Déboutons la société GROUPE COMPTOIR de sa demande de mise sous séquestre ;
Déboutons la SNESV de sa demande de modification des termes de la requête ;
Condamnons la société GROUPE COMPTOIR à verser à la SNESV la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamnons la société GROUPE COMPTOIR aux entiers dépens de l’instance;
Déboutons la SNESV de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
Rejetons toutes les autres demandes, plus amples ou contraires des parties.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE