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En reproduisant les signes BARRISOL et BARRISOL STAR sur Facebook, sur son site Internet et dans ses films promotionnels et ce, postérieurement à la résiliation de leurs relations contractuelles, un distributeur a commis des actes de contrefaçon de marques, la bonne foi étant inopérante en matière de contrefaçon.
En application de l’article L.716-14 du code de la propriété intellectuelle alors applicable à la cause, ‘ Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement: 1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.’
______________________________________________________________________________________________________
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRET DU 21 SEPTEMBRE 2021
Numéro d’inscription au répertoire général :18/21394 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6OCH
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Septembre 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – 3e chambre – 1re section – RG n° 17/05551
APPELANTE
SAS X
Société au capital de 1 202 005 euros
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de MULHOUSE sous le numéro 946 750 635
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[…]
[…]
Représentée par Me D E de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Représentée par Me Michaël PIQUET-FRAYSSE de la SELAS LEXINGTON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0485 substituant Me Y Z
INTIMÉE
SARL A-B
Société au capital de 20 000 euros
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTES sous le numéro 344 406 210
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[…]
[…]
[…]
Représentée par Me Anne F-G de la SCP F G, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Assistée de Me Marc DELALANDE de la SELARL CDK VOCATS, avocats au barreau de NANTES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 juin 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre, et Mme Déborah BOHÉE, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, présidente
Mme Françoise BARUTEL, conseillère,
Mme Déborah BOHÉE, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
• Contradictoire
• par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
• signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
La société X est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de plafonds tendus.
Parmi les 178 marques qu’elle expose détenir, la société X est notamment titulaire des marques suivantes, dont elle revendique le caractère notoire :
— la marque verbale française n° 1404078 déposée le 17 avril 1987 pour désigner des ‘ Faux plafonds ou faux murs comportant une nappe ou toile tendue sur supports’,
— la marque française verbale n°3783237 ‘BARRISOL déposée le 19 novembre 2010 pour désigner des produits des classes 6, 11, 19, 27, 37 et 42, notamment les «plafonds métalliques» en classe 6 ; les «toiles lumineuses en matière plastique» en classe 11 ; les «faux-plafonds (non métalliques), plafond-tendus» en classe 19 et les «tentures pour plafonds en matière plastique (non en matière textile) ; toiles ou films non en matière textile pour faux plafonds ou faux murs; revêtements de sols, de plafonds ou de murs non en matière textile» en classe 27 ;
— la marque française semi-figurative n°3222786 ‘BARRISOL déposée le 28 avril 2003 pour désigner des produits des classes 6, 11, 19, 24 et 27 notamment les «’revêtements de murs, de parois, de plafonds (construction) non métallique, plafond non métallique, caissons pour la réalisation de plafonds (non métalliques)’», en classe 6 les «tissus, toiles ; matières plastiques (succédané de tissu) ; tentures murales en matière textile ou en matières plastiques (succédané de tissu) » en classe 24 et les «’tentures murales non en matières textiles » en classe 27 ;
— la marque de l’Union Européenne verbale n°9065087 «’BARRISOL STAR » déposée le 29 avril 2010 pour désigner des produits des classes 6, 11, 19 et 27 notamment les «’plafonds métalliques» en classe 6, les «’toiles lumineuses en matière plastique » en classe 11 ; les «’faux-plafonds (non métalliques), plafond-tendus » en classe 19 et les «’tentures pour plafonds’» en matière plastique (non en matière textile) ; toiles ou films non en matière textile pour faux plafonds ou faux murs; revêtements de sols, de plafonds ou de murs non en matière textile » en classe 27.
La société A B a pour domaine d’activité la décoration et l’aménagement intérieur. Elle est notamment spécialisée dans la pose de plafonds tendus et de textiles tendus. Elle exploite les sites internet www.A-B.fr et www.interlignesdeco.com dont les noms de domaine ont été respectivement réservés en 2000 et 2006 pour proposer aux professionnels et aux particuliers la fabrication, la commercialisation et l’installation de plafonds tendus.
Du 5 avril 1990 au 30 juin 2015, la société A B a été distributeur et installateur agréé des produits ‘BARRISOL, en vertu d’un contrat de concession du système de plafonds tendus BARRISOL conclu pour une durée initiale de 20 ans, tacitement reconductible. Ce contrat a été résilié à l’initiative de la société X par lettre recommandée du 30 juin 2014 à l’issue d’un préavis de 12 mois.
Affirmant que, malgré la perte de sa qualité de distributeur agréé des produits ‘BARRISOL, la société A B continuait de faire usage de ses marques et nom commercial, la société X a :
— Fait constater le 17 novembre 2015 par huissier de justice que la recherche par mots clés «’A B barrisol’» sur le moteur de recherche Google permettait d’accéder au site internet de la société A B et à sa page Facebook laissant apparaitre des images reproduisant le signe BARRISOL ;
— Fait constater le 19 novembre 2015 que le site internet www.interlignesdeco.com de la société A B comportait un lien vers une vidéo dans laquelle le signe BARRISOL était reproduit de manière apparente.
Le 14 janvier 2016, la société X a alors mis en demeure la société A B de cesser immédiatement l’emploi du signe ‘BARRISOL à quelque titre que ce soit et sur tout support. Par courrier en date du 12 février 2016, la société A B, par l’intermédiaire de son conseil, a indiqué au conseil de la société X qu’elle avait supprimé de son site internet et de sa page Facebook les éléments litigieux.
Le 3 février 2017 et le 17 novembre 2017, la société X a fait constater par huissier la présence sur le site www.youtube.com/watch de vidéos commerciales de la société A B faisant apparaitre les marques «’BARRISOL’» et «’BARRISOL STAR’» de la société X.
C’est dans ces circonstances que, le 12 février 2017, la société X a fait assigner la société A B devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marques et concurrence déloyale et parasitaire.
Par jugement rendu le 6 septembre 2018 dont appel, le tribunal de grande instance de Paris a rendu la décision suivante :
— Dit qu’en reproduisant à l’identique les signes constituant les marques française et de l’Union européenne n°3783237, n°3222786 et n°9065087 de la société X au sein d’images et/ou de vidéos en ligne sur le site internet www.A-B.com, sur la page Facebook de la société A B et/ou sur sa chaine Youtube, celle-ci a commis à son préjudice des actes de contrefaçon de marque.
— Interdit à la société A B de faire usage à quelque titre que ce soit du signe BARRISOL constituant les marques n°3783237, n°3222786 et n°9065087 sur tout le territoire de l’Union européenne.
— Dit que le préjudice subi par la société X est intégralement réparé par la mesure d’interdiction prononcée et rejette en conséquence les demandes indemnitaires de la société X ainsi que les demandes de publication judiciaire et de confiscation.
— Dit que la renommée des marques BARRISOL n°3783237, n°3222786 et n°9065087 n’est pas établie et rejette les demandes de la société X présentées sur ce fondement.
— Rejette les demandes de la société X au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme.
— Dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
— Condamne la société A B à supporter les entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés directement par Maître Y Z conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
— Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.
Le 27 septembre 2018, la société X a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions transmises le 16 mars 2021, la société X, appelante, demande à la cour :
De CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a :
— Dit qu’en reproduisant à l’identique les signes constituant les marques françaises et de l’Union européenne n°3783237, n°3222786 et n°9065087 de X au sein d’images et/ou de vidéos en ligne sur le site internet www.A-B.com, sur la page Facebook de A-B et/ou sur sa chaîne Youtube, celle-ci a commis à son préjudice des actes de contrefaçon de marque ;
— Interdit à A B de faire usage à quelque titre que ce soit du signe BARRISOL constituant les marques n°3783237, n°3222786 et n°9065087 sur tout le territoire de l’Union européenne ;
D’INFIRMER le jugement entrepris pour le surplus et statuer à nouveau :
— Dire et juger que les marques « BARRISOL » n°3783237 et 1404078 jouissent d’une renommée au sens de l’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle ;
— Dire et juger que A B porte atteinte à la renommée des marques « BARRISOL » n°3783237 et 1404078 dont est titulaire X ;
— Dire et juger que A B se rend responsable d’actes de concurrence déloyale et de parasitisme au préjudice de X, sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil ;
En conséquence,
— De condamner A B à payer à X, en réparation du préjudice causé par les actes de contrefaçon, la somme globale de 90.000 euros, sauf à parfaire ;
— De condamner A B à payer à X, en réparation du préjudice causé par l’atteinte à la renommée des marques « BARRISOL », la somme globale de 10.000 euros, sauf à parfaire ;
— De condamner A B à payer à X la somme de 35.000 euros, sauf à parfaire, en réparation du préjudice causé par les actes de concurrence déloyale ;
— De condamner A B à payer à X la somme de 30.000 euros, sauf à parfaire, en réparation du préjudice causé par les actes de parasitisme ;
— D’autoriser X, au besoin à titre de dommages-intérêts complémentaires, à faire publier l’arrêt à intervenir dans 3 journaux ou périodiques de son choix, aux frais de A B ; et ce, à titre de complément de dommages-intérêts, sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder 30.000 ‘ HT ;
— De condamner A B à publier, à ses frais, pendant une durée de 3 mois à compter de la signification de la décision à intervenir, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, tout en haut de la page d’accueil de son site internet, accessible à l’adresse www.interlignesdeco.com et www.A-B.fr, en caractères gras, noirs sur fond blanc, de 0,5 cm de hauteur, dans un encadré, sous le titre « communiqué judiciaire », lui-même en caractères de 0,7 cm de hauteur, le communiqué judiciaire suivant :
« Par arrêt en date du ——, la Cour d’appel de Paris a condamné la société A-B, éditrice des sites www.interlignesdeco.com et www.A-B.fr pour contrefaçon de marques, concurrence déloyale et parasitaire, atteinte à la renommée de la marque « Barrisol » envers la société X »
En tout état de cause,
— De condamner A B à payer à X la somme de 20.000 ‘ par application de l’article 700 du code de procédure civile,
— De condamner A B aux dépens de la présente instance, qui comprendront les frais des constats des 17 et 19 novembre 2015, du 3 février 2017 et du 17 novembre 2017, dont distraction au profit de Maître D E-SELARL 2 H AVOCATS, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions transmises le 5 mai 2021, la société A B, intimée, demande à la cour :
À titre principal
— De confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris le 6 septembre 2018 en toutes ses dispositions.
À titre subsidiaire
— De condamner la société X à payer à la société A B la somme de 20.000 ‘ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.
— De condamner la société X à payer à la société A B la somme de 20.000 ‘ au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
— De condamner la société X au paiement des entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de la SCP F-G et ce, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 juin 2021.
MOTIFS DE L’ARRET
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur les chefs du jugement non critiqués:
Il doit d’abord être constaté que le jugement dont appel n’est pas critiqué en ce qu’il a:
— Dit qu’en reproduisant à l’identique les signes constituant les marques française et de l’Union européenne n°3783237, n°3222786 et n°9065087 de la société X au sein d’images et/ou de vidéos en ligne sur le site internet www.A-B.com, sur la page Facebook de la société A B et/ou sur sa chaîne Youtube, celle-ci a commis à son préjudice des actes de contrefaçon de marque,
— Interdit à la société A B de faire usage à quelque titre que ce soit du signe BARRISOL constituant les marques n°3783237, n°3222786 et n°9065087 sur tout le territoire de l’Union européenne.
Sur les demandes formulées au titre de la contrefaçon de marques:
L’appelante rappelle qu’en reproduisant les signes BARRISOL et BARRISOL STAR sur Facebook, sur son site Internet et dans ses films promotionnels et ce, postérieurement à la résiliation de leurs relations contractuelles, la société A B a commis des actes de contrefaçon de ses marques, la bonne foi étant inopérante en matière de contrefaçon. Elle estime que la société A B a tardé avant d’agir pour faire cesser la publication de ces contenus contrefaisants. Elle ajoute qu’il ne peut lui être reproché d’avoir contribué à son préjudice en n’ayant pas informé les hébergeurs et les fournisseurs d’accès sur les faits litigieux, pour les faire cesser.
Contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, l’appelante affirme avoir subi un important préjudice suite à ces actes, notamment en raison des atteintes à ses droits privatifs sur les marques en cause, atteinte également portée à leur caractère distinctif et à leur notoriété, fruits d’investissements considérables, reprochant à l’intimée d’être un contrefacteur récidiviste au regard des avertissements déjà donnés et de la pluralité des atteintes commises. Enfin, l’appelante soutient que le calcul du préjudice subi doit prendre en considération les retombées directes et indirectes dont la société A B a bénéficié en usurpant la notoriété des marques BARRISOL.
L’intimée, tout en ne contestant pas la matérialité des faits de contrefaçon, souligne sa bonne foi, en relevant que toutes les images de BARRISOL postées sur son site internet et ses réseaux sociaux l’ont été bien antérieurement à la rupture des relations commerciales entre les sociétés et met en avant les diligences accomplies pour supprimer les photographies litigieuses. Elle rappelle qu’aucune des vidéos litigieuses n’est accessible par son site internet depuis la mise en demeure qui lui a été adressée par la société X en janvier et que ces vidéos sont très anciennes.
Elle souligne que la société X est dans l’incapacité de démontrer qu’elle a subi un quelconque préjudice, notamment en terme de perte de chiffre d’affaires, ni qu’un seul de ses client est entré en contact avec elle depuis 2015 dans la croyance d’obtenir la mise en oeuvre d’un produit BARRISOL. Elle stigmatise le comportement de l’appelante qui, malgré la procédure de notification prévue à l’article 6. I. 5 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) afin d’obtenir le retrait des vidéos litigieuses diffusées sur YouTube, n’a effectué aucune démarche en ce sens et a contribué à leur maintien en ligne et, ainsi, à son propre préjudice.
En application de l’article L.716-14 du code de la propriété intellectuelle alors applicable à la cause, ‘ Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement:
1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.’
Sur ce, la société X démontre, par la production de constats d’huissier de justice dressés les 17 et 19 novembre 2015, que postérieurement au 30 juin 2015, date de la fin des relations avec la société A B, la recherche par mot clé ‘A B BARRISOL’ sur le moteur de recherche GOOGLE permettait d’accéder à certaines photographies en ligne sur le site internet et la page Facebook de la société A B ainsi que, via un lien hypertexte apposé sur le site www.A-B.com, à une vidéo en ligne sur la chaîne YOUTUBE administrée par l’intimée. Ces photographies et cette vidéo, relatives à un salon professionnel, comportent une reproduction à l’identique de la marque BARRISOL, dans sa forme verbale et semi-figurative, sur l’enseigne et dans les éléments de décor du stand ainsi qu’au bas de certaines images. Ces images et le lien vers la vidéo en cause ont été supprimés du site internet et de la page Facebook de l’intimée après réception de la mise en demeure du 14 janvier 2016.
Il est également établi par les constats d’huissiers dressés les 3 février et 17 novembre 2017 que 13 vidéos commerciales étaient en ligne sur la chaîne YOUTUBE de la société A B, comportant à l’identique les marques BARRISOL.
Ainsi, comme l’a retenu le tribunal, la marque BARRISOL a été reproduite à l’identique, pour la promotion de plafonds tendus, soit des produits identiques à ceux visés lors de l’enregistrement des marques déposées par l’appelante, dans la vie des affaires et à titre de marque, pour garantir l’origine commerciale des produits présentés, ce qui caractérise les faits de contrefaçon dénoncés, la circonstance que la société A B a fait supprimer les premiers contenus dès la mise en demeure ou a entamé des démarches émaillées de difficultés pour supprimer les seconds, étant sans effet, puisque la bonne foi est inopérante en matière de contrefaçon.
Il doit par ailleurs être relevé que le signe BARRISOL est visible sur les photographies et vidéos incriminées et que les dernières vidéos n’ont été supprimées qu’en janvier 2018, la société A B n’étant pas fondée à reprocher à la société X de n’avoir pas pris l’initiative de supprimer les contenus contrefaisant auprès de l’hébergeur en cause, même si la loi l’y autorise.
Cependant, comme l’a justement analysé le tribunal, les premiers procès-verbaux de constat établis en 2015 ne permettent pas de déterminer le chemin d’accès à ces contenus depuis le site de la société A B, la recherche ayant été opérée de manière orientée en associant les termes ‘BARRISOL’ et ‘A B’, et non directement depuis son site internet, et n’établissent pas, en conséquence, la facilité d’accès de ces éléments pour le public pertinent concerné.
S’agissant des vidéos présentes sur la chaîne YOUTUBE, la société A B démontre qu’elles ont toutes été publiées en 2011, alors qu’elle commercialisait licitement les produits BARRISOL.
Il doit en outre être relevé que l’usage et la présentation des marques incriminés dans les supports en cause s’inscrivent davantage comme un élément de décor plutôt que comme un vecteur de communication et qu’en tout état de cause, elles ont fait l’objet d’un nombre limité de consultations, de sorte que la société X n’est pas fondée à soutenir que l’intimée serait ‘un contrefacteur récidiviste’, la publication de l’ensemble de ces contenus ayant eu lieu à une même époque où les parties étaient en relation d’affaire, avant que l’appelante ne décide d’y mettre un terme.
Par ailleurs, la société X, qui forme une demande indemnitaire globale de 90 000 ‘, ne verse aucun élément justifiant d’un manque à gagner suite aux faits incriminés, ni d’un bénéfice tiré par la société A B.
En conséquence, au vu de l’ensemble de ces éléments analysés distinctement, le préjudice subi par la société X s’analyse uniquement en une atteinte à la valeur des marques reproduites et à leur pouvoir distinctif, leur emploi ayant été ainsi banalisé, alors que l’appelante démontre consacrer un budget important pour la promotion de ses marques BARRISOL.
En conséquence, le préjudice subi au titre des faits de contrefaçon commis par la société A B sera justement réparé par l’octroi d’une somme de 2.000′, le jugement dont appel étant infirmé de ce chef.
Sur la renommée des marques BARRISOL n° 1404078 et n° 3783237:
Sur la renommée de la marque
L’appelante soutient que les marques BARRISOL n°1404078 – celle- ci déposée il y a plus de trente ans et opposée pour la première fois en cause d’appel- et n°3783237, exploitées sans discontinuer, jouissent d’une renommée en raison de leur exploitation intensive auprès du public concerné par les produits visés par l’enregistrement, et qu’elles ont été associées, par ailleurs, à la réalisation de grands projets d’exception. Elle précise que le public concerné par les produits visés par ces marques est un public français composé de professionnels de la construction et du bâtiment susceptibles de recourir aux plafonds tendus, de sorte qu’il est cohérent, selon elle, que les articles produits soient parus dans la presse spécialisée. Par ailleurs, la société X indique être le numéro 1 du plafond tendu dans le monde depuis 50 ans et détenir 20 % de parts de marché au niveau mondial en 2018, sur un marché où se côtoient 500 concurrents. Elle produit un sondage réalisé sur un panel de 402 professionnels représentatifs dans le domaine de la construction et du bâtiment susceptible de recourir aux plafonds tendus, duquel il ressort que la marque BARRISOL est la première marque de plafonds tendus spontanément citée par les sondés et arrive très largement en tête s’agissant de la notoriété assistée parmi les principaux fabricants de plafonds tendus. La société X en conclut que la marque BARRISOL’ apparaît comme étant connue par une partie significative du public de professionnels ayant recours aux plafonds tendus. Elle met également en avant les investissements importants réalisés pour promouvoir cette marque et les efforts déployés pour lutter contre son exploitation injustifiée par des tiers.
En réponse, l’intimée estime que le sondage invoqué n’est pas probant car il a été réalisé à partir d’un panel restreint et plus de trois ans après les premiers faits incriminés et un an après les deux derniers constats, alors que c’est à la date à laquelle les faits incriminés sont constatés que doit s’apprécier la renommée de la marque. Par ailleurs, elle soutient qu’aucun jugement n’a encore reconnu cette renommée.
En application de l’article 9§l et 2 c) du règlement (CE) n° 207/2009 du 26 février 2009 sur la marque de l’Union européenne:
« 1 L’enregistrement d’une marque de l’Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.
2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d’une marque de l’Union européenne, le titulaire de cette marque de l’Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou services lorsque :
c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’Union et que l’usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de 1’Union européenne ou leur porte préjudice’.
Et en vertu de l’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction applicable à la cause, ‘La reproduction ou l’imitation d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière. (…)’
A titre liminaire, il convient de constater qu’à hauteur d’appel, la société X limite ses demandes à ses deux marques verbales BARRISOL et verse de nouveaux éléments de preuve.
Sur ce, comme l’ont justement relevé les premiers juges, la marque est constituée d’un signe verbal unique identique au nom commercial de la société X. Cette particularité, qui ne dispense pas de s’attacher à la nature de l’usage du signe à titre de marque, implique néanmoins que la visibilité du nom commercial rejaillit inévitablement sur la marque dans l’esprit du public pertinent qui procédera par assimilation en particulier dès que le signe sera utilisé indistinctement pour désigner l’un et l’autre, et, en tout état de cause les produits commercialisés et visés dans l’enregistrement.
Il en est ainsi dans la plupart des articles de presse produits en pièces 13 à 16, 31, 32, 46, dont le plus ancien date de 2013, qui évoquent presque tous la demanderesse sous son nom commercial et mentionnent sa qualité de ‘leader mondial’ du plafond tendu. Ainsi, le magasine Capital de décembre 2014 crédite la société ‘ BARRISOL X’ de 20% des parts de marché mondial du secteur pour un chiffre d’affaires de 25 millions d’euros et un classement 2015 du magazine ‘L’EXPRESS L’ENTREPRISE’ mentionne la société ‘X BARRISOL’ à la 89e place sur 100 des entreprises françaises qui s’imposent sur les marchés étrangers avec un chiffre d’affaires 2014 de 19,951 millions d’euros, dont 9,18% réalisé à l’international dans le secteur des plafonds-tendus.
Pour asseoir la renommée de sa marque, la société X se réfère également notamment à:
— une étude de la Direction régionale alsacienne de l’industrie, de la recherche et de l’environnement (DRIRE Alsace) relative à ‘L’aménagement de la maison en Alsace’ désignant la société X comme un ‘fleuron régional d’envergure européenne’ et comme le ‘n°1 mondial des plafonds tendu’,
— une attestation de son expert-comptable datée du 28 septembre 2016 relative aux investissements
publicitaires pour les marques ‘BARRISOL’ engagés par la société X durant les exercices 2013 à 2015 pour un montant respectif annuel de 723.000′, 652.000′ et 584.000’,
— une attestation actualisée au 26 août 2019 mentionnant des dépenses de publicité pour les années 2016, 2017 et 2018 de 693.806′, 787.828′ et 824.280′,
— une autre attestation de la société KPMG datée du 6 janvier 2020 mentionnant le montant des chiffres d’affaires réalisés par l’appelante sur les exercices 2015, 2016, 2017 et 2018 (sur 18 mois) à hauteur respectivement de 23.314.673′, 23.924.009′, 22.607.375′ et 29.554.289′ et corrélativement des dépenses liées aux marques et aux brevets pour les années 2016, 2017 et au 30 juin 2019 à hauteur respectivement de 432.231′, 642.749′ et 856.480′, ces chiffres étant mis en perspective avec les chiffres d’affaires de ses principaux concurrents pour l’année 2016, soit 7.463.252′ pour la société CLIPSO PRODUCTION, 5.957.500′ pour la société NEWMAT, 2.415.600′ pour la société ALYOS et 1.156.614′ pour la société SWAT,
— un extrait de son site internet mentionnant un réseau de 1200 installateurs agrées Barrisol répartis dans 145 pays,
— un certificat d’enregistrement relatif à la première marque verbale ‘BARRISOL’ déposée le 17 avril 1987 et renouvelée depuis lors,
— un certificat d’enregistrement relatif à la première marque semi-figurative ‘ BARRISOL’, déposée le 30 septembre 1985 et régulièrement renouvelée depuis lors,
— un extrait de son site internet relatif aux ‘projets d’exception’ qu’elle a réalisés dans le monde (réalisation de plafonds pour plusieurs musées, pour des piscines, des gares, des hôtels…)
— une copie d’écran du site alibaba.com faisant apparaître qu’une recherche à partir du mot-clé BARRISOL génère plus de 400 annonces concernant des ‘contrefaçons’ de produits BARRISOL,
— un arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 mai 2015 qui fait état d’une forte notoriété de la marque BARRISOL,
— un article du site LES ECHOS du 14 mars 2012 intitulé ‘Barrisol tiré par ses plafonds tendus’ relatant sa place de leader détenant 20% du marché mondial, ses investissements en matière d’innovation et la chasse que mène la société contre les contrefacteurs,
— un sondage OPINION WAY de décembre 2018 sur la marque BARRISOL, mené auprès de 402 professionnels de la construction et du bâtiment duquel il ressort que :
— la marque BARRISOL est la première marque de plafonds tendus spontanément citée par les sondés à hauteur de 35% (la suivante étant citée par 9% des sondés)
— la marque BARRISOL arrive en tête s’agissant de la notoriété assistée parmi les principaux fabricants de plafonds tendus pour 74% (contre 24% pour la marque suivante),
— la marque BARRISOL est considérée comme leader dans le secteur des plafonds tendus pour 54% des professionnels interrogés,
— un article du site LES ECHOS du 19 octobre 2018 intitulé ‘Barrisol, pied au plancher à la contrefaçon’ dans lequel il est mentionné en sous-titre ‘Spécialiste du plafond tendu, cette PME familiale dépose marques, brevets et modèles partout dans le monde. Ainsi Barrisol lutte contre une contrefaçon active et renforcée par internet’, soulignant ensuite ‘ Numéro un mondial du plafond tendu, Barrisol a réalisé une partie des ouvrages de la plupart des magasin Apple, de plusieurs concessions Ferrari à travers le monde ou encore de l’opéra d’Oslo. Cette PME familiale créée en 1967 à KEMBS ( Haut Rhin) a pris conscience, dès les années 1980, de l’importance de la marque pour sa diffusion, en particulier à l’international’
Au vu de cet ensemble d’éléments précis et concordants, il convient de retenir que la société X justifie du caractère renommé de ses marques BARRISOL n°1404078 et n°3783237 sur le territoire national auprès d’une partie significative du public concerné par les produits couverts par ces marques, en l’espèce essentiellement les professionnels du bâtiment et de la construction, dans la mesure où les techniques de confection et de pose nécessitent une expérience particulière, au sens de l’arrêt General Motors de la Cour de justice de l’Union européenne du 14 septembre 1999, tel que cela ressort du sondage réalisé en France, de l’ancienneté de la marque qui existe depuis 1987, de la connaissance par le public français de la société X comme leader mondial du plafond tendu, de la grande visibilité de la marque ‘BARRISOL’ sur internet mais aussi dans la presse générale et spécialisée en France, outre des investissements publicitaires conséquents déployés par l’appelante pour entretenir son image et promouvoir sa marque, dans le domaine de la pose de plafonds tendus.
Par ailleurs, si, effectivement, la notoriété de la marque BARRISOL doit être appréciée à la date des faits incriminés, soit de 2015 au début de l’année 2018, la société A B n’est pas fondée à s’opposer à la prise en compte du sondage réalisé en décembre 2018, sur un panel représentatif en nombre, compte tenu du fait que la renommée d’une marque s’acquiert le plus souvent progressivement dans le temps, la valeur probante de ce sondage étant en outre à apprécier à l’aune de l’ensemble des autres pièces versées au débat.
Il convient en conséquence de retenir que la marque BARRISOL est une marque renommée et bénéficie en conséquence du régime spécial de protection édicté par l’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle et d’infirmer le jugement dont appel de ce chef.
Sur l’atteinte à la renommée de la marque
L’appelante soutient que l’intimée a indûment profité du caractère distinctif et de la renommée des marques BARRISOL afin de promouvoir ses propres produits et services et s’est placée dans son sillage pour bénéficier sans bourse délier de leur pouvoir d’attraction et de sa réputation en France et à l’international afin d’attirer de nouveaux clients sur le site internet qu’elle exploite.
Elle ajoute que l’atteinte à la renommée de la marque BARRISOL a conduit à une dépréciation de son image en ce qu’elle n’a plus le contrôle sur ses conditions d’exploitation, cette perte du monopole d’exploitation se traduisant en outre nécessairement par une dilution de son pouvoir d’attractivité.
En réponse, l’intimée affirme que la société X ne fournit aucun élément permettant d’établir un préjudice particulier qui serait la conséquence d’une atteinte au caractère distinctif de sa marque.
Sur ce, dans son arrêt Intel du 27 novembre 2008, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que, aux fins de bénéficier de la protection instaurée par l’article 4, paragraphe 4, sous a), de la directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, le titulaire de la marque antérieure doit rapporter la preuve que l’usage de la marque postérieure ‘tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice». Elle ajoute que ‘les atteintes contre lesquelles l’article 4, paragraphe 4, sous a), de la directive assure ladite protection en faveur des marques renommées sont, premièrement, le préjudice porté au caractère distinctif de la marque antérieure, deuxièmement, le préjudice porté à la renommée de cette marque et, troisièmement, le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de ladite marque’, et ajouté qu’un seul de ces trois types d’atteinte suffit pour que ladite disposition soit reçoive application.
La CJUE a précisé également qu’il appartient au titulaire de la marque antérieure de démontrer l’existence soit d’une atteinte effective et actuelle à sa marque au sens de l’article 4, paragraphe 4, sous a), de la directive, soit, à défaut, d’un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur, ce qui suppose que soit démontrée, précise la CJUE le 14 novembre 2013 dans son arrêt Elmar Wolf, une modification du comportement économique du consommateur moyen des produits ou services pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, consécutif à l’usage du signe en cause, ou un risque sérieux qu’une telle modification se produise dans le futur.
Cependant, il doit être relevé que ces images ont, soit été effacées rapidement par la société A B, soit ont fait l’objet d’une exploitation symbolique au regard du très faible nombre de visionnages des vidéos, mises en ligne à une époque où les deux parties étaient en relation. En outre, comme le fait remarquer la société A B, l’appelante ne justifie par aucune pièce des atteintes effectives portées à sa marque renommée au sens des textes précités. Ainsi, elle n’explique ni ne démontre en quoi l’apposition de ces marques comme élément de décor dans quelques vidéos au contenu suranné et n’ayant été que très peu consultées aient pu induire une modification du comportement économique du consommateur moyen des produits ou services pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, ni même un risque sérieux qu’une telle modification se produise dans le futur, et ce d’autant que cet usage a été circonscrit dans le temps.
En conséquence, il convient de débouter la société X des demandes de dommages et intérêts formulées au titre de l’atteinte à la renommée de ses marques et de confirmer le jugement de ce chef.
Sur la concurrence déloyale et parasitaire :
La société X précise invoquer des faits distincts de ceux argués au titre de la contrefaçon, puisque le signe BARRISOL est aussi utilisé à titre de nom commercial et d’enseigne. Elle soutient que la reprise des signes de ralliement au réseau de X constitue un comportement déloyal et traduit la volonté délibérée de l’intimée de tirer profit de l’enseigne BARRISOL qui est notoirement connue du public, en faisant croire à ses clients et prospects qu’elle appartient au réseau de distributeurs/installateurs agréés par X. Par conséquent, selon elle, la société A B maintient à l’égard de la clientèle une ambiguïté et une confusion quant à ses relations avec elle et se sert du signe «’BARRISOL’» comme d’une marque d’appel. Elle illustre ses propos par le témoignage d’un client de la société A B.
L’appelante ajoute que la gamme BARRISOL qu’elle commercialise est le fruit d’un travail et d’un investissement importants pendant plus de 50 ans. Ainsi, en reproduisant sans autorisation les marques BARRISOL, la société A B s’inscrit dans son sillage en profitant indûment de son savoir-faire et de sa renommée dans le secteur des plafonds tendus et des investissements consentis.
En réponse, l’intimée soutient qu’il ne s’agit pas d’un fait distinct de ceux invoqués au soutien de l’action en contrefaçon et que la société X ne justifie pas de la réalité de son préjudice.
Sur ce, la concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l’article 1240 du code civil mais sont caractérisés par l’application de critères distincts, la concurrence déloyale l’étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d’autrui individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements.
Ces deux notions doivent être appréciées au regard du principe de la liberté du commerce et de l’industrie qui implique qu’un produit ou un service qui ne fait pas l’objet d’un droit de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par
la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit ou par l’existence d’une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l’exercice paisible et loyal du commerce.
La charge de la preuve incombe au cas présent à l’appelante.
À titre liminaire, il convient de constater que la société X met en avant au titre de la concurrence déloyale des agissement distincts de ceux argués au titre de la contrefaçon, puisqu’elle démontre utiliser le signe BARRISOL à titre de nom commercial et d’enseigne.
À cet égard, le fait pour la société A B d’avoir laissé apparaître sur son site internet puis sur des vidéos le terme BARRISOL clairement apparent, pendant plusieurs années après la rupture de ses relations avec la société X, a permis de faire croire à ses clients qu’elle appartenait encore au réseau de distributeurs et installateurs agréés par l’appelante, maintenant ainsi à l’égard de la clientèle une ambiguïté et une confusion quant à ses relations avec elle. L’intimée a indûment profité par cet usage, de la connaissance de cette enseigne dans le secteur des plafonds tendus entretenue par les investissements conséquents consacrés par la société X et s’est ainsi, inscrite dans son sillage.
Si l’intimée justifie de démarches pour tenter de régulariser la situation, il doit être fait le constat qu’elles n’ont pas été immédiates et qu’elles ont tardé à produire leur effets, les dernières vidéos en cause n’ayant été supprimées qu’en 2018.
Il ne peut cependant être déduit des courriers et attestations émanant de M. C, manifestement mécontent des services de la société A B, que cette dernière se soit prévalue auprès de lui de la marque BARRISOL ou se soit engagée à poser des produits de cette marque ou, même, que la société A B procède à la pose de produits de moindre qualité dévaluant l’image de la société X.
En conséquence, il convient de retenir l’existence d’un préjudice, du fait de cet usage déloyal du nom commercial et de l’enseigne de la société X par son ancien distributeur.
Cependant, ce préjudice doit être relativisé puisque l’usage du signe en cause a rapidement cessé sur le site internet de l’intéressée et que les vidéos sur lesquelles il a continué de figurer, comme élément de décor sans être mis en avant, sont très anciennes et n’ont été que très peu consultées, la société X ne démontrant nullement par ailleurs, le préjudice économique subi en conséquence en terme de baisse de chiffre d’affaires ou de perte de clientèle.
En conséquence, il convient de dire que le préjudice subi en conséquence par la société X du fait des agissements de la société A B sera justement réparé par l’octroi d’une somme de 2.000′ de dommages et intérêts, le jugement dont appel étant infirmé de ce chef.
Sur les mesures complémentaires :
Il n’y a pas lieu d’ordonner la publication de la présente décision, le préjudice subi par la société X étant réparé par l’octroi de dommages et intérêts.
Corrélativement, le jugement dont appel est confirmé de ce chef.
Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive
La société A B dénonce l’acharnement procédural à son encontre de la société X, rappelant que c’est elle qui est à l’origine de la rupture de leur contrat, et lui reproche d’avoir produit aux débats une attestation comportant des faits contraires à la vérité. Elle en déduit
être bien fondée à voir indemniser le préjudice moral subi en conséquence.
Sur ce, dans la mesure où la société X prospère sur une partie de ses demandes, la demande formulée du chef de la procédure abusive par la société A B doit être rejetée, le fait d’exercer une voie de recours en justice légalement ouverte n’étant susceptible de constituer un abus que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles qui ne sont pas réunies en l’espèce.
Sur les autres demandes
La société A B, succombant, sera condamnée aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés par Maître D E, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, comprenant les frais des constats des 17 et 19 novembre 2015, du 3 février et du 17 novembre 2017 et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
Enfin, l’équité et la situation des parties commandent de condamner la société A B à verser à la société X la somme globale de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirme le jugement déféré en ce qu’il a :
— Dit que le préjudice subi par la société X du fait des actes de contrefaçon de marques est intégralement réparé par la mesure d’interdiction prononcée et rejeté en conséquence les demandes indemnitaires de la société X,
— Dit que la renommée des marques BARRISOL n°3783237, n°3222786 et n°9065087 n’est pas établie,
— Rejeté les demandes de la société X au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme,
Statuant à nouveau,
— Condamne la société A B à verser à la société X la somme de 2.000 ‘ en réparation des faits de contrefaçon des marques française et de l’Union européenne n° 1404078, n°3783237, n°3222786 et n°9065087 de la société X,
— Dit que les marques BARRISOL n° 1404078 et n°3783237 sont des marques de renommée, au sens de l’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle,
— Dit que la société A B s’est rendue coupable d’actes de concurrence déloyale et parasitaire à l’égard de la société X,
— Condamne en conséquence la société A B à verser à la société X la somme de 2.000′ en réparation de son préjudice,
Confirme le jugement pour le surplus et y ajoutant,
— Déboute la société A B de sa demande dommages et intérêts pour procédure
abusive,
— Condamne la société A B aux dépens d’appel, comprenant les frais des constats des 17 et 19 novembre 2015, du 3 février et du 17 novembre 2017, qui pourront être recouvrés par Maître D E conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
— Condamne la société A B à verser à la société X une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE