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L’ancien article 2270-1 alinéa 1 du Code civil, applicable à l’espèce en raison de la date des faits invoqués, dispose que les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ; la loi du 17 juin 2008 précise dans son article 26-II relatives à l’application dans le temps des nouvelles dispositions en matière de prescription que la durée de la prescription en cours ne peut excéder celle prévue par la loi antérieure.
C’est en faisant une exacte application de ces textes que le premier juge a constaté que les faits de contrefaçon de photographie commis antérieurement au 21 février 2002 étaient prescrits, le point de départ de la prescription décennale étant fixé par la loi applicable au jour de la manifestation du dommage, soit en l’espèce l’utilisation éventuellement contrefaisante des clichés, et non à la date où le photographe aurait eu connaissance de cette utilisation, événement visé par l’article 2224 issu de la loi du 17 juin 2008.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-1
ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2021
N°2021/289
RG 21/02722 –
N° Portalis DBVB-V-B7F-BG7XR
Y C
C/
S.A. B INTERNATIONAL
Arrêt prononcé sur saisine de la cour suite à l’arrêt rendu par la Cour de Cassation le 21 Octobre 2020, qui a cassé et annulé l’arrêt n° 2019-46 rendu le 21 Février 2019 (RG 16/00083) par la Chambre 3-1 de la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE
DEMANDEUR SUR RENVOI DE CASSATION
Monsieur Y X, demeurant […]
représenté par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Bernard ROSSANINO, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
DEFENDERESSES SUR RENVOI DE CASSATION
S.A. B INTERNATIONAL prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, […]
représentée par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN- PROVENCE, assisté de Me François ILLOUZ, avocat au barreau de PARIS, plaidant
S.A.S. D B E prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, […], […]
représentée par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN- PROVENCE, assisté de Me François ILLOUZ, avocat au barreau de PARIS, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Septembre 2021 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère, et Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, chargés du rapport.
Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre
Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère
Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2021.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2021.
Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur X a été embauché par la société SNC B, créateur et distributeur de variétés de rosiers, en qualité de photographe du 5 mai 1986 au 7 décembre 1992. Il s’est immatriculé au registre du commerce et des sociétés en tant que photographe professionnel à compter du 1er octobre 1993.
Monsieur X a adressé entre le 31 octobre 2004 et le 28 février 2009 à la société B INTERNATIONAL des factures de cessions de droit d’auteur correspondant à des clichés de rosiers.
Par actes en dates des 21 et 23 février 2012, monsieur X a fait assigner la société B INTERNATIONAL et la société D B E devant le tribunal de grande instance (tribunal judiciaire) de MARSEILLE en contrefaçon de droits d’auteur et en paiement de la somme de 905 240 ‘ en réparation des actes commis.
Suivant jugement en date du 19 novembre 2015, le tribunal a déclaré prescrits les actes de contrefaçon commis avant le 21 février 2002 et a dit que les photographies capturées pour le compte de la société B INTERNATIONAL et D B E entre 2002 et 2009 n’étaient pas protégées par le droit d’auteur, déboutant en conséquence monsieur X de l’intégralité de ses demandes et le condamnant à verser aux défenderesses la somme de 1 500 ‘ en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Monsieur X ayant interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 6 janvier 2016, la cour d’appel d’AIX EN PROVENCE, par arrêt en date du 21 février 2019, a confirmé le jugement en ce qu’il avait déclaré prescrits les actes allégués de contrefaçon réalisés avant le 21 février 2002 et dit que monsieur X était bien l’auteur des clichés réalisés entre 2002 et 2009. Infirmant la décision pour le surplus, la cour a notamment interdit aux sociétés B INTERNATIONAL et D B E de reproduire, représenter ou diffuser les photographies sous astreinte de 5 000 ‘ par jour de retard, leur a enjoint de s’assurer que les tiers auxquels les clichés avaient été transmis respectent cette interdiction et a ordonné la destruction des clichés. Elle a condamné les sociétés B INTERNATIONAL et D B E à verser une indemnité d’un montant de 220 000 ‘ en réparation du préjudice moral et matériel subi par monsieur X, outre 10 000 ‘ en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés B INTERNATIONAL et D B E ayant formé un pourvoi contre cet arrêt, la première chambre civile de la Cour de cassation, par arrêt en date du 21 octobre 2020, a cassé en toutes ses dispositions la décision et a renvoyé l’affaire devant la cour d’appel d’AIX EN PROVENCE autrement composée.
Monsieur X a saisi la présente cour par déclaration enregistrée le 22 février 2021 et signifiée aux intimées par acte daté du 18 mars 2021.
A l’appui de ses demandes, par conclusions déposées au greffe le 3 août 2021, monsieur X demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré acquise la prescription pour la période antérieure au 21 février 2021 les actes allégués de contrefaçon, indiquant que lui-même n’a pu connaître l’existence de ces actes que postérieurement à la rupture des relations contractuelles, soit en février 2009 et invoquant les dispositions de l’article 2224 du Code civil.
Sur sa qualité d’auteur des clichés, monsieur X rappelle que son nom figure tant sur la page d’accueil du site de la société B que sur le site de vente par correspondance de la société B E et divers catalogues ou ouvrages versés par les intimées elles-mêmes. Il invoque en outre pour les clichés numériques le numéro de série du capteur permettant de constater que ceux ci ont bien été réalisés avec son appareil photographique. Il affirme enfin avoir été le seul photographe des sociétés jusqu’à l’année 2010.
Sur l’originalité des clichés, monsieur X soutient que les choix de composition de l’image, du cadrage et de l’éclairage leur confèrent un aspect esthétique propre et original reflétant la personnalité de l’auteur, originalité qui ne disparaît pas en raison du caractère utilitaire des photographies et il invoque sur ce point diverses jurisprudences relatives à l’originalité des oeuvres photographiques. Il verse aux débats une analyse des 268 clichés argués de contrefaçon permettant selon lui de constater oeuvre par oeuvre leur originalité.
Monsieur X fait observer que les sociétés intimées ne justifient pas avoir bénéficié d’une cession des droits d’auteur sur les clichés, les factures par elles invoquées ne permettant pas de constater l’existence d’une telle cession et ne permettant en toute hypothèse pas d’identifier les photographies concernées.
L’appelant chiffre son préjudice matériel de manière forfaitaire en prenant pour base de calcul le barème indicatif 2011-2012 édité par l’Union des Photographes Professionnels. Sur les demandes accessoires, il soutient que ses clichés ont été reproduits sur des sites marchands étrangers vraisemblablement appartenant aux sociétés B.
Au terme de ses écritures, monsieur X demande à la cour de :
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
— dit que M. Y X est l’auteur des photographies de roses capturées pour le compte de la société B INTERNATIONAL et de la société D B- E entre 2002 et 2009 ;
— rejeté par conséquent la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit d’agir de M. Y
X;
— débouté la société B INTERNATIONAL et la société D B-E de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Rejeter l’exception de prescription proposée par la société B INTERNATIONAL et de la société D B-E et infirmer le jugement querellé en ce qu’il a jugé que la prescription des actes allégués de contrefaçon est acquise pour la période antérieure au 21 février 2002
Le réformer également pour le surplus ;
Dire et juger que les photographies réalisées par M. Y X sont des oeuvres de l’esprit protégeables par le droit d’auteur au sens des dispositions du code de la propriété Intellectuelle ;
Constater que M. Y X n’a jamais consenti à la société B INTERNATIONAL ni à la société D B-E aucune cession de droit sur l’ensemble des dites oeuvres ;
Dire et juger que la société B INTERNATIONAL et la société D B-E ont commis à son préjudice des actes constitutifs de contrefaçon ;
Dire et juger que la société B INTERNATIONAL et a la société D B-RlCHARDIER ont porté atteinte à ses droits patrimoniaux;
Dire et juger que la société B INTERNATIONAL et à la société D B- E ont porté atteinte au droit moral de M. Y X ;
Dire et juger que les actes antérieurs au 21 février 2002 ne sont pas prescrits;
En conséquence :
Interdire à la société B INTERNATIONAL et a la société D B-RlCHARDIER ainsi qu’à toutes ses filiales, établissements, succursales, usines, sous-traitants, grossistes, détaillants et autre revendeurs ou toutes entités présentant des liens économiques, juridiques ou commerciaux, de poursuivre les actes contrefaisants, en particulier de reproduction, de représentation et de diffusion des photographies de M. Y X, seul titulaire des droits, sous peine d’une astreinte de 5.000 euros par jour de retard et/ou par infraction constatée dès signification de l’arrêt à intervenir ;
Interdire à la société B INTERNATONAL et à la société D
B-E ainsi qu’à toutes ses filiales, établissements, succursales, usines, sous-traitants, grossistes, détaillants et autres revendeurs ou toutes entités présentant des liens économiques, juridiques ou commerciaux, de transmettre à tous tiers les clichés photographiques, dont seul M. Y X est titulaire des droits, sur tout support et en toute dimension en vue de leur reproduction, représentation et/ou diffusion et ce, sous peine d’une astreinte de 5.000 euros par jour de retard et/ou par infraction constatée dès signification de l’arrêt à intervenir ;
Ordonner à la société B INTERNATIONAL et a la société D B-E de s’assurer que les tiers auxquels elles ont transmis comme support de vente les clichés photographiques, dont seul M. Y X est titulaire des droits, ne soient plus ni reproduits, ni représentés, ni diffusés, sur quelque support que ce soit et ce, sous peine d’une astreinte de 1.000 euros par jour de retard et/ou par infraction constatée dès signification du jugement à intervenir ;
Ordonner au préjudice de la société B INTERNATIONAL et de la société D B- E la confiscation et la destruction de tous les supports et, notamment, les catalogues, brochures, publicités portant reproduction des clichés photographiques de M. Y X, diffusés par elles qui seraient en sa possession ou en celle de ses filiales, établissements, succursales, usines, sous-traitants, grossistes, détaillants et autres revendeurs, ceci sous contrôle d’un huissier de justice et aux frais de la société B INTERNATIONAL et de la société D B- E et ce, sous peine d’une astreinte de 1.000 euros par jour de retard et/ou par infraction constatée dès signification de l’arrêt à intervenir ;
Condamner in solidum la société B INTERNATIONAL et la société D B-E au paiement d’une somme forfaitaire de 905.240 euros HT, à parfaire, en réparation du préjudice subi par M. Y X du fait de la contrefaçon au titre des droits d’auteur, sur le fondement de l’alinéa 2 de l’article L331-1~3 du code de la propriété intellectuelle ;
Condamner in solidum la société B INTERNATIONAL et la société D B-E au paiement d’une indemnité provisionnelle de 200.000 euros HT, a parfaire, en réparation du préjudice subi par M. Y X du fait de la contrefaçon au titre des droits d’auteur notamment constatée sur les différents sites de vente en ligne, en France et à l’étranger, et ce, sur le fondement de l’alinéa 2 de l’article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle ;
Condamner in solidum la société B INTERNATIONAL et la société D B- E au paiement d’une somme forfaitaire de 50.000 euros HT, en réparation de l’atteinte portée au droit moral de par M. Y X ;
Ordonner à la société B INTERNATIONAL et à la société D B-E la restitution de l’intégralité des originaux des photographies (ektachromes et fichiers numériques) a M. Y X et ce, sous peine d’une astreinte de 1.000 euros par jour de retard et/ou par infraction constatée dès signification de l’arrêt à intervenir ;
Ordonner la publication de l’arrêt à intervenir dans trois journaux et/ou revues choisis par M. Y X, les frais de publication étant à la charge de la société B INTERNATIONAL et/ou a celle de la société D B-E, dans la limite de 10.000 euros par publication ;
Se réserver compétence pour la liquidation de l’astreintes ordonnée ;
En toute hypothèse,
Condamner in solidum la société B INTERNATIONAL et la société D B- E à verser à M. Y X une indemnité de 10.000,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner in solidum la société B INTERNATIONAL et la société D B- E aux entiers dépens, tant de première instance que d’appel, avec distraction au profit de l’avocat de l’appelant dans les formes de l’article 699 du code de procédure civile.
Les sociétés B INTERNATIONAL et D B E, par conclusions déposées le 22 juin 2021, demandent à la cour de confirmer la décision en ce qui concerne la prescription des actes antérieurs au 21 février 2002 en rappelant les dispositions de l’ancien article 2270-1 du Code civil prévoyant une prescription décennale en matière de responsabilité extra contractuelle et celles de l’article 26 de la loi du 17 juin 2008.
