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En suite d’un contrôle du service des douanes il a été procédé le 10 juin 2011 à la retenue de marchandises importées (articles de maroquinerie) pour le compte de la société Sybille et le 28 juin 2011 à la saisie douanière des dites marchandises ces produits apparaissant contrefaisants à la société Cinq Huitièmes. Un nouveau lot de marchandises (ballerines) importées pour le compte de la société Sybille a été retenu le 4 juillet 2011 et a fait l’objet d’une seconde saisie douanière le 19 juillet 2011.
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRET DU 25 OCTOBRE 2019
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 18/23225
Sur renvoi après cassation, par arrêt de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation rendu le 20 septembre 2016 (pourvoi n°K 14-27.159), d’un arrêt du pôle 5 chambre 2 de la Cour d’appel de PARIS rendu le 26 septembre 2014 (RG n°13/21712) sur appel d’un jugement de la 3e chambre 4e section du Tribunal de grande instance de PARIS rendu le 10 octobre 2013 (RG n°11/16989)
DEMANDERESSE A LA SAISINE
S.A. CINQ HUITIEMES, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[…]
[…]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 348 789 868
R e p r é s e n t é e p a r M e M a t t h i e u B O C C O N – G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque C 2477
Assistée de Me Thibault LANCRENON plaidant pour la SELARL TRIPTYQUE LAW, avocat au barreau de PARIS, toque C 2511
DEFENDERESSE A LA SAISINE
S.A.S. SYBILLE ACCESSOIRES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[…]
[…]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 444 282 081
Représentée par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque D 1998
Assistée de Me Edouard CHAUVIN plaidant pour l’AARPI RENAULT – THOMINETTE – VIGNAUD & REEVE, avocat au barreau de PARIS, toque P 248, Me Maxime VIGNAUD plaidant pour l’AARPI RENAULT – THOMINETTE – VIGNAUD & REEVE, avocat au barreau de PARIS, toque P 248
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 18 septembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Anne-Marie GABER, Présidente de chambre
Mme Laurence LEHMANN, Conseillère
Mme Françoise BARUTEL, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Anne-Marie GABER, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire du 10 octobre 2013 rendu par le tribunal de grande instance de Paris, dans le litige opposant la société Cinq Huitièmes à la société Sybille Accessoires (Sybille),
Vu l’arrêt partiellement confirmatif de la cour d’appel de Paris du 26 septembre 2014, rendu ensuite de l’appel interjeté par la société Cinq Huitièmes,
Vu l’arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, du 20 septembre 2016 qui, statuant sur le pourvoi principal formé par la société Sybille et sur le pourvoi incident de la société Cinq Huitièmes, a cassé et annulé l’arrêt susvisé, mais en ses seules dispositions rejetant la demande en contrefaçon de la société Cinq Huitièmes et la demande reconventionnelle en indemnisation de la société Sybille, remettant, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant le dit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d’appel de Paris, autrement composée,
Vu la déclaration de saisine de la société Cinq Huitièmes adressée par voie électronique le 3 septembre 2018, réitérée le 31 octobre 2018 et enregistrée à cette dernière date ensuite d’un problème de réception des saisines par le réseau privé virtuel avocat (RPVA),
Vu les dernières conclusions (n°2) remises au greffe, et notifiées, par voie électronique, le 22 février 2019 par la société Cinq Huitièmes, demanderesse à la saisine et appelante,
Vu les dernières conclusions (n°2) remises au greffe, et notifiées, par voie électronique, le 14 juin 2019 de la société Sybille, défenderesse à la saisine et intimée incidemment appelante,
Vu l’ordonnance de clôture du 20 juin 2019,
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise, à celles subséquentes susvisées, ainsi qu’aux écritures précédemment visées des parties.
