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La reproduction d’une oeuvre de l’esprit en violation du droit d’auteur constitue un trouble manifestement illicite, de sorte qu’un titulaire de droit d’auteur est habilité à saisir la juridiction en référé afin qu’il soit mis fin au trouble en l’absence de contestation sérieuse opposée. Cette saisine suppose toutefois d’établir l’originalité de l’oeuvre.
L’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur celle-ci, du seul fait de sa création et dès lors qu’elle est originale, d’un droit de propriété incorporelle exclusif comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.
L’originalité de l’oeuvre, qui s’apprécie à la date de sa création, peut résulter du choix des couleurs, des dessins, des formes, des matières ou des ornements mais, également, de la combinaison originale d’éléments connus.
La combinaison d’éléments qui en eux-mêmes ne présentent pas d’originalité peut manifester un effort créatif si elle confère à l’oeuvre revendiquée une physionomie propre la distinguant de celles appartenant au même genre et traduisant un parti pris esthétique du créateur.
Si la notion d’antériorité est indifférente en droit d’auteur, celui qui se prévaut de cette protection devant plutôt justifier de ce que l’oeuvre revendiquée présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur, l’originalité doit être appréciée au regard d’oeuvres déjà connues afin de déterminer si la création revendiquée s’en dégage d’une manière suffisamment nette et significative, et si ces différences résultent d’un effort de création, marquant l’oeuvre revendiquée de l’empreinte de la personnalité de son auteur.
Lorsque la protection par le droit d’auteur est contestée en défense, l’originalité de l’oeuvre revendiquée doit être explicitée par celui qui s’en prétend auteur, seul ce dernier étant à même d’identifier les éléments traduisant sa personnalité.
En l’espèce, l’auteur d’un logo Harley Davidson procède essentiellement à une description visuelle du logo qu’il a créé en 1992 puis fait évoluer en 2018. Par ailleurs, le fait d’associer une tête de mort, coiffée d’un foulard jaune et reprenant les initiales JH, avec une plume d’aigle et deux pistons de moto, le tout cerclée de turquoise et mentionnant en bandeau les noms «DESPERADOS» et «HDC HARLEY-DAVIDSON [Localité 15]» ou reprenant le dessin stylisé d’un aigle, ne constitue pas, avec l’évidence requise au stade du référé, une oeuvre de l’esprit protégeable au titre du droit d’auteur.
Ainsi, la composition précise revendiquée reprend manifestement les codes visuels propres à l’univers des motards ou «bikers» associés à des accessoires ou couleurs appréciés de [X] [R], pour constituer le logo de son club de motards, ce qu’au demeurant ne conteste pas l’appelant qui précise avoir cherché à refléter les univers emblématiques du chanteur autour du folklore américain, des Etats Unis, des motos et des tatouages.
En conséquence, le trouble manifestement illicite en raison de l’atteinte aux droits d’auteur alléguée par l’auteur n’est pas démontré, la cour constatant par ailleurs que les premiers procès-verbaux de constat ont été réalisés en mai 2020 et que la présente instance en référé n’a été introduite que près de deux années plus tard, après même l’introduction d’une action au fond le 19 octobre 2021.
Pour rappel, aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, ‘Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire’.
Et selon l’article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle’Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit on ayants cause est illicite.’
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2023
(n° 136/2023, 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 22/14637 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGI2N
Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé du 08 Juillet 2022 par le Président du Tribunal Judiciaire de PARIS – RG n° 22/54458
APPELANT
M. [K] [U]
Né le 22 mars 1964 à [Localité 2] (13)
De nationalité française
Exerçant la profession de graphiste-illustrateur
Demeurant [Adresse 14]
[Localité 2]
Représenté par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque L 0020
Assisté de Me Jean ANDRE de la SPE ROMAN ANDRÉ, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Association HDC DESPERADOS,
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 5]
[Adresse 12]
[Localité 11]
Monsieur [E] [L] [B]
Né le 25 décembre 1953 à [Localité 16] (37)
Retraité
Demeurant [Adresse 3]
[Localité 9]
Monsieur [W] [S]
Né le 30 octobre 1952 à [Localité 15] (75)
De nationalité française
Retraité
Demeurant [Adresse 7]
[Localité 8]
Monsieur [I] [M]
Né le 21 avril 1958 à [Localité 15] (75)
De nationalité française
Demeurant [Adresse 4]
[Localité 10]
Monsieur [A] [P]
Né le 17 janvier 1964 à [Localité 13]
De nationalité française
Demeurant [Adresse 6]
[Localité 1]
Représentés par Me Audrey BERNARD de la SELAS ACG & ASSOCIES, avocate au barreau de l’ESSONNE
Assistés de Me Manuel COLOMES, avocat au barreau de l’AUBE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre, en présence de Mme Déborah BOHÉE, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre
Mme Françoise BARUTEL, conseillère
Mme Déborah BOHÉE, conseillère.
Greffier, lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRÊT :
Contradictoire
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DES FAITS ET DU LITIGE
M. [K] [U] se présente comme un artiste graphique et tatoueur, connu sous le pseudonyme de ‘[C]’, et indique avoir créé un logotype pour le club de motards DESPERADOS dont était membre M. [K] [H], connu sous le pseudonyme de [X] [R].
Ce dessin a été déposé et enregistré auprès de l’INPI le 22 juin 1992 sous le numéro 924112. Il a expiré le 22 juin 2016.
Ce logo a également fait l’objet d’une déclinaison par M. [U], qui a déposé à l’INPI ce dessin sous le numéro 20185897 le 23 décembre 2018.
L’association H.D.C est une association régie par la loi 1901 fondée par [K] [H] en 1992, qu’il a quittée en 1995. Elle est actuellement présidée par M. [W] [S].
Cette association est titulaire des marques suivantes :
– la marque semi-figurative française enregistrée le 10 janvier 2019 sous le n° 4514426 ;
– la marque verbale française enregistrée le 6 mai 2019 sous le n° 4548997 ‘H.D.C DESPERADOS’ ;
– la marque verbale de l’Union européenne enregistrée le 2 octobre 2019, n° 18131240 ‘H.D.C DESPERADOS’ ;
– la marque verbale française enregistrée le 1er octobre 2019 sous le n° 4514414 ‘HARLEY DAVIDSON CLUB DESPERADOS’ ;
– la marque figurative française enregistrée le 12 octobre 2020 sous le n° 4690502.
Toutes les cinq ont été déposées en classes 14, 25 et 41 pour désigner notamment des bijoux de fantaisie, des vêtements et accessoires et des services de divertissement.
La sixième marque verbale enregistrée le 7 février 2021 sous le n° 4729919 ‘LOS AMIGOS DESPERADOS’ a été déposée en classes 14 et 25.
M. [A] [P], secrétaire général de l’association H.D.C DESPERADOS, a pour sa part déposé la marque verbale française ‘DESPERADOS BIKER TROPHY’ le 29 janvier 2021, n° 4727059 en classes 14, 25 et 41.
Considérant que le dépôt et l’usage de ces marques constituaient la reproduction illicite de ses dessins, M. [U] a fait réaliser le 20 mai 2020, par huissier de justice, un procès-verbal de constat d’achat portant sur divers objets, affiches et vêtements reproduisant, selon lui, les dessins dont il est titulaire, un des expéditeurs portant le nom de [I] [M], trésorier de l’association.
M. [U] a également fait dresser deux constats d’huissier les 31 mai et 8 juin 2021 sur les pages Facebook de M. [E]-[L] [B], vice-président de l’association, et de M. [A] [P], démontrant selon lui l’utilisation de ses dessins.
Par acte du 19 octobre 2021, M. [U] a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Marseille l’association H.D.C DESPERADOS, ainsi que MM. [B] et [M] pour contrefaçon de droits d’auteur et de dessins et modèles.
Puis, par actes signifiés les 11 et 12 avril 2022, M. [U] a fait assigner devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, l’association H.D.C DESPERADOS, ainsi que MM. [S], [B], [M] et [P] en contrefaçon de ses droits d’auteur et subsidiairement au titre de la concurrence déloyale et parasitaire.
Par une ordonnance de référé rendue le 08 juillet 2022, dont appel, le délégué du président du tribunal judiciaire de Paris a :
– déclaré irrecevables les demandes formées à l’encontre de M. [S] et M. [B] pour défaut de qualité à défendre ;
– rejeté l’intégralité des demandes de M. [U] ;
– rejeté la demande d’annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon et des procès-verbaux de constat ;
– rejeté la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
– condamné M. [U] aux dépens ;
– condamné M. [U] à payer à l’association H.D.C. DESPERADOS, M. [S], M. [B], M. [M] et M. [P] ensemble, la somme totale de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rappelé que l’ordonnance est exécutoire à titre provisoire.
M. [U] a interjeté appel de cette ordonnance le 02 août 2022.
Vu les dernières conclusions récapitulatives remises au greffe numérotées 5 notifiées par RPVA le 19 juin 2023 par M. [U], qui demande à la cour :
– d’infirmer l’ordonnance du 8 juillet 2022 en ce qu’elle a déclaré irrecevables les demandes formées à l’encontre de M. [S] et M. [B] ;
– de déclarer recevable la procédure à l’encontre de tous les intimés;
– d’infirmer l’ordonnance du 8 juillet 2022 en ce qu’elle a rejeté les demandes de M. [U];
En conséquence :
– de déclarer que le logo de 1992 et le logo silhouette d’aigle créés par M. [U] sont protégés par le droit d’auteur au sens de l’article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle ;
– d’interdire à l’association H.D.C DESPERADOS, M. [S], M. [B], M. [M] et M. [P] d’utiliser et de reproduire le logo litigieux sous astreinte non comminatoire et définitive de 500 euros par jour de retard à compter d’un délai d’un mois suivant la signification de la décision ;
– d’ordonner la destruction de tous les supports sur lesquels sont reproduits le logo litigieux sous astreinte non comminatoire et définitive de 500 euros par jour de retard à compter d’un délai d’un mois suivant la signification de la décision ;
– d’ordonner le retrait du logo litigieux sur toutes les pages du site internet du H.D.C DESPERADOS et sur les réseaux sociaux des intimés sous astreinte non comminatoire et définitive de 500 euros par jour de retard à compter d’un délai d’un mois suivant la signification de la décision ;
– de communiquer le nombre de produits commercialisés par le H.D.C DESPERADOS sur lesquels le logo litigieux a été reproduit et les éléments comptables correspondants depuis le 1er janvier 2018 sous astreinte non comminatoire et définitive de 500 euros par jour de retard à compter d’un délai d’un mois suivant la signification de la décision ;
– de se déclarer compétente pour liquider les astreintes ainsi ordonnées par simple rétablissement de l’affaire au rôle par conclusions ;
– de condamner solidairement l’association H.D.C DESPERADOS, M. [S], M. [B], M. [M] et M. [P] à verser à M. [U] la somme de 10.000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– de condamner solidairement l’association H.D.C DESPERADOS, M. [S], M. [B], M. [M] et M. [P] aux entiers dépens de la présente instance.
Vu les dernières conclusions récapitulatives remises au greffe numérotées 3 et notifiées par RPVA le 16 juin 2023 par l’association H.D.C DESPERADOS, M. [S], M. [B], M. [M] et M. [P], qui demandent à la cour :
– d’infirmer l’ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de PARIS le 08 juillet 2022 en ce qu’elle a déclaré recevable la procédure diligentée par M. [U] à l’encontre de M. [M] et M. [P] ;
– de la confirmer pour le surplus ;
– de déclarer irrecevable la procédure à leur encontre ;
– de débouter M. [U] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions à hauteur de la cour ;
– de condamner M. [U] à leur verser la somme de 10.000 euros chacun à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée ;
– de condamner M. [U] à verser aux intimés la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre condamnation aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 04 juillet 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens de parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises telles que susvisées.
Sur le chef de l’ordonnance non contesté
La cour constate que, dans le dispositif de leur conclusion, qui seul saisit la cour en vertu de l’article 954 du code de procédure civile, les intimés ne sollicitent pas l’infirmation de l’ordonnance qui a rejeté la demande d’annulation du procès verbal de saisie contrefaçon et des procès-verbaux de constat, et qui doit être approuvée de ce chef pour les justes motifs qu’elle comporte.