Sur le défaut de qualité à agir de monsieur X, elles font observer notamment que l’apposition du nom X sur les catalogues et sites internet ne peut valoir preuve de la qualité d’auteur du demandeur et ce alors que plusieurs photographes ont fourni durant les années considérées des clichés de rosiers et de roses. Elles contestent la pertinence des indications concernant le numéro de série de l’appareil utilisé et font observer que le procès verbal d’huissier versé aux débats constitue une preuve constituée par le demandeur lui-même. Elles affirment en conséquence que monsieur X ne démontre pas pour chaque cliché sa qualité d’auteur.
Les deux sociétés contestent en outre l’originalité des clichés en l’absence de preuve d’un effort intellectuel et d’un travail personnel de création, et ce alors que les photographies sont des images d’identification de fleurs à l’usage des clients captées selon le même cadrage et les mêmes constantes au fil des années. Elles contestent que monsieur X ait pu bénéficier d’une certaine liberté pour prendre les clichés destinés à un usage de présentation et de promotion et conteste dès lors tout effort créatif et donc toute originalité à ceux ci. Elles concluent dès lors à la confirmation de la décision déférée ayant débouté monsieur X de ses demandes formées sur le fondement des droits d’auteur.
A titre subsidiaire, les sociétés B INTERNATIONAL et D B E invoquent la cession de ses droits d’auteur par monsieur X, cession implicite mais se déduisant notamment des mentions figurant sur les factures par ce dernier éditées et de ses fonctions de gestionnaire de la photothèque. Encore plus subsidiairement, elles contestent le montant du préjudice, qui ne pourrait excéder la somme de 13 400 ‘ sur la base de 50 ‘ par cliché, ainsi que l’existence même d’un préjudice moral et elles qualifient d’abusive la procédure introduite. Au terme de leurs conclusions, elles demandent à la cour de :
CONFIRMER le Jugement déféré du 19 novembre 2015 en ce qu’il a :
— DIT que les actes allégués de contrefaçon réalisés avant le 21 février 2002 sont prescrits.
— DIT que les photographies de roses capturées pour le compte de la société B INTERNATIONAL et de la société D B E entre 2002
et 2009 par Monsieur Y X sont dépourvues d’originalité et ne sont pas protégées par le droit d’auteur.
— DÉBOUTE par conséquent Monsieur X de l’ensemble de ses demandes.
— MET les dépens de l’instance à charge de Monsieur Y X.
INFIRMER le Jugement déféré du 19 novembre 2015 en ce qu’il a :
— Dit que Monsieur Y X est l’auteur des photographies de roses capturées
pour le compte de la société B INTERNATIONAL et de la société D
B E entre 2002 et 2009.
— Rejeté par conséquent la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de Monsieur
Y X.
— Débouté la société B INTERNATIONAL et la société D B E de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Condamné Monsieur Y X à verser à la société B INTERNATIONAL et à la société D B E la somme de
1500 euros (au total, pas à chacune) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
STATUANT À NOUVEAU
A titre principal :
DIRE ET JUGER que Monsieur X n’a pas rapporté la preuve de sa qualité d’auteur
de l’ensemble des clichés sur lesquels il prétend avoir des droits ;
DIRE ET JUGER que Monsieur X est irrecevable à agir dans le cadre de la présente
instance,
DIRE ET JUGER que les photographies litigieuses ne sont pas des ‘uvres originales protégées par le Livre I du Code de la propriété intellectuelle,
Subsidiairement,
CONSTATER que Monsieur X a perçu, entre 2005 et 2009 la somme de 197.414,49
euros en règlement des factures qu’il a émises et intitulées « cession de droit d’auteur » ;
DIRE ET JUGER qu’en tout état de cause Monsieur X a cédé ses droits de
reproduction et de représentation sur les clichés litigieux ;
Très subsidiairement,
DIRE ET JUGER qu’aucune atteinte au droit moral n’est caractérisée ;
DIRE ET JUGER que Monsieur X n’a subi aucun préjudice ;
En conséquence,
DÉBOUTER Monsieur X de toutes ses demandes, fins et prétentions à toutes fins
qu’elles comportent ;
— Infiniment subsidiairement,
DIRE ET JUGER que si par extraordinaire la Cour devait estimer que Monsieur X a droit à une rémunération complémentaire relative à la cession de ses droits d’auteur, le calcul du préjudice ne saurait excéder la somme de 13.400 euros (268 clichés x 50 euros) ;
A titre reconventionnel :
CONDAMNER Monsieur X à verser aux sociétés B la somme de
50.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
CONDAMNER Monsieur X à verser aux sociétés B la somme globale de
20.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER Monsieur X aux entiers dépens, ceux d’appel distraits au profit de
Maître Pierre Yves IMPERATORE, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN
PROVENCE, Avocats associés, aux offres de droit.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la prescription des actes allégués contrefaisant commis avant le 21 février 2002
L’ancien article 2270-1 alinéa 1 du Code civil, applicable à l’espèce en raison de la date des faits invoqués, dispose que les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ; la loi du 17 juin 2008 précise dans son article 26-II relatives à l’application dans le temps des nouvelles dispositions en matière de prescription que la durée de la prescription en cours ne peut excéder celle prévue par la loi antérieure.
C’est en faisant une exacte application de ces textes que le premier juge a constaté que l’assignation avait été délivrée par monsieur Z le 21 février 2012, et en a déduit que l’action en contrefaçon concernant les faits commis antérieurement au 21 février 2002 étaient prescrits, le point de départ de la prescription décennale étant fixé par la loi applicable au jour de la manifestation du dommage, soit en l’espèce l’utilisation éventuellement contrefaisante des clichés, et non comme le soutient monsieur X à la date où il aurait eu connaissance de cette utilisation, événement visé par l’article 2224 issu de la loi du 17 juin 2008 ; la décision sera en conséquence confirmée sur ce point.
Sur la qualité d’auteur de monsieur X
L’article L 113-1 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’oeuvre est divulguée.
Monsieur X produit les catalogues B de 2002 à 2009 portant la mention de son nom, et lui seul, en qualité d’auteur des clichés ; de même, comme l’ont relevé les premiers juges, le site de la société B INTERNATIONAL désignait selon un procès verbal d’huissier en date du 16 mars 2021 monsieur X comme auteur des photographies en bas de la page d’accueil ; il appartient en conséquence aux sociétés du groupe B de renverser la présomption simple attachée à cette mention du nom du photographe dans les catalogues et le site internet, notamment en établissant que ces clichés ont été capturés par un autre photographe ; force est de constater que les catalogues et le site de la société B INTERNATIONAL ne mentionnent aucun nom de photographe autre que monsieur X et que les sociétés intimées ne fournissent aucune facture adressée à un photographe professionnel relative à des clichés fournis durant la période litigieuse ; elles ne mentionnent pas même dans leurs écritures le nom d’un photographe autre que monsieur X ; les échanges de courriels par elles invoqués, ne démontrent nullement que les photographies contenues dans les catalogues et dans le site sont l’oeuvre d’autres professionnels et ils sont au demeurant sans rapport direct avec cette question ; enfin, non seulement les sociétés B n’apportent aucun élément de nature à renverser la présomption attachée à la mention de monsieur X en qualité d’auteur, mais encore cette présomption est complétée par une attestation de monsieur A indiquant que monsieur X était l’auteur de l’immense majorité des photos présentes dans les catalogues ; il convient en conséquence de confirmer le jugement ayant retenu la qualité d’auteur de monsieur X pour les 268 photographies présentées dans les catalogues et par lui revendiquées.
Sur l’originalité des photographies
Pour bénéficier de la protection offerte par les articles L 111-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, toute oeuvre de l’esprit, et notamment toute photographie, doit revêtir un caractère d’originalité, et donc exprimer l’esprit créateur de son auteur en manifestant l’empreinte de sa personnalité ; il appartient à l’auteur se prévalant de cette protection d’apporter la preuve de cette originalité.
En l’espèce, monsieur X revendique la protection de 268 photographies de roses reproduites sur les catalogues ou le site internet des sociétés B INTERNATIONAL et D B E entre les années 2002 et 2009, rappel étant fait que les demandes formées pour les années antérieures ont été jugées prescrites.
Pour justifier de l’originalité de ses photographies, monsieur X verse deux articles de presse (pièces 44 et 45) mettant en lumière les qualités artistiques des photographies de roses par lui créées ; si ces documents permettent de constater les qualités artistiques des clichés commentés, il n’existe aucun élément permettant de penser que les appréciations élogieuses rapportées concernent les photographies reproduites dans les catalogues des sociétés B, observations étant faites que monsieur X lui-même revendique la création d’au moins un ouvrage indépendant reproduisant des photographies de roses et que l’un des articles produit est relatif au vernissage d’une exposition portant exclusivement sur ce sujet.
La note technique produite par monsieur X relative aux prises de vue des roses, ainsi que la comparaison avec le travail de portraitiste, démontrent un savoir-faire non contesté ni contestable de l’intéressé, mais aussi sa sensibilité artistique ; ces éléments ne permettent cependant pas d’en déduire que cette sensibilité artistique a été mise en oeuvre et est décelable dans les photographies reproduites dans les catalogues et le site objets du présent litige.
Monsieur X verse aux débats (pièces 25, 26 et 27) trois annexes contenant les photographies de roses pour lesquelles il revendique un droit d’auteur ainsi qu’un argumentaire destiné à établir l’originalité des oeuvres en raison du choix du cadrage, de la profondeur de champ, du choix du sujet, du moment de la prise de vue, du choix du type de fichier, et de la préparation de la mise en scène ; il sera observé que le choix du sujet, les roses, ne dépendait pas de monsieur X, mais appartenait aux sociétés B désireuses de proposer à la vente certains types de roses, ce qui au demeurant résulte de l’attestation rédigée par monsieur A (pièce 36) versée par monsieur B lui-même.
Les échanges de courriels versés par les sociétés intimées démontrent par ailleurs que ces sociétés
non seulement sélectionnaient les roses devant figurer dans les catalogues, mais aussi intervenaient dans l’aspect formel des photographies ; ainsi que l’ont relevé les premiers juges, le choix du cadrage, de la lumière et même de la profondeur de champ nécessitait certes un savoir-faire de la part du photographe, mais répondait essentiellement à un impératif commercial dicté par les sociétés B, celui de reproduire de la manière la plus précise et en même temps la plus flatteuse la rose proposée à la vente.
Monsieur X affirme qu’au-delà de leur aspect utilitaire, les photographies dont il est l’auteur manifesteraient son empreinte personnelle en raison du travail de cadrage, de lumière et de la mise en scène des roses reproduites, travail qui lui serait propre ; la comparaison entre les photographies dont il est l’auteur et les photographies figurant dans les catalogues antérieurs à 1986, puis postérieurs à 2012, soit alors qu’il ne fournissait plus de photographies aux sociétés intimées, révèle cependant une grande continuité dans la présentation pour l’ensemble des clichés des roses ; à bon droit, les premiers juges ont fait le constat que cette comparaison ne permettait pas de distinguer les oeuvres de monsieur X des autres photographies illustrant les catalogues B, toutes utilisant l’alternance entre roses en extérieur et roses coupées, des plans plus ou moins rapprochés ainsi que différents cadrages destinés à mettre en avant les particularités de la fleur représentée ; seule l’évolution des techniques de prise de vue donne aux photographies des années 1980 un aspect légèrement différent de celles reproduites ensuite, ce qui manifeste non pas une nouvelle orientation artistique, mais une simple amélioration des matériels de prise de vue ; c’est donc à bon droit qu’après avoir relevé l’impossibilité de distinguer les photographies prises par monsieur X de celles produites par ses prédécesseurs et successeurs, les premiers juges ont pu en déduire que la preuve par monsieur X de l’originalité de chaque cliché par lui revendiqué n’était pas rapportée ; il convient en conséquence de confirmer le jugement attaqué.
Sur les demandes accessoires
L’intention de nuire de monsieur X ne résulte d’aucun fait ou document ; les sociétés B INTERNATIONAL et D B-E seront en conséquence déboutées de leur demande en dommages intérêts pour procédure abusive.
L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de monsieur X, fut-il succombant en son appel.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
— CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de MARSEILLE en date du 19 novembre 2015 dans l’intégralité de ses dispositions,
Y ajoutant,
— DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.
— CONDAMNE monsieur X à l’intégralité des dépens, dont distraction au profit des avocats à la cause
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT