Contrefaçon de droits d’auteur : l’exception de nullité de l’assignation
Contrefaçon de droits d’auteur : l’exception de nullité de l’assignation
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

Il incombe toujours aux demandeurs qui agissent en contrefaçon de droits d’auteur d’indiquer clairement et précisément dans leur assignation les éléments sur lesquels des droits d’auteur sont revendiqués et les éléments qu’ils considèrent comme ayant été reproduits au mépris de ces droits (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 5 avril 2012, pourvoi n° 11-10.463).

En vertu de l’article 56 du code de procédure civile, l’assignation (en contrefaçon de logiciel) contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice et celles énoncées à l’article 54 : (…) 2° Un exposé des moyens en fait et en droit ; (…).

Selon les articles 114 et 115 du même code, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

La nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l’acte si aucune forclusion n’est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief.

Au cas présent, les sociétés Actian ont notifié les 12 janvier et 26 février 2024 des conclusions au fond détaillant les fonctionnalités du logiciel OpenRoad version 4.1 argué de contrefaçon, des schémas de construction ou d’architecture, et ce qu’elles considèrent comme étant les huit principales caractéristiques de ce logiciel, outre les trente nouvelles caractéristiques de la version 4.1 (ses conclusions notifiées le 26 février 2024 pages 12 à 19).

Elles détaillent, également, l’historique des relations commerciales avec les défenderesses depuis 1997 qu’elles estiment caractériser les actes de contrefaçon qu’elles leur reprochent.

Il en résulte que l’œuvre dont la protection par le droit d’auteur est demandée par les sociétés Actian est suffisamment décrite, de même que les actes de contrefaçon qu’elles visent, ces conclusions postérieures à l’assignation ayant pour effet de régulariser les éventuels défauts de l’assignation à cet égard.

Résumé de l’affaire

La société Actian France accuse la société Naval Group et l’État d’utiliser son logiciel OpenRoad sans licence. Naval Group conteste cette accusation et demande l’annulation de l’assignation pour défaut de motivation. Les parties s’opposent également sur la prescription de l’action en contrefaçon de droits d’auteur.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 avril 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
23/02992
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le :
Copie exécutoire délivrée à :
– Maître Grelon, vestiaire E445
– Maître Pecnard, vestiaire E1626
Copie certifiée conforme délivrée à :
– Maître Cesar, vestiaire C2555

3ème chambre
3ème section

N° RG 23/02992 –
N° Portalis 352J-W-B7G-CYTPC

N° MINUTE :

Assignation du :
16 et 20 février 2023

incident

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 24 avril 2024
DEMANDERESSES

Société ACTIAN CORPORATION
2300 Geng Road, Suite 150, Palo Alto,
CA 94303(ETATS-UNIS D’AMERIQUE)

S.A.S.U. ACTIAN FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentées par Maître Christophe CESAR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2555

DEFENDERESSES

S.A. NAVAL GROUP
[Adresse 2]
[Localité 6]

représentée par Maître Camille PECNARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1626

L’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Maître Bernard GRELON de l’AARPI LIBRA AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #E0445

Décision du 24 avril 2024
3ème chambre 3ème section
N° RG 23/02992 – N° Portalis 352J-W-B7G-CYTPC

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint
assisté de Lorine MILLE, greffière

DEBATS

A l’audience sur incident du 07 mars 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 24 avril 2024.

ORDONNANCE

Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société Actian France, filiale de la société de droit américain Actian Corporation, édite et commercialise des logiciels, dont le langage de programmation intitulé “OpenRoad” et le logiciel de gestion de base de données intitulé “Ingres”.
La société anonyme Naval Group, issue de l’apport des activités de construction navale de l’État, conçoit, fabrique et maintient en fonctionnement la flotte navale de la République française, représentée devant les juridictions judiciaires par l’agent judiciaire de l’État.
Le système de gestion des vols des avions embarqués sur le porte-avions Charles-de-Gaulle, intitulé “Gesvol”, fonctionne notamment sur la base du logiciel OpenRoad.
Estimant que la société Naval Group et l’État utilise depuis plusieurs années le logiciel OpenRoad sans les licences requises, la société Actian France les a mis en demeure d’en cesser l’usage par un premier courrier du 15 septembre 2020.
La société Naval Group et l’État ont répondu par courrier du 9 octobre 2020 disposer des droits d’usage du logiciel fourni, dans le cadre d’un appel d’offres, par la société Computer Associates, de laquelle est issue la société Actian Corporation.
Par actes de commissaire de justice des 16 et 20 février 2023, les sociétés Actian France et Actian Corporation ont fait assigner la société Naval Group et l’agent judiciaire de l’État à l’audience d’orientation du 30 mars 2023 de ce tribunal en contrefaçon de droit d’auteur d’un logiciel.
L’instruction de l’affaire a été confiée au juge de la mise en état à l’issue de cette audience, puis, par conclusions notifiées le 27 juillet 2023, la société Naval Group l’a saisi d’un incident.
L’incident a été fixé à l’audience du 7 mars 2024 après échanges entre les parties.PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions d’incident, notifiées par voie électronique le 1er février 2024, la société Naval Group demande au juge de la mise en état de :- avant toute défense au fond, prononcer la nullité de l’assignation délivrée le 20 février 2023 au nom des sociétés Actian Corporation et Actian France pour défaut de motivation en fait et en droit
– en tout état de cause :
> prononcer l’irrecevabilité de l’action en contrefaçon de droits d’auteur des sociétés Actian Corporation et Actian France en ce qu’elle est prescrite
> prononcer l’extinction de la présente instance
> condamner les sociétés Actian Corporation et Actian France, in solidum, à lui verser 30 000 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile
> condamner les sociétés Actian Corporation et Actian France à supporter les entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Camille Pecnard du cabinet Lavoix en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, la société Naval Group fait principalement valoir que :- l’assignation est nulle faute de motivation en fait et en droit, les demanderesses n’identifiant pas suffisamment l’œuvre dont la protection par le droit d’auteur est demandée, le logiciel OpenRoad invoqué n’étant décrit ni dans son fonctionnement, ni dans sa structure, le seul versement de certificats d’enregistrement étant insuffisant à cet égard
– elles n’identifient pas plus les actes qui lui sont reprochés, en particulier en quoi les faits visés en demande seraient contrefaisants
– l’absence d’exposé des caractéristiques originales des logiciels invoqués est également constitutif d’une nullité de l’assignation, la tentative de régularisation par des conclusions postérieures ne constituant, selon elle, que l’aveu de l’absence de ces éléments dans l’assignation, outre que les caractéristiques nouvellement invoquées ne lui permettent pas plus de préparer utilement sa défense
– les demandes en contrefaçon fondées sur l’utilisation du logiciel OpenRoad version 4.1 sont prescrites dans la mesure où les sociétés Actian étaient informées au plus tard le 29 octobre 2013 de cette utilisation dans le système Gesvol, la circonstance que cette information apparaisse dans un échange commercial étant indifférente à la connaissance que les demanderesses, normalement diligentes, devaient avoir du contenu des contrats précédemment conclus.

Dans ses dernières conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 1er février 2024, l’agent judiciaire de l’État demande au juge de la mise en état de :- annuler l’assignation délivrée le 16 février 2023 au nom des sociétés Actian Corporation et Actian France pour défaut de motivation en fait et en droit
– dire irrecevable l’action en contrefaçon de droits d’auteur des sociétés Actian Corporation et Actian France en ce qu’elle est prescrite
– condamner les sociétés Actian Corporation et Actian France, in solidum, à lui verser 5000 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile
– condamner les sociétés Actian Corporation et Actian France à supporter les entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de [Y] [T] en application de l’article 699 du code de procédure civile

L’agent judiciaire de l’État (AJE) développe des moyens identiques à ceux de la société Naval Group au soutien de la nullité de l’assignation.S’agissant de la prescription de l’action, l’AJE estime que les dispositions applicables à une action indemnitaire contre l’État sont de quatre ans à compter du premier jour de l’année suivant celle du fait générateur, celui-ci étant situé au plus tard le 29 octobre 2013.

Dans ses dernières conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 26 février 2024, les sociétés Actian Corporation et Actian France demandent au juge de la mise en état de :- juger recevable l’action en contrefaçon de droits d’auteur qu’elles ont formée en ce qu’elle n’est pas prescrite
– juger l’assignation délivrée valide en ce qu’elle a fait l’objet d’une régularisation ultérieure sur sa motivation en fait et en droit par conclusions récapitulatives au fond signifiées avant les présentes conclusions
– débouter la société Naval Group et l’agent judiciaire de l’État de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions
– constater la poursuite de l’instance et fixer en conséquence un calendrier pour les conclusions au fond de la société Naval Group et de l’agent judiciaire de l’État
– condamner la société Naval Group et l’agent judiciaire de l’État, in solidum, à leur verser respectivement 15 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
– condamner la société Naval Group et l’agent judiciaire de l’État à supporter les entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Christophe César en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Les sociétés Actian opposent que :- le logiciel OpenRoad version 4.1 est suffisamment décrit dans l’assignation et elles ont régularisé de nouvelles conclusions développant la description de ce logiciel et ses caractéristiques dont celles dans lesquelles se trouve son originalité, mettant ainsi les défenderesses en mesure de présenter leur défense
– le point de départ du délai de prescription, quadriennal ou quinquennal, se situe au 12 mars 2021, date à laquelle une copie du contrat du 23 juillet 1997 leur a été communiquée et à partir de laquelle elles ont pu avoir une connaissance effective du caractère contrefaisant de l’utilisation de la version 4.1 du logiciel OpenRoad par les défenderesses.

MOTIVATION

I – Sur l’exception de nullité de l’assignation

Par application de l’article 789 alinéa 1 1° du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et les incidents mettant fin à l’instance.
L’article 73 du même code prévoit que constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours.
En vertu de l’article 56 du même code, l’assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice et celles énoncées à l’article 54 : (…) 2° Un exposé des moyens en fait et en droit ; (…).
Selon les articles 114 et 115 du même code, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
La nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l’acte si aucune forclusion n’est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief.

Ainsi, il incombe aux demandeurs qui agissent en contrefaçon de droits d’auteur d’indiquer clairement et précisément dans leur assignation les éléments sur lesquels des droits d’auteur sont revendiqués et les éléments qu’ils considèrent comme ayant été reproduits au mépris de ces droits (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 5 avril 2012, pourvoi n° 11-10.463).
Au cas présent, les sociétés Actian ont notifié les 12 janvier et 26 février 2024 des conclusions au fond détaillant les fonctionnalités du logiciel OpenRoad version 4.1 argué de contrefaçon, des schémas de construction ou d’architecture, et ce qu’elles considèrent comme étant les huit principales caractéristiques de ce logiciel, outre les trente nouvelles caractéristiques de la version 4.1 (ses conclusions notifiées le 26 février 2024 pages 12 à 19).
Elles détaillent, également, l’historique des relations commerciales avec les défenderesses depuis 1997 qu’elles estiment caractériser les actes de contrefaçon qu’elles leur reprochent.
Il en résulte que l’œuvre dont la protection par le droit d’auteur est demandée par les sociétés Actian est suffisamment décrite, de même que les actes de contrefaçon qu’elles visent, ces conclusions postérieures à l’assignation ayant pour effet de régulariser les éventuels défauts de l’assignation à cet égard.
Les demandes des sociétés Naval Group et de l’AJE en nullité des assignations qui leur ont été délivrées respectivement le 16 et le 20 février 2023 seront, en conséquence, rejetées.
II – Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes

L’article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

La prescription des actions civiles en contrefaçon de droit d’auteur est soumise à ces dispositions, même si la contrefaçon s’inscrit dans la durée (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 15 novembre 2023, n°22-23.266).

Il appartient au titulaire d’un droit affirmant avoir eu connaissance d’un fait lui permettant d’exercer son action d’en justifier et, le cas échéant, au juge de l’apprécier (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 31 janvier 2018, n°16-23.591).

L’article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’État, les départements, les communes et les établissements publics dispose que sont prescrites, au profit de l’État, sans préjudice des déchéances particulièrement édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes les créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans, à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis.
Il s’en déduit, s’agissant d’une créance fondée sur la responsabilité, que la déchéance commence à courir le premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle s’est produit le fait générateur du dommage allégué (en ce sens Cour de cassation, assemblée plénière, 6 juillet 2001, n°98-17.006).
En l’occurrence, il résulte des conclusions concordantes des parties que la société Actian Corporation est issue de la société Computer Associates, avec laquelle l’État, via la direction des constructions navales du ministère de la défense, a contracté le 23 juillet 1997 un marché public portant sur l’acquisition de licences du logiciel OpenRoad.
La direction des constructions navales a fait l’objet d’une privatisation par la création d’une société DCNS Group en 2007, devenue depuis 2017 la société Naval Group. En octobre 2013, des pour parlers sont engagés entre un représentant de la société DCNS Group et un représentant de la société Actian Corporation relativement à l’acquisition par la première de licences d’utilisation d’une version mise à jour du logiciel OpenRoad fournies par la seconde. Au cours de cette échange, la société DCNS Group indique le 29 octobre 2013 que “la version du langage utilisé pour l’application Gesvol est la suivante : OpenRoad V4.1/403 (…)” (pièce Actian n°31).
Il s’en déduit que la société Actian Corporation se trouvait en mesure, à compter de cette date, de déterminer si la société DCNS Group utilisait la version 4.1 du logiciel OpenRoad, sur lequel elle revendique des droits d’auteur, conformément à une licence qu’elle avait contractée.
La circonstance que les sociétés Actian arguent n’avoir acquis la connaissance de ce qu’elles estiment être un usage contrefaisant de ce logiciel a posteriori par la société DCNS Group, devenue Naval Group est inopérant. En effet, si la société Actian Corporation affirme être titulaire des droits d’auteur sur le logiciel OpenRoad version 4.1 pour les avoir acquis lors de sa création de la société Computer Associates, elle ne saurait valablement prendre argument de ce que les contrats conclus par la société Computer Associates antérieurement à sa création et qui produisaient leur effets ensuite ne lui ont pas été communiqués.
De plus, bien que les échanges entre les sociétés DCNS Group et Actian Corporation d’octobre 2013 portassent sur des informations techniques et financières, ils ont été menés pour la société Actian Corporation par un cadre de haut niveau se présentant comme directeur des ventes pour l’Europe du sud (“Sales Director Southern Europe”, pièce Actian n°31). Ce cadre de haut niveau se trouvait, à compter de cette date, en capacité de déterminer si la société avec laquelle il entamait des négociations disposait d’un cadre contractuel pour l’usage du logiciel OpenRoad qu’elle a porté à sa connaissances ou, à tout le moins, d’interroger cet usage.
Dès lors, tant la société Actian Corporation que la société Actian France connaissaient, ou, à tout le moins, auraient dû connaître à compter du 29 octobre 2013, les faits litigieux au fondement de leur action en contrefaçon. Ainsi, cette action initiée par acte de commissaire de justice du 20 février 2023 est prescrite.
Ce même 29 octobre 2013 constitue, pour les mêmes raisons, la date du fait générateur des dommages allégués contre l’État. Le délai de prescription des demandes des sociétés Actian à l’encontre de l’État a donc commencé à courir le 1er janvier 2014, en sorte qu’initiée par acte de commissaire de justice du 16 février 2023, elle est prescrite.
En conséquence, les demandes des sociétés Actian, en tant qu’elles sont intégralement fondées sur les faits litigieux, seront déclarées irrecevables.
III – Sur les demandes accessoires

III.1 – S’agissant des dépens et des frais non compris dans les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
Selon l’article 699 du même code, les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision.La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens.

L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
L’article 790 du même code prévoit que le juge de la mise en état peut statuer sur les dépens et les demandes formées en application de l’article 700.
Les sociétés Actian Corporation et Actian France, parties perdantes à l’instance, seront condamnées aux dépens, avec distraction au profit des avocats de la société Naval Group et de l’AJE.
Elles seront, en conséquence, condamnées in solidum à payer 25 000 euros à la société Naval Group et 5000 euros à l’AJE au titre des frais non compris dans les dépens.
III.1 – S’agissant de l’exécution provisoire

L’article 514 du code de procédure civile prévoit que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
En application de l’article 514-1 du code de procédure civile, le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.
Par exception, le juge ne peut écarter l’exécution provisoire de droit lorsqu’il statue en référé, qu’il prescrit des mesures provisoires pour le cours de l’instance, qu’il ordonne des mesures conservatoires ainsi que lorsqu’il accorde une provision au créancier en qualité de juge de la mise en état.

L’exécution provisoire n’a pas à être écartée en l’espèce.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état,

Rejette l’exception de nullité des assignations délivrées à la société Naval Group et à l’agent judiciaire de l’État les 16 et 20 février 2023 ;

Déclare irrecevable comme prescrites les demandes des sociétés Actian Corporation et Actian France ;

Condamne les sociétés Actian Corporation et Actian France aux dépens, avec droit pour Maîtres Camille Pecnard et Bernard Grelon, avocats au barreau de Paris, de recouvrer ceux dont ils ont fait l’avance sans recevoir provision ;

Condamne les sociétés Actian Corporation et Actian France in solidum à payer 25 000 euros à la société Naval Group et 5000 euros à l’agent judiciaire de l’État en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Faite et rendue à Paris le 24 avril 2024

La greffièreLe juge de la mise en état


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x