Contrefaçon d’oeuvres audiovisuelles en ligne : l’arrêt des serveurs informatiques

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Contrefaçon d’oeuvres audiovisuelles en ligne : l’arrêt des serveurs informatiques
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En matière de mainlevée de saisie-contrefaçon ayant emporté arrêt des serveurs informatiques à l’origine de la diffusion illicite d’oeuvres audiovisuelles, chaque requête est distincte et doit faire l’objet d’une demande distincte (sous peine de forclusion).

Le juge saisi d’une demande en mainlevée de saisies-contrefaçon rendues par ordonnances sur requête étant investi des attributions du juge qui a rendu ces ordonnances, il doit statuer, après débat contradictoire, sur les mérites de la requête. Il en résulte que la saisine du juge de la mainlevée se trouve limitée à l’examen contradictoire des seules mesures ordonnées à l’initiative d’une partie en l’absence de son adversaire.

En la cause, en se bornant à demander la mainlevée des mesures de saisies-contrefaçon autorisées qui visait le siège social de la société Scaleway, l’assignation délivrée par la société Genius a limité la saisine du juge de la mainlevée à la seule mesure de saisie réelle autorisée par l’ordonnance précitée sur requête, à l’exclusion des mesures de saisie réelle et arrêt des serveurs réalisées en exécution des ordonnances distinctes. Les demandes additionnelles de mainlevée des saisies réelles des serveurs réalisées dans les locaux de ces sociétés étendent la saisine initiale du juge de la mainlevée et ne sont donc pas recevables.

Il résulte de l’article L. 332-2 du code de la propriété intellectuelle que dans un délai fixé par voie réglementaire, le saisi ou le tiers saisi peuvent demander au président du tribunal judiciaire de prononcer la mainlevée de la saisie ou d’en cantonner les effets, ou encore d’autoriser la reprise de la fabrication ou celle des représentations ou exécutions publiques, sous l’autorité d’un administrateur constitué séquestre pour le compte de qui il appartiendra, des produits de cette fabrication ou de cette exploitation.

Aux termes de l’article R. 332-2 du même code, « Le délai prévu au premier alinéa de l’article L. 332-2 est de vingt jours ouvrables ou de trente et un jours civils si ce délai est plus long, à compter du jour où est intervenue la saisie ou la description ».

Selon l’article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

Par principe, l’effet interruptif de prescription/forclusion que la loi attache, notamment, à la demande en justice est propre et restreint à cette demande et ne s’étend pas à une autre prétention qui en diffère par son objet (Req., 7 avril 1873, DP 1873, I, p. 421), à moins que les deux actions, bien qu’ayant une cause distincte, tendent aux mêmes fins, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première (Civ.2ème, 21 janvier 2010, pourvoi n 09-10.944, Bull. 2010, II, n°22 ; Civ.2ème, 28 juin 2012, pourvoi n°11-20.011, Bull. 2012, II, n°123 ; Civ.1ère, 5 octobre 2016, pourvoi n°15-25.459, Bull. 2016, I, n°189 ; Civ.1ère, 9 mai 2019, pourvoi n°18-14.736, publié).

En premier lieu, si l’article L 332-2 du code de la propriété intellectuelle vise la mainlevée d’une saisie, il n’en reste pas moins que chaque mesure de saisie est autorisée par une ordonnance sur requête déterminée.

Dès lors qu’une ordonnance aux fins de saisie-contrefaçon ne concerne qu’une seule adresse de saisie pour ne donner lieu qu’à une seule mesure d’exécution, c’est à juste titre que les requérantes font valoir que chacune de ces mesures doit faire l’objet d’une instance en mainlevée distincte.

En deuxième lieu, l’article 495, alinéa 3, du code de procédure civile qui dispose que copie de la requête et de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée, ne s’applique qu’à la personne qui supporte l’exécution de la mesure, qu’elle soit ou non défendeur potentiel au procès envisagé (2e Civ., 4 juin 2015, pourvoi n° 14-14.233, Bull. 2015, II, n° 145).

L’interruption de la forclusion ne peut en effet s’étendre d’une action à une autre, l’effet interruptif de forclusion qui s’attache à l’assignation à l’égard de la mainlevée de la seule saisie autorisée par ordonnance dans les locaux de la société Scaleway, est d’autant plus inopérant à l’égard des demandes en mainlevée des saisies réelles exécutées dans les locaux des sociétés Op Core et OVH, que ces demandes ne visent pas les mêmes tiers saisis.

En effet, non seulement les mainlevées sollicitées portent chacune sur des mesures de nature distincte, conservatoire pour la première, probatoire pour la seconde, fondées sur des textes distincts de l’article L. 332-1 précité et matériellement indépendantes l’une de l’autre dès lors que la saisie réelle des serveurs n’entraîne pas, par elle-même, le débranchement des serveurs des réseaux électriques et internet et inversement.

Résumé de l’affaire : La société Genius Servers Tech FZE, opérant le service de stockage et d’hébergement de fichiers Uptobox, est accusée par plusieurs grandes entreprises de divertissement (Amazon, Apple, Disney, Netflix, etc.) de faciliter la reproduction et la diffusion non autorisée d’œuvres protégées par des droits d’auteur. Malgré des ordonnances de blocage, le service reste accessible en France. Les requérantes ont obtenu des ordonnances de saisie-contrefaçon de serveurs hébergés par Scaleway et d’autres sociétés, en raison de l’utilisation de leurs œuvres sur Uptobox et Uptostream. Genius a contesté ces saisies, demandant leur mainlevée et affirmant avoir la capacité d’agir. Les sociétés requérantes ont soulevé des exceptions de nullité concernant les assignations et ont demandé des mesures de communication de pièces. Le tribunal a finalement rejeté les demandes de Genius, déclarant certaines d’entre elles irrecevables et condamnant Genius aux dépens.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

12 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
23/13271
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
1ère section

N° RG 23/13271
N° Portalis 352J-W-B7H-C3BF7

N° MINUTE :

Assignation du :
19 Octobre 2023

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RÉTRACTATION
rendue le 12 Septembre 2024
DEMANDERESSE

Société GENIUS SEVERS TECH FZE
[Adresse 18]
[Adresse 18] (Emirats Arabes Unis)

représentée par Maître Thomas CHALANSET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2075

DÉFENDERESSES

Société AMAZON CONTENT SERVICE LLC
Corporation Service Company
[Adresse 9],
[Localité 24], New Castle, Delaware, [Localité 6] (États-Unis d’Amérique)

Société APPLE VIDEO PROGRAMMING LLC
Corporation Trust Center
[Adresse 2]
[Localité 24], New Castle, Delaware, [Localité 24] (États-Unis d’Amérique)

Société COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES INC
Corporation Service Company,
[Adresse 9]
[Localité 24], New Castle, Delaware, [Localité 6] (États-Unis d’Amérique)

Copies exécutoires delivrées le :
– Maître CHALANSET #C2075
– Maître Richard WILLEMANT #J0106
– Maître COUSIN #C2186
– Maître BONALDI #B0936

Société NETFLIX US LLC
Corporation Trust Center
[Adresse 2],
[Localité 24], New Castle County, Delaware [Localité 24]
(États-Unis d’Amérique)

Société PARAMOUNT PICTURES
Corporation Service Company,
[Adresse 9]
[Localité 24], New Castle, Delaware, [Localité 6] (États-Unis d’Amérique)

Société DISNEY ENTERPRISE
Corporation Service Company,
[Adresse 9], [Localité 24]
NEW CASTLE, ETATS-UNIS

Société UNIVERSAL CITY STUDIONS PRODUCTIONS LLLP
Enterprise Corporate Services LLC
[Adresse 1]
[Localité 24], New Castle County, Delaware [Localité 24]
(États-Unis
d’Amérique)

Société WARNER BROS ENTERTAINMENT INC
The Corporation Trust Company,
[Adresse 2],
[Localité 24], New Castle County, Delaware [Localité 24]
(États-Unis d’Amérique)

Société THE WALT DISNEY COMPANY (BENELUX) BV
[Adresse 16]
[Localité 15] (PAYS-BAS)

représentées par Maître Richard WILLEMANT de la SELEURL WILLEMANT LAW, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #J0106

S.A.S. SCALEWAY
[Adresse 13]
[Localité 11]

S.A.S.U. OP CORE
[Adresse 5]
[Localité 11]

représentées par Maître Yves COURSIN de l’AARPI COURSIN CHARLIER AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C2186

S.A.S. OVH
[Adresse 7]
[Localité 22]

représentées par Maître Marie-Laure BONALDI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0936

DÉBATS

Madame Anne-Claire LE BRAS, Juge des référés

assistée de Caroline REBOUL, Greffière lors des débats et de Laurie ONDELE, Greffière lors de la mise à disposition.

A l’audience du 03 Avril 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 12 Septembre 2024.

ORDONNANCE

Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société Genius Servers Tech FZE (la société Genius) se présente comme une société installée à [Localité 17] (Emirats Arabes Unis) qui propose des services de stockage et d’hébergement de contenus aux internautes sous l’appellation « Uptobox » et son extension « Uptostream », accessibles via plusieurs noms de domaine dont uptobox.com (le service Uptobox).
Le service de comunication en ligne Uptobox est une plate-forme de partage et d’hébergement de fichiers en nuage (cloud) qui permet donc à des internautes de mettre en ligne des contenus, de les stocker et le cas échéant de les partager, à l’instar des services Dropbox, Google Drive ou We Transfer.
Ce service permet en particulier aux utilisateurs de téléverser des fichiers, notamment vidéos, sur un serveur cloud et de recevoir un ou plusieurs liens URL permettant soit le téléchargement direct des fichiers, le service restant dénommé Uptobox, soit leur intégration par tranclusion sur des sites internet tiers aux fins de permettre leur visionnage en streaming, le contenu restant hébergé sur le service qui prend le nom de Uptostream.
Les sociétés Amazon Content Services LLC (la société Amazon), Apple Vidéo Programming LLC (la société Apple), Colombia Pictures Industries, Inc (la société Colombia), Disney Enterprises, Inc (la société Disney), Netflix US LLC (la société Netflix), Paramount Pictures Corporation (la société Paramount), Universal City Productions LLP (la société Universal), Warner Bros.Entertainment Inc (la société Warner Bros) produisent et/ou exploitent de très nombreuses oeuvres audiovisuelles qu’elles communiquent au public notamment au cinéma, à la télévision, en vente au détail et pour certaines par les services de médias audiovisuels à la demande qu’elles éditent et dont l’accès est réservé aux seuls abonnés.
Elles sont, selon les cas, titulaires de droits exclusifs d’exploitation de l’oeuvre audiovisuelle au titre des droits patrimoniaux d’auteur en France et de droits voisins des producteurs de vidéogrammes.
La société de droit néerlandais The Walt Disney Company (Benelux) BV (la société Disney Benelux) est une filiale du groupe Disney, qui édite le service de médias audiovisuels à la demande accessible sur abonnement dénommé « Disney + » en France et dans l’Union européenne.
Elle diffuse auprès du public un vaste catalogue d’oeuvres audiovisuelles constitué des oeuvres sur lesquelles la société affiliée Disney Enterprises, Inc est titulaire de droits exclusifs d’exploitation, au titre de droits patrimoniaux d’auteur. La société Disney Benelux bénéficie en outre de droits voisins exclusifs sur les oeuvres protégées.
Les sociétés Scaleway et Op Core, filiales du groupe Iliad, sont des hébergeurs français fournissant des serveurs dédiés physiques et virtuels.
La société Scaleway, dont le siège social est [Adresse 13] à [Localité 11] et qui gérait, entre autres établissements, un datacenter [Adresse 10], à [Localité 20], a transféré à la société Op Core, par traité d’apport partiel d’actifs validé le 4 août 2023, son activité exploitation de datacenters, dans lesquels ses clients viennent installer leurs propres serveurs informatiques.
La société OVH est également un hébergeur français.
Reprochant au service Uptobox/Uptostream non seulement de permettre et de faciliter la reproduction et la représentation non autorisée d’oeuvres audiovisuelles protégées par desdroits d’auteur et droits voisins, et d’encourager délibérément le partage, le téléchargement et le visionnage massif d’oeuvres audiovisuelles contrefaites, mais aussi de continuer d’être accessible sur le territoire français en dépit de mesures de blocage de divers noms de domaine et sous-domaines uptobox et uptostream, mises en oeuvre par les fournisseurs d’accès à internet français (les FAI) et ordonnées par jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 11 mai 2023 (RG n°23/04680) et du 13 juillet 2023 (RG n°23/06576), rendus selon la procédure accélérée au fond, les sociétés Amazon, Apple, Colombia, Disney, Netflix, Paramount, Universal, Warner Bros, ainsi que la société Studiocanal (les requérantes) ont obtenu, sur requête, du président du tribunal judiciaire de Paris :
– deux ordonnances de saisie-contrefaçon en date du 9 août 2023 autorisant la saisie réelle de serveurs hébergés par la société Scaleway, en sa qualité d’intermédiaire technique, au sein de son datacenter DC2 situé à [Localité 14] (RG 23/1920), non exécutée à la suite de l’apport de ces activités à la société Op Core, ainsi que la saisie de la documentation contractuelle et financière se trouvant au siège de la société Scaleway, [Adresse 13] à [Localité 11] (RG 23/1919) et concernant la nature des relations entre cette dernière et les exploitants du service Uptobox/Uptostream, exécutée le 19 septembre 2023,

– une ordonnance de saisie-contrefaçon en date du 20 septembre 2023 dans les bureaux de la société sis [Adresse 4] [Localité 12] (RG 23/2141) ayant donné lieu à procès-verbal de difficultés.

Puis, compte tenu du transfert à la société Op Core des activités de datacenter de Scaleway : – une ordonnance de saisie-contrefaçon en date du 18 septembre 2023 (RG n°23/02126) au siège social de cette société sis [Adresse 5],
– une ordonnance de saisie-contrefaçon du 20 septembre 2023 (RG n°23/2142) au sein des locaux occupés par la société Op Core [Adresse 4], [Localité 12], les opérations étant effectuées le jour même,
– une ordonnance de saisie-contrefaçon du 18 septembre 2023 (RG n°23/20127) au sein de l’établissement secondaire de la société Op Core [Adresse 10], [Localité 14] et exécutée les 19 et 20 septembre 2023.