Il sera simplement rappelé que la société Cinq Huitièmes est notamment titulaire de deux marques françaises figuratives enregistrées sous le numéro 05 3 338 690, notamment pour désigner des chaussures, et sous le numéro 10 3 722 956, en particulier pour désigner en classes 9 et 18 des housses pour téléphones, étuis et pochettes pour téléphones portables, articles de maroquinerie, sacs à main, portefeuilles, porte-cartes, bourses, porte-monnaie (non en métaux précieux). Ces deux marques sont représentées comme suit :
— marque n°05 3 338 690 :
— marque n°10 3 722 956 :
En suite d’un contrôle du service des douanes il a été procédé le 10 juin 2011 à la retenue de marchandises importées (articles de maroquinerie) pour le compte de la société Sybille et le 28 juin 2011 à la saisie douanière des dites marchandises ces produits apparaissant contrefaisants à la société Cinq Huitièmes. Un nouveau lot de marchandises (ballerines) importées pour le compte de la société Sybille a été retenu le 4 juillet 2011 et a fait l’objet d’une seconde saisie douanière le 19 juillet 2011.
Il sera précisé que la société Sybille a vainement tenté d’obtenir en référé la main levée de ces mesures de retenues et saisies douanières, l’arrêt infirmatif de la cour d’appel qui y avait fait droit en lui allouant une indemnité provisionnelle de 100 000 euros ayant été cassé le 11 mars 2014.
La société Cinq Huitièmes avait par ailleurs, dûment autorisée par une ordonnance sur requête du 14 octobre 2011, fait procéder à une saisie-contrefaçon dans les locaux du service des douanes le 25 octobre 2011 et fait assigner le 17 novembre 2011 la société Sybille devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon des deux marques précitées et concurrence déloyale ou parasitaire. La société Sybille a sollicité reconventionnellement notamment l’annulation des marques et la réparation du préjudice consécutif aux saisies douanières.
Selon jugement dont appel, les premiers juges ont rejeté la demande en nullité des marques, débouté la société Cinq Huitièmes de ses prétentions, et condamné celle-ci à payer, avec le bénéfice de l’exécution provisoire, à la société Sybille 100 000 euros à titre de dommages et intérêts, en deniers ou quittance, outre 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour d’appel de Paris a partiellement infirmé cette décision en rejetant les demandes reconventionnelles de la société Sybille en nullité des marques et en paiement de la somme réclamée au titre des saisies douanières, et a condamné la société appelante à payer 6 000 euros à la société intimée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Cette décision a été cassée en ses dispositions relatives à la demande en contrefaçon de marques et en celles de ses dispositions se prononçant sur la demande reconventionnelle en indemnisation de la société Sybille, lesquelles s’y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
La cour de cassation a en effet jugé que la cour d’appel avait violé :
— les articles L.712-1 et L.713-1 du code de la propriété intellectuelle en retenant, pour rejeter la demande en contrefaçon, que les marques invoquées sont en noir et blanc tandis que le signe litigieux est en métal doré alors qu’il ressort des productions que les marques litigieuses avaient été déposées sans revendication de couleurs, ajoutant des caractéristiques ne figurant pas dans les enregistrements de ces marques,
— l’article L.713-3 du code précité, en relevant pour retenir qu’il n’existe aucun risque de confusion dans l’esprit du public entre les produits vendus par les sociétés Cinq Huitièmes et Sybille, que les marques sont apposées sur des produits essentiellement masculin, tandis que le signe litigieux l’est sur des produits davantage féminins et à visée décorative, statuant ainsi au vu des conditions d’exploitation des marques pour la commercialisation des produits.
La société Sybille a par ailleurs été condamnée par la Cour de cassation à payer à la société Cinq Huitièmes la somme de 3 000 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile.
C’est dans ces circonstances, que la société Cinq Huitièmes, a saisi la présente cour de renvoi et maintient que la société Sybille a commis des actes de contrefaçon par reproduction, ou à tout le moins par imitation, de ses marques. Elle réitère sa demande en paiement par la société Sybille de 50 000 euros de dommages et intérêts et réclame 42 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que la restitution de la somme de 100 000 euros de dommages et intérêts mise à sa charge ainsi que de toutes indemnités perçues en ce compris les frais et dépens. Elle sollicite également une mesure d’interdiction, sous astreinte, d’exploitation des produits litigieux et de tout signe reproduisant ou imitant ses marques ainsi qu’une mesure de publication du dispositif de l’arrêt à intervenir.
La société Sybille fait valoir que la saisine de la cour serait irrecevable comme tardive, subsidiairement que les conclusions adverses du 2 novembre 2018 seraient irrecevables en l’absence de communication simultanée des pièces et que la cour ne serait pas régulièrement saisie. Plus subsidiairement, elle demande la confirmation du jugement entrepris sur la contrefaçon et son infirmation en ce qu’il a limité le montant de son indemnisation, renouvelant à ce titre sa demande en paiement d’une somme de 227 716,50 euros à titre de dommages et intérêts. Elle réclame enfin 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur la saisine
Si la saisine a été enregistrée le 31 octobre 2018, plus de deux ans après l’arrêt rendu par la cour de cassation le 20 septembre 2016, il ressort des pièces produites au débat que la déclaration de saisine a initialement été formée le 3 septembre 2018, soit dans le délai de la péremption et que ce n’est qu’à raison d’un problème technique du réseau électronique que le greffe, qui avait bien accusé réception de cette déclaration de saisine du 3 septembre 2018, n’a pas pu la traiter, ainsi qu’il ressort d’un message du greffe du 12 septembre 2018 indiquant notamment que le service informatique de la cour d’appel ‘travaillait’ sur la question.
L’instance ne saurait être considérée comme périmée au motif que seule a pu être dans ces conditions enregistrée par le greffe la réitération de l’envoi de la déclaration de saisine régularisée le 31 octobre 2018, laquelle demandait au surplus expressément d’enregistrer la déclaration de saisine à la date du 3 septembre 2018.
Dès lors la société Sybille ne peut valablement opposer à la société Cinq Huitièmes les dispositions de l’article 386 du code de procédure civile.
La société Cinq Huitièmes ne conteste pas avoir conclu le 2 novembre 2018 et n’avoir communiqué ses pièces que le 22 janvier 2019. Toutefois cette seule circonstance ne saurait rendre irrecevable la saisine de la présente cour de renvoi alors qu’il est établi que les conclusions ont été remises au greffe et notifiées dans un délai de deux mois suivant la déclaration de saisine du 3 septembre 2018 et que la communication des pièces est intervenue près de 5 mois avant la clôture de l’instruction permettant, en temps utile, à la défenderesse à la saisine de les examiner et d’y répondre, ce qu’elle a au demeurant fait le 14 juin 2019 en réponse aux dernières écritures de la société Cinq Huitièmes du 22 février 2019.
Il n’y a donc pas plus lieu de considérer que l’instance se trouverait privée d’objet, ni que la présente cour ne serait pas régulièrement saisie de la présente procédure de renvoi.
Sur le fond
La question de la validité des marques en cause, ainsi que celle de la concurrence déloyale et parasitaire ont été irrévocablement tranchées. Demeurent en litige la contrefaçon des dites marques et la demande reconventionnelle en réparation de la société Sybille.
Sur la contrefaçon
Il n’est pas discuté que les produits litigieux sont identiques, ou à tout le moins similaires, à ceux désignés par les marques opposées de sorte que le litige porte sur la comparaison des signes en présence.
Le signe contesté apposé sur les marchandises saisies, et exploité dans la vie des affaires par la société Sybille pour des articles de maroquinerie et pour des chaussures (ballerines) ainsi qu’il ressort des pièces produites et notamment d’un procès-verbal de constat d’huissier de justice sur internet du 31 octobre 2013, se présente comme suit :
Il ne peut être considéré que ce signe constituerait la reproduction à l’identique de l’une ou l’autre des deux marques figuratives susvisées faute de les reproduire sans modification ni ajout en tous les éléments les composant. Ne peut pas en particulier être retenue comme totalement indifférente la présence d’un retour sous le noeud, même si une seule des deux marques figuratives opposées en présente un, ce qui au demeurant les différencie l’une de l’autre, et il ne peut pas plus être admis que l’absence de représentation d’un pli horizontal de chaque côté du noeud dans le signe incriminé serait une dissemblance suffisamment insignifiante dès lors que ce pli est clairement figuré sur chacune des deux marques opposées. La contrefaçon par reproduction ne saurait donc être retenue et le jugement entrepris doit être approuvé sur ce point.
Il convient, en conséquence, de rechercher s’il existe entre les signes en présence un risque de confusion, lequel comprend le risque d’association, qui doit être apprécié globalement à la lumière de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des signes en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble par eux produite, en tenant compte notamment de leurs éléments distinctifs et dominants.
L’imitation en matière de marques figuratives se caractérise essentiellement par un risque visuel et conceptuel, de confusion dans l’esprit du public au regard des ressemblances d’ensemble.
En l’espèce, au plan visuel la représentation, dans les trois signes en présence, d’une sorte de noeud plat stylisé en forme de papillon, présentant des bouts plats aux extrémités, avec un centre légèrement rectangulaire, est prédominant. L’oeil ne retiendra pas dès lors d’infimes différences tenant au léger arrondi des bords et des extrémités des dits bouts figuré sur les marques mais non dans le signe contesté. De même le consommateur d’attention moyenne n’ayant pas les trois signes dont s’agit sous les yeux ne percevra pas nécessairement visuellement la différence tenant à l’absence d’un pli horizontal de part et d’autre du centre dans le signe contesté, alors qu’il y identifiera immédiatement la représentation d’un noeud plat similaire. A cet égard, il sera ajouté que la marque n°05 3 338 690 présente le même noeud que la marque n°10 3 722 956 mais avec un retour. La présence d’un tel retour apparaît cependant au plan visuel d’une importance secondaire. En effet dans chacun des signes l’élément visuellement largement prépondérant demeure le noeud, fortement similaire, et non son retour lorsqu’il y est figuré, et ce, même dans le signe contesté où ce retour se détache un peu plus nettement du noeud vers le bas.
Phonétiquement, s’agissant de signes figuratifs présentant chacun un noeud qui sera spontanément
perçu par le consommateur normalement avisé des produits en cause (articles de maroquinerie et chaussures) comme un noeud papillon, leur description orale et donc leur prononciation sera identique.
Au plan conceptuel les trois signes en présence seront compris comme la représentation pour chacun d’eux d’un noeud papillon, voire d’un noeud battoir compte tenu d’extrémités plates ou légèrement arrondies des extrémités des bouts, soit d’un même type ou d’une même forme de noeud incitant le public à comprendre identiquement les signes comme des marques au noeud papillon.
Sur ce point, si sur certains articles exploités par la société Sybille et couverts par les marques, tels les sacs ou les ceintures, le signe contesté est reproduit à plusieurs reprises mettant plus en avant sa fonction décorative de noeud papillon, celle-ci n’est pas exclusive de son utilisation à titre de marque en ce qu’il indique aussi l’origine du produit. Il sera ajouté que sur d’autres produits de la même collection, en particulier les chaussures (ballerines), les étuis de portable et le porte passeport, ce noeud papillon apparaît clairement isolé, centré et disposé sur le devant de l’article, sur la partie visible et supérieure du produit à la manière très usuelle d’un signe de reconnaissance ou d’un indicateur d’origine confortant manifestement cet usage à titre de marque.
Il sera ajouté que pour l’ensemble de ces produits, de consommation courante (articles de maroquinerie et chaussures) nonobstant leur prix relativement élevé (50 à 250 euros HT selon la société Sybille), le public concerné est habitué à ce que des étiquettes puissent y être attachées sans que celles-ci montrent nécessairement l’élément figuratif reproduit sur les articles. Il ne peut ainsi qu’être incité à percevoir le noeud papillon apposé sur les produits litigieux, comme une marque, malgré la présence d’une étiquette papier portant la mention ‘petite Mendigote’ en rose reliée à chacun des articles en cause par un fin ruban de même couleur.
De telles conditions d’exploitation du signe contesté, qui produit ainsi que précédemment retenu une impression d’ensemble similaire aux marques figuratives opposées, au plan phonétique, visuel et conceptuel, pour des produits identiques ou similaires, est nécessairement de nature à créer un risque de confusion dans l’esprit du consommateur d’attention moyenne, normalement informé et raisonnablement avisé, lequel est fondé à considérer le signe contesté comme une déclinaison des marques de la société Cinq Huitièmes, à attribuer aux produits couverts par les signes en cause une origine commune et à les associer comme provenant d’entreprises économiquement liées.
Il résulte de ce qui précède que le signe contesté constitue l’imitation des dites marques antérieures et la décision entreprise sera dès lors infirmée en ce qu’elle n’a pas retenu l’existence d’une contrefaçon de ces marques.
Sur les mesures réparatrices
La société Cinq Huitièmes rappelle que pour fixer les dommages et intérêts il y a lieu de prendre en compte en application des dispositions de l’article 716-14 du code de la propriété intellectuelle distinctement les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l’atteinte, ce qui correspond au premier alinéa de ce texte, ne faisant pas explicitement le choix du calcul proposé par le second alinéa du dit texte dont elle ne rappelle aucunement les termes.
La cour prendra dès lors en considération distinctement les trois chefs de préjudices susvisés, étant relevé que les opérations de retenues et saisies douanières, ainsi que la saisie-contrefaçon du 25 octobre 2011, ont permis d’établir que la société Sybille a importé en France, en juin 2011, 2 201 articles de maroquinerie (276 pochettes en cuir, 263 étuis pour portable en cuir, 61 porte passeport en cuir, 295 petites pochettes en cuir, 213 pochettes en cuir, 461 + 328 sacs en cuir, 304 ceintures en cuir) acquis pour un montant total de 32 513,44 euros et 1 090 paires de chaussures (ballerines) acquises pour une somme de 18 530 euros soit un montant total arrondi de 51 043 euros, ces articles correspondant à la collection automne hiver 2011. Il est incontestable qu’une telle importation constitue une atteinte aux droits de propriété de la société Cinq Huitièmes sur ses marques, même en l’absence de commercialisation des produits saisis.
La société Sybille indique que ces derniers lui ont été restitués en octobre 2012 et admet qu’ils ont ensuite été commercialisés par l’intermédiaire du site internet ‘Vente-privée.com’, ce qui ressort au demeurant du procès-verbal de constat du 31 octobre 2013 précité qui montre que des articles de maroquinerie et des paires de ballerines identiques aux produits saisis ont été mis en vente sur ce site comme émanant de la ‘petite Mendigote’.
Certes il en ressort que ces produits ont été vendus à des prix inférieurs, ainsi un sac à mains GLORIA (24×18) est proposé au prix de 55 euros au lieu de 135 euros, étant relevé qu’il a été acquis au prix unitaire de 21,50 euros selon le procès-verbal de saisie-contrefaçon, ce qui n’exclut pas tout bénéfice pour la société Sybille.
La société Cinq Huitièmes justifie (pièce 106) pour la vente d’un sac marqué de taille comparable (26×18) d’un prix unitaire de 165 euros s’établissant en promotion à 99 euros.
Il s’en infère nécessairement un manque à gagner pour cette société, dès lors qu’il est raisonnable de considérer qu’une partie de la clientèle a pu se détourner de ses produits à raison de l’imitation de ses marques figuratives, tandis que la société Sybille a perçu des bénéfices indus du fait de la vente des produits présentant le signe contrefaisant. S’il n’est pas établi que ses produits sont de mauvaise qualité elle a nécessairement économisé des investissements de promotion des marques ainsi imitées.
Ces faits portent non seulement atteinte à la valeur patrimoniale des dites marques, mais à l’image de ces dernières, ce qui est constitutif d’un préjudice moral pour la société Cinq Huitièmes.
En considération de ces trois séries d’éléments objectifs pris distinctement, à savoir les conséquences négatives ainsi que le préjudice moral de la société Cinq Huitième et les bénéfices indus de la société Sybille, du fait des actes de contrefaçon par imitation de deux marques retenus, la cour estime être en mesure de fixer les dommages et intérêts dus à la société Cinq Huitièmes, à la somme totale de 20 000 euros.
Si une mesure d’interdiction est justifiée dans les conditions prévues au présent dispositif, au regard de la nécessité d’éviter tout éventuel renouvellement des actes illicites, il n’y a pas lieu à prononcer d’astreinte, les derniers faits constatés datant de près de 6 années.
Une mesure de publication ne s’impose pas plus en la cause le préjudice subi étant intégralement réparé par les dommages et intérêts accordés et le jugement dont appel sera confirmé de ce dernier chef.
Sur la demande de restitution
La société Sybille étant condamnée pour contrefaçon de marques notamment à raison de l’importation des produits saisis ensuite des retenues douanières, elle ne saurait obtenir une indemnisation pour l’immobilisation des dits produits qui en est résultée. Sa demande sur ce point ne peut en conséquence qu’être rejetée et le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.
La société Cinq Huitièmes demande à ce titre la condamnation de la société Sybille à lui restituer la somme de 100 000 euros mise à sa charge en première instance. Toutefois le présent arrêt infirmatif sur ce point constituant le titre exécutoire ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement entrepris il n’y a pas lieu de statuer sur ce chef de demande.
Sur les frais et dépens
La société Cinq Huitièmes demande enfin, sans solliciter l’application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, de condamner la société Sybille aux dépens de première instance, d’appel et de renvoi après cassation dont l’ensemble des frais de constat et de saisie-contrefaçon.
L’équité ne commande cependant pas de remettre en cause les dispositions du jugement sur les frais et dépens, étant rappelé que la société Cinq Huitièmes a irrévocablement succombé en ses prétentions au titre de la concurrence déloyale et parasitaire.
Il y a en revanche lieu d’inclure dans les dépens de la présente décision les débours tarifés du procès verbal de saisie-contrefaçon du 25 octobre 2011 judiciairement autorisé, le surplus de son coût relevant des frais irrépétibles, comme les frais de constat d’huissier de justice, lesquels seront pris en compte à ce titre.
La société Sybille qui succombe sur renvoi après cassation sera dans cette mesure condamnée aux dépens, l’équité justifiant par ailleurs de la condamner à payer à la société Cinq Huitièmes en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile une somme de 15 000 euros.
PAR CES MOTIFS,
Rejette les demandes d’irrecevabilité,
Et statuant dans les limites de la cassation partielle prononcée le 20 septembre 2016,
Infirme la décision entreprise en ce qu’elle a débouté la société Cinq Huitièmes de sa demande en contrefaçon et l’a condamnée à payer à la société Sybille Accessoires la somme de 100 000 euros de dommages et intérêts en deniers ou quittance,
La confirme en ce qu’elle a rejeté la demande de publication ;
Statuant à nouveau des chefs ainsi infirmés,
Condamne la société Sybille Accessoires à payer à la société Cinq Huitièmes la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour contrefaçon par imitation des marques figuratives numéros 05 3 338 690 et 10 3 722 956 ;
Interdit à la société Sybille Accessoires d’importer et de commercialiser en France des articles de maroquinerie et des chaussures reproduisant le signe jugé contrefaisant desdites marques de la société Cinq Huitièmes ;
Dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution de la somme de 100 000 euros versée en deniers ou quittance en vertu de l’exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ;
Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;
Condamne la société Sybille Accessoires aux dépens en ce compris les frais tarifés de saisie-contrefaçon, et vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à verser à ce titre à la société Cinq Huitièmes une somme de 15 000 euros.
La Greffière
La Présidente