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Principes clefs de la propriété intellectuelle : acquérir les supports d’une œuvre n’emporte pas de cession des droits sur l’œuvre. Par ailleurs, le cessionnaire a l’obligation de vérifier la légalité des droits de son cédant et notamment l’origine des œuvres acquises.
En l’espèce, en procédant à la distribution et la commercialisation d’héliogravures reproduisant diverses oeuvres de Victor Vasarely, sans pouvoir justifier du consentement de l’artiste Victor Vasarely, la société Latorca (cédant à Roche Bobois), a porté atteinte aux droits d’auteur afférents aux oeuvres que ces héliogravures reproduisent.
Selon les dispositions de l’article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties par des concessions réciproques terminent une contestation née ou à naître. La juridiction a conclu à l’absence de concessions réciproques, la seule cession du support matériel des planches de Victor Vasarely à la société Latorca étant manifestement insuffisante et a été considérée comme une absence de concession.
L’article 2052 du même code prévoit que la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet.
Au titre d’une transaction la société Latorca, créancière d’un débiteur avait, par la dation en paiement obtenu 737.526 tirages des oeuvres de Victor Vasarely.
Le tribunal, sans inverser la charge de la preuve, a considéré qu’il n’était pas justifié que les 737.526 planches reproduisant diverses oeuvres de Vasarely provenaient du stock de la société Les Editions du Griffon et en particulier que ces tirages étaient antérieurs à 1986 et qu’ils figuraient parmi ceux dont le peintre a autorisé la commercialisation.
En conséquence, en l’absence de justification de l’origine du stock de planches en cause, notamment que ces tirages ont été édités par la société Les Editions du Griffon, ce quand bien même il ressort des éléments fournis au débat que cette société dispose d’un stock très important de planches des oeuvres de Vasarely et de l’accord de l’auteur à leur réalisation, la licéïté des planches n’était pas démontrée, celles-ci ne pouvant être commercialisées sans le consentement préalable des ayants-droits de l’auteur.
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 20 MAI 2022
Numéro d’inscription au répertoire général : n°RG 20/05933 – n°Portalis 35L7-V-B7E-CBWZU
Décision déférée à la Cour : jugement du 06 février 2020 -Tribunal Judiciaire de PARIS – 3ème chambre 1ère section – RG n°16/11915
APPELANTS AU PRINCIPAL et APPELANTS EN INTERVENTION EN REPRISE D’INSTANCE
M. [E] [J]
Né le 19 octobre 1974 à Brive-la-Gaillarde (19)
De nationalité française
Demeurant 2, rue Saint Maurice – NEUCHATEL – 2000 SUISSE
S.A.S. LES EDITIONS DU GRIFFON, société de droit suisse, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
Chemin de la Justice, 20
NEUCHATEL
2000 SUISSE
Représentés par Me Hervé REGOLI, avocat au barreau de PARIS, toque A 564
Assistés de Me Damien DE LAFORCADE plaidant pour la SELARL CLF, avocat au barreau de TOULOUSE, toque T 66
INTIMES
M. [D] [M]
Né le 12 juillet 1957 à Paris (75)
De nationalité française
Demeurant 20, rue Parmentier – 92200 NEUILLY-SUR-SEINE
Représenté par Me Christophe PACHALIS de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque K 148
Assisté de Me Sacha NAPARSTEK plaidant pour la SELARL CIRCLE LAW, avocat au barreau de PARIS, toque C 702
M. [U] [P]
Né le 4 octobre 1960 à Paris
De nationalité française
Demeurant rue Sus Pous – 84160 CUCURON
M. [S] [P], représenté par son tuteur, M. [U] [P], et son tuteur ad’hoc, M. [Y] [T]
Né le 21 octobre 1931 à Paris
De nationalité française
Demeurant 5, boulevard Pierre Brossolette – 92160 ANTONY
Représentés par Me Angélique VIBERT, avocate au barreau de PARIS, toque E 360
S.A.S. LATORCA, société en liquidation judiciaire – prise en la personne de son mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire, Me [A] [F], domicilié en cette qualité 31, avenue Fontaine de Rolle 92002 Nanterre Cedex – ayant eu son siège social situé
61, rue de Lécuyer
93300 AUBERVILLIERS
INTERVENANT FORCE EN REPRISE D’INSTANCE et comme tel INTIME
Me [A] [F], pris en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société LATORCA
31, avenue Fontaine de Rolle
92002 NANTERRE CEDEX
Assigné à domicile et n’ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Agnès MARCADE, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport
Mme Agnès MARCADE a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Brigitte CHOKRON, Présidente
Mme Laurence LEHMANN, Conseillère
Mme Agnès MARCADE, Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Par défaut
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, Faisant Fonction de Présidente, en remplacement de Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, empêchée, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire rendu le 6 février 2020 par le tribunal judiciaire de Paris,
Vu l’appel interjeté le 9 avril 2020 par M. [E] [J] et la société Les Editions du Griffon intimant M. [D] [M] et la société Latorca ainsi que MM. [U] et [S] [P],
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 30 novembre 2021 par M. [E] [J] et la société Les Editions du Griffon, appelants,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 18 novembre 2021 par M. [D] [M], intimé,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 17 novembre 2021 par M. [U] [P] et par M. [S] [P], intimés,
Vu l’ordonnance de clôture du 27 janvier 2022.
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
M. [S] [P] est le fils de [R] [P], dit [O], artiste peintre et plasticien, né en 1906 et décédé en 1997, fondateur de l’Op Art.
M. [U] [P] est le petit fils de [R] [P]. Il a été institué par testament de son grand-père en date du 11 avril 1993, légataire universel et titulaire du droit moral sur son oeuvre
La société de droit suisse Les Editions du Griffon, créée en 1944, se consacre depuis de nombreuses années à l’art contemporain et édite notamment des monographies de [O].
M. [E] [J] est le directeur de la publication et l’administrateur de la société Les Editions du Griffon.
La société Latorca, constituée en 2012, entre M. [W] [M] et M. [E] [J], est spécialisée dans l’achat, la vente et le conseil dans le domaine de l’art.
Au terme d’un protocole d’accord transactionnel signé le 16 janvier 2015, M. [J] a cédé l’ensemble des parts qu’il détenait dans le capital de la société Latorca à M. [W] [M].
Ce même protocole prévoit que M. [D] [M], père de M. [W] [M], a accepté de renoncer à la créance de 180.000 euros qu’il détenait contre M. [E] [J] en contrepartie, outre la cession de ses actions, de la transmission à son profit du stock de 737.526 planches de [O].
Au mois de juin 2016, MM. [U] et [S] [P] expliquent avoir découvert que la nouvelle campagne de communication de la société Roche Bobois International utilisait des reproductions d’oeuvres de [O] pour mettre en valeur un meuble de la collection « Moorea ».
Par ailleurs, MM. [U] et [S] [P] constataient que la société Roche Bobois International avait reproduit et mis en vente dans l’ensemble de son réseau de boutiques des planches de [O] fournies par la société Latorca sans autorisation de leur part.
Estimant que ces actes violaient les droits moraux et patrimoniaux d’auteur qu’ils détiennent sur l’oeuvre de [O], MM. [U] et [S] [P] ont, par acte du 20 juillet 2016, fait assigner la société Roche Bobois International devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droit d’auteur et parasitisme.
Par acte du 14 octobre 2016, la société Roche Bobois International a appelé en garantie la société Latorca en qualité de revendeur des reproductions litigieuses.
M. [D] [M] est intervenu volontairement à l’instance devant le tribunal pour faire valoir ses droits en qualité de propriétaire des planches objets de la dation en paiement réalisée par le protocole d’accord du 16 janvier 2015.
Le juge de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures par décision du 15 février 2018.
Par acte du 18 mai 2017, la société Latorca et M. [D] [M] ont fait assigner en intervention forcée et en appel en garantie M. [E] [J] et la société Les Editions du Griffon.
En parallèle, MM. [U] et [S] [P] ont fait assigner à jour fixe la société Latorca par acte du 3 février 2017, devant le tribunal de grande instance de Paris lui faisant grief de commercialiser des reproductions des oeuvres de [O] sans être en mesure de justifier leur origine.
Par un jugement du 31 mars 2017, le tribunal de grande instance de Paris a notamment :
«- Dit qu’en procédant à la distribution et la commercialisation d’héliogravures reproduisant diverses oeuvres de [R] [O], sans pouvoir justifier du consentement de l’artiste, la société Latorca a porté atteinte aux droits d’auteur afférents aux oeuvres que ces héliogravures reproduisent ;
En conséquence,
— Interdit à la société Latorca de distribuer, commercialiser ou diffuser lesdites héliogravures issues du stock des 737 526 litigieuses, et sous astreinte provisoire de 500 euros par infraction constatée à l’issue d’un délai de 1 mois à compter de la signification du jugement à intervenir et ce pendant un délai de 3 mois. » et condamné la société Latorca à verser à MM. [P] des indemnités au titre de l’atteinte aux droits patrimoniaux et au titre de l’atteinte au droit moral.
La société Latorca a interjeté appel de ce jugement, objet d’une autre instance.
Par ailleurs, par jugement du 22 mars 2019, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré irrecevables les demandes de M. [D] [M] à l’encontre de M. [J] en raison du protocole transactionnel signé le 16 janvier 2015, débouté la société Latorca de ses demandes d’appel en garantie des sociétés Les Editions du Griffon et de M. [E] [J] des condamnations prononcées dans le jugement du tribunal de grande instance de Paris le 31 mars 2017 et de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées ultérieurement à raison de l’exploitation des 737.526 planches, notamment par la cour d’appel de Paris. Un appel de ce jugement est également pendant devant la cour.
Dans la présente instance, le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 6 février 2020 dont appel a :
— dit qu’en exploitant des reproductions des oeuvres DELL 3, VEGA ZETT 2, FENY, TLINKO, SIR-SIS, RHOMBUS, VEGA, TORONY et AXO-77, et en présentant dans une scénographie exposée, dans son show-room parisien des reproductions des oeuvres DELL 3, VEGA ZETT 2 et FENY de [R] [O] sans autorisation des ayants droits de [R] [O] la société Roche Bobois International a commis des actes de contrefaçon ;
— dit que l’exploitation du nom et du travail de [R] [O] à des fins commerciales dans le cadre de la gamme de mobilier dénommée « [R] » est constitutive d’agissements parasitaires ;
— enjoint à la société Roche Bobois International de procéder à la suppression de toute reproduction des oeuvres DELL 3, VEGA ZETT 2 et FENY ;
— fait défense à la société Roche Bobois International de procéder à l’exploitation de toute reproduction d’oeuvres de [R] [O], et en particulier des oeuvres DELL 3, VEGA ZETT 2, FENY, TLINKO, SIR-SIS, RHOMBUS, VEGA, TORONY, et AXO 77, à quelque fin que ce soit ;
— fait défense à la société Roche Bobois International de faire usage, en tout territoire et par tous moyens, du prénom et/ ou du nom et du travail de [R] [O] ainsi que de toute dénomination s’y rattachant sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit, et ce, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, courant à l’expiration d’un délai de 30 jours suivant la signification de la présente décision et pendant six mois ;
— condamné in solidum les société Roche Bobois International et Latorca à payer MM. [S] et [U] [P] la somme de 132.000 euros, en réparation du préjudice subi au titre de l’atteinte à leurs droits patrimoniaux sur les oeuvres en cause ;
— condamné in solidum les sociétés Roche Bobois International et Latorca à payer à M. [U] [P] la somme de 10.000 euros, en réparation du préjudice subi au titre de l’atteinte au droit moral sur les oeuvres en cause ;
— dit que dans leurs rapports entre elles ces sommes seront réparties à hauteur de 80% à la charge de la société Latorca et de 20% à la charge de la société Roche Bobois International ; – condamné la société Roche Bobois International à payer à MM. [S] et [U] [P] la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice subi au titre des agissements parasitaires ;
— condamné M. [E] [J] à rembourser à M. [D] [M] la somme de 180.000 euros ;
— rejeté les demandes de publication du présent jugement, ainsi que les demandes dirigées contre la société Les Editions du Griffon de même que la demande de dommages-intérêts présentée par M. [M] et la société Latorca dirigée contre M. [J],
— condamné in solidum les sociétés Roche Bobois International et Latorca, ainsi que M. [J], à verser à MM. [U] et [S] [P] la somme de 15.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
— dit que cette somme sera répartie à concurrence d’un tiers entre les sociétés Roche Bobois International , Latorca, et M. [J] dans leurs rapports entre eux ;
— condamné in solidum les sociétés Roche Bobois International et Latorca ainsi que M. [J] aux dépens ;
— ordonné l’exécution provisoire.
M. [J] et la société Editions du Griffon intimant seulement M. [D] [M], MM. [P] et la société Latorca ont formé un appel limité contre cette décision visant uniquement les chefs du jugement condamnant M. [J] à rembourser à M. [D] [M] la somme de 180.000 euros et le condamnant solidairement avec les sociétés Roche Bobois International et Latorca au paiement à MM. [P] des frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens de l’instance.
Par leurs dernières conclusions de M. [J] et la société Les Editions du Griffon demandent à la cour de :
— déclarer irrecevable toute demande formulée par M. [M] à l’encontre de M. [J] ;
En conséquence
— réformer le jugement du 6 février 2020 ;
— débouter M. [D] [M] et la société Latorca de l’ensemble de leurs demandes en tant que dirigées contre Mr [E] [J] et la société Les Editions du Griffon ;
En conséquence
— condamner M. [M] à verser à M. [J] la somme de 180.000 euros ;
— réformer le jugement en ce qu’il a condamné M. [J] à verser 15.000 euros à MM. [U] et [S] [P] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
— débouter les consorts [P] de toute demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile en tant que dirigée contre M. [J] ;
— débouter les consorts [P] de l’ensemble de leurs demandes et notamment de leur demande de voir le stock litigieux détruit ;
— condamner solidairement M. [D] [M], MM. [U] et [S] [P] à verser respectivement à M. [J] et à la société Les Editions du Griffon la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions, M. [D] [M] demande à la cour de :
A titre principal
— le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes ;
— débouter M. [J] et la société Les Editions du Griffon de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ;
— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
A titre subsidiaire :
Si la cour devait conclure à la licéïté des reproductions objet du protocole d’accord transactionnel du 16 janvier 2015 et ordonner en conséquence la restitution de la somme de 180.000 euros à M. [J] par M. [D] [M] ;
— juger que M. [D] [M] est en droit d’exploiter et commercialiser librement les reproductions objets de la dation en paiement ;
— ordonner, dans l’attente d’une décision devenue définitive statuant sur la licéïté des reproductions litigieuses, la désignation d’un séquestre en la personne du bâtonnier du barreau de Paris, auprès duquel sera consignée la somme de 180.000 euros ;
Et en tout état de cause
— condamner la société Les Editions du Griffon et M. [J] au paiement de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction dans les conditions de l’article 699 dudit code.
Par leurs dernières conclusions MM. [U] et [S] [P] demandent à la cour de :
— débouter M. [J] et la société Les Editions du Griffon de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;
— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant, ordonner la destruction du stock de reproductions litigieuses, en quelques mains qu’elles se trouvent, aux frais de M. [J], dans le délai de 30 jours à compter de la date de signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
— condamner M. [J] et la société Les Editions du Griffon à leur verser la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens en application de l’article 699 du même code.
Par décision du 24 mars 2020, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société Latorca. Par ordonnance du 17 septembre 2020, le conseiller de la mise en état a constaté l’interruption de l’instance. Les appelants on fait assigner en intervention forcée Me [F], ès qualités de liquidateur, par acte du 3 novembre 2020 délivré à domicile.
Me [F], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Latorca, n’a pas constitué avocat devant la cour. Il sera statué par arrêt de défaut.
La cour constate que l’appel de M. [J] est limité aux chefs du jugement ci-avant énumérés et que la cour n’est pas saisie des chefs du jugement suivants :
— dit qu’en exploitant des reproductions des oeuvres DELL 3, VEGA ZETT 2, FENY, TLINKO, SIR-SIS, RHOMBUS, VEGA, TORONY et AXO-77, et en présentant dans une scénographie exposée, dans son show-room parisien des reproductions des oeuvres DELL 3, VEGA ZETT 2 et FENY de [R] [O] sans autorisation des ayants droits de [R] [O] la société Roche Bobois International a commis des actes de contrefaçon ;
— dit que l’exploitation du nom et du travail de [R] [O] à des fins commerciales dans le cadre de la gamme de mobilier dénommée « [R] » est constitutive d’agissements parasitaires ;
— enjoint à la société Roche Bobois International de procéder à la suppression de toute reproduction des oeuvres DELL 3, VEGA ZETT 2 et FENY ;
— fait défense à la société Roche Bobois International de procéder à l’exploitation de toute reproduction d’oeuvres de [R] [O], et en particulier des oeuvres DELL 3, VEGA ZETT 2, FENY, TLINKO, SIR-SIS, RHOMBUS, VEGA, TORONY, et AXO 77, à quelque fin que ce soit ;
— fait défense à la société Roche Bobois International de faire usage, en tout territoire et par tous moyens, du prénom et/ ou du nom et du travail de [R] [O] ainsi que de toute dénomination s’y rattachant sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit, et ce, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, courant à l’expiration d’un délai de 30 jours suivant la signification de la présente décision et pendant six mois ;
— condamne in solidum les société Roche Bobois International et Latorca à payer MM. [S] et [U] [P] la somme de 132.000 euros, en réparation du préjudice subi au titre de l’atteinte à leurs droits patrimoniaux sur les oeuvres en cause ;
— condamne in solidum les sociétés Roche Bobois International et Latorca à payer à M. [U] [P] la somme de 10.000 euros, en réparation du préjudice subi au titre de l’atteinte au droit moral sur les oeuvres en cause ;
— dit que dans leurs rapports entre elles ces sommes seront réparties à hauteur de 80% à la charge de la société Latorca et de 20% à la charge de la société Roche Bobois International ; – condamne la société Roche Bobois International à payer à MM. [S] et [U] [P] la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice subi au titre des agissements parasitaires ;
— rejette les demandes de publication du présent jugement, ainsi que les demandes dirigées contre la société Les Editions du Griffon de même que la demande de dommages-intérêts présentée par M. [M] et la société Latorca dirigée contre M. [J].
Sur la fin de non-recevoir tirée du protocole transactionnel du 16 janvier 2015
Devant le tribunal, la société Roche Bobois International recherchée pour contrefaçon de droit d’auteur par MM. [S] et [U] [P] a appelé en garantie la société Latorca qui lui avait fourni les reproductions des oeuvres de [O] en litige ce en exécution d’un accord commercial en date du 9 février 2015 conclu entre la société Latorca et M. [D] [M] propriétaire desdites reproductions pour les avoir acquises de M. [J] selon protocole d’accord du 16 janvier 2015. M. [D] [M] est intervenu volontairement à l’instance. Il a, avec la société Latorca, fait assigner en intervention forcée M. [J] et la société Les Editions du Griffon.
Il ressort du protocole d’accord en date du 16 janvier 2015 que :
— le 2 septembre 2011 M. [D] [M] a consenti un prêt de 180.000 euros à M. [J] en vue de permettre à ce dernier de se porter acquéreur d’un stock de planches de [R] [O] édité par les Editions du Griffon dans les années 1970,
— ce prêt consenti sans intérêt devait être remboursé par M. [J] au plus tard le 31 décembre 2013, conformément aux dispositions de la reconnaissance de dette signée entre eux le 28 juillet 2013,
— les planches ont été acquises par M. [E] [J] le 16 septembre 2013, lesquelles sont entreposées à Neufchâtel et à Aubervilliers,
— par acte sous seing privé en date du 23 janvier 2012, M. [W] [M] et M. [J] ont constitué la société Latorca SAS ayant pour objet l’import, export de marchandises et l’activité de conseils, chacun détenant la moitié du capital (50 actions),
— M. [J] s’est trouvé dans l’impossibilité au 31 décembre 2013 de rembourser sa dette de 180.000 euros et a proposé à M. [D] [M] de le payer par la remise du stock de 737.526 planches de [R] [O] éditées par les Editions du Griffon selon inventaire réalisé par Mme [B] selon rapport du 24 juin 2014,
— après avoir eu communication dudit rapport, M. [D] [M] a accepté que la créance qu’il détient sur M. [J] lui soit remboursée par ce dernier au moyen de la remise de ce stock de 737.526 planches ayant fait l’objet dudit rapport d’évaluation.
L’objet de la transaction tel qu’énoncé à l’article premier de l’acte sous seing privé en date du 16 janvier 2015 est ‘de mettre fin au litige né ou à naître existant entre toutes les parties en prévoyant des concessions réciproques et notamment en organisant le paiement de la somme de 180.000 euros par M. [E] [J] à M. [D] [M] par la remise d’un stock de 737.526 planches de [R] [O] et la cession de 50 actions de la société Latorca détenues par M. [E] [J] à M. [W] [M]’.
L’article 2 de ce protocole précise notamment que M. [D] [M] reconnaît que la remise de ce stock emporte extinction pure et simple de la créance de 180.000 euros qu’il détenait sur M. [E] [J] en vertu de la reconnaissance de dette ci-annexée laquelle devient sans cause ni objet.
L’article 4 de ce protocole d’accord intitulé ‘concessions réciproques’ prévoit notamment que ‘M. [D] [M] renonce à toute action et instance contre M. [E] [J] ayant pour origine ou pour objet la reconnaissance de dette en date du 28 juillet 2013. A cet effet, M. [D] [M] se désiste de toutes instances et actions à l’encontre de M. [J]’.
M. [J] critique le jugement déféré qui l’a condamné à rembourser à M. [D] [M] la somme de 180.000 euros aux motifs que ‘ faute de pouvoir justifier de l’origine exacte de ce stock, il en résulte l’absence de concession réelle résultant de la renonciation par M. [J] à ce stock’, estimant que le protocole est licite et emporte extinction pure et simple de la créance de M. [M] qui renonçait à toute action ou instance en lien avec la reconnaissance de dette. Il oppose aux demandes de M. [M] une fin de non-recevoir en raison de l’autorité de la chose jugée du protocole, celui-ci n’ayant jamais remis en cause la licéïté des albums et planches imprimées de [O] remis en paiement pas plus que l’authenticité du rapport produit.
M. [M] soutient que la licéïté des tirages remise en cause par MM. [P] empêche la commercialisation de ceux-ci et prive de toute contrepartie sa renonciation à la créance de 180.000 euros. Il approuve la décision du tribunal qui a constaté l’absence de concessions réciproques entre les parties telles que prévues au protocole d’accord et condamné M. [J] à lui rembourser la somme de 180.000 euros. Il oppose à la fin de non-recevoir soulevée par M. [J] que sa demande ne porte nullement sur la reconnaissance de dette objet du protocole mais uniquement sur la validité de ce dernier. Il expose que l’absence de contrepartie entraîne la nullité du protocole d’accord.
La cour relève que le tribunal n’a pas annulé le protocole d’accord, M. [D] [M] demandant la nullité de ‘la dation en paiement du 16 janvier 2015″. Les premiers juges ont toutefois condamné de M. [J] à restituer la somme de 180.000 euros. M. [M] qui sollicite la confirmation de ce jugement sans développer de nouveaux moyens est réputé s’en approprier les motifs.
Selon les dispositions de l’article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties par des concessions réciproques terminent une contestation née ou à naître.
L’article 2052 du même code prévoit que la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet.
Il ressort du protocole d’accord que cette transaction vise à terminer la contestation née entre les parties s’agissant du défaut de règlement de la somme de 180.000 euros due à M. [D] [M] par M. [J], ce dernier honorant sa dette par la dation en paiement de 737.526 tirages des oeuvres de [R] [O] et M. [M] renonçant à toute action et instance contre M. [E] [J] ayant pour origine ou pour objet la reconnaissance de dette en date du 28 juillet 2013.
Le rapport de Mme [B] du 24 juin 2014, expert en art, joint au protocole, intitulé ‘inventaire valorisé des planches de [R] [O] éditées par les éditions du Griffon dans les années 70″, est un rapport d’évaluation d’un stock composé de différents produits (planches à l’unité 12 différentes, portfolios composés de plusieurs planches, 20 composés de 8 à 10 planches). Ce rapport ne se prononce pas sur l’origine des planches, mais sur leur valeur calculée à partir des quantités inventoriées, au prix catalogue de la société Les Editions du Griffon, vendues non encadrées et par modules ou par planches de 8 exemplaires. Mme [B] ne remet pas en cause qu’il s’agit de planches qui ont été reproduites avec l’accord de l’auteur et évalue le stock à la somme de 5.133.087 euros.
M. [D] [M] remet en cause la validité de cette transaction en raison de l’absence de concessions réciproques, la licéïté des tirages objets de la dation en paiement étant discutée et empêchant leur commercialisation.
L’interdiction faite au juge d’apprécier la valeur des concessions ne lui interdit pas de constater leur absence évidente.
Il ressort du préambule du protocole d’accord que le prêt de 180.000 euros fait par M. [D] [M] à M. [E] [J] avait pour objet l’acquisition par ce dernier de 737.526 planches de [R] [O], celui-ci ayant ensuite constitué avec M. [W] [M] la société Latorca qui s’est chargée de commercialiser lesdits tirages. De même, le protocole vise expressément ‘le stock de planches de l’artiste [R] [O] expertisé par Madame [Z] [B] …’. Si M. [D] [M] ‘reconnaît que la remise de ce stock emporte extinction pure et simple de la créance de 180.000 euros qu’il détenait sur M. [J] en vertu de la reconnaissance de dette annexée…’, il n’en demeure pas moins que ce stock est défini comme étant constitué de 737.526 planches de l’artiste [O] ce qui montre que l’objet de la transaction repose sur l’extinction de la dette par la remise d’une chose en contrepartie et sur les qualités substantielles de cette chose soit un stock de planches dont l’origine est connue et dont la commercialisation est possible, et non uniquement sur la remise matérielle du stock.
M. [J] soutient alors que les planches constituant le stock en cause sont licites contrairement à ce qu’a décidé le tribunal.
Néanmoins, c’est par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal, sans inverser la charge de la preuve, a considéré qu’il n’était pas justifié que les 737.526 planches reproduisant diverses oeuvres de [R] [O] proviennent du stock de la société Les Editions du Griffon et en particulier que ces tirages sont antérieurs à 1986 et qu’ils figurent parmi ceux dont le peintre a autorisé la commercialisation, M. [J] ne justifiant nullement du contrat qui établirait qu’il détient ses droits de cette société, le contrat du 16 septembre 2011 (pièce 1 appelants) qui prévoit la cession par Mme [G] de 50 actions représentant la totalité du capital de la société Les Editions du griffon à M. [J], étant inopérant à justifier de l’origine de ces planches. De même, ainsi que relevé pertinemment par le tribunal, les attestations fournies au débat dont celles signées de M. [J] lui-même ne sont pas de nature à montrer l’accord de l’artiste à la réalisation des reproductions en litige ni la rémunération de celui-ci. Enfin le rapport de Mme [B], s’il mentionne que l’expertise a été réalisée aux Editions du Griffon, ne se prononce pas sur l’origine du stock estimé.
En conséquence, en l’absence de justification de l’origine du stock de planches en cause, notamment que ces tirages ont été édités par la société Les Editions du Griffon, ce quand bien même il ressort des éléments fournis au débat (pièces 20 à 22 notamment des appelants) que cette société dispose d’un stock très important de planches des oeuvres de [R] [O], et de l’accord de l’auteur à leur réalisation, il convient de considérer que la licéïté des planches n’est pas montrée, celles-ci ne pouvant être commercialisées sans le consentement préalable des ayants-droits de l’auteur, et qu’en conséquence, M. [J] ne dispose manifestement d’aucun droit sur lequel il pourrait faire un abandon et n’a ainsi manifestement rien cédé.
Le fait que M. [D] [M] n’a pas discuté la licéïté des reproductions en cause, seuls MM. [P] contestant celle-ci, n’est pas plus constitutif d’une fin de non-recevoir à remettre en cause la validité du protocole d’accord sur le fondement du principe selon lequel ‘nul ne peut se contredire au détriment d’autrui’ qui suppose que les prétentions de la partie à laquelle la fin de non-recevoir est opposée induisent l’adversaire en erreur sur les intentions de son auteur. En effet, c’est sans se contredire au détriment de M. [J] que M. [M] a soutenu dans le cadre de la présente procédure, aux côtés de la société Latorca, la licéïté des reproductions qu’il avait fourni à cette société, et qu’il demande, dans le cas où les reproductions sont jugées illicites, de considérer le protocole d’accord non valable en l’absence de concessions réciproques.
Aussi, c’est à juste titre que le tribunal a conclu à l’absence de concessions réciproques, la seule cession du support matériel des planches en cause étant manifestement insuffisante et doit en conséquence être considérée comme une absence de concession.
Il résulte de ce qui précède que le protocole d’accord du 16 janvier 2015, non valable faute de concessions réciproques, ne peut fonder la fin de non-recevoir opposée par M. [J] à la demande de M. [D] [M] à le voir condamner à lui payer la somme de 180.000 euros. Cette fin de non-recevoir doit être écartée et le jugement confirmé en ce qu’il a condamné M. [J] à rembourser à M. [D] [M] la somme de 180.000 euros.
La circonstance que le protocole n’a pas été annulé par le tribunal est indifférente, étant relevé que la cour n’est pas saisie d’une telle demande, comme elle n’est pas saisie d’une demande de restitution du stock par M. [J], aucune prétention en ce sens ne figurant dans le dispositif de ses écritures, qui ne peut donc arguer utilement de l’absence de restitution de ce stock alors qu’il a dû rembourser la somme de 180.000 euros à M. [M].
Sur la demande de destruction du stock des reproductions
MM. [P] sollicitent la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions ainsi que la destruction sous astreinte du stock de reproductions litigieuses sans justifier la nécessité d’une telle mesure qui sera en conséquence rejetée, celle-ci n’apparaissant pas nécessaire, les mesures d’interdiction ordonnées par le tribunal qui sont devenues irrévocables car non contestées en cause d’appel, apparaissant suffisantes.
Sur les autres demandes
Le sens de l’arrêt conduit à confirmer également les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.
L’équité commande en outre de condamner M. [J] et la société Les Editions du Griffon à payer à M. [D] [M], d’une part, et à MM. [P], d’autre part, une indemnité de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.
Succombant à l’appel M. [J] et la société Les Editions du Griffon en supporteront les dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, dans les limites de l’appel,
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Rejette la demande de MM. [U] et [S] [P] de destruction du stock des reproductions,
Rejette toute autre demande,
Condamne M. [J] et la société Les Editions du Griffon à payer à M. [D] [M], d’une part, et à MM. [U] et [S] [P], ensembles, d’autre part, une indemnité de 5.000 euros à chacun, soit la somme totale de 10.000 euros, au titre des frais irrépétibles d’appel et aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La Greffière La Conseillère, Faisant Fonction de Présidente