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Dans l’affaire NASA, l’ordonnance qui a autorisé un commissaire de justice, en substance, à décrire et saisir des exemplaires des produits litigieux, ainsi que des documents comptables et commerciaux susceptibles de rapporter la preuve de la contrefaçon et du préjudice qu’elle a causé, a été validée par la juridiction.
Elle l’a autorisé dans ce but à procéder à toute recherche et à poser toute question utile aux personnes présentes en notant leurs réponses. Elle n’a toutefois pas autorisé le commissaire de justice à recourir à un expert informatique pour améliorer la performance de la recherche et était expressément limitée aux produits revêtus des signes litigieux. Les articles 496 et 497 du code de procédure civile prévoient que tout intéressé peut demander au juge qui a fait droit à une requête de modifier ou rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l’affaire. En vertu de l’article L. 716-4-7 du code de la propriété intellectuelle, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous commissaires de justice, le cas échéant assistés d’experts désignés par le demandeur, en vertu d’une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d’échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou services prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s’y rapportant. L’ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux produits et services prétendus contrefaisants en l’absence de ces derniers. La juridiction peut ordonner, aux mêmes fins probatoires, la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour fabriquer ou distribuer les produits ou fournir les services prétendus contrefaisants. L’article 3 de la directive 2004/48 prévoit que les procédures nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle mises en oeuvre par les États membres doivent être loyales et proportionnées. En application de l’article 10 du code civil, les parties ont l’obligation, en vertu du principe de loyauté des débats, de produire et le cas échéant communiquer en temps utiles les éléments en leur possession, en particulier lorsqu’ils sont susceptibles de modifier l’opinion des juges (1re Civ., 7 juin 2005, pourvoi n° 05-60.044). Il en résulte que le requérant à une mesure de saisie-contrefaçon doit faire preuve de loyauté dans l’exposé des faits au soutien de sa requête en saisie-contrefaçon, afin de permettre au juge d’autoriser une mesure proportionnée en exerçant pleinement son pouvoir d’appréciation des circonstances de la cause (Cass., Com., 6 décembre 2023, pourvoi n° 22-11.071, points 10 à 12 et point 15). Nos conseils : 1. Attention à la loyauté dans la communication des faits et des éléments pertinents pour permettre au juge d’exercer pleinement son pouvoir d’appréciation. 2. Il est recommandé de veiller à la proportionnalité des mesures demandées, en s’assurant qu’elles restent limitées et justifiées par le degré de vraisemblance de la contrefaçon alléguée. 3. En cas de demande reconventionnelle pour procédure abusive, il est conseillé de démontrer que l’action engagée n’est pas dilatoire ou abusive, afin d’éviter toute condamnation à une amende civile. |
→ Résumé de l’affaireL’affaire oppose la société espagnole Pablosky à la société française Royer, concernant la contrefaçon de la marque verbale de l’Union européenne ‘Nasa’ par l’apposition des logos de l’agence spatiale américaine sur des chaussures. Pablosky a obtenu des ordonnances de saisie-contrefaçon, dont l’une a permis la saisie de fichiers informatiques placés sous séquestre. Royer demande la rétractation de l’ordonnance, la restitution des documents saisis, des mesures de protection du secret des affaires et des dommages. Les parties ont conclu un accord sur le secret des affaires en cours de délibéré. Royer allègue une présentation déloyale des faits, des mesures illégitimes et disproportionnées, ainsi qu’une violation du séquestre provisoire par Pablosky. Pablosky conteste toute déloyauté, estime les mesures proportionnées et valide sa marque. Elle demande des dommages pour abus de procédure.
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→ Les points essentielsDemandes en rétractation et restitutionLes articles 496 et 497 du code de procédure civile prévoient que tout intéressé peut demander au juge qui a fait droit à une requête de modifier ou rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l’affaire. En vertu de l’article L. 716-4-7 du code de la propriété intellectuelle, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous commissaires de justice, le cas échéant assistés d’experts désignés par le demandeur, en vertu d’une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d’échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou services prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s’y rapportant. L’ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux produits et services prétendus contrefaisants en l’absence de ces derniers. La juridiction peut ordonner, aux mêmes fins probatoires, la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour fabriquer ou distribuer les produits ou fournir les services prétendus contrefaisants. L’article 3 de la directive 2004/48 prévoit que les procédures nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle mises en oeuvre par les États membres doivent être loyales et proportionnées. LoyautéEn application de l’article 10 du code civil, les parties ont l’obligation, en vertu du principe de loyauté des débats, de produire et le cas échéant communiquer en temps utiles les éléments en leur possession, en particulier lorsqu’ils sont susceptibles de modifier l’opinion des juges. Il en résulte que le requérant à une mesure de saisie-contrefaçon doit faire preuve de loyauté dans l’exposé des faits au soutien de sa requête en saisie-contrefaçon, afin de permettre au juge d’autoriser une mesure proportionnée en exerçant pleinement son pouvoir d’appréciation des circonstances de la cause. La présente affaire vise l’interdiction de l’usage des logos de la célèbre agence spatiale des États-Unis, la Nasa, sur des chaussures, en raison d’une marque homonyme déposée, par un tiers sans lien avec cette agence, très récemment au regard de l’histoire de celle-ci. Si la société Pablosky n’a évidemment pas présenté sa requête sous cet angle, insistant sur son droit de marque et non sur l’agence spatiale, elle a néanmoins livré tous ces éléments, notamment en exposant la position de la société Royer. ProportionnalitéL’ordonnance contestée a autorisé le commissaire de justice, en substance, à décrire et saisir des exemplaires des produits litigieux, ainsi que des documents comptables et commerciaux susceptibles de rapporter la preuve de la contrefaçon et du préjudice qu’elle a causé. Elle l’a autorisé dans ce but à procéder à toute recherche et à poser toute question utile aux personnes présentes en notant leurs réponses. Cette mesure porte aux intérêts de la société Royer une atteinte suffisamment limitée pour rester proportionnée au degré de vraisemblance de la contrefaçon alléguée. Elle porte enfin sur des documents dont il n’était pas nécessaire de préjuger qu’ils relèveraient nécessairement du secret des affaires. Quant à la violation du séquestre, à la supposer avérée, elle porterait non sur la légitimité de l’ordonnance elle-même mais sur les conditions de son exécution, qui ne relève pas du recours en rétractation. Dispositions finalesAux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. La société Royer perd le procès et est donc tenue aux dépens ainsi qu’à indemniser la société Pablosky de ses frais, qui peuvent être estimés, compte tenu du degré de complexité de la présente affaire, à 7 000 euros. L’exécution provisoire est de droit et rien ne justifie ici d’y déroger. Les montants alloués dans cette affaire: – La société Royer est condamnée à payer 7 000 euros à la société Pablosky au titre de l’article 700 du code de procédure civile
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→ Réglementation applicable– Code de procédure civile
– Code de la propriété intellectuelle – Code civil Article 496 du code de procédure civile: Article 497 du code de procédure civile: Article L. 716-4-7 du code de la propriété intellectuelle: Article 3 de la directive 2004/48: Article 10 du code civil: Article 32-1 du code de procédure civile: Article 696 du code de procédure civile: Article 700 du code de procédure civile: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Maître Héloïse BAJER PELLET
– Maître Bertrand ERMENEUX – Maître Catherine MATEU |
→ Mots clefs associés & définitions– Motivation
– Demandes en rétractation et restitution – Loyauté – Proportionnalité – Secret des affaires – Procédure abusive – Dispositions finales – Dépens – Indemnisation – Motivation: Raison ou ensemble de raisons qui poussent une personne à agir ou à prendre une décision.
– Demandes en rétractation et restitution: Demandes formulées par une partie pour annuler un contrat ou une transaction et pour récupérer ce qui a été donné ou payé. – Loyauté: Devoir de fidélité et d’honnêteté envers une personne ou une organisation. – Proportionnalité: Principe selon lequel une action ou une sanction doit être adaptée et équitable par rapport à la gravité de la situation. – Secret des affaires: Informations confidentielles et stratégiques d’une entreprise qui ne doivent pas être divulguées à des tiers. – Procédure abusive: Utilisation déloyale ou excessive des procédures judiciaires pour nuire à une partie adverse. – Dispositions finales: Dernières clauses d’un contrat ou d’un document qui précisent les modalités de résiliation ou d’exécution. – Dépens: Frais et dépenses engagés lors d’une procédure judiciaire, qui peuvent être à la charge d’une des parties. – Indemnisation: Compensation financière versée à une personne pour réparer un préjudice subi. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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3ème chambre
2ème section
N° RG 23/10348
N° Portalis 352J-W-B7H-C2SOU
N° MINUTE :
Assignation du :
11 Août 2023
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RÉTRACTATION
rendue le 09 Février 2024
DEMANDERESSE
S.A.S. ROYER
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Maître Héloïse BAJER PELLET, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C2140
et par Maître Bertrand ERMENEUX, de la SELARL AVOXA RENNES, avocat au barreau de Rennes, avocat plaidant.
DÉFENDERESSE
Société PABLOSKY SL
[Adresse 3],
[Adresse 3] ([Localité 4]) (ESPAGNE)
représentée par Maître Catherine MATEU de l’AARPI ARMENGAUD – GUERLAIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #W0007
Copies délivrées le :
– Maître BAJER-PELLET #C2140 (ccc)
– Maître MATHEU #W07 (éxécutoire)
Décision du 09 Février 2024
3ème chambre – 2ème section
N° RG 23/10348 – N° Portalis 352J-W-B7H-C2SOU
COMPOSITION
Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge
assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier,
DÉBATS
A l’audience du 29 Novembre 2023, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 02 Février 2024 puis prorogé au 09 Février 2024
ORDONNANCE
Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
Faits et procédure
1. La société de droit espagnol Pablosky, alléguant la contrefaçon de sa marque verbale de l’Union européenne numéro 1 020 536 ‘Nasa’ du fait de l’apposition, sur des chaussures, des logos de l’agence spatiale homonyme des États-Unis d’Amérique, a obtenu du délégué du président de ce tribunal, statuant sur requête, le 6 juillet 2023, deux ordonnances l’autorisant à pratiquer deux saisies-contrefaçon, respectivement au siège social de la société Groupe royer et à celui de la société Royer SAS (la société Royer). Ces mesures ont été réalisées le 20 juillet 2023. La première n’a donné aucun résultat, la seconde a permis la saisie de fichiers informatiques sur une clé USB qui a été placée sous séquestre provisoire à la demande d’un préposé de la société Royer afin de protéger son secret des affaires.
2. La société Royer a alors assigné la société Pablosky en maintien du séquestre et rétractation de l’ordonnance la concernant, le 11 aout 2023.
Prétentions des parties
3. La société Royer, à l’audience du 29 novembre 2023 et dans ses conclusions du 28, soutenues oralement, demande la rétractation de l’ordonnance, la restitution des documents saisis ou placés sous séquestre, subsidiairement des mesures de protection du secret des affaires, résiste à la demande reconventionnelle pour procédure abusive et réclame à la société Pablosky 12 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
4. La société Pablosky, à l’audience et dans ses conclusions du 27 novembre soutenues oralement, résiste aux demandes et reconventionnellement demande la communication des documents placés sous séquestre, la condamnation de la société Royer à lui payer 10 000 euros pour procédure abusive et 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
5. En cours de délibéré, les parties, qui avaient été invitées par le juge à chercher un accord sur le secret des affaires, ont fait parvenir la transaction qu’elles ont conclue sur le sujet et par laquelle elles s’engagent notamment, dans l’hypothèse où l’ordonnance litigieuse ne serait pas rétractée, à se désister de leurs demandes relatives au sort des éléments placés sous séquestre dans la présente instance.
Moyens des parties
6. La société Royer allègue en premier lieu une présentation déloyale des faits dans la requête en raison de la dissimulation d’un autre litige en cours entre les parties, dans lequel c’est elle qui invoque contre la société Pablosky une contrefaçon de modèles ; elle estime ainsi que la saisie-contrefaçon litigieuse est un « contre-feu » ou une rétorsion visant à obtenir des informations pour l’autre litige et que le juge de la requête, s’il en avait été informé, aurait pu restreindre le périmètre de la saisie pour la limiter aux seuls éléments pertinents et protéger le secret des affaires. Elle soutient que cette information a été cachée nonobstant sa brève évocation dans 3 pièces visées au soutien de la requête (sur 54 au total). Elle souligne encore que parmi les nombreuses entreprises utilisant le signe de l’agence spatiale des États-Unis pour des chaussures, elle seule fait l’objet d’une action de la part de la société Pablosky, ce qui démontre selon elle qu’il s’agit de représailles en lien avec le premier litige, pour la déstabiliser. Elle en conclut que cette information était nécessaire pour apprécier le lien entre ces litiges et l’opportunité de la mesure demandée.
7. En second lieu, elle estime les mesures demandées illégitimes et disproportionnées, d’abord car demandées sur le fondement d’une marque non valide pour être trompeuse, pour porter sur un emblème d’État et pour avoir été déposée frauduleusement, en raison du lien qu’elle crée avec l’agence spatiale homonyme, renforcé par la communication de la société Pablosky qui fait référence à l’espace, et ce de manière abusive car en ne pouvant pas ignorer la nullité de cette marque ou à tout le moins son caractère contestable. Elle conteste la pertinence du fait que la Nasa elle-même (l’agence spatiale) ait renoncé à des dépôts de marque pour désigner des vêtements quand la société Pablosky y a fait opposition, car, en substance, cet abandon résulterait de choix d’opportunité n’ayant donné lieu à aucune appréciation de la validité de la marque de la société Pablosky et dont on ne pourrait en toute hypothèse déduire aucun accord donné par la Nasa à l’existence de cette marque.
8. Les mesures sont encore disproportionnées, selon la société Royer, en ce qu’elles n’ont pas prévu de protection du secret des affaires, notamment par la mise sous séquestre ou l’emploi de mots clés ciblés, de sorte qu’elles s’apparenteraient à une « perquisition civile ». Elle reproche enfin à la société Pablosky d’avoir violé le séquestre provisoire, ce qui montrerait encore la volonté de celle-ci de tromper le juge et de détourner la mesure pour en faire un outil d’espionnage et de déstabilisation. La société Royer se prévaut, pour le prouver, d’une mise en demeure adressée à un de ses clients par la société Pablosky qui fait état d’une facture qui aurait été obtenue lors de la saisie-contrefaçon du 20 juillet 2023, alors que les factures saisies sont censées avoir été placées sous séquestre.
9. Contre la demande reconventionnelle pour abus, la société Royer conteste avoir cherché à renvoyer l’audience et affirme avoir au contraire consenti à un renvoi demandé pour des raisons personnelles par l’avocat adverse. Elle conteste également avoir caché la réponse du commissaire de justice et expose avoir légitimement demandé des explications tant à celui-ci qu’à la société Pablosky elle-même, laquelle n’a répondu que tardivement.
10. La société Pablosky conteste toute déloyauté ou intention de détourner la procédure, faisant valoir d’une part que l’autre litige porte sur des droits distincts (des dessins ou modèles), sans lien avec la présente affaire, où elle ne fait que défendre sa marque comme elle l’a déjà fait par le passé, de sorte que la connaissance de cet autre litige n’apporte par d’élément pertinent ; d’autre part que celui-ci n’a pas été dissimulé dès lors qu’il est mentionné dans 3 pièces annexées à la requête, dont le juge a nécessairement pris connaissance, et consistant en des courriers émanant tant d’elle-même que de la société Royer. Elle affirme encore à cet égard que l’ordonnance litigieuse ne permettait pas d’appréhender d’autres informations que celles relatives à la contrefaçon alléguée de la marque Nasa.
11. Elle estime les mesures obtenues proportionnées, d’abord car elles sont toutes nécessaires à la solution du litige dès lors qu’elles sont limitées aux produits imitant ou reproduisant la marque Nasa et que, la société Royer étant déjà manifestement informée de ses intentions, la preuve de la contrefaçon était difficile à obtenir. Elle conteste également l’obligation de limiter la recherche du commissaire de justice, officier ministériel, à des mots-clés.
12. Sur la proportionnalité, encore, elle estime sa marque valide, faisant valoir qu’alors qu’elle avait formé opposition à deux marques de l’Union européenne déposées par l’agence spatiale des États-Unis, celle-ci a accepté de reconnaitre ses droits et a limité une marque et renoncé à l’autre, outre que selon elle la société Royer est irrecevable à invoquer les droits de cette agence étatique. Elle ajoute que l’INPI a récemment annulé une marque correspondant à un logo de l’agence spatiale en raison du risque de confusion avec sa marque Nasa.
13. Enfin, elle souligne que la mesure autorisée porte sur des documents nécessaires pour prouver la contrefaçon et le préjudice, qui ne sont pas comparables à ceux des affaires où les juridictions ont retenu la disproportion, n’a mobilisé que 3 personnes chez la partie saisie et pendant une journée seulement, sans mobiliser d’équipement sur place, outre que l’huissier a obéi aux demandes de mise sous séquestre qu’on lui a faites, ce qui est une protection suffisante malgré l’absence de prévision sur le secret des affaires dans l’ordonnance, expose-t-elle, rappelant que la loi ne fait pas obligation au juge de prévoir un séquestre provisoire. Elle estime qu’au demeurant la société Royer ne démontre pas en quoi son secret des affaires aurait été enfreint.
14. Sur sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour abus, la société Pablosky expose que la présente procédure est dilatoire car la société Royer aurait « tout fait » pour que l’audience soit renvoyée en versant des éléments nouveaux 5 jours avant et en cachant une réponse que lui avait donnée le commissaire de justice sur le respect du séquestre.
I . Demandes en rétractation et restitution
15. Les articles 496 et 497 du code de procédure civile prévoient que tout intéressé peut demander au juge qui a fait droit à une requête de modifier ou rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l’affaire.
16. En vertu de l’article L. 716-4-7 du code de la propriété intellectuelle, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous commissaires de justice, le cas échéant assistés d’experts désignés par le demandeur, en vertu d’une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d’échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou services prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s’y rapportant. L’ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux produits et services prétendus contrefaisants en l’absence de ces derniers. La juridiction peut ordonner, aux mêmes fins probatoires, la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour fabriquer ou distribuer les produits ou fournir les services prétendus contrefaisants.
17. L’article 3 de la directive 2004/48 prévoit que les procédures nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle mises en oeuvre par les États membres doivent être loyales et proportionnées.
1 . Loyauté
18. En application de l’article 10 du code civil, les parties ont l’obligation, en vertu du principe de loyauté des débats, de produire et le cas échéant communiquer en temps utiles les éléments en leur possession, en particulier lorsqu’ils sont susceptibles de modifier l’opinion des juges (1re Civ., 7 juin 2005, pourvoi n° 05-60.044).
19. Il en résulte que le requérant à une mesure de saisie-contrefaçon doit faire preuve de loyauté dans l’exposé des faits au soutien de sa requête en saisie-contrefaçon, afin de permettre au juge d’autoriser une mesure proportionnée en exerçant pleinement son pouvoir d’appréciation des circonstances de la cause (Cass., Com., 6 décembre 2023, pourvoi n° 22-11.071, points 10 à 12 et point 15).
20. La présente affaire vise l’interdiction de l’usage des logos de la célèbre agence spatiale des États-Unis, la Nasa, sur des chaussures, en raison d’une marque homonyme déposée, par un tiers sans lien avec cette agence, très récemment au regard de l’histoire de celle-ci. Si la société Pablosky n’a évidemment pas présenté sa requête sous cet angle, insistant sur son droit de marque et non sur l’agence spatiale, elle a néanmoins livré tous ces éléments, notamment en exposant la position de la société Royer. Dans ce cadre, le juge de la requête, correctement avisé de la particularité de la situation et ainsi incité à la prudence, était invité à consulter personnellement la position de la société Royer et notamment celle émanant de son avocat, dont le courrier était explicitement visé dans le corps de la requête (en pièce 1.4.7). Ce courrier, qui est assez court et pertinent pour être lu rapidement en entier, révèle l’existence de l’autre litige opposant la société Pablosky à la société Royer et que celle-ci reproche à la première d’avoir dissimulé. Il révèle également l’opinion de celle-ci selon laquelle les allégations de contrefaçon de la marque Nasa sont une « tentative de déstabilisation » et un « couvre-feu ».
21. Cet autre litige n’est pas entièrement dépourvu de pertinence pour l’appréciation des circonstances de la cause dès lors qu’il est contemporain, entre les mêmes parties. Il reste toutefois marginal au regard des circonstances essentielles que sont celles qui déterminent directement le droit invoqué et les faits litigieux que la saisie-contrefaçon demandée doit servir à prouver.
22. Ainsi, malgré l’absence de mention de ce litige dans la requête et malgré le nombre important de pièces dont toutes ne pouvaient pas être examinées dans le détail dans le cadre de l’examen d’une telle requête, l’information relative à l’existence de l’autre litige en cours entre les parties, qui était d’une importance très relative pour l’examen de la requête, était accessible de façon suffisamment évidente et rapide au regard de cette importance, de sorte qu’elle peut être tenue pour loyalement communiquée.
2 . Proportionnalité
23. L’ordonnance contestée a autorisé le commissaire de justice, en substance, à décrire et saisir des exemplaires des produits litigieux, ainsi que des documents comptables et commerciaux susceptibles de rapporter la preuve de la contrefaçon et du préjudice qu’elle a causé. Elle l’a autorisé dans ce but à procéder à toute recherche et à poser toute question utile aux personnes présentes en notant leurs réponses. Elle n’a toutefois pas autorisé le commissaire de justice à recourir à un expert informatique pour améliorer la performance de la recherche et était expressément limitée aux produits revêtus des signes litigieux. Le domaine des mesures autorisées est ainsi modérément étendu : il excède la seule recherche de la matérialité de la contrefaçon en permettant également l’accès à des documents comptables ou commerciaux, mais limite la recherche à ce que le commissaire de justice est en mesure de trouver lui-même avec l’aide des préposés du saisi ; de même, il n’est que faiblement susceptible de permettre la découverte d’éléments sans lien avec le litige.
24. Cette mesure porte aux intérêts de la société Royer une atteinte suffisamment limitée pour rester proportionnée au degré de vraisemblance de la contrefaçon alléguée, même en tenant compte de la situation inhabituelle de la marque de la société Pablosky au regard des signes antérieurs de l’agence spatiale américaine, la réponse juridique à cette situation n’étant pas évidente au stade de la requête.
25. Elle porte enfin sur des documents dont il n’était pas nécessaire de préjuger qu’ils relèveraient nécessairement du secret des affaires et il était ainsi proportionné de ne rien prévoir explicitement en laissant à la partie saisie la possibilité de demander au commissaire de justice le placement des documents sous séquestre, ce qui, au demeurant, a pu être fait.
26. Quant à la violation du séquestre, à la supposer avérée (ce qui n’est pas le cas au vu des réponses apportées par la société Pablosky), elle porterait non sur la légitimité de l’ordonnance elle-même mais sur les conditions de son exécution, qui ne relève pas du recours en rétractation.
27. Par conséquent, la demande en rétractation (et par suite en restitution) est rejetée.
II . Demandes relatives au sort du séquestre et au secret des affaires
28. Les parties ont trouvé un accord sur le sort des éléments placés sous séquestre. Il peut donc être déduit de cet accord et de sa communication en cours de délibéré qu’elles se désistent tacitement de leurs demandes respectives à ce sujet, comme elles s’y engagent dans ledit accord.
III . Demande reconventionnelle pour procédure abusive
29. En application de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
30. Le droit d’agir en justice dégénère en abus lorsqu’il est exercé en connaissance de l’absence totale de mérite de l’action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant l’autre partie à se défendre contre une action ou un moyen que rien ne justifie sinon la volonté d’obtenir ce que l’on sait indu, une intention de nuire, ou l’indifférence aux conséquences de sa légèreté.
31. Le fait d’avoir tardé à faire part de la réponse demandée à un auxiliaire de justice au sujet d’une suspicion de violation du séquestre des pièces appréhendées lors de la saisie est un détail de la gestion de la procédure et ne saurait en soi caractériser un abus. De même, les éventuels retard de communications de pièces, à les supposer avérés, ne relèvent pas d’une volonté délibérée de retarder la procédure.
32. Pour le reste, la contestation de la saisie-contrefaçon était certes infondée mais pas au point de s’approcher des conditions de l’abus.
33. La demande pour abus est par conséquent rejetée.
IV . Dispositions finales
34. Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. L’article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu’il détermine, en tenant compte de l’équité et de la situation économique de cette partie.
35. La société Royer perd le procès et est donc tenue aux dépens ainsi qu’à indemniser la société Pablosky de ses frais, qui peuvent être estimés, compte tenu du degré de complexité de la présente affaire, à 7 000 euros.
36. L’exécution provisoire est de droit et rien ne justifie ici d’y déroger.
Le juge ayant fait droit à la requête :
Rejette la demande en rétractation de l’ordonnance du 6 juillet 2023 et restitution des documents saisis ;
Rejette la demande reconventionnelle pour procédure abusive ;
Condamne la société Royer aux dépens ainsi qu’à payer 7 000 euros à la société Pablosky au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Fait et jugé à Paris le 09 Février 2024
Le GreffierLe Président
Quentin CURABET Arthur COURILLON-HAVY