Sur la recevabilité de la procédure à l’encontre des personnes physiques
Les intimés soutiennent que l’appelant ne démontre pas en quoi, M. [S], président de l’association H.D.C DESPERADOS aurait tiré un intérêt strictement personnel des faits dénoncés. S’agissant de M. [B], ils soulignent que ce dernier n’a agi qu’en sa qualité de secrétaire de l’association H.D.C DESPERADOS et que le logo affiché sur sa page Facebook ne correspond à aucun dessin revendiqué par M. [U], sauf un dessin enregistré à l’INPI le 22 juin 1992 et ayant expiré le 22 juin 2017 sans être renouvelé. S’agissant de M. [M], les intimés soutiennent que le logo en cause correspond à un logo dont est propriétaire l’association H.D.C DESPERADOS depuis son dépôt à l’INPI. Enfin, s’agissant de M. [P], ils constatent que M. [U] n’a jamais démontré en quoi le dépôt de marque effectué pouvait engager sa responsabilité personnelle. Ils en déduisent que l’action introduite contre eux est irrecevable.
M. [U] expose qu’il a été constaté par différents procès-verbaux que MM. [S], [P] et M. [B] reproduisaient le logo litigieux sur leurs comptes personnels Facebook et que M. [M] avait vendu des produits le reproduisant, de sorte que son action en contrefaçon à leur encontre est recevable.
La cour constate que M. [U] allègue à l’encontre des intimés des faits de contrefaçon par la reproduction, notamment sur leur page Facebook pour MM. [S], [B] et [P] d’un logo reproduisant, selon lui, le logo qu’il a créé et, pour M. [M], par la vente de produits portant ce même logo.
En conséquence, l’action introduite contre les intimés doit être déclarée recevable, la cour rappelant que l’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l’action.
L’ordonnance doit en conséquence être infirmée en ce qu’elle a déclaré irrecevables les demandes formées contre MM. [W] [S] et [E] [L] [B].
Sur le trouble manifestement illicite
M. [U] soutient l’existence d’un trouble manifestement illicite constitué par les actes de contrefaçon de ses droits d’auteur par les intimés. Il rappelle avoir crée le logo en juin 1992, comme en attestent son enregistrement à l’INPI le 22 juin 1992 ainsi que le procès verbal d’huissier. Il retient que sa composition est originale, réalisée à la main et reflétant les univers emblématiques de [X] [R], soit le folklore amérindien, les Etats-Unis, les motos et les tatouages. Selon lui, l’originalité du logo peut être caractérisée par la combinaison d’éléments suivants :
– Au centre du dessin, une tête de mort est représentée de face ;
– Sur son front un bandana de couleur jaune impérial noué au niveau du cou sur le côté gauche (pour le spectateur) ; les brins de tissu du bandana dépassent de la partie inférieure gauche du crâne ;
– Au centre du bandana, est apposé un motif circulaire jaune impérial cerné de bleu turquoise, au sein duquel sont reproduites les initiales « JH » pour [X] [R], colorées en bleu turquoise ;
– Les initiales JH sont entrelacées par la barre de la lettre J qui traverse le cercle de manière horizontale, en passant sous la première barre du H et sur la seconde. Les lettres J et H sont inclinées vers la droite, ce qui donne un effet dynamique;
– Sur le côté droit du crâne, une plume d’aigle renversée est fixée au bandana, tombante vers le bas du dessin, en bordure de la partie droite du visage du crâne humain. La plume contient à sa base trois perles rouges et à son extrémité deux perles rouges ;
– En dessous du crâne humain, deux pistons de moto métalliques à jupe longue s’entrecroisent;
– Le dessin est encerclé d’un liseré turquoise ;
– Le dessin est composé d’une partie supérieure en forme d’arc en plein cintre qui suit la forme du crâne et des pistons, sur laquelle est reproduit le nom « Desperados » en lettres bleu turquoise sur un fond jaune impérial;
– La partie inférieure du dessin s’inspire de la structure en pagode en haut et pagode inversée en bas d’une plaque de police américaine pour le centre, avec des prolongations en arc de cercle à droite et à gauche, contenant les inscriptions suivantes : en haut : H.D.C ; au centre HARLEY DAVIDSON, en bas : [Localité 15].
Il en déduit que ce logo bénéficie d’une protection par le droit d’auteur.
Il ajoute avoir créé une déclinaison du logo sur laquelle l’indication « [Localité 15] », en référence à la ville où résidait [X] [R] à cette date, présente sur le logo initial, est remplacée par une silhouette d’aigle stylisée aux ailes déployées, dont il décrit l’originalité comme suit:
– Le dessin porte sur une silhouette d’aigle colorée en bleu turquoise ;
– L’aigle est représenté avec des ailes déployées et le visage porté vers la droite (pour le spectateur) ;
– Il renvoie à la plume d’aigle pendante, fixée au bandana du crâne humain et au symbole amérindien de liberté et protection.
Il expose que si l’association H.D.C DESPERADOS ne conteste pas l’existence de droits d’auteur sur le logo ainsi créé, elle a cependant décidé de reprendre l’ensemble des caractéristiques constitutives de son originalité, la comparaison devant s’apprécier dans son ensemble, et non à partir d’éléments pris isolément, de sorte que les faits de contrefaçon sont constitués. Il conteste les antériorités opposées qui sont, selon lui, dépourvues de pertinence eu égard à leur contenu et à leur date incertaine. Il rappelle qu’en sa qualité d’auteur, il dispose d’un monopole d’exploitation sur le logo, qui comprend notamment le droit d’autoriser ou d’interdire toutes représentations et reproductions de sa création et constate que son logo a été reproduit sur de nombreux supports, à l’instar de blousons et tee-shirts, produits dérivés, affiches, programmes, flyers, cartes de consommation et factures et a, en tout état de cause, été utilisé par l’association sans son autorisation.
Les intimés soutiennent que M. [U] n’a fait qu’emprunter les éléments de personnalité de [X] [R], qui a participé à la création du logo, sans faire preuve de créativité et ce alors que chaque logo de motard est disposé de la même façon et dans la même forme, qu’il en va ainsi de la « bande semi-circulaire », de la police « cooper black », dès lors qu’il s’agit d’une police de caractère disponible sur tous les ordinateurs, tout comme la bande semi circulaire se terminant pointe en bas, ou inscription « since 1992» (date de création de l’association). Ils en déduisent que M. [U] n’a fait qu’emprunter les codes propres au monde des «bikers» depuis de très longues années tout en les associant aux accessoires et couleurs chers à [X] [R] pour le compte duquel il n’est pas contesté qu’il a été réalisé. Ils contestent, en conséquence, son originalité et opposent des antériorités qui, selon eux, en attestent et dénient les actes de contrefaçon qui leur sont opposés.
Ceci étant exposé, aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, ‘Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire’.
Et selon l’article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle’Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit on ayants cause est illicite.’
Ainsi, constitue la reproduction d’une oeuvre de l’esprit en violation du droit d’auteur constitue un trouble manifestement illicite, de sorte qu’un titulaire de droit d’auteur est habilité à saisir la juridiction en référé afin qu’il soit mis fin au trouble en l’absence de contestation sérieuse opposée.
Par ailleurs, l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur celle-ci, du seul fait de sa création et dès lors qu’elle est originale, d’un droit de propriété incorporelle exclusif comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.
L’originalité de l’oeuvre, qui s’apprécie à la date de sa création, peut résulter du choix des couleurs, des dessins, des formes, des matières ou des ornements mais, également, de la combinaison originale d’éléments connus.
La combinaison d’éléments qui en eux-mêmes ne présentent pas d’originalité peut manifester un effort créatif si elle confère à l’oeuvre revendiquée une physionomie propre la distinguant de celles appartenant au même genre et traduisant un parti pris esthétique du créateur.
Si la notion d’antériorité est indifférente en droit d’auteur, celui qui se prévaut de cette protection devant plutôt justifier de ce que l’oeuvre revendiquée présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur, l’originalité doit être appréciée au regard d’oeuvres déjà connues afin de déterminer si la création revendiquée s’en dégage d’une manière suffisamment nette et significative, et si ces différences résultent d’un effort de création, marquant l’oeuvre revendiquée de l’empreinte de la personnalité de son auteur.