Enfin, à l’égard de la société OVH, spécialisée dans l’offre de services et d’infrastructures Internet :- une ordonnance de saisie-contrefaçon du 18 septembre 2023 (RG n°23/02121) au sein de son siège social sis [Adresse 7], [Localité 22] et exécutée le 20 septembre 2023,
– une ordonnance de saisie-contrefaçon du 21 septembre 2023 (RG n° 23/2174) au sein de son établissement principal également situé [Adresse 7] à [Localité 22] et exécutée le 22 septembre 2023,

En revanche, n’ont pas été exécutées les ordonnances sur requête des 9 août 2023 (RG 23/1920) ayant autorisé la saisie-contrefaçon au sein de l’établissement secondaire Data Center DC2 de la société Scaleway, et des 18 septembre 2023 (RG n°23/02128) et 19 septembre 2023 (RG n°23/02132) ayant autorisé une saisie-contrefaçon au sein de l’établissement secondaire respectivement DC3 et DC5 de la société Op Core situé [Adresse 10], [Localité 14].
De même, plusieurs ordonnances sur requête du 21 septembre 2023 (RG n°23/2173 ; 23/2176 ; 23/2178 ; 23/2175 ; 23/2177) ayant autorisé une saisie-contrefaçon au sein de l’établissement secondaire de la société OVH sis [Adresse 3] à [Localité 22], [Adresse 8] à [Localité 22] et [Adresse 23] à [Localité 19] sont demeurées infructueuses ou n’ont été ni signifiées ni exécutées.
Par actes de commissaires de justice des 18 et 19 octobre 2023, la société Genius se présentant comme l’éditrice du service Uptobox/uptostream a assigné les sociétés requérantes ainsi que la société Scaleway devant le Président du tribunal judiciaire de Paris, aux fins de voir « Prononcer la mainlevée de la saisie réelle des serveurs donnant accès au service Uptobox autorisée par ordonnance rendue le 9 août 2023 par le Président du Tribunal judiciaire de Paris et ayant été suivie des opérations de saisie intervenues le 19 septembre 2023 », l’affaire étant enrôlée sous le n° RG 23/13271.
Par actes de commissaires de justice des 16, 24 et 26 janvier 2024, la société Genius a assigné les sociétés OVH, OP Core et Disney Benelux aux fins de :- « Juger la société Genius recevable en sa demande de mise en cause de la société OP Core, de la société OVH et de la société Disney Benelux afin de leur rendre commune la décision à intervenir au terme de l’instance (RG n°23/13271) et tendant à obtenir la mainlevée de la saisie-contrefaçon portant sur les serveurs exploités par la société Genius,
– Joindre la présente demande incidente à celle initiée par la société Genius à l’encontre des sociétés titulaires de droit en présence de la société Scaleway et référencée sous le n° de RG 23/13271 ;
– Déclarer commune et opposable à la société Op Core, OVH, Disney Benelux la main levée de la saisie réelle des serveurs donnant accès au service Uptobox ».

Cette affaire est enrôlée sous le n° RG 24/01551.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives n°2 notifiées par voie électronique le 25 mars 2024 et soutenues oralement à l’audience du 3 avril 2024, la société Genius demande au juge des référés, au visa des Directives 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, 200/31/CE du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur , 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique, de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, des dispositions du Livre I du code de la propriété intellectuelle, notamment les articles L. 332-1 et L. 332-2 du code de la propriété intellectuelle, des articles L. 122-5 2° et L. 211-3 2° du code de la propriété intellectuelle, 4, 16, 63, 66, 69, 70, 146, 331, 367, 368 et 566 du code de procédure civile, de :
A titre liminaire,

Sur la capacité et la qualité à agir de Genius :

– Dire et juger la société Genius a capacité à agir en sa demande de mainlevée des saisies-contrefaçon portant sur les serveurs qu’elle exploite ;

– Débouter les requérantes et la société Disney Benelux de leur demande de nullité de l’assignation délivrée les 18 et 19 octobre 2023 et des conclusions récapitulatives du 7 février 2024 ;

– Débouter la société Disney Benelux de sa demande de nullité de l’assignation délivrée le 10 janvier 2024 et des conclusions récapitulatives du 7 février 2024.

Sur les fins de non-recevoir soulevées par les Ayants Droit et Disney Benelux :

– Juger la société Genius recevable en sa demande de mise en cause de la société Op Core, de la société OVH et de la société Disney Benelux afin de leur rendre commun la décision à intervenir au terme de l’instance formée devant le Président du Tribunal judiciaire de Paris engagée par la société Genius contre les sociétés requérantes en présence de la société Scaleway suivant assignation en date des 18 et 19 octobre 2023 et tendant à obtenir la mainlevée des saisies-contrefaçon portant sur les serveurs exploités par la société Genius ;

– Juger que la société Genius a qualité à agir pour solliciter la mainlevée des saisies-contrefaçon effectuées au sein de la société Op Core en application de l’ordonnance sur requête du 18 septembre 2023 (RG n°23/20127) et au sein de la société OVH en application de l’ordonnance sur requête du 21 septembre 2023 (RG n°23/2174);

– Juger que la société Genius a valablement mis dans la cause l’ensemble des sociétés saisissantes, y compris la société Studiocanal ;

– Juger que les demandes de mainlevée de la saisie réelle des équipements informatiques ou électroniques, notamment les serveurs et les supports de données donnant accès au service Uptobox effectuée au sein de la société OP Core en application de l’ordonnance sur requête du 18 septembre 2023 (RG n°23/20127) et au sein de la société OVH en application de l’ordonnance sur requête du 21 septembre 2023 (RG n°23/2174) ne sont frappées par aucune forclusion ;

– Joindre la demande incidente enrôlée sous le numéro RG n°24/01551 à celle initiée par la société Genius à l’encontre des sociétés requérantes en présence de la société Scaleway et référencée sous le numéro de répertoire général 23/13271 ;

– Débouter les sociétés requérantes, Disney Benelux et OVH de l’ensemble de leurs fins de non-recevoir.

Sur la demande incidente de communication de pièces :

– Juger les sociétés requérantes et Disney Benelux irrecevables en leur demande de production forcée des données brutes visées dans les pièces n°24 et 28 de la demanderesse ;

– Juger que les données brutes ne sont pas nécessaires pour permettre aux sociétés requérantes et Disney Benelux d’apprécier la portée des pièces n°24 et 28 de la demanderesse au regard du principe du contradictoire et qu’une telle communication porterait une atteinte injustifiée aux droits fondamentaux des utilisateur du service et au secret des affaires ;

– Débouter les sociétés requérantes et Disney Benelux de leur demande de production forcée;

A titre principal,

– Juger que les saisies-contrefaçon pratiquées à la demande des sociétés requérantes ne sont pas justifiées au regard de l’activité de la société Genius ;

– Juger que la saisie réelle des équipements informatiques ou électroniques, notamment les serveurs et les supports de données donnant accès au service Uptobox, constitue une mesure manifestement disproportionnée en particulier au regard des contestations sérieuses et des préjudices subis par la société Genius et par les utilisateurs du service Uptobox ;

– Prononcer la mainlevée de la saisie réelle des équipements informatiques ou électroniques, notamment les serveurs et les supports de données donnant accès au service Uptobox effectuée au sein de la société OP Core en application de l’ordonnance sur requête du 18 septembre 2023 (RG n°23/20127) rendue par le Président du Tribunal judiciaire de Paris et ayant été suivie des opérations de saisie intervenues le 19 et le 20 septembre 2023 ;

– Prononcer la mainlevée de la saisie réelle des équipements informatiques ou électroniques, notamment les serveurs et les supports de données donnant accès au service Uptobox effectuée au sein de la société OVH en application de l’ordonnance sur requête du 21 septembre 2023 (RG n°23/2174) rendue par le Président du Tribunal judiciaire de Paris et ayant été suivie des opérations de saisie intervenues le 22 septembre 2023 ;

– Débouter les sociétés requérantes et Disney Benelux de leurs demandes de consignation et de placement de la reprise de l’exploitation du service Uptobox sous l’autorité de M. le Bâtonnier de l’Ordre des avocats au Barreau de Paris ou d’un mandataire ou administrateur judiciaire en qualité d’administrateur constitué séquestre de l’ensemble des produits de l’exploitation du service Uptobox,

– Déclarer commune et opposable à la société OP Core, la société OVH et la société Disney Benelux la mainlevée de la saisie réelle des équipements informatiques ou électroniques, notamment les serveurs et les supports de données donnant accès au service Uptobox,

– Ordonner aux sociétés requérantes et Disney Benelux ainsi qu’aux sociétés Scaleway, OP Core et OVH de prendre toutes mesures nécessaires pour rétablir le fonctionnement des installations, matériels et serveurs saisis dans un délai de 8 jours calendaires à compter de la signification de la présente ordonnance et à défaut sous astreinte provisoire de 1.000 euros par jour de retard à l’issue de ce délai ;

– Dire que le Président du Tribunal judiciaire de Paris se réserve la liquidation de l’astreinte ;

– Condamner solidairement les sociétés requérantes à verser à la société Genius la somme de 40.000 € en en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner solidairement les sociétés requérantes aux entiers dépens dont distraction au bénéfice de Me Thomas Chalanset conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions en défense n°2 notifiées le 2 avril 2024 et soutenues oralement à l’audience du 3 avril 2024, les requérantes demandent au juge des référés, au visa des articles L. 332-1, L. 332-2 et R. 332-2 du code de la propriété intellectuelle, 4, 11, 117, 122, 699 et 700 du code de procédure civile, 10 du Code civil, de :
In Limine litis :

– Prononcer la nullité pour vice de fond de l’assignation du 10 janvier 2024 délivrée par GENIUS aux sociétés requérantes ;
– Prononcer la nullité pour vice de fond des conclusions récapitulatives de Genius du 6 février 2024 ;

Sur l’incident de communication de pièces :

– Ordonner à la société Genius de transmettre aux sociétés requérantes, sous astreinte provisoire de 5 000 euros par jour de retard et par fichier manquant, à l’expiration d’un délai de 8 jours à compter du prononcé de l’ordonnance à intervenir, les données brutes visées dans ses pièces n° 24, 28, 50-1 et 50-2 à savoir :
§ S’agissant du Rapport du 17 octobre 2023 (Pièce Genius n° 24) :
– Les « fichiers exploités provenant de #F1 » et dénommés #F2, #F3, #F4, #F5 et #F6 ; – Les tables #T1, #T2, #T3 et #T5 ;
§ S’agissant du Rapport du 8 décembre 2023 (Pièce Genius n° 28) :
– Les « fichiers exploités provenant de #F1 » et dénommés #F2 et #F3 ;
– Les tables « #T1 dmca » et « T2 dmca_old » ;
§ S’agissant des rapports de Monsieur [P] [S] (Pièces Genius n° 50-1 et 50-2) :
– La sauvegarde de la base de données du 19 septembre 2023 ;
– Renvoyer en conséquence l’affaire à une audience ultérieure afin de permettre aux parties de débattre contradictoirement de la portée de ces données ;

Subsidiairement,

– Juger que les pièces n° 24 et 28 de Genius doivent être écartées des débats ;

A titre principal, sur le fond :

– Juger que l’ensemble des demandes et l’action de Genius sont irrecevables ;

– Débouter Genius de l’ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire :

– Débouter Genius de sa demande de jonction des instances enrôlées sous les numéros de RG 23/13271 et 24/01551 ;

– Dire n’y avoir lieu à mainlevée des mesures de saisie-contrefaçon exécutées au siège social de la société Scaleway S.A.S. en application de l’ordonnance sur requête n° 23/1919 du 9 août 2023, les opérations s’étant révélées entièrement infructueuses ;

– Débouter Genius de sa demande tendant à voir « prononcer la mainlevée de la saisie réelle des équipements informatiques ou électroniques, notamment les serveurs et les supports de données donnant accès au service Uptobox effectuée au sein de la société OP Core en application de l’ordonnance sur requête du 18 septembre 2023 (RG n°23/02127) rendue par le Président du Tribunal judiciaire de Paris et ayant été suivie des opérations de saisie intervenues le 19 et le 20 septembre 2023 » ;

– Débouter Genius de sa demande tendant à voir « prononcer la mainlevée de la saisie réelle des équipements informatiques ou électroniques, notamment les serveurs et les supports de données donnant accès au service Uptobox effectuée au sein de la société OVH en application de l’ordonnance sur requête du 21 septembre 2023 (RG n°23/2174) rendue par le Président du Tribunal judiciaire de Paris et ayant été suivie des opérations de saisie intervenues le 22 septembre 2023 » ;

– Débouter Genius de sa demande tendant à voir « ordonner aux sociétés requérantes ainsi qu’aux sociétés Scaleway, Op Core et OVH de prendre toutes mesures nécessaires pour rétablir le fonctionnement des installations, matériels et serveurs saisis dans un délai de 8 jours calendaires à compter de la signification de [l’ordonnance à intervenir] et à défaut sous astreinte provisoire de 1.000 euros par jour de retard à l’issue de ce délai »;

– Juger en tout état de cause que le Président du Tribunal judiciaire de Paris n’est saisi d’aucune demande de mainlevée à l’encontre de la société Studiocanal, et que la saisie réelle des serveurs ainsi que leur mise hors tension et hors réseau Internet doivent continuer à lui bénéficier ;
– Débouter Genius de l’ensemble de ses demandes ;

A titre infiniment subsidiaire :

– Ordonner à Genius de consigner la somme de 15 millions d’euros auprès de M. le Bâtonnier de l’Ordre des avocats au Barreau de Paris en garantie des dommages et intérêts auxquels la société Amazon pourrait prétendre ;

– Ordonner à Genius de consigner la somme de 15 millions d’euros auprès de M. le Bâtonnier de l’Ordre des avocats au Barreau de Paris en garantie des dommages et intérêts auxquels la société Apple pourrait prétendre ;

– Ordonner à Genius de consigner la somme de 15 millions d’euros auprès de M. le Bâtonnier de l’Ordre des avocats au Barreau de Paris en garantie des dommages et intérêts auxquels la société Columbia pourrait prétendre ;

– Ordonner à Genius de consigner la somme de 15 millions d’euros auprès de M. le Bâtonnier de l’Ordre des avocats au Barreau de Paris en garantie des dommages et intérêts auxquels la société Disney pourrait prétendre ;

– Ordonner à Genius de consigner la somme de 15 millions d’euros auprès de M. le Bâtonnier de l’Ordre des avocats au Barreau de Paris en garantie des dommages et intérêts auxquels la société Netflix pourrait prétendre ;

– Ordonner à Genius de consigner la somme de 15 millions d’euros auprès de M. le Bâtonnier de l’Ordre des avocats au Barreau de Paris en garantie des dommages et intérêts auxquels la société Paramount pourrait prétendre ;

– Ordonner à Genius de consigner la somme de 15 millions d’euros auprès de M. le Bâtonnier de l’Ordre des avocats au Barreau de Paris en garantie des dommages et intérêts auxquels la société Universal pourrait prétendre ;

– Ordonner à Genius de consigner la somme de 15 millions d’euros auprès de M. le Bâtonnier de l’Ordre des avocats au Barreau de Paris en garantie des dommages et intérêts auxquels la société Warner pourrait prétendre ;

– Juger qu’il ne sera procédé à la mainlevée de la saisie réelle des équipements informatiques litigieux que sur justification préalable du versement de l’ensemble des consignations précitées par la société Genius ;

– Ordonner que la reprise de l’exploitation du service Uptobox / Uptostream soit placée, aux frais de la société Genius, sous l’autorité de M. le Bâtonnier de l’Ordre des avocats au Barreau de Paris, ou tel mandataire ou administrateur judiciaire ou de Justice qu’il plaira à Monsieur le Président de désigner, en qualité d’administrateur constitué séquestre de l’ensemble des produits de l’exploitation du service Uptobox / Uptostream y compris mais non exclusivement les revenus publicitaires, les revenus tirés des abonnements souscrits par les utilisateurs, et les cryptomonnaies minées en utilisant les processeurs des utilisateurs ;

En tout état de cause :

– Condamner Genius à verser à chacune des société requérantes la somme de 10.000 euros, au titre des frais exposés non compris dans les dépens, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner Genius aux entiers dépens de l’instance, avec droit de recouvrement direct par Me Willemant (Selarl Willemant Law), avocat au Barreau de Paris, pour ceux des dépens dont il aurait fait avance sans avoir reçu provision, conformément à l’article 699 du code de procédure civile. ;

– Rappeler que l’ordonnance à intervenir est exécutoire de droit à titre provisoire.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 mars 2024 et soutenues oralement à l’audience, la société Scaleway demande au juge des référés de :
– Juger que la saisie des serveur litigieux n’a pas été effectuée auprès de la société Scaleway,

– Juger que les serveurs litigieux ont été saisis et mis sous scellés entre les mains de la société Op Core,

– Mettre la société Scaleway hors de cause,

– Condamner qui de droit et en tout cas, pas la société Scaleway, aux dépens.

Dans ses conclusions signifiées par voie électronique le 4 mars 2024 et soutenues oralement à l’audience du 3 avril 2024, la société Op Core demande au juge des référés, de :- Juger que les serveurs litigieux ont été saisis entre les mains de la société Op Core ;

– Juger que la société Op Core s’en rapporte à justice quant au sort de la demande de jonction et de mainlevée ;

– Donner acte à la société Op Core de ses réserves quant au fait que son partenaire contractuel est la société Uptobox Limited et pas le demandeur à la mainlevée ;

– Rejeter la demande d’astreinte ;

– Condamner qui de droit, et, en tout cas, pas la société Op Core, aux dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 4 mars 2024, la société OVH demande au juge des référés, au visa des articles 332-2 al. 1 du code de la propriété intellectuelle, de : – Juger irrecevable la demande de mainlevée de la saisie réelle des serveurs au sein de la société OVH (ordonnance 23/2174 du 21 septembre 2023).
– Condamner la société Genius à verser à la société OVH la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de l’instance.

Aux termes de ses conclusions en défense n°2 notifiées par voie électronique le 2 avril 2024, la société Disney Benelux demande au juge des référés, au visa des articles L. 332-1, L. 332-2 et R. 332-2 du code de la propriété intellectuelle, 4, 11, 117, 122, 699 et 700 du code de procédure civile, 10 du Code civil, de :
In Limine litis :
– Prononcer la nullité pour vice de fond de l’assignation du 10 janvier 2024 délivrée par GENIUS à la société Disney Benelux ;
– Prononcer la nullité pour vice de fond des conclusions récapitulatives de Genius du 6 février 2024 et du 3 avril 2024;

Sur l’incident de communication de pièces :

– Ordonner à la société Genius de transmettre à la société Disney Benelux, sous astreinte provisoire de 5 000 euros par jour de retard et par fichier manquant, à l’expiration d’un délai de 8 jours à compter du prononcé de l’ordonnance à intervenir, les données brutes visées dans ses pièces n° 24, 28, 50-1 et 50-2 à savoir :
§ S’agissant du Rapport du 17 octobre 2023 (Pièce Genius n° 24) :
– Les « fichiers exploités provenant de #F1 » et dénommés #F2, #F3, #F4, #F5 et #F6 ; – Les tables #T1, #T2, #T3 et #T5 ;
§ S’agissant du Rapport du 8 décembre 2023 (Pièce Genius n° 28) :
– Les « fichiers exploités provenant de #F1 » et dénommés #F2 et #F3 ;
– Les tables « #T1 dmca » et « T2 dmca_old » ;
§ S’agissant des rapports de Monsieur [P] [S] (Pièces Genius n° 50-1 et 50-2) :
– La sauvegarde de la base de données du 19 septembre 2023 ;
– Renvoyer en conséquence l’affaire à une audience ultérieure afin de permettre aux parties de débattre contradictoirement de la portée de ces données ;

Subsidiairement,

– Juger que les pièces n° 24 et 28 de Genius doivent être écartées des débats ;

A titre principal, sur le fond :

– Juger que l’ensemble des demandes et l’action de Genius sont irrecevables ;

– Débouter Genius de l’ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire :

– Débouter Genius de sa demande de jonction des instances enrôlées sous les numéros de RG 23/13271 et 24/01551 ;

– Dire n’y avoir lieu à mainlevée des mesures de saisie-contrefaçon exécutées au siège social de la société Scaleway S.A.S. en application de l’ordonnance sur requête n° 23/1919 du 9 août 2023, les opérations s’étant révélées entièrement infructueuses ;

– Débouter Genius de sa demande tendant à voir « prononcer la mainlevée de la saisie réelle des équipements informatiques ou électroniques, notamment les serveurs et les supports de données donnant accès au service Uptobox effectuée au sein de la société OP Core en application de l’ordonnance sur requête du 18 septembre 2023 (RG n°23/02127) rendue par le Président du Tribunal judiciaire de Paris et ayant été suivie des opérations de saisie intervenues le 19 et le 20 septembre 2023 » ;

– Débouter Genius de sa demande tendant à voir « prononcer la mainlevée de la saisie réelle des équipements informatiques ou électroniques, notamment les serveurs et les supports de données donnant accès au service Uptobox effectuée au sein de la société OVH en application de l’ordonnance sur requête du 21 septembre 2023 (RG n°23/2174) rendue par le Président du Tribunal judiciaire de Paris et ayant été suivie des opérations de saisie intervenues le 22 septembre 2023 » ;

– Débouter Genius de sa demande tendant à voir « ordonner aux sociétés Amazon, Apple, Columbia, Disney, Netflix, Paramount, Studiocanal, Universal et Warner ainsi qu’aux sociétés Scaleway, Op Core et OVH de prendre toutes mesures nécessaires pour rétablir le fonctionnement des installations, matériels et serveurs saisis dans un délai de 8 jours calendaires à compter de la signification de [l’ordonnance à intervenir] et à défaut sous astreinte provisoire de 1.000 euros par jour de retard à l’issue de ce délai » ;

– Juger en tout état de cause que le Président du Tribunal judiciaire de Paris n’est saisi d’aucune demande de mainlevée à l’encontre de la société Studiocanal, et que la saisie réelle des serveurs ainsi que leur mise hors tension et hors réseau Internet doivent continuer à lui bénéficier ;

– Débouter Genius de l’ensemble de ses demandes ;

A titre infiniment subsidiaire :

– Ordonner à Genius de consigner la somme de 17 millions d’euros auprès de M. le Bâtonnier de l’Ordre des avocats au Barreau de Paris en garantie des dommages et intérêts auxquels la société Disney Benelux pourrait prétendre ;

– Juger qu’il ne sera procédé à la mainlevée de la saisie réelle des équipements informatiques litigieux que sur justification préalable du versement de l’ensemble des consignations précitées par la société Genius ;

– Ordonner que la reprise de l’exploitation du service Uptobox / Uptostream soit placée, aux frais de la société Genius, sous l’autorité de M. le Bâtonnier de l’Ordre des avocats au Barreau de Paris, ou tel mandataire ou administrateur judiciaire ou de Justice qu’il plaira à Monsieur le Président de désigner, en qualité d’administrateur constitué séquestre de l’ensemble des produits de l’exploitation du service Uptobox / Uptostream y compris mais non exclusivement les revenus publicitaires, les revenus tirés des abonnements souscrits par les utilisateurs, et les cryptomonnaies minées en utilisant les processeurs des utilisateurs ;

En tout état de cause :
– Condamner Genius à verser à la société Disney Benelux la somme de 10 000 euros, au titre des frais exposés non compris dans les dépens, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner Genius aux entiers dépens de l’instance, avec droit de recouvrement direct par Me Willemant (Selarl Willemant Law), avocat au Barreau de Paris, pour ceux des dépens dont il aurait fait avance sans avoir reçu provision, conformément à l’article 699 du code de procédure civile. ;

– Rappeler que l’ordonnance de référé à intervenir est exécutoire de droit à titre provisoire.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité de l’assignation

Moyens des parties

Les requérantes soutiennent que l’assignation des 18 et 19 octobre 2023 qui leur a été délivrée par la société Genius est entachée d’une nullité pour vice de fond à raison du défaut de capacité d’ester en justice de la société Genius qui ne verse aux débats aucune preuve de son existence juridique, en se contentant de produire une simple licence autorisant son activité qui ne démontre pas qu’elle aurait la personnalité morale ni qu’elle serait non radiée et in bonis, le renouvellement de la licence ne constituant pas une preuve de cette existence. Elles ajoutent que les conclusions récapitulatives du 6 février 2024 de la société Genius encourent pour le même motif la nullité.
La société Disney Benelux soutient dans les mêmes termes la nullité de l’assignation du 10 janvier 2024 qui lui a été délivrée par la société Genius et celle des conclusions récapitulatives des 6 février et 3 avril 2024 de la société Genius.
La société Genius oppose que les requérantes sont de mauvaise foi puisqu’elles disposent d’un libre accès au registre des sociétés de Dubaï sur lequel son existence est confirmée ; qu’en toute hypothèse, elle a obtenu sa licence qui constitue l’étape essentielle de création d’une société en droit émirati, et dont elle a procédé aux formalités annuelles de renouellement à son expiration en décembre 2023 ; que même en l’absence de renouvellement de la licence, une société dubaïote continue de disposer de la personnalité et de la capacité juridique tant qu’elle n’a pas été dissoute par la [Localité 17] silicon Oasis.
Appréciation du juge des référés

Selon l’article 117 du code de procédure civile, constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l’acte le défaut de capacité d’ester en justice.
Pour justifier de son existence, la société Genius verse aux débats une résolution de son actionnaire unique du 27 décembre 2018 approuvant l’enregistrement d’un free zone establishment (FZE, établissement en zone franche) selon les lois de la [Localité 17] silicon oasis authority, sa licence commerciale délivrée le 30 décembre 2018 par le gouvernement de [Localité 17], renouvelée le 20 décembre 2023 pour un an et un contrat de bail du 21 décembre 2023 de [Localité 17] digital park ainsi qu’une consultation d’un avocat local, M. [R] [T], précisant notamment que la licence d’un FZE est l’équivalent de son certificat d’immatriculation, que l’expiration ou le retard du renouvellement de ladite licence n’entraîne pas automatiquement la liquidation d’une société et qu’à la date du dernier renouvellement de sa licence, la société Genius n’était pas liquidée. Elle démontre en outre que la délivrance de la licence constitue l’étape essentielle de création d’une société, ainsi qu’il résulte des informations publiées sur le portail officiel d’information du gouvernement des Emirats Arabes Unis, quand bien même elle ne produit pas le Certificate of incorporation invoqué par les requérantes.
Dans ces conditions, l’existence juridique de la société Genius est suffisamment établie par les pièces précitées.
La société Genius ayant donc capacité à agir en justice, l’exception de nullité de l’acte d’assignation délivré par la société Genius les 18 et 19 octobre 2023 aux requérantes et le 10 janvier 2024 à la société Disney Benelux sera donc rejetée, de même que l’exception de nullité pour vice de fond des conclusions récapitulatives de la société Genius du 6 février 2024 et du 3 avril 2024.
Sur la jonction de l’instance en intervention forcée RG n°24/01551

Moyens des parties

La société Genius fait valoir que l’intervention forcée constitue une demande incidente en sorte que la jonction doit être prononcée puisque l’intervention forcée n’a pas donné lieu à une nouvelle instance et qu’à supposer que deux instances aient été créées, elles ont le même objet, à savoir la main-levée des saisies réelles affectant les serveurs, ainsi que les mêmes parties principalement. En outre, il existe manifestement un lien entre les instances et il est de l’intérêt d’une bonne justice de joindre les instances.
Les requérantes répliquent qu’elles ne sont pas tenues de notifier les différentes requêtes, ordonnances et procès-verbaux de saisie-contrefaçon à la société Genius, que celle-ci a fait preuve d’une légèreté blamable en ce qu’elle aurait dû savoir que la saisie des serveurs s’était déroulée non dans les locaux de la société Scaleway, mais dans ceux de Op Core et OVH et qu’il est d’une bonne administration de la justice de maintenir les instances séparées.
La société Disney Benelux soutient en des termes identiques à ceux développés par les requérantes qu’il n’y a pas lieu de prononcer la jonction des instances.
Appréciation du juge des référés

Selon l’article 331 du code de procédure civile, un tiers peut être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.
Il résulte des articles 63 et 66 du code de procédure civile que l’ intervention forcée constitue une demande incidente qui a pour objet de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires, de sorte qu’elle n’entraîne pas la création d’une nouvelle instance ;
En l’espèce, la société Genius a assigné les sociétés OVH, OP Core et The Walt Disney Benelux en intervention forcée aux fins de leur voir déclarer commune la décision de main-levée de la saisie réelle des serveurs et de voir ordonner la jonction de cette demande enregistrée sous le n°RG 24/001551 avec l’instance initiée par la société Genius à l’encontre des sociétés titulaires de droit en présence de la société Scaleway et référencée sous le n° de RG 23/13271.
L’intervention forcée étant un acte de la procédure initiale et non une instance distincte quand bien même la pratique est de placer les assignations en intervention forcée et de générer un nouveau numéro de Répertoire général, il doit en être prononcé la jonction avec l’instance enregistrée sous le n° 23/13271, le fait que les requérantes n’aient pas d’obligation de notifier les différentes requêtes, ordonnances et procès-verbaux de saisie-contrefaçon à la société Genius et que celle-ci aurait fait preuve, selon les requérantes, d’une légèreté blâmable, étant en toutes hypothèses sans incidence sur le caractère de demande incidente de l’intervention forcée.
Sur les fins de non-recevoir soulevées par les requérantes et la société Disney Benelux

Moyens des parties

Les requérantes, ainsi qu’en des termes identiques, la société Disney Benelux, prétendent que la société Genius est dépourvue de qualité pour agir en mainlevée de la saisie réelle et de l’arrêt des serveurs, faute pour elle de rapporter la preuve qui lui incombe de sa qualité de propriétaire des serveurs saisis entre les mains de la société OP Core et de la société OVH ; qu’elle doit être déclarée irrecevable en son action faute d’avoir mis dans la cause toutes les sociétés saisissantes, en ce compris la société StudioCanal, d’avoir respecté le délai de forclusion prévu à l’article R. 332-2 du code de la propriété intellectuelle et d’avoir respecté les règles applicables à la saisine du juge de la main-levée.
La société OVH soutient en des termes similaires que la demande de mainlevée de la saisie réelle des serveurs effectuée dans les locaux le 22 septembre 2023 est forclose.
La société Genius réplique d’abord qu’elle doit être considérée comme propriétaire exploitante des serveurs situés dans les baies informatiques mises à disposition par la société Scaleway puis la société Op Core, aux motifs que la société Optobox a été dissoute en 2017 en sorte que celle-ci ne peut plus être propriétaire des serveurs. Elle ajoute qu’elle a qualité à agir au titre de la saisie réelle menée dans les locaux de la société OVH en tant que tiers saisi supportant l’exécution de la mesure. Elle soutient ensuite que la société Studiocanal a été valablement touchée par l’assignation qui lui a été délivrée le 18 octobre 2023. Elle conteste toute forclusion de ses demandes motifs pris que l’article L. 332-2 du code de la propriété intellectuelle vise la demande de mainlevée d’une saisie et non la contestation d’une ordonnance sur requête déterminée, que l’intervention forcée ne crée par de nouvelle instance et est rattachée à l’instance existante introduite dans les délais, que les demandes dans ses conclusions récapitulatives n°1 demeurent des demandes de mainlevée de la saisie-contrefaçon sur les serveurs, que la demande de rétablissement du fontionnement des serveurs litigieux n’est pas davantage forclose. Elle estime que ses demandes formulées dans ses conclusions du 6 février 2024 et qui visent à la mainlevée des saisies réelles pratiquées en vertu de plusieurs ordonnances sur requête et au rétablissement du fonctionnement des serveurs, sont recevables, peu important qu’elles soient additionnelles ou non, en ce qu’elles visent à rétracter les mesures intialement ordonnées à l’initiative des requérantes en son absence.
Appréciation du juge des référés

Aux termes de l’article 112 du code de procédure civile, constitue une fin de non- recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit à agir, tel que le défaut de qualité, défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Il résulte de l’article L. 332-2 du code de la propriété intellectuelle que dans un délai fixé par voie réglementaire, le saisi ou le tiers saisi peuvent demander au président du tribunal judiciaire de prononcer la mainlevée de la saisie ou d’en cantonner les effets, ou encore d’autoriser la reprise de la fabrication ou celle des représentations ou exécutions publiques, sous l’autorité d’un administrateur constitué séquestre pour le compte de qui il appartiendra, des produits de cette fabrication ou de cette exploitation.
Aux termes de l’article R. 332-2 du même code, « Le délai prévu au premier alinéa de l’article L. 332-2 est de vingt jours ouvrables ou de trente et un jours civils si ce délai est plus long, à compter du jour où est intervenue la saisie ou la description ».
Selon l’article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Par principe, l’effet interruptif de prescription/forclusion que la loi attache, notamment, à la demande en justice est propre et restreint à cette demande et ne s’étend pas à une autre prétention qui en diffère par son objet (Req., 7 avril 1873, DP 1873, I, p. 421), à moins que les deux actions, bien qu’ayant une cause distincte, tendent aux mêmes fins, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première (Civ.2ème, 21 janvier 2010, pourvoi n 09-10.944, Bull. 2010, II, n°22 ; Civ.2ème, 28 juin 2012, pourvoi n°11-20.011, Bull. 2012, II, n°123 ; Civ.1ère, 5 octobre 2016, pourvoi n°15-25.459, Bull. 2016, I, n°189 ; Civ.1ère, 9 mai 2019, pourvoi n°18-14.736, publié).
En l’espèce, aux termes de son assignation du 19 octobre 2023 délivrée aux requérantes et à la société Scaleway, la société Genius, après avoir rappelé de manière liminaire que « la présente assignation en référé a pour objet de demander au président du Tribunal judiciaire de Paris la mainlevée de la saisie-contrefacon autorisée le 9 août 2023[1] sur le fondement de l’article L. 332-2 du code de propriété intellectuelle et signifiée à la société Scaleway le 19 septembre 2023 », expose que « par ordonnance en date du 9 août 2023, sur la base des éléments contestés ci-après, le Président du tribunal judiciaire de Paris a ordonné les opérations de saisie-contrefacon nécessaires en vue de recueillir tous les éléments de nature à démontrer les actes argués de contrefaçon par la requête. La saisie a été signifiée à la société Scaleway le 19 septembre 2023. Dans ce cadre, l’ensemble des serveurs appartenant à la société Genius ont été mis sous scellés au sein des locaux de la société française Scaleway rendant tout accès impossible à leurs données aux utilisateurs des services Uptobox ». La société Genius demande dans le dispositif de son assignation au Président du Tribunal judiciaire de Paris de « Prononcer la mainlevée de la saisie réelle des serveurs donnant accès au service Uptobox autorisée par ordonnance rendue le 9 août 2023 par le Président du Tribunal judiciaire de Paris et ayant été suivie des opérations de saisie intervenues le 19 septembre 2023 ».

[1] Souligné par le juge des référés

Il résulte de l’assignation que la société Genius a expressément limité ses demandes à la main-levée de la mesure de saisie-contrefaçon réalisée le 19 septembre 2023 à [Localité 21], en exécution de l’ordonnance sur requête du 9 août 2023 visant la société Scaleway, soit celle réalisée au siège social de cette dernière [Adresse 13] à [Localité 21].
Or, il est établi par les différents procès-verbaux de saisie contrefaçon en particulier celui du 19 septembre 2023 dressé en exécution de l’ordonnance du 9 août 2023 que la saisie réelle des serveurs n’a pas été exécutée du chef de cette ordonnance, mais du chef de l’ordonnance sur requête n° 23/02127 du 18 septembre 2023, entre les mains de la société Op Core, au sein de son établissement secondaire sis [Adresse 10] à [Localité 14], le 20 septembre 2023, d’une part, et de celle sur requête n° 23/2174 du 21 septembre 2023, entre les mains de la société OVH, en son siège social et établissement principal sis [Adresse 7], [Localité 22], le 22 septembre 2023, d’autre part.
Alors que le délai imparti pour demander la mainlevée des saisies réelles expirait donc respectivement le 20 octobre 2023, s’agissant de la saisie exécutée dans les locaux de la société Op Core, et le 23 octobre 2023, s’agissant de la saisie exécutée dans les locaux de la société OVH, ce n’est que par conclusions récapitulatives du 6 février 2024 que la société Genius a demandé leur main-levée.
La société Genius conteste vainement la forclusion de ces demandes.
En premier lieu, si l’article L 332-2 du code de la propriété intellectuelle vise la mainlevée d’une saisie, il n’en reste pas moins que chaque mesure de saisie est autorisée par une ordonnance sur requête déterminée. Dès lors qu’une ordonnance aux fins de saisie-contrefaçon ne concerne qu’une seule adresse de saisie pour ne donner lieu qu’à une seule mesure d’exécution, c’est à juste titre que les requérantes font valoir que chacune de ces mesures doit faire l’objet d’une instance en mainlevée distincte.
En deuxième lieu, l’article 495, alinéa 3, du code de procédure civile qui dispose que copie de la requête et de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée, ne s’applique qu’à la personne qui supporte l’exécution de la mesure, qu’elle soit ou non défendeur potentiel au procès envisagé (2e Civ., 4 juin 2015, pourvoi n° 14-14.233, Bull. 2015, II, n° 145). La société Genius ne peut donc arguer de son absence de connaissance effective des éléments ayant fondé les saisies dans les locaux des sociétés OP Core et OVH et du champ exact de ces saisies, pour justifier la modification a postériori des demandes formulées dans son assignation dont l’objet, en toutes hypothèses, se limite expressément à la mainlevée – en réalité sans objet – de « la saisie réelle des serveurs » autorisée par l’ordonnance du 9 août 2023 dans les locaux de la société Scaleway.
En troisième lieu, il importe peu que par l’effet de leur intervention forcée, les sociétés Op Core et OVH soient devenues parties à une instance introduite quant à elle dans les délais. L’interruption de la forclusion ne pouvant en effet s’étendre d’une action à une autre, l’effet interruptif de forclusion qui s’attache à l’assignation à l’égard de la mainlevée de la seule saisie autorisée par ordonnance du 9 août 2023 dans les locaux de la société Scaleway, est d’autant plus inopérant à l’égard des demandes en mainlevée des saisies réelles exécutées dans les locaux des sociétés Op Core et OVH, que ces demandes ne visent pas les mêmes tiers saisis.
En conséquence, les demandes de la société Genius tendant à voir prononcer la mainlevée des saisies réelles des équipements informatiques ou électroniques, notamment les serveurs et les supports de données, effectuées au sein des sociétés Op Core et OVH, sont forcloses et donc irrecevables de ce chef.
Force est de constater que la demande tendant au rétablissement du fonctionnement des serveurs litigieux formée par la société Genius, pour la première fois, dans ses écritures récapitulatives du 7 février 2024 (« Ordonner aux [requérantes] ainsi qu’aux sociétés Scaleway, Op Core et OVH de prendre toutes mesures nécessaires pour rétablir le fonctionnement des installations, matériels et serveurs saisis dans un délai de 8 jours calendaires à compter de la signification de la présente ordonnance et à défaut sous astreinte provisoire de 1.000 euros par jour de retard à l’issue de ce délai »), soit plus de trois mois après l’expiration du délai prescrit par l’article R.332-2 précité et qui s’achevait le 20 octobre 2023 s’agissant de la mesure exécutée dans les locaux de la société op Core et le 23 octobre 2023 s’agissant de celle exécutée dans les locaux de la société OVH, est, elle aussi, atteinte de forclusion, sans pouvoir bénéficier de l’effet interruptif qui s’attache à l’assignation.
En effet, non seulement les mainlevées sollicitées portent chacune sur des mesures de nature distincte, conservatoire pour la première, probatoire pour la seconde, fondées sur des textes distincts de l’article L. 332-1 précité et matériellement indépendantes l’une de l’autre dès lors que la saisie réelle des serveurs n’entraîne pas, par elle-même, le débranchement des serveurs des réseaux électriques et internet et inversement, cette demande additionnelle de mainlevée de la mesure de débranchement des serveurs réalisée dans les locaux des sociétés Op Core et OVH en exécution des ordonnnances sur requête n° 23/02127 du 18 septembre 2023, pour la première, et n° 23/2174 du 21 septembre 2023, pour la seconde ne poursuit pas les mêmes fins et donc ne saurait être virtuellement comprise dans la demande qui tend à la mainlevée de la saisie réelle des serveurs autorisée par une ordonnance qui n’est ni celle du 18 septembre 2023, ni celle du 21 septembre 2023, mais du 9 août 2023, au surplus dans les locaux distincts d’une société tierce, qui sont ceux de la société Scaleway. Le fait qu’en application de l’article 70 du code de procédure civile, la demande additionnelle se rattache par un lien suffisant à cette demande originaire, n’est pas de nature à faire échec à la forclusion qui l’atteint.
En outre, il importe peu que la société Genius ait visé dans son assignation l’article L.332-1 du code de la propriété intellectuelle pour soutenir que se trouveraient englobées de la sorte tant les demandes de saisie réelle des serveurs sur le fondement de son alinéa 2 qui prévoit « la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour produire ou distribuer illicitement les oeuvres », que celles de débranchement des serveurs des réseaux électriques et internet fondées sur son alinéa 9, lequel prévoit « la suspension ou la prorogation des représentations ou des exécutions publiques en cours ou déjà annoncées », dès lors que le Président du tribunal n’étant saisi que des demandes formulées au dispositif de l’assignation, n’était saisi d’aucune demande de remise en fonctionnement des serveurs mais seulement de la mainlevée de leur saisie réelle.

Enfin, et en tout état de cause, le juge saisi d’une demande en mainlevée de saisies-contrefaçon rendues par ordonnances sur requête étant investi des attributions du juge qui a rendu ces ordonnances, il doit statuer, après débat contradictoire, sur les mérites de la requête. Il en résulte que la saisine du juge de la mainlevée se trouve limitée à l’examen contradictoire des seules mesures ordonnées à l’initiative d’une partie en l’absence de son adversaire. En conséquence, en se bornant à demander la mainlevée des mesures de saisies-contrefaçon autorisées par l’ordonnance n°RG 23/1919 du 9 août 2023 qui visait le siège social de la société Scaleway, l’assignation délivrée par la société Genius a limité la saisine du juge de la mainlevée à la seule mesure de saisie réelle autorisée par l’ordonnance précitée sur requête du 9 août 2023, à l’exclusion des mesures de saisie réelle et arrêt des serveurs réalisées en exécution des ordonnances distinctes des 18 et 21 septembre visant, sur requêtes distinctes, les sociétés Op Core et OVH. Les demandes additionnelles de mainlevée des saisies réelles des serveurs réalisées dans les locaux de ces sociétés étendent la saisine initiale du juge de la mainlevée et ne sont donc pas recevables.
En conséquence, et sans qu’il y ait d’examiner les autres fins de non-recevoir soulevées par les requérantes, il y a lieu de déclarer irrecevables tant les demandes de la société Genius tendant à voir prononcer la mainlevée des saisies réelles, effectuées au sein des sociétés Op Core et OVH, des équipements informatiques ou électroniques, notamment les serveurs et les supports de données, que celles tendant à voir ordonner aux requérantes, ainsi qu’aux sociétés Scaleway, Op Core et OVH, de prendre toutes les mesures nécessaires pour rétablir le fonctionnement des installations, matériels et serveurs.
Il en résulte que la demande de la société Genius tendant à voir déclarer commune et opposable aux sociétés Op Core, OVH et Disney Benelux la mainlevée des serveurs et celle aux fins de voir ordonner une mesure d’astreinte sont devenues sans objet, de même que la fin de non-recevoir opposée par la société Disney Benelux à son intervention forcée formée par la société Genius.
L’irrecevabilité des demandes en mainlevée des saisies réelles des serveurs et aux fins de rétablissement du fonctionnement des installations, matériels et serveurs a également rendu sans objet la demande en production forcée de pièces formée par les requérantes afin de leur permettre de se défendre dans le cadre de l’instance en mainlevée et la demande de constitution de garanties.
Enfin, partie perdante, la société Genius sera condamnée aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer à chacune des requérantes et à la société Disney Benelux, la somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre 2 000 euros à la société OVH sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des référés,

– Rejette l’exception de nullité de l’assignation délivrée le 18 et 19 octobre 2023 aux sociétés Amazon Content Services LLC, Apple Vidéo Programming LLC, Colombia Pictures Industries, Inc, Disney Enterprises, Inc, Netflix US LLC, Paramount Pictures Corporation, Universal City Productions LLP, Warner Bros.Entertainment Inc et Scaleway ;

– Rejette l’exception de nullité de l’assignation délivrée le 10 janvier 2024 à la société Disney Benelux ;

– Rejette l’exception de nullité pour vice de fond des conclusions récaptitulatives de la société Genius des 6 février 2024 et 3 avril 2024 ;

– Ordonne la jonction de la procédure en intervention forcée enregistrées sous le n° RG 24/01551 avec l’instance enregistrée sous le n° RG 23/13271 ;

– Déclare irrecevables, comme forcloses, les demandes de la société Genius tendant à voir prononcer la mainlevée des saisies réelles des équipements informatiques ou électroniques, notamment les serveurs et les supports de données, effectuées au sein des sociétés Op Core et OVH et celles tendant à voir ordonner de prendre toutes les mesures nécessaires pour rétablir le fonctionnement des installations, matériels et serveurs,

– Déboute la société Genius de ses demandes tendant à voir déclarer commune et opposable aux sociétés Op Core, OVH et Disney Benelux la mainlevée des serveurs, devenue sans objet,

– Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société Disney Benelux à l’encontre de son intervention forcée formée par la société Genius, devenue sans objet,

– Déboute les sociétés Amazon Content Services LLC, Apple Vidéo Programming LLC, Colombia Pictures Industries, Inc, Disney Enterprises, Inc, Netflix US LLC, Paramount Pictures Corporation, Universal City Productions LLP, Warner Bros.Entertainment Inc de leur demande de production forcée de pièces et de constitution de garanties, devenues sans objet,

– Rejette le surplus des demandes,

– Condamne la société Genius Servers Tech FZE aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

– Condamne la société Genius Servers Tech FZE à payer aux sociétés Amazon Content Services LLC, Apple Vidéo Programming LLC, Colombia Pictures Industries, Inc, Disney Enterprises, Inc, Netflix US LLC, Paramount Pictures Corporation, Universal City Productions LLP, Warner Bros.Entertainment Inc, The Walt Disney Company (Benelux) BV, chacune, la somme de 8.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamne la société Genius Servers Tech FZE à payer à la société OVH la somme de 2 000 euros sur ce même fondement.

Faite et rendue à Paris le 12 septembre 2024.

La Greffière Le Juge des référés
Laurie ONDELE Anne-Claire LE BRAS


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