Contrefaçon de logiciel : exploitez le potentiel de la procédure

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Contrefaçon de logiciel : exploitez le potentiel de la procédure

Les litiges se gagnent aussi sur le terrain de la procédure.

Dans le cadre d’un litige en contrefaçon de logiciel, une société a obtenu la nullité de l’ordonnance de la présidente d’une première chambre rendue en violation des principes d’un procés équitable. La présidente n’avait pas tenu compte de ses nouvelles conclusions qui contenaient des pages supplémentaires.

La société a conclu dans le cadre de l’incident une première fois le 7 juin 2024. Elle a conclu une seconde fois le 28 juin 2024. Les secondes conclusions comportent deux pages de plus. Il n’est pas justifié que la présidente de la chambre ait tenu compte des dernières conclusions de la société Smart.

Autre précision procédurale intéressante, dans le cadre des affaires fixées à bref délai, le président de la chambre de la cour d’appel saisie doit déclarer l’appel caduc ou irrecevables ou encore les conclusions irrecevables si certains délais ne sont pas respectés :

Article 905-1 ( Rédaction applicable aux instances introduites avant le 1er septembre 2024) :

Lorsque l’affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l’appelant signifie la déclaration d’appel dans les dix jours de la réception de l’avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si, entre-temps, l’intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d’appel, il est procédé par voie de notification à son avocat.

A peine de nullité, l’acte de signification indique à l’intimé que, faute pour lui de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, il s’expose à ce qu’un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné l’article 905-2, il s’expose à ce que ses écritures soient déclarées d’office irrecevables.

Article 905-2 (Rédaction applicable aux instances introduites avant le 1er septembre 2024) :

A peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l’appelant dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’avis de fixation de l’affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.

L’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

L’intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification de l’appel incident ou de l’appel provoqué à laquelle est jointe une copie de l’avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe.

L’intervenant forcé à l’instance d’appel dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification de la demande d’intervention formée à son encontre à laquelle est jointe une copie de l’avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe.

L’intervenant volontaire dispose, sous la même sanction, du même délai à compter de son intervention volontaire.

Le président de la chambre saisie ou le magistrat désigné par le premier président peut d’office, par ordonnance, impartir des délais plus courts que ceux prévus aux alinéas précédents.

Les ordonnances du président ou du magistrat désigné par le premier président de la chambre saisie statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l’irrecevabilité des conclusions et des actes de Procédure en application du présent article et de l’article 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal.

Ce dernier texte délimite les pouvoirs du président de la chambre en la matière. Son dernier aliéna n’étend pas ces pouvoirs mais fixe les voies de recours ouvertes contre les décisions rendues par le président de chambre dans le cadre des pouvoirs qui lui sont confiés par les alinéas précédents.

Les dispositions de l’article 916 du code de procéduré civile, dans leur rédaction applicable, n’étendent pas non plus les pouvoirs du président de la chambre saisie :

Article 916 du code de Procédure civile (rédaction en vigueur aux instances introduites avant le1er septembre 2024) :

Les ordonnances du conseiller de la mise en état ne sont susceptibles d’aucun recours indépendamment de l’arrêt sur le fond.

Toutefois, elles peuvent être déférées par requête à la cour dans les quinze jours de leur date lorsqu’elles ont pour effet de mettre fin à l’instance, lorsqu’elles constatent son extinction ou lorsqu’elles ont trait à des mesures provisoires en matière de divorce ou de séparation de corps.

Elles peuvent être déférées dans les mêmes conditions lorsqu’elles statuent sur une exception de Procédure, sur un incident mettant fin à l’instance, sur une fin de non-recevoir ou sur la caducité de l’appel.

La requête, remise au greffe de la chambre à laquelle l’affaire est distribuée, contient, outre les mentions prescrites par l’article 57 et à peine d’irrecevabilité, l’indication de la décision déférée ainsi qu’un exposé des moyens en fait et en droit.

Les ordonnances du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, statuant sur la caducité ou l’irrecevabilité en application des articles 905-1 et 905-2, peuvent également être déférées à la cour dans les conditions des alinéas précédents.

Le dernier alinéa de ce texte renvoie en effet aux dispositions des articles 905-1 et 905-2 et fixe les conditions et la Procédure d’un déféré en la matière.

Résumé de l’affaire :

Contexte de l’affaire

Le 14 décembre 2022, la société Smart RX a assigné la société Apodis devant le tribunal judiciaire de Rennes pour contrefaçon de son logiciel.

Décisions du juge de la mise en état

Le 21 mars 2024, le juge de la mise en état a rejeté une exception de nullité de l’assignation, ordonné une expertise informatique pour comparer les logiciels Smart RX et Santé Secure, réservé les dépens, et rejeté les demandes fondées sur l’article 700 du code de Procédure civile.

Appel de la société Apodis

Le 4 avril 2024, la société Apodis a interjeté appel de l’ordonnance du juge de la mise en état, contestant tous les aspects de cette décision.

Demande d’irrecevabilité de l’appel

La société Smart RX a ensuite demandé à la présidente de la première chambre de la cour d’appel de déclarer l’appel de la société Apodis irrecevable.

Ordonnance du 1er juillet 2024

Le 1er juillet 2024, la présidente de la chambre a déclaré matériellement incompétente pour statuer sur l’irrecevabilité de l’appel, condamné la société Smart RX aux dépens, et ordonné le paiement de 1.800 euros à la société Apodis au titre de l’article 700.

Requête de la société Smart RX

Le 8 juillet 2024, la société Smart RX a déféré cette ordonnance à la cour, et les dernières conclusions des parties ont été déposées respectivement le 2 et le 16 octobre 2024.

Prétentions de la société Smart RX

La société Smart RX demande à la cour d’annuler ou d’infirmer l’ordonnance du 1er juillet 2024, de juger que le président de chambre est compétent pour statuer sur l’irrecevabilité de l’appel, et de condamner la société Apodis aux dépens.

Arguments de la société Apodis

La société Apodis soutient que le déféré est irrecevable et conteste la compétence du président de la chambre pour statuer sur l’incident.

Discussion sur la recevabilité du déféré

La cour a rejeté la demande d’irrecevabilité du déféré, considérant que l’ordonnance contestée portait sur l’irrecevabilité de l’appel.

Nullité de l’ordonnance du 1er juillet 2024

La cour a constaté que l’ordonnance du 1er juillet 2024 était nulle, car la présidente n’avait pas pris en compte les dernières conclusions de la société Smart RX.

Pouvoirs du président de chambre

La cour a jugé que le président de la chambre n’avait pas compétence pour statuer sur l’irrecevabilité de l’appel, car cela ne relevait pas des prévisions des articles 905-1 et 905-2 du code de Procédure civile.

Décision finale de la cour

La cour a annulé l’ordonnance du 1er juillet 2024, déclaré irrecevable l’incident formé par la société Smart RX, et condamné cette dernière à payer 3.600 euros à la société Apodis au titre de l’article 700, ainsi qu’aux dépens de l’incident et du déféré.

Quelles sont les conséquences de l’irrecevabilité de l’appel interjeté par la société Apodis ?

L’irrecevabilité de l’appel interjeté par la société Apodis a pour conséquence immédiate que la cour ne peut pas examiner le fond de l’affaire. Selon l’article 272 du Code de Procédure civile, la décision ordonnant l’expertise peut être frappée d’appel uniquement avec l’autorisation préalable du premier président de la cour d’appel, s’il est justifié d’un motif grave et légitime.

En l’absence de cette autorisation, l’appel est déclaré irrecevable. Cela signifie que la société Apodis ne pourra pas contester l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Rennes, qui a ordonné une expertise, et que cette décision reste donc définitive.

De plus, l’irrecevabilité entraîne également des conséquences sur les frais de justice. En effet, la société Apodis pourrait être condamnée à payer les dépens de l’incident, ainsi que les frais irrépétibles en vertu de l’article 700 du Code de Procédure civile, qui stipule que « la partie qui perd peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles ».

Quels sont les pouvoirs du président de la chambre en matière d’irrecevabilité d’appel ?

Le président de la chambre a des pouvoirs limités en matière d’irrecevabilité d’appel, tels que définis par les articles 905-1 et 905-2 du Code de Procédure civile. Ces articles précisent que le président peut déclarer l’appel caduc ou irrecevable si certains délais ne sont pas respectés.

L’article 905-1 stipule que lorsque l’affaire est fixée à bref délai, l’appelant doit signifier la déclaration d’appel dans les dix jours suivant la réception de l’avis de fixation. En cas de non-respect de ce délai, le président peut relever d’office la caducité de l’appel.

L’article 905-2 précise que l’appelant dispose d’un délai d’un mois pour remettre ses conclusions au greffe, et l’intimé a également un mois pour répondre. Si ces délais ne sont pas respectés, le président peut déclarer les conclusions irrecevables.

Cependant, le président ne peut pas statuer sur des incidents qui ne relèvent pas de ces dispositions, comme dans le cas présent où la société Smart RX a soulevé une irrecevabilité fondée sur l’absence d’autorisation préalable pour interjeter appel, ce qui ne relève pas des prérogatives du président.

Quelles sont les implications de la nullité de l’ordonnance du 1er juillet 2024 ?

La nullité de l’ordonnance du 1er juillet 2024 a des implications significatives sur la Procédure en cours. En effet, cette ordonnance a été annulée en raison de la violation des principes d’un procès équitable, notamment parce que la présidente de la chambre n’a pas pris en compte les dernières conclusions de la société Smart RX.

Selon l’article 16 du Code de Procédure civile, « le juge doit veiller au respect du principe du contradictoire ». Cela signifie que chaque partie doit avoir la possibilité de présenter ses arguments et ses preuves. Si une ordonnance est rendue sans tenir compte des conclusions d’une partie, cela constitue une violation de ce principe.

L’annulation de l’ordonnance entraîne la nécessité de réexaminer la question de l’irrecevabilité de l’appel interjeté par la société Apodis. Cela signifie que la cour devra statuer à nouveau sur cette question, ce qui pourrait potentiellement modifier le cours de la Procédure.

En outre, l’annulation de l’ordonnance peut également avoir des conséquences sur les frais de justice, car la société Smart RX pourrait être amenée à supporter des frais supplémentaires en raison de la nécessité d’un nouvel examen de l’affaire.

Comment se déroule la Procédure de déféré selon le Code de Procédure civile ?

La Procédure de déféré est régie par l’article 916 du Code de Procédure civile, qui précise les conditions dans lesquelles une ordonnance peut être déférée à la cour. Selon cet article, les ordonnances du conseiller de la mise en état ne sont susceptibles d’aucun recours, sauf dans certains cas spécifiques.

Le déféré peut être formé dans les quinze jours suivant la date de l’ordonnance lorsqu’elle met fin à l’instance, constate son extinction, ou concerne des mesures provisoires en matière de divorce ou de séparation de corps.

De plus, le déféré est également possible lorsqu’il s’agit d’une exception de Procédure, d’un incident mettant fin à l’instance, ou d’une fin de non-recevoir. La requête de déféré doit être remise au greffe de la chambre à laquelle l’affaire est distribuée et doit contenir les mentions prescrites par l’article 57, ainsi qu’un exposé des moyens en fait et en droit.

Il est important de noter que le déféré ne peut être formé que dans les cas prévus par la loi, et que la cour doit examiner la recevabilité de la requête avant de statuer sur le fond. Si la cour déclare le déféré irrecevable, cela signifie que la décision initiale reste en vigueur et que la partie qui a formé le déféré ne pourra pas contester cette décision.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de l’assignation de la société Smart RX contre la société Apodis ?

L’assignation de la société Smart RX contre la société Apodis, datée du 14 décembre 2022, concerne des actes de contrefaçon de logiciel.

Cette action en contrefaçon est régie par le Code de la propriété intellectuelle, notamment par les articles L. 335-2 et suivants, qui stipulent que toute reproduction ou représentation d’une œuvre sans l’autorisation de l’auteur constitue une contrefaçon.

L’article L. 335-2 précise que « la contrefaçon est le fait de reproduire ou de représenter une œuvre sans l’autorisation de l’auteur ».

Ainsi, la société Smart RX, en tant que titulaire des droits sur son logiciel, a le droit d’agir en justice pour protéger ses droits d’auteur contre toute utilisation non autorisée de son logiciel par la société Apodis.

Quelles sont les conséquences de l’ordonnance du juge de la mise en état du 21 mars 2024 ?

L’ordonnance du juge de la mise en état du 21 mars 2024 a plusieurs conséquences importantes.

Tout d’abord, elle a rejeté l’exception de nullité de l’assignation soulevée par la société Apodis, ce qui signifie que l’assignation est considérée comme valide et que la procédure peut se poursuivre.

Ensuite, le juge a ordonné une expertise informatique pour comparer les logiciels Smart RX et Santé Secure, ce qui est une étape cruciale pour établir si la contrefaçon alléguée est fondée.

L’article 232 du Code de procédure civile stipule que « le juge peut ordonner une expertise si cela est nécessaire à la solution du litige ».

Enfin, l’ordonnance a réservé les dépens, ce qui signifie que les frais de la procédure seront tranchés ultérieurement, et a rejeté les demandes fondées sur l’article 700 du Code de procédure civile, qui permet de demander le remboursement des frais irrépétibles.

Quelles sont les implications de l’appel interjeté par la société Apodis ?

L’appel interjeté par la société Apodis le 4 avril 2024 a des implications significatives sur la procédure en cours.

En effet, l’article 901 du Code de procédure civile précise que « l’appel est un recours qui permet de contester une décision rendue par une juridiction de première instance ».

L’appel de la société Apodis vise à contester l’ordonnance du juge de la mise en état, notamment en ce qui concerne le rejet de l’exception de nullité et l’ordonnance d’expertise.

Cependant, la société Smart RX a soulevé une demande d’irrecevabilité de cet appel, arguant que l’appel n’avait pas été autorisé par le premier président, conformément à l’article 272 du Code de procédure civile.

Cet article stipule que « la décision ordonnant l’expertise peut être frappée d’appel indépendamment du jugement sur le fond sur autorisation du premier président ».

Ainsi, l’absence d’autorisation préalable pourrait rendre l’appel irrecevable.

Quels sont les pouvoirs du président de la chambre en matière d’irrecevabilité d’appel ?

Le président de la chambre a des pouvoirs spécifiques en matière d’irrecevabilité d’appel, comme le stipulent les articles 905-1 et 905-2 du Code de procédure civile.

L’article 905-1 précise que « lorsque l’affaire est fixée à bref délai, l’appelant doit signifier la déclaration d’appel dans les dix jours ».

En cas de non-respect de ce délai, le président peut déclarer l’appel caduc.

De plus, l’article 905-2 indique que « l’appelant dispose d’un délai d’un mois pour remettre ses conclusions au greffe », et l’intimé doit également respecter un délai similaire pour ses propres conclusions.

Ces articles confèrent au président de la chambre le pouvoir de statuer sur la caducité et l’irrecevabilité des appels, mais ne lui permettent pas d’étendre ses pouvoirs au-delà de ce qui est prévu.

Ainsi, si l’appel ne relève pas des cas prévus par ces articles, le président ne peut pas statuer sur son irrecevabilité.

Quelles sont les conséquences de l’annulation de l’ordonnance du 1er juillet 2024 ?

L’annulation de l’ordonnance du 1er juillet 2024 a des conséquences importantes sur la procédure.

Cette ordonnance avait déclaré l’incident d’irrecevabilité de l’appel formé par la société Smart RX irrecevable, ce qui signifie que la cour a reconnu que l’appel de la société Apodis était recevable.

L’article 272 du Code de procédure civile, qui stipule que l’appel d’une décision ordonnant une expertise nécessite l’autorisation du premier président, a été au cœur de cette décision.

L’annulation de cette ordonnance signifie que la cour devra réexaminer la question de l’irrecevabilité de l’appel de la société Apodis, en tenant compte des arguments présentés par la société Smart RX.

Cela pourrait potentiellement conduire à une décision différente concernant la recevabilité de l’appel et, par conséquent, à une réévaluation des droits des parties dans le cadre de la procédure de contrefaçon.

En outre, la cour a également condamné la société Smart RX à payer des dépens et des frais irrépétibles à la société Apodis, ce qui a des implications financières pour la société Smart RX.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 novembre 2024
Cour d’appel de Rennes
RG
24/04090
1ère Chambre

ARRÊT N°.

N° RG 24/04090 – N° Portalis DBVL-V-B7I-U7AE

(Réf 1ère instance : 24/01997)

S.A.S. SMART RX

C/

S.A.S. APODIS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Véronique CADORET, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nadège BOSSARD, Présidente de chambre,

GREFFIER :

Madame Ludivine BABIN, lors des débats et Madame Elise BEZIER lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 18 octobre 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 15 novembre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

DEMENDERESSE AU DEFERE

S.A.S. SMART RX, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 342.280.609, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES et par Me Louis DE GAULLE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

DEFENDERESSE AU DEFERE

S.A.S. APODIS, immatriculée au RCS de TOURS sous le numéro 790.711.717, prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Mathieu RICHARD,Postulant, avocat au barreau de RENNES etpar Me Quentin MOUTIER de la SELARL SELARL ONE LEGAL, Plaidant, avocat au barreau de TOURS

APPELANTE

Faits ET PROCEDURE :

Le 14 décembre 2022, la société Smart RX a assigné la société Apodis devant le tribunal judiciaire de Rennes, lui reprochant des actes de contrefaçon de son propre logiciel.

Saisi d’un incident, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Rennes a, par ordonnance du 21 mars 2024:

– Rejeté une exception de nullité de l’assignation du 14 décembre 2022 soulevée par la société Apodis,

– Ordonné une expertise informatique de comparaison des logiciels Smart RX et Santé Secure dans leur version existant au 1er mars 2019,

– Réservé les dépens,

– Rejeté les demandes fondées sur l’article 700 du code de Procédure civile.

Le 4 avril 2024, la société Apodis a interjeté appel de cette ordonnance, déférant à la cour tous les chefs de cette décision.

La société Smart RX a saisi la présidente de la première chambre de la cour d’une demande d’irrecevabilité de l’appel interjeté par la société Apodis.

Par ordonnance du 1er juillet 2024, cette dernière :

– S’est déclarée matériellement incompétente pour statuer sur l’irrecevabilité de cet appel tirée de l’absence d’autorisation préalable du premier président (article 272 du code de Procédure civile),

– A condamné la société Smart RX aux dépens du présent incident,

– A condamné la société Smart RX à payer à la société Apodis la somme de 1.800 euros au titre de l’article 700 du code de Procédure civile,

– A rejeté le surplus des demandes.

Par requête du 8 juillet 2024, la société Smart RX a déféré cette ordonnance à la cour.

Les dernières conclusions de la société Smart sont en date du 2 octobre 2024. Les dernières conclusions de la société Apodis sont en date du 16 octobre 2024.

PRETENTIONS ET MOYENS :

La société Smart demande à la cour de :

– La recevoir en sa requête en déféré, la dire bien-fondée et y faisant droit ;

– Annuler, ou à tout le moins infirmer l’ordonnance du président de la 1ère chambre de la cour d’appel de Rennes du 1er juillet 2024 en ce qu’elle :

– S’est déclarée matériellement incompétente pour statuer sur l’irrecevabilité de l’appel interjeté le 4 avril 2024 par la sas Apodis contre l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Rennes tirée de l’absence d’autorisation préalable d’interjeter appel,

– A condamné la sas Smart RX aux dépens du présent incident,

– A condamné la sas Smart RX à payer à la sas Apodis la somme de 1.800 € au titre des frais irrépétibles de l’incident,

– A rejeté le surplus des demandes de la société Smart RX.

Et statuant à nouveau :

– Juger que le président de chambre est compétent pour statuer sur l’irrecevabilité de l’appel interjeté le 4 avril 2024 par la société Apodis contre l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Rennes tirée de l’absence d’autorisation préalable d’interjeter appel,juger irrecevable l’appel du 4 avril 2024 de la société Apodis, en ce qu’il est dirigé à l’encontre du chef du dispositif de l’ordonnance du 21 mars 2024 du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de rennes ayant ordonné une mesure d’expertise,

En tout état de cause :

– Et rejetant toute demande contraire comme irrecevable et en toute hypothèse mal fondée,

– Condamner la société Apodis aux entiers dépens et à payer à la société Smart RX, la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de Procédure civile ;

La société Smart demande à la cour de :

– Déclarer irrecevable la requête aux fins de déféré déposée le 8 juillet 2024 par la société SMART RX,

Subsidiairement :

– Confirmer l’ordonnance du Président de la 1ère chambre de la cour d’appel de Rennes du 1er juillet 2024 en toutes ses dispositions,

Très subsidiairement:

– Déclarer irrecevable l’incident formé par la société SMART RX,

A titre infiniment subsidiaire :

– Rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société SMART RX,

En toutes hypothèses :

– Condamner la société SMART RX aux dépens et à payer à la société APODIS la somme de 3.600 euros en application de l’article 700 du code de Procédure civile.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Sur la recevabilité du déféré :

La société Apodis fait valoir que le déféré serait irrecevable. Elle fait valoir en ce sens que l’article 916 du code de Procédure civile n’ouvrirait ce recours qu’à l’égard des ordonnances statuant sur la caducité ou l’irrecevabilité en application des articles 905-1 et 905-2.

Il apparait que la président de la première chambre a statué sur une demande d’irrecevabilitié de l’appel en faisant application des dispositions des articles 905-1 et 905-2. Le déféré porte bien sur une ordonnance statuant sur l’irrecevabilité en application de ces articles. Il y a lieu de rejeter la demande tendant à l’irrecevabilité du déféré.

Sur la nullité de l’ordonnance du 1er juillet 2024 :

La société Smart fait valoir que l’ordonnance de la présidente de la première chambre serait nulle pour avoir été rendue en violation des principes d’un procés équitable. Elle fait valoir en ce sens que la présidente n’aurait pas tenu compte de ses conclusions du 28 juin 2024.

Il résulte de l’ordonnance du 1er juillet 2024 que les dernières conclusions de la société Smart visées sont celles du 7 juin 2024.

La société Smart a conclu dans le cadre de l’incident une première fois le 7 juin 2024. Elle a conclu une seconde fois le 28 juin 2024. Les secondes conclusions comportent deux pages de plus. Il n’est pas justifié que la présidente de la chambre ait tenu compte des dernières conclusions de la société Smart.

Il y a lieu d’annuler l’ordonnance du 1er juillet 2024.

Sur les pouvoirs du président de chambre :

La société Apodis fait valoir que le président de la chambre saisie n’aurait pas eu compétence pour statuer sur l’incident, ce dernier ne relevant pas des prévisions des dispositions des articles 905-1 et 905-2 du code de Procédure civile.

Dans le cadre des affaires fixées à bref délai, le président de la chambre de la cour d’appel saisie doit déclarer l’appel caduc ou irrecevables ou encore les conclusions irrecevables si certains délais ne sont pas respectés :

Article 905-1 ( Rédaction applicable aux instances introduites avant le 1er septembre 2024) :

Lorsque l’affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l’appelant signifie la déclaration d’appel dans les dix jours de la réception de l’avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si, entre-temps, l’intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d’appel, il est procédé par voie de notification à son avocat.

A peine de nullité, l’acte de signification indique à l’intimé que, faute pour lui de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, il s’expose à ce qu’un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné l’article 905-2, il s’expose à ce que ses écritures soient déclarées d’office irrecevables.

Article 905-2 (Rédaction applicable aux instances introduites avant le 1er septembre 2024) :

A peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l’appelant dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’avis de fixation de l’affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.

L’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

L’intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification de l’appel incident ou de l’appel provoqué à laquelle est jointe une copie de l’avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe.

L’intervenant forcé à l’instance d’appel dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification de la demande d’intervention formée à son encontre à laquelle est jointe une copie de l’avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe. L’intervenant volontaire dispose, sous la même sanction, du même délai à compter de son intervention volontaire.

Le président de la chambre saisie ou le magistrat désigné par le premier président peut d’office, par ordonnance, impartir des délais plus courts que ceux prévus aux alinéas précédents.

Les ordonnances du président ou du magistrat désigné par le premier président de la chambre saisie statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l’irrecevabilité des conclusions et des actes de Procédure en application du présent article et de l’article 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal.

Ce dernier texte délimite les pouvoirs du président de la chambre en la matière. Son dernier aliéna n’étend pas ces pouvoirs mais fixe les voies de recours ouvertes contre les décisions rendues par le président de chambre dans le cadre des pouvoirs qui lui sont confiés par les alinéas précédents.

Les dispositions de l’article 916 du code de procéduré civile, dans leur rédaction applicable, n’étendent pas non plus les pouvoirs du président de la chambre saisie :

Article 916 du code de Procédure civile (rédaction en vigueur aux instances introduites avant le1er septembre 2024) :

Les ordonnances du conseiller de la mise en état ne sont susceptibles d’aucun recours indépendamment de l’arrêt sur le fond.

Toutefois, elles peuvent être déférées par requête à la cour dans les quinze jours de leur date lorsqu’elles ont pour effet de mettre fin à l’instance, lorsqu’elles constatent son extinction ou lorsqu’elles ont trait à des mesures provisoires en matière de divorce ou de séparation de corps.

Elles peuvent être déférées dans les mêmes conditions lorsqu’elles statuent sur une exception de Procédure, sur un incident mettant fin à l’instance, sur une fin de non-recevoir ou sur la caducité de l’appel.

La requête, remise au greffe de la chambre à laquelle l’affaire est distribuée, contient, outre les mentions prescrites par l’article 57 et à peine d’irrecevabilité, l’indication de la décision déférée ainsi qu’un exposé des moyens en fait et en droit.

Les ordonnances du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, statuant sur la caducité ou l’irrecevabilité en application des articles 905-1 et 905-2, peuvent également être déférées à la cour dans les conditions des alinéas précédents.

Le dernier alinéa de ce texte renvoie en effet aux dispositions des articles 905-1 et 905-2 et fixe les conditions et la Procédure d’un déféré en la matière.

La société Smart a saisi le président de la chambre saisie d’un incident aux fins d’irrecevabilité de l’appel. Elle demandait au président de juger irrecevable l’appel du 4 avril 2024 de la société Apodis en ce qu’il était dirigé à l’encontre du chef du dispositif de l’ordonnance du 21 mars 2024 du juge de la mise en état ayant ordonné une mesure d’expertise. Elle se prévalait en ce sens qu’en violation des dispositions de l’article 272 du code de Procédure civile et reprochait à l’appelant de ne pas avoir demandé l’autorisation du premier président pour interjeter appel.

Les disposition en question prévoient en cause spécifique d’irrecevabilité d’appel :

Article 272 :

La décision ordonnant l’expertise peut être frappée d’appel indépendamment du jugement sur le fond sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime.

La partie qui veut faire appel saisit le premier président qui statue selon la Procédure accélérée au fond. L’assignation doit être délivrée dans le mois de la décision.

S’il fait droit à la demande, le premier président fixe le jour où l’affaire sera examinée par la cour, laquelle est saisie et statue comme en matière de Procédure à jour fixe ou comme il est dit à l’article 948 selon le cas.

Si le jugement ordonnant l’expertise s’est également prononcé sur la compétence, l’appel est formé, instruit et jugé selon les modalités prévues aux articles 83 à 89.

Ces dispositions n’instaurent pas une cause d’irrecevabilité, et encore moins de caducité, de l’appel dans les cas limitativement prévus aux articles 905-1 et 905-2.

Il apparait ainsi que le président de la chambre a été saisi d’une demande d’irrecevabilité de l’appel ne relevant pas des pouvoirs que les articles 905-1, 905-2 et 916 lui ont conférés. Il y a lieu de déclarer l’incident irrecevable.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu de condamner la société Smart aux dépens de l’incident et du déféré et à payer à la société Apodis la somme de 3.600 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de Procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

– Rejette la demande tendant à l’irrecevabilité du déféré,

– Annule l’ordonnance de la présidente de la chambre en date du 1er juillet 2024,

Statuant de nouveau :

– Déclare irrecevable l’incident formé par la société Smart RX devant la présidente de la chambre saisie,

– Condamne la société Smart RX à payer à la société Apodis la somme de 3.600 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de Procédure civile,

– Condamne la Smart RX aux dépens de l’incident et du déféré.

LA GRREFFÈRE LE PRÉSIDENT


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