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Y compris pour les licences GNU/GPL, toute exploitation d’un logiciel ou dépassement du périmètre de la licence concédée, sans l’autorisation de l’auteur est une contrefaçon. La reprise de blocs d’un logiciel libre pour constituer sa propre application logicielle destinée à être cédée à une personne publique ou privée constitue également un acte de parasitisme.
Indépendamment du non cumul des responsabilité contractuelle et délictuelle, la violation d’une clause d’un contrat de licence d’un programme d’ordinateur, portant sur des droits de propriété intellectuelle du titulaire des droits d’auteur de ce programme, relève de la notion d’ atteinte aux droits de propriété intellectuelle (contrefaçon).
La société Entr’Ouvert a conçu un logiciel dénommé « Lasso » et permettant la mise en place d’un système d’authentification unique, qu’elle diffuse sous licence libre ou sous licence commerciale en contrepartie du paiement de redevances à son profit.
A la suite d’un appel d’offres de l’Etat pour la réalisation du portail dénommé « Mon service public », la société Orange a fourni une solution informatique de gestion d’identités et des moyens d’interface à destination des fournisseurs de service (IDMP), au moyen d’une plate-forme logicielle dénommée « Identité Management Platform » et intégrant le logiciel Lasso.
Estimant que cette mise à disposition de son logiciel n’était pas conforme aux clauses de la licence libre et qu’elle constituait un acte de concurrence déloyale, la société Entr’Ouvert, après avoir fait procéder à une saisie contrefaçon au siège de la société Orange, a assigné celle-ci en contrefaçon de droits d’auteur et parasitisme.
Dès 2004, les parties avaient entretenu des relations d’affaires, à l’occasion desquelles la société Orange avait très vite montré son intérêt pour le logiciel Lasso en sollicitant divers renseignements, formations et prestations sur ce logiciel, que, pour répondre à l’appel d’offres, celle-ci l’avait identifié comme « permettant d’apporter la brique technique et fonctionnelle à la version IDMP ».
La solution IDMP présentée alors était totalement dépendante de la présence du logiciel, qu’il était impossible, sauf au prix d’une refonte conséquente des codes sources d’IDMP, d’intégrer un autre composant logiciel qui rendrait le même service que Lasso.
La solution proposée par la société Orange avait permis de rendre IDMP conforme au protocole informatique de sécurité, que le logiciel Lasso, tel que modifié et incorporé dans la solution proposée par la société Orange, avait procuré à celle-ci l’avantage de pouvoir répondre à l’appel d’offres de l’Etat en respectant les pré-requis demandés et que celle-ci avait, sans bourse délier, utilisé le savoir-faire, le travail et les investissements de la société Entr’Ouvert.
Dans cette affaire, la Cour de cassation a également qualifié les faits (reprise de blocs d’un logiciel libre en vue de leur intégration à un logiciel destiné à être cédé à l’Etat) de contrefaçon.
Selon l’article L. 335-3, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle, les articles 7 et 13 de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle et l’article 1er de la directive 2009/24/CE du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur, constitue un délit de contrefaçon la violation de l’un des droits de l’auteur d’un logiciel définis à l’article L. 122-6 du code de la propriété intellectuelle.
Les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes, avant l’engagement d’une action au fond, puissent, sur requête d’une partie qui a présenté des éléments de preuve raisonnablement accessibles pour étayer ses allégations selon lesquelles il a été porté atteinte à son droit de propriété intellectuelle ou qu’une telle atteinte est imminente, ordonner des mesures provisoires rapides et efficaces pour conserver les éléments de preuve pertinents, de telles mesures pouvant inclure la description détaillée avec ou sans prélèvement d’échantillons, ou la saisie réelle des marchandises litigieuses et, dans les cas appropriés, des matériels et instruments utilisés pour produire et/ou distribuer ces marchandises ainsi que des documents s’y rapportant.
Les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires, lorsqu’elles fixent les dommages-intérêts, prennent en considération tous les aspects appropriés tels que les conséquences économiques négatives, notamment le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices injustement réalisés par le contrevenant et, dans des cas appropriés, des éléments autres que des facteurs économiques, comme le préjudice moral causé au titulaire du droit du fait de l’atteinte, ou, à titre d’alternative, puissent fixer, dans des cas appropriés, un montant forfaitaire de dommages-intérêts, sur la base d’éléments tels que, au moins, le montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit de propriété intellectuelle en question.
La Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que « la directive [2004/48] et la directive [2009/24] doivent être interprétées en ce sens que la violation d’une clause d’un contrat de licence d’un programme d’ordinateur, portant sur des droits de propriété intellectuelle du titulaire des droits d’auteur de ce programme, relève de la notion d’ « atteinte aux droits de propriété intellectuelle », au sens de la directive 2004/48, et que, par conséquent, ledit titulaire doit pouvoir bénéficier des garanties prévues par cette dernière directive, indépendamment du régime de responsabilité applicable selon le droit national (CJUE, arrêt du 18 décembre 2019, C-666/18).
Si, selon l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, en cas d’inexécution de ses obligations nées du contrat, le débiteur peut être condamné à des dommages-intérêts, ceux-ci ne peuvent, en principe, excéder ce qui était prévisible ou ce que les parties ont prévu conventionnellement. Par ailleurs, il résulte de l’article 145 du code de procédure civile que les mesures d’instruction légalement admissibles ne permettent pas la saisie réelle des marchandises arguées de contrefaçon ni celle des matériels et instruments utilisés pour les produire ou les distribuer.
Il s’en déduit que, dans le cas d’une d’atteinte portée à ses droits d’auteur, le titulaire, ne bénéficiant pas des garanties prévues aux articles 7 et 13 de la directive 2004/48 s’il agit sur le fondement de la responsabilité contractuelle, est recevable à agir en contrefaçon.
CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 octobre 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 705 FS-B Pourvoi n° G 21-15.386 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 OCTOBRE 2022 La société Entr’ouvert, société coopérative ouvrière de production, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 21-15.386 contre l’arrêt rendu le 19 mars 2021 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l’opposant : 1°/ à la société Orange, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ à la société Orange Business Services, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Orange Applications for Business, défenderesses à la cassation. Les sociétés Orange et Orange Business Services ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation annexés au présent arrêt. Les demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l’appui de leur recours, le moyen unique de cassation au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations et plaidoiries de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Entr’ouvert et de la SAS Buk, Lament-Robillot, avocat des sociétés Orange et Orange Business Services, et l’avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l’audience publique du 12 juillet 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Mornet, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Gargoullaud, Dazzan, Le Gall, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 19 mars 2021), la société Entr’Ouvert a conçu un logiciel dénommé « Lasso » et permettant la mise en place d’un système d’authentification unique, qu’elle diffuse sous licence libre ou sous licence commerciale en contrepartie du paiement de redevances à son profit. 2. A la suite d’un appel d’offres de l’Etat pour la réalisation du portail dénommé « Mon service public », la société Orange a fourni une solution informatique de gestion d’identités et des moyens d’interface à destination des fournisseurs de service (IDMP), au moyen d’une plate-forme logicielle dénommée « Identité Management Platform » et intégrant le logiciel Lasso. 3. Le 29 avril 2011, estimant que cette mise à disposition de son logiciel n’était pas conforme aux clauses de la licence libre et qu’elle constituait un acte de concurrence déloyale, la société Entr’Ouvert, après avoir fait procéder à une saisie contrefaçon au siège de la société Orange, a assigné celle-ci en contrefaçon de droits d’auteur et parasitisme. 4. La société Orange Application for Business, aux droits de laquelle se trouve la société Orange Business Services, est intervenue volontairement à l’instance. 5. Une expertise judiciaire de la plate-forme IDMP fournie par la société Orange a été ordonnée. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 6. La société Orange fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à la société Entr’Ouvert la somme de 150 000 euros pour parasitisme, alors : « 1°/ que, dans ses conclusions d’appel, la société Entr’Ouvert faisait valoir, dans un premier temps, que les sociétés Orange avaient violé les articles 4 et 10 de la licence GNU GPL V2 dès lors qu’elles avaient incorporé une partie du programme dans d’autres programmes et sans écrire à l’auteur pour lui en demander l’autorisation, tout en précisant que selon le rapport d’expertise du 23 octobre 2017 le logiciel Lasso avait été encapsulé dans IDMP ; que la société Entr’Ouvert faisait encore valoir, dans un deuxième temps au titre des prétendus agissements parasitaires imputés aux sociétés Orange, se fondant en cela une nouvelle fois sur le rapport d’expertise du 23 octobre 2017, que ces dernières avaient modifié Lasso en quantité afin de le rendre compatible avec les demandes de la DGME et de construire le périmètre la distribution IDMP/MSP ; qu’en jugeant que les reproches articulés par la société Entr’Ouvert au titre des actes de parasitisme n’étaient pas tirés de violation des clauses du contrat et qu’ils ne se heurtaient dès lors pas à la règle du non-cumul des responsabilités, la cour d’appel a dénaturé les conclusions susvisées et ainsi méconnu le principe interdisant au juge de dénaturer les éléments qui lui sont soumis ; 2°/ qu’au surplus le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’une entreprise en profitant indûment de sa notoriété ou de ses investissements, indépendamment de tout risque de confusion ; qu’en se bornant, pour allouer à la société Entr’Ouvert la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour parasitisme, à relever que la société Orange avait, sans bourse délier, utilisé le savoir-faire, le travail et les investissements de la société Entr’Ouvert en modifiant et incorporant le logiciel Lasso dans la solution qu’elle avait proposée en réponse à l’appel d’offre de l’Etat, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le fait que la volonté de l’éditeur d’un logiciel libre, comme Lasso, était précisément de permettre à tout utilisateur d’exploiter et de modifier librement les logiciels qu’il édite n’était pas de nature à exclure les actes de parasitisme imputés à la société Orange, tirés de ce qu’elle aurait utilisé le logiciel en le modifiant et en l’incorporant dans la solution IDMP, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1240 du code civil ; 3°/ qu’en tout état de cause le parasitisme économique se définit comme l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire ; qu’en se bornant, pour allouer à la société Entr’Ouvert la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour parasitisme, à relever que la société Orange avait, sans bourse délier, utilisé le savoir-faire, le travail et les investissements de la société Entr’Ouvert en modifiant et incorporant le logiciel Lasso dans la solution qu’elle avait proposée en réponse à l’appel d’offre de l’Etat, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le fait que la société Orange ait réglé les prestations de service exécutées par la société Entr’Ouvert dans le cadre de contrats qu’elles avaient conclus entre elles ayant précisément pour objet la formation et le support au titre du logiciel Lasso n’excluait pas, de la part de la société Orange, un détournement indu et sans dépense du savoir-faire qui lui avait été régulièrement transmis, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1240 du code civil ; 4°/ qu’en tout état de cause, les juges qui doivent motiver leur décision doivent analyser même sommairement au besoin pour les écarter les pièces qui leur sont soumises ; qu’en omettant d’analyser les pièces 7-1 à 7-5 produites en appel par la société Entr’Ouvert dont il résultait pourtant que les parties avaient conclu entre elles un contrat de prestations de services à titre onéreux, impliquant que la société Entr’Ouvert forme une partie de l’équipe de la société Orange (anciennement France Telecom) à l’utilisation du logiciel Lasso, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ; 5°/ qu’il appartient à la partie qui prétend être parasitée de justifier de la notoriété du savoir-faire invoqué, des investissements réalisés pour conférer à celui-ci une valeur économique et de ses efforts tant commerciaux que financiers ; qu’en se fondant, pour la condamner pour parasitisme, sur la circonstance que la société Orange avait, sans bourse délier, utilisé le savoir-faire, le travail et les investissements de la société Entr’Ouvert, après avoir pourtant constaté que cette dernière ne produisait aucune pièces comptable ou financière pour quantifier les moyens qu’elle avait consentis au développement de la bibliothèque Lasso, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait l’absence de justification des investissements réalisés et, partant, l’absence de faits de parasitisme, violant ainsi l’article 1240 du code civil ; 6°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que la cour qui, après avoir constaté que la société Entr’Ouvert ne produisait aucune pièce comptable ou financière pour chiffrer son préjudice économique, a néanmoins alloué, au vu des éléments dont elle dispose, la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l’entier préjudice, aussi bien économique que moral, de cette dernière, s’est contredite, privant ainsi sa décision de tout motif en violation de l’article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 7. D’abord, après avoir constaté que le parasitisme invoqué était distinct des violations alléguées des clauses du contrat de licence, la cour d’appel, se fondant sur le rapport d’expertise, a relevé que, dès 2004, les parties avaient entretenu des relations d’affaires, à l’occasion desquelles la société Orange avait très vite montré son intérêt pour le logiciel Lasso en sollicitant divers renseignements, formations et prestations sur ce logiciel, que, pour répondre à l’appel d’offres, celle-ci l’avait identifié comme « permettant d’apporter la brique technique et fonctionnelle à la version IDMP », que la solution IDMP présentée alors était totalement dépendante de la présence du logiciel, qu’il était impossible, sauf au prix d’une refonte conséquente des codes sources d’IDMP, d’intégrer un autre composant logiciel qui rendrait le même service que Lasso, que la solution proposée par la société Orange avait permis de rendre IDMP conforme au protocole informatique de sécurité, que le logiciel Lasso, tel que modifié et incorporé dans la solution proposée par la société Orange, avait procuré à celle-ci l’avantage de pouvoir répondre à l’appel d’offres de l’Etat en respectant les pré-requis demandés et que celle-ci avait, sans bourse délier, utilisé le savoir-faire, le travail et les investissements de la société Entr’Ouvert. 8. Elle a pu en déduire, en l’absence de dénaturation des conclusions et sans être tenue ni de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la société Orange avait commis des actes de parasitisme. 9. Ensuite, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis et sans se contredire, qu’elle a retenu que, si la société Entr’Ouvert, sollicitant la somme de 500 000 euros, ne produisait aucune pièce comptable ou financière pour quantifier les moyens qu’elle avait consentis au développement du logiciel Lasso, le parasitisme opéré par la société Orange, pour remporter un marché conséquent avec l’Etat sans aucune reconnaissance ni financière, ni morale du travail et des investissements de la société Entr’Ouvert, lui avait causé un préjudice économique et moral qu’elle a évalué à 150 000 euros. 10. Le moyen n’est donc pas fondé. Sur le moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal, ci-après annexé 11. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 12. La société Entr’Ouvert fait grief à l’arrêt de la déclarer irrecevable à agir sur le fondement de la contrefaçon, alors « que la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit (CJUE, 18 décembre 2009, IT Development c. Free Mobile, aff. C-666/18) que la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle, et la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur, doivent être interprétées en ce sens que la violation d’une clause d’un contrat de licence d’un programme d’ordinateur, portant sur des droits de propriété intellectuelle du titulaire des droits d’auteur de ce programme, relève de la notion d’« atteinte aux droits de propriété intellectuelle », au sens de la directive 2004/48, et que, par conséquent, ledit titulaire doit pouvoir bénéficier des garanties prévues par cette dernière directive, indépendamment du régime de responsabilité applicable selon le droit national ; qu’en droit français, seule l’action en contrefaçon prévue par le code de la propriété intellectuelle offre au titulaire de droits d’auteur sur un programme d’ordinateur les garanties prévues par ladite directive ; qu’il est donc recevable à agir en contrefaçon même si l’atteinte à son droit d’auteur résulte de la violation d’une clause d’un contrat de licence ; qu’en énonçant néanmoins, pour déclarer l’action de la société Entr’ouvert irrecevable, que, lorsque le fait générateur d’une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d’un acte de contrefaçon, l’action doit être engagée sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle prévue à l’article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle et qu’en revanche, lorsque le fait générateur d’une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d’un manquement contractuel, le titulaire du droit ayant consenti par contrat à son utilisation sous certaines réserves, seule une action en responsabilité contractuelle est recevable par application du principe de non-cumul des responsabilités, la cour d’appel a violé l’article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle par refus d’application, ensemble les directives 2004/48 et 2009/24 par fausse interprétation et le principe de non-cumul des responsabilités par fausse application. » Réponse de la Cour Vu l’article L. 335-3, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle, les articles 7 et 13 de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle et l’article 1er de la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur : 13. Selon le premier de ces textes, constitue un délit de contrefaçon la violation de l’un des droits de l’auteur d’un logiciel définis à l’article L. 122-6 du code de la propriété intellectuelle. 14. Conformément au deuxième, les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes, avant l’engagement d’une action au fond, puissent, sur requête d’une partie qui a présenté des éléments de preuve raisonnablement accessibles pour étayer ses allégations selon lesquelles il a été porté atteinte à son droit de propriété intellectuelle ou qu’une telle atteinte est imminente, ordonner des mesures provisoires rapides et efficaces pour conserver les éléments de preuve pertinents, de telles mesures pouvant inclure la description détaillée avec ou sans prélèvement d’échantillons, ou la saisie réelle des marchandises litigieuses et, dans les cas appropriés, des matériels et instruments utilisés pour produire et/ou distribuer ces marchandises ainsi que des documents s’y rapportant. 15. En application du troisième, les Etats membres veillent à ce que les autorités judiciaires, lorsqu’elles fixent les dommages-intérêts, prennent en considération tous les aspects appropriés tels que les conséquences économiques négatives, notamment le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices injustement réalisés par le contrevenant et, dans des cas appropriés, des éléments autres que des facteurs économiques, comme le préjudice moral causé au titulaire du droit du fait de l’atteinte, ou, à titre d’alternative, puissent fixer, dans des cas appropriés, un montant forfaitaire de dommages-intérêts, sur la base d’éléments tels que, au moins, le montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit de propriété intellectuelle en question. 16. En vertu du quatrième, les Etats membres doivent protéger les programmes d’ordinateur par le droit d’auteur. 17. La Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que « la directive [2004/48] et la directive [2009/24] doivent être interprétées en ce sens que la violation d’une clause d’un contrat de licence d’un programme d’ordinateur, portant sur des droits de propriété intellectuelle du titulaire des droits d’auteur de ce programme, relève de la notion d’ « atteinte aux droits de propriété intellectuelle », au sens de la directive 2004/48, et que, par conséquent, ledit titulaire doit pouvoir bénéficier des garanties prévues par cette dernière directive, indépendamment du régime de responsabilité applicable selon le droit national (CJUE, arrêt du 18 décembre 2019, C-666/18). 18. Si, selon l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, en cas d’inexécution de ses obligations nées du contrat, le débiteur peut être condamné à des dommages-intérêts, ceux-ci ne peuvent, en principe, excéder ce qui était prévisible ou ce que les parties ont prévu conventionnellement. Par ailleurs, il résulte de l’article 145 du code de procédure civile que les mesures d’instruction légalement admissibles ne permettent pas la saisie réelle des marchandises arguées de contrefaçon ni celle des matériels et instruments utilisés pour les produire ou les distribuer. 19. Il s’en déduit que, dans le cas d’une d’atteinte portée à ses droits d’auteur, le titulaire, ne bénéficiant pas des garanties prévues aux articles 7 et 13 de la directive 2004/48 s’il agit sur le fondement de la responsabilité contractuelle, est recevable à agir en contrefaçon. 20. Pour déclarer irrecevables les demandes en contrefaçon de droits d’auteur formées par la société Entr’Ouvert au titre de la violation du contrat de licence liant les parties, l’arrêt retient que la CJUE ne met pas en cause le principe du non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle et il en déduit que, lorsque le fait générateur d’une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d’un manquement contractuel, seule une action en responsabilité contractuelle est recevable. 21. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déclare la société Entr’Ouvert irrecevable à agir en contrefaçon, l’arrêt rendu le 19 mars 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; Remet, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ; Condamne les sociétés Orange et Orange Business Services aux dépens ; En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Orange et Orange Business Services et les condamne à payer à la société Entr’Ouvert la somme de 5 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Entr’ouvert, demanderesse au pourvoi principal. La société Entr’ouvert reproche à l’arrêt attaqué d’avoir dit qu’elle était irrecevable à agir sur le fondement délictuel de la contrefaçon, 1) ALORS QUE la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit (CJUE, 18 décembre 2009, IT Development c. Free Mobile, aff. C-666/18) que la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle, et la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur, doivent être interprétées en ce sens que la violation d’une clause d’un contrat de licence d’un programme d’ordinateur, portant sur des droits de propriété intellectuelle du titulaire des droits d’auteur de ce programme, relève de la notion d’« atteinte aux droits de propriété intellectuelle », au sens de la directive 2004/48, et que, par conséquent, ledit titulaire doit pouvoir bénéficier des garanties prévues par cette dernière directive, indépendamment du régime de responsabilité applicable selon le droit national ; qu’en droit français, seule l’action en contrefaçon prévue par le code de la propriété intellectuelle offre au titulaire de droits d’auteur sur un programme d’ordinateur les garanties prévues par ladite directive ; qu’il est donc recevable à agir en contrefaçon même si l’atteinte à son droit d’auteur résulte de la violation d’une clause d’un contrat de licence ; qu’en énonçant néanmoins, pour déclarer l’action de la société Entr’ouvert irrecevable, que, lorsque le fait générateur d’une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d’un acte de contrefaçon, l’action doit être engagée sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle prévue à l’article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle et qu’en revanche, lorsque le fait générateur d’une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d’un manquement contractuel, le titulaire du droit ayant consenti par contrat à son utilisation sous certaines réserves, seule une action en responsabilité contractuelle est recevable par application du principe de non-cumul des responsabilités, la cour d’appel a violé l’article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle par refus d’application, ensemble les directives 2004/48 et 2009/24 par fausse interprétation et le principe de non-cumul des responsabilités par fausse application ; 2) ALORS QUE le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle s’oppose à ce que la réparation des conséquences dommageables d’un même fautif soit recherchée simultanément sur le fondement contractuel et sur le fondement délictuel ; qu’il ne s’applique pas à l’action en contrefaçon, qui sanctionne l’atteinte à un droit privatif ; qu’en conséquence, toute exploitation d’un logiciel protégé par le droit d’auteur sans l’autorisation de l’auteur est justiciable de l’action en contrefaçon, qu’elle résulte de l’absence de contrat de licence ou de l’outrepassement de ses limites ; qu’en énonçant, pour déclarer la société Entr’ouvert irrecevable à agir sur le fondement de l’article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle pour faire sanctionner l’atteinte à son droit d’auteur sur le logiciel Lasso, qu’elle procédait de la violation des clauses du contrat de licence GNU GPL version 2, en sorte que seule une action en responsabilité contractuelle était recevable par application du principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, la cour d’appel a violé l’article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle par refus d’application, ensemble le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle par fausse application ; 3) ALORS QU’ en toute hypothèse, l’action de la société Entr’ouvert était exclusivement fondée sur l’atteinte à son droit d’auteur sur le logiciel Lasso, le contrat de licence GPN GLU v2 n’étant évoqué pour que pour démontrer que les sociétés Orange avaient porté atteinte au droit d’auteur de la société Entr’ouvert en se livrant à une utilisation non autorisée du logiciel Lasso ; que la société Entr’ouvert n’a jamais invoqué la responsabilité contractuelle des sociétés Orange ; qu’en retenant néanmoins, pour déclarer irrecevable l’action en contrefaçon de la société Entr’ouvert au nom du principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, qu’elle se fondait sur le contrat de licence qui liait les parties et qu’elle se prévalait de la violation des clauses de ce contrat, la cour d’appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ; 4) ALORS QU’ en toute hypothèse, la cour d’appel invoquait également, au soutien de son action en contrefaçon de droit d’auteur, l’atteinte à son droit moral d’auteur, et plus particulièrement à son droit à la paternité du logiciel Lasso, les sociétés Orange n’ayant pas indiqué à leur cocontractant que le logiciel IDMP intégrait le logiciel Lasso créée par la société Entr’ouvert (conclusions récapitulatives d’appel de la société Entr’ouvert, p. 38 et 39) ; que l’atteinte au droit à la paternité de la société Entr’ouvert était indépendante de la violation du champ d’application du contrat de licence GPN GLU v2, lequel ne régit que les droits patrimoniaux ; qu’en déclarant irrecevable, au nom du principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, l’action en contrefaçon de la société Entr’ouvert en tant qu’elle était fondée sur l’atteinte à son droit à la paternité sur le logiciel Lasso, la cour d’appel a violé les articles L. 121-1 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, ensemble le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle par fausse application. Moyen produit par la SCP Buk, Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour les sociétés Orange et Oranges Business services, demanderesses au pourvoi incident. La société Orange fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir condamnée à payer à la société Entr’Ouvert la somme de 150 000 euros pour parasitisme ; 1°) ALORS QUE dans ses conclusions d’appel, la société Entr’Ouvert faisait valoir, dans un premier temps, que les sociétés Orange avaient violé les articles 4 et 10 de la licence GNU GPL V2 dès lors qu’elles avaient incorporé une partie du programme dans d’autres programmes et sans écrire à l’auteur pour lui en demander l’autorisation, tout en précisant que selon le rapport d’expertise du 23 octobre 2017 le logiciel Lasso avait été encapsulé dans IDMP (conclusions pages 20 et 21) ; que la société Entr’Ouvert faisait encore valoir, dans un deuxième temps au titre des prétendus agissements parasitaires imputés aux sociétés Orange, se fondant en cela une nouvelle fois sur le rapport d’expertise du 23 octobre 2017, que ces dernières avaient modifié Lasso en quantité afin de le rendre compatible avec les demandes de la DGME et de construire le périmètre la distribution IDMP/MSP (conclusions page 47) ; qu’en jugeant que les reproches articulés par la société Entr’Ouvert au titre des actes de parasitisme n’étaient pas tirés de violation des clauses du contrat et qu’ils ne se heurtaient dès lors pas à la règle du non-cumul des responsabilités, la cour d’appel a dénaturé les conclusions susvisées et ainsi méconnu le principe interdisant au juge de dénaturer les éléments qui lui sont soumis ; 2°) ALORS QU’au surplus le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’une entreprise en profitant indûment de sa notoriété ou de ses investissements, indépendamment de tout risque de confusion ; qu’en se bornant, pour allouer à la société Entr’Ouvert la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour parasitisme, à relever que la société Orange avait, sans bourse délier, utilisé le savoirfaire, le travail et les investissements de la société Entr’Ouvert en modifiant et incorporant le logiciel Lasso dans la solution qu’elle avait proposée en réponse à l’appel d’offre de l’Etat, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le fait que la volonté de l’éditeur d’un logiciel libre, comme Lasso, était précisément de permettre à tout utilisateur d’exploiter et de modifier librement les logiciels qu’il édite n’était pas de nature à exclure les actes de parasitisme imputés à la société Orange, tirés de ce qu’elle aurait utilisé le logiciel en le modifiant et en l’incorporant dans la solution IDMP, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1240 du code civil ; 3°) ALORS QU’en tout état de cause le parasitisme économique se définit comme l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire ; qu’en se bornant, pour allouer à la société Entr’Ouvert la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour parasitisme, à relever que la société Orange avait, sans bourse délier, utilisé le savoir-faire, le travail et les investissements de la société Entr’Ouvert en modifiant et incorporant le logiciel Lasso dans la solution qu’elle avait proposée en réponse à l’appel d’offre de l’Etat, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le fait que la société Orange ait réglé les prestations de service exécutées par la société Entr’Ouvert dans le cadre de contrats qu’elles avaient conclus entre elles ayant précisément pour objet la formation et le support au titre du logiciel Lasso n’excluait pas, de la part de la société Orange, un détournement indu et sans dépense du savoir-faire qui lui avait été régulièrement transmis, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1240 du code civil ; 4°) ALORS QU’en tout état de cause, les juges qui doivent motiver leur décision doivent analyser même sommairement au besoin pour les écarter les pièces qui leur sont soumises ; qu’en omettant d’analyser les pièces 7-1 à 7-5 produites en appel par la société Entr’Ouvert dont il résultait pourtant que les parties avaient conclu entre elles un contrat de prestations de services à titre onéreux, impliquant que la société Entr’Ouvert forme une partie de l’équipe de la société Orange (anciennement France Telecom) à l’utilisation du logiciel Lasso, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ; 5°) ALORS QU’il appartient à la partie qui prétend être parasitée de justifier de la notoriété du savoir-faire invoqué, des investissements réalisés pour conférer à celui-ci une valeur économique et de ses efforts tant commerciaux que financiers ; qu’en se fondant, pour la condamner pour parasitisme, sur la circonstance que la société Orange avait, sans bourse délier, utilisé le savoir-faire, le travail et les investissements de la société Entr’Ouvert, après avoir pourtant constaté que cette dernière ne produisait aucune pièces comptable ou financière pour quantifier les moyens qu’elle avait consentis au développement de la bibliothèque Lasso, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait l’absence de justification des investissements réalisés et, partant, l’absence de faits de parasitisme, violant ainsi l’article 1240 du code civil ; 6°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que la cour qui, après avoir constaté que la société Entr’Ouvert ne produisait aucune pièce comptable ou financière pour chiffrer son préjudice économique, a néanmoins alloué, au vu des éléments dont elle dispose, la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l’entier préjudice, aussi bien économique que moral, de cette dernière, s’est contredite, privant ainsi sa décision de tout motif en violation de l’article 455 du code de procédure civile. | |