Lorsque la protection par le droit d’auteur est contestée en défense, l’originalité de l”uvre revendiquée doit être explicitée par celui qui s’en prétend auteur, seul ce dernier étant à même d’identifier les éléments traduisant sa personnalité.
Sur ce, s’il n’est pas contesté par les défendeurs que M. [U] est bien à l’origine du logo tel que déposé à l’INPI, ces derniers contestent cependant son originalité et ainsi la possibilité pour M. [U] de se prévaloir de droits d’auteur.
À cet égard, la cour constate que, dans ses écritures, M. [U] procède essentiellement à une description visuelle du logo qu’il a créé en 1992 puis fait évoluer en 2018. Par ailleurs, le fait d’associer une tête de mort, coiffée d’un foulard jaune et reprenant les initiales JH, avec une plume d’aigle et deux pistons de moto, le tout cerclée de turquoise et mentionnant en bandeau les noms «DESPERADOS» et «HDC HARLEY-DAVIDSON [Localité 15]» ou reprenant le dessin stylisé d’un aigle, ne constitue pas, avec l’évidence requise au stade du référé, une oeuvre de l’esprit protégeable au titre du droit d’auteur. Ainsi, la composition précise revendiquée reprend manifestement les codes visuels propres à l’univers des motards ou «bikers» associés à des accessoires ou couleurs appréciés de [X] [R], pour constituer le logo de son club de motards, ce qu’au demeurant ne conteste pas l’appelant qui précise avoir cherché à refléter les univers emblématiques du chanteur autour du folklore américain, des Etats Unis, des motos et des tatouages.
En conséquence, le trouble manifestement illicite en raison de l’atteinte aux droits d’auteur alléguée par M. [U] n’est pas démontré, la cour constatant par ailleurs que les premiers procès-verbaux de constat ont été réalisés en mai 2020 et que la présente instance en référé n’a été introduite que près de deux années plus tard, après même l’introduction d’une action au fond le 19 octobre 2021.
Enfin, si M. [U] a présenté des demandes au titre de la concurrence déloyale et/ou parasitaire devant le premier juge, et qu’il conclut à l’infirmation de la décision en ce qu’elle a rejeté ses demandes, il ne présente dans le dispositif de ses conclusions, qui seul saisit la cour comme déjà rappelé, aucune demande à ce titre, ni, au demeurant dans le corps de ses conclusions.
En conséquence, c’est par de justes motifs adoptés par la cour que le premier juge n’a pas fait droit aux demandes présentées par M. [U], sauf pour la cour à préciser dire n’y avoir lieu à référé sur ces demandes.
Sur la demande reconventionnelle en procédure abusive
Les intimés soutiennent avoir subi, du fait des poursuites personnelles, un préjudice moral évalué à 10.000€ chacun.
M. [U] soutient que les intimés ne démontrent pas l’existence d’une faute et d’un préjudice subi qui seraient de nature à justifier une condamnation au paiement de dommages et intérêts.
La cour rappelle que l’accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles que le fait d’agir en justice ou d’exercer une voie de recours légalement ouverte est susceptible de constituer un abus. Or, les intimés ne démontrent pas la faute commise par M. [U] qui aurait fait dégénérer en abus son droit d’agir en justice, l’intéressé ayant pu légitimement se méprendre sur l’étendue de ses droits. Ils ne justifient pas, en outre, de l’existence d’un préjudice distinct de celui causé par la nécessité de se défendre en justice qui sera réparé par l’allocation d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur les autres demandes
M. [U], succombant, sera condamné aux dépens d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’il a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
Enfin, l’équité et la situation des parties commandent de condamner M. [U] à verser aux intimés une somme globale de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme l’ordonnance déférée sauf en ce qu’elle a :
– déclaré irrecevables les demandes formées à l’encontre de M. [S] et M. [B] pour défaut de qualité à défendre ;
– rejeté l’intégralité des demandes de M. [U] ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevables les demandes formées par M. [K] [U],
Dit n’y avoir lieu à référé sur ces demandes,
Condamne M. [K] [U] aux dépens d’appel,
Condamne M. [K] [U] à verser à l’association H.D.C DESPERADOS, ainsi qu’à MM. [W] [S], [E] [L] [B], [I] [M] et [A] [P] une somme globale de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE