Détournement de fonds par le salarié : la responsabilité de la banque

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Détournement de fonds par le salarié : la responsabilité de la banque
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En présence de détournements de fonds par un salarié (chèques falsifiés), la responsabilité de la banque est engagée si la signature des chèques n’est pas celle enregistrée par ses services. La banque tirée doit s’assurer de la signature de l’un ou de l’autre de ces mandataires pour accepter de payer. Toutefois en cas de faute du titulaire du compte, la responsabilité du banquier ne peut être engagée que si l’imitation de la signature est grossière et ne correspond pas au spécimen déposé, de sorte que la fraude aurait pu être décelée par un examen rapide. Les anomalies doivent avoir un caractère évident de nature à laisser suspecter un faux.

 

Affaire Vulcaderm

En l’espèce, il est apparu qu’une salariée assistante administrative falsifiait des factures de sa société pour justifier des émissions de chèques qu’elle établissait à son ordre et déposait sur son compte bancaire personnel ouvert auprès de la Société générale (SA).

La SAS Vulcaderm, par l’action de son représentant, M. [J], a déposé plainte pour faux et usage de faux. L’enquête de police a permis de révéler que Mme [C] avait détourné des fonds au préjudice de la société New Art Créatif et de la société Vulcaderm. Les sommes détournées au préjudice de cette dernière sur la période allant du mois de mars 2011 au mois d’avril 2017 s’élevaient à 110.280 euros.

Mme [C], a été poursuivie et condamnée des chefs de faux et usages de faux et d’abus de confiance sur une période courant de mars 2011 à 2017 et a été condamnée par jugement en date du 8 janvier 2018 rendu par le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand.

La responsabilité contractuelle de la banque

La juridiction a du déterminer si les dispositions de l’article L 133-24 font obstacle à la mise en oeuvre de la responsabilité contractuelle de droit commun de la banque au-delà du délai fixé par ce texte qui dispose’:’«l »utilisateur de services de paiement signale, sans tarder, à son prestataire de services de paiement une opération de paiement non autorisée ou mal exécutée et au plus tard dans les treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion à moins que le prestataire de services de paiement ne lui ait pas fourni ou n’ait pas mis à sa disposition les informations relatives à cette opération de paiement conformément au chapitre IV du titre 1er du livre III. Sauf dans les cas où l’utilisateur est une personne physique agissant pour des besoins non professionnels, les parties peuvent convenir d’un délai distinct de celui prévu au présent article.’»

Par un arrêt du 2 septembre 2021 (C-337/20), la CJUE a dit pour droit que :

1) L’ article 58 et l’ article 60, paragraphe 1, de la directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 97/7/CE, 2002/65/CE, 2005/00/CE ainsi que 2006/48/CE abrogeant la directive 97/5/CE, doivent être interprétées en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un utilisateur de services de paiement puisse engager la responsabilité du prestataire de ces services sur le fondement d’un régime de responsabilité autre que celui prévu par ces dispositions lorsque ce prestataire a manqué à son obligation de notification prévue audit article 58. »

2) L’article’58 et l »article’60, paragraphe 1, de la directive 2007/64’doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que la caution d’un utilisateur de services de paiement invoque, en raison d’un manquement du prestataire de services de paiement à ses obligations liées à une opération non autorisée, la responsabilité civile d’un tel prestataire, bénéficiaire du cautionnement, pour contester le montant de la dette garantie, conformément à un régime de responsabilité contractuelle de droit commun.

Dans ces circonstances, les dispositions de l’article L133-24 du code monétaire et financier s’opposent à ce que la SAS Vulcaderm puisse engager la responsabilité de la société BP AURA sur le fondement d’un régime de responsabilité autre que celui prévu par ce texte.

La mise en oeuvre de la forclusion est subordonnée à la fourniture ou à la mise à disposition par le prestataire de services de paiement à l’utilisateur du service de paiement, de l’information relative à l’opération de paiement qu’il a accomplie, en pratique au moyen de l’envoi d’un relevé de compte.

Anomalies apparentes des chèques

Le tribunal a retenu la responsabilité de la BP AURA au visa des dispositions des articles 1937 du code civil, L131-38 et L131-70 du code monétaire et financier considérant que la différence de graphisme des signatures qui lui étaient présentées permettait d’affirmer que les chèques remis à la banque étaient entachés d’une anomalie matérielle apparente.

Les chèques litigieux étaient des chèques contrefaits par Mme [C]. Cette dernière a reconnu avoir établi de fausses factures et contrefait les chèques en les signant à la place du gérant. Les deux seuls mandataires autorisés sur le compte de la SAS Vulcaderm représentée par M. [E] [J], président, sont M. [E] [J] et M. [D] [J] (pièce N°3).

La banque tirée devait donc s’assurer de la signature de l’un ou de l’autre de ces mandataires pour accepter de payer. Toutefois en cas de faute du titulaire du compte, la responsabilité du banquier ne peut être engagée que si l’imitation de la signature est grossière et ne correspond pas au spécimen déposé, de sorte que la fraude aurait pu être décelée par un examen rapide. Les anomalies doivent avoir un caractère évident de nature à laisser suspecter un faux.

Cette imitation grossière pouvait être décelée par un examen rapide. La responsabilité de la banque se trouvait donc engagée


 

COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°282

DU : 28 Juin 2023

N° RG 21/01744 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FU4S

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Arrêt rendu le vingt huit Juin deux mille vingt trois

Sur APPEL d’une décision rendue le 06 juillet 2021 par le Tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND (RG n° 18/01220 ch1 cab2)

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire

En présence de : Mme Christine VIAL, lors de l’appel des causes et Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors du prononcé

ENTRE :

BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES,

Société Anonyme Coopérative de Banque Populaire à capital variable immatriculée au RCS de LYON sous le n° 605 520 071 02384

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentant : la SELARL DIAJURIS, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTE

ET :

Mme [H] [C]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Non représentée, assignée selon procès-verbal de l’article 659 du code de procédure civile

La société VULCADERM

SAS immatriculée au RCS de Clermont-Ferrand sous le n° 418 009 536 00024

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : la SCP BOISSIER, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMÉES

La SOCIETE GENERALE

SA immatriculée au RCS de Paris sous le n° 552 120 222 00013

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentants : Me Evelyne BELLUN, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

(postulant) et la SELARL DREYFUS FONTANA, avocats au barreau de PARIS (plaidant)

INTIMEE et appelante dans la procédure RG n° 21/01739

DEBATS : A l’audience publique du 05 Avril 2023 Madame DUBLED-VACHERON fait le rapport oral de l’affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 785 du CPC. La Cour a mis l’affaire en délibéré au 07 Juin 2023, prorogé au 28 juin 2023.

ARRET :

Prononcé publiquement le 28 Juin 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Dans le cadre de l’exercice de son activité, la société par actions simplifiée (SAS ) Vulcaderm est titulaire d’un compte bancaire ouvert dans les livres de la Banque populaire sous le n° 02421026648.

Le 1er janvier 2008, cette société a embauché Mme [H] [C] en qualité d’assistante administrative et commerciale. Mme [C] remplissait également les fonctions de secrétaire de direction et gérait l’ensemble des paiements fournisseurs et de la facturation aux clients. Elle était par ailleurs gérante salariée de la société New Art Créatif.

Dans ce contexte, et à compter de l’année 2017, M. [J], dirigeant, a été alerté par son expert-comptable la société MBA, de l’existence de flux anormaux sur le compte PayPal de la société.

L’expert-comptable a constaté des dépenses PayPal dont l’intitulé ne correspondait pas à l’activité de la SA Vulcaderm’: achats aux enchères Ebay, voyage Ryanair, vêtements Zalando, Mango et Eden Park, par exemple. Les fournisseurs interrogés ont remis des factures sur lesquelles figurait l’adresse de Mme [C] comme adresse de livraison.

Il est apparu que cette dernière falsifiait des factures pour justifier des émissions de chèques qu’elle établissait à son ordre et déposait sur son compte bancaire personnel ouvert auprès de la Société générale (SA) suivant le n° 5073747882.

Selon procès-verbal en date du 6 mars 2017, la SAS Vulcaderm, par l’action de son représentant, M. [J], a déposé plainte pour faux et usage de faux. L’enquête de police a permis de révéler que Mme [C] avait détourné des fonds au préjudice de la société New Art Créatif et de la société Vulcaderm. Les sommes détournées au préjudice de cette dernière sur la période allant du mois de mars 2011 au mois d’avril 2017 s’élevaient à 110.280 euros.

Mme [C], a été poursuivie des chefs de faux et usages de faux et d’abus de confiance sur une période courant de mars 2011 à 2017 et a été condamnée par jugement en date du 8 janvier 2018 rendu par le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand.

Par actes des 22 et 26 mars 2018, la SAS Vulcaderm a assigné Mme [C] et la SAS Banque populaire Auvergne Rhône Alpes devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand afin de les voir condamner in solidum à lui payer la somme de 92.083, 33 euros, à titre de dommages-intérêts, majorée des intérêts au taux légal à compter de l’assignation, outre la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, le tout sous le bénéfice de l’exécution provisoire.

Par assignation en date du 14 août 2018, la Banque populaire a assigné la Société générale en intervention forcée afin d’être relevée et garantie des condamnations qui pourraient être mises à sa charge.

Le juge de la mise en état a prononcé la jonction des deux instances.

Suivant jugement du 6 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a’:

-rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SAS Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes au titre de la prescription, et déclaré les demandes formulées par la SAS Vulcaderm recevables,

-condamné in solidum Madame [C] et la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes à verser à la société Vulcaderm la somme de 92.083, 33 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2018, date de l’assignation,

-condamné Madame [C] à garantir la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes pour l’intégralité à hauteur de 80%.

-condamnée la Société Générale à garantir la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes à hauteur de 50%, s’agissant des chèques n° 3043 du 21/05/2012, n° 4066 du 01/12/20114 pour un montant total de 1.225,32 euros,

-condamné Madame [H] [C] à garantir la SA Société Générale à hauteur de 80 % des condamnations mises à sa charge,

-dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

-condamné in solidum Madame [H] [C], la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes à verser à la SAS Vulcaderm la somme de 2.500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

-débouté toutes les autres parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et de leurs demandes plus amples ou contraires’;

-condamné in solidum Madame [C] et la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes aux entiers dépens de l’instance, Madame [H] [C] devant garantir la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes à hauteur de 80%.’

Selon déclaration du 30 juillet 2021, intimant la SAS Vulcaderm, la Société générale et Mme [C], la SAS Banque populaire Auvergne Rhône Alpes (ci-après BP AURA) a interjeté appel de la décision.

Selon déclaration du même jour, intimant Mme [C] et la SAS Vulcaderm, la société Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes et la SA Société générale ont relevé appel de cette décision. Cette déclaration enregistrée sous le N° RG 21/01739 a fait l’objet d’une jonction avec l’appel enregistré sous le N° RG 21/01744.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives, la BP AURA venant au droit de la Banque populaire du massif central demande à la cour’:

-de dire bien appelé, mal jugé,

-d’infirmer la décision rendu le 6 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand’;

-de constater le caractère irrecevable et en tout cas mal fondé des demandes formées par la SAS Vulcaderm.

En conséquence, l’en débouter.

-de prononcer l’irrecevabilité des demandes formées par la société Vulcaderm en raison de la prescription découlant des dispositions de l’article L 133.24 du code monétaire et financier.

-de prononcer l’irrecevabilité partielle des demandes formées par Ia SAS Vulcaderm en raison de Ieur prescription,

En tout état de cause,

– de constater I ‘absence de préjudice de Ia SAS Vulcaderm.

En conséquence, Ia débouter de I ‘ensemble de ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire,

-de dire et juger que Ia Société générale, et Mme [C] seront condamnées à la garantir de I’intégraIité des condamnations mises à sa charge.

A titre très infiniment subsidiaire,

-de débouter les parties de Ieur demande de condamnation in solidum.

-de condamner au titre de I’articIe 700 du code de procédure civile, Ia partie succombant à lui payer Ia somme de 4 000 euros sur Ie fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-de condamner la même aux entiers dépens.

La Banque populaire soulève l’irrecevabilité partielle des demandes de la société Vulcaderm et se prévaut des dispositions de l’article L133-24 du code monétaire et financier aux termes desquelles, l’utilisateur de services signale sans tarder à son prestataire de services une opération de paiement non autorisée ou mal exécutée et au plus tard dans les 13 mois suivant la date de débit. Considérant qu’elle a pour sa part satisfait à ses obligations en adressant mensuellement à la société Vulcaderm les relevés de compte, elle assure que les demandes de cette dernière sont frappées de forclusion

Elle précise que l’assignation diligentée par la SAS Vulcaderm ayant été délivrée le 22 mars 2018, son action ne saurait prospérer pour les opérations antérieures au 22 février 2017.

Elle soutient, sur le fondement de l’article 2224 du code civil, que l’assignation diligentée par la SAS Vulcaderm ayant été délivrée le 22 mars 2018, les faits commis avant le 22 mars 2013 sont prescrits et que les demandes y afférentes ne peuvent prospérer. Le litige doit donc être circonscrit à la somme de 47’386,49 euros.

La BP AURA décline toute responsabilité dans le traitement des chèques. Elle fait observer qu’en l’absence d’exemplaire de signature de Messieurs [J], il est impossible d’affirmer que le graphisme des chèques est très différent de la signature de ces derniers’; que les trois signatures sont au contraire très similaires.

Elle considère que sa responsabilité doit être écartée car les chèques bancaires litigieux ne sont pas entachés d’une anomalie apparente et les graphismes entre les trois signatures sont très similaires.

Elle affirme que les fautes commises par Mme [C], par la SAS Vulcaderm de par sa négligence, par l’ancien expert-comptable de la SAS Vulcaderm, le cabinet Wolf qui n’a pas été appelé dans la cause, sont de nature à l’exonérer de toute responsabilité dans ce Iitige.

Elle s’oppose à la demande de la SAS Vulcaderm au motif que celle-ci ne peut bénéficier d’une double indemnisation après avoir choisi de faire valoir ses droits sur intérêts civils devant le tribunal correctionnel.

A titre subsidiaire, elle met en cause la responsabilité de Ia Société générale pour son manque de vigilance. La Société générale a reconnu que les chèques 3043 et 4066 présentaient une anomalie apparente. Cette anomalie ainsi que l’analyse du fonctionnement du compte à partir de 2011 auraient, selon l’appelante, du conduire cette banque à porter une attention particulière aux dépôts effectués par Mme [C].

A titre infiniment subsidiaire, elle indique que les conditions de Ia solidarité judiciaire ne sont pas réunies pour sa condamnation in solidum aux côtés de Mme [C], cette dernière étant la seule à bénéficier des détournements opérés.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives 2, la SAS Vulcaderm demande à la cour’:

– de déclarer la Banque populaire mal fondée en son appel et l’en débouter,

– de confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand le 06 juillet 2021 en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

– de la déclarer recevable et bien fondé en ses demandes,

– de débouter la Banque populaire de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la Banque populaire au titre de la prescription et de la prétendue autorité de la chose jugée relatant d’une procédure pénale à laquelle elle n’était pas partie,

– de juger que la Banque populaire a payé de manière fautive des chèques falsifiés à son préjudice pour un montant de 92.083, 33 euros sans la moindre vérification de la signature apposée sur les seuls chèques détournés par Mme [C],

– de juger que Mme [C] a engagé sa responsabilité délictuelle pour avoir falsifié des chèques et factures pour un montant de 92’083,33 euros, qu’elle a détourné à son profit,

– de condamner in solidum la Banque populaire et Mme [C] à lui payer la somme de 92’083,33 euros à titre de dommage et intérêts, outre intérêt au taux légal à compter de l’assignation,

– de condamner in solidum la Banque populaire et Mme [C] à lui la somme de 4’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– de condamner les mêmes aux entiers dépens de l’instance.

La SAS Vulcaderm fait valoir, sur la prescription légale, que son représentant légal n’a eu connaissance des faits litigieux qu’en 2017. Dès lors, l’assignation datant du 3 mars 2017, aucune prescription ne peut lui être opposée.

S’agissant de la prescription soulevée sur le fondement de l’article L133-24 du code monétaire et financier, elle soutient qu’une convention de compte entrée en vigueur seulement en janvier 2019 et dont elle n’a pas été informée lors de l’ouverture de son compte bancaire ne saurait lui être opposée’et que l’établissement bancaire ne démontre pas en quoi il aurait porté à sa connaissance ses relevés de comptes mensuels pour les mois antérieurs au 22 mars 2017.

Sur le fond, elle considère que la banque, dépositaire des fonds, est tenue d’une obligation de vigilance et engage sa responsabilité lorsqu’elle paie un chèque falsifié comportant des anomalies matérielles et apparentes comme c’est le cas avec la signature de Mme [C] apposée sur les chèques. Elle insiste sur le fait que seul le défaut de surveillance élémentaire de la banque explique la multiplication des faux chèques’; sur le fait que la juridiction pénale, ne s’étant prononcée que sur la faute pénale, elle ne bénéficiera pas d’une double indemnisation de son préjudice matériel et économique si la juridiction civile condamne Mme [C] et la banque à ce titre.

Elle rajoute que la faute de Mme [C] ayant consisté à détourné des fonds à son préjudice, cette dernière devra être condamnée in solidum avec la banque sur la base de l’article 1240 du code civil.

Aux termes de ses conclusions, la Société générale demande à la cour’:

-de déclarer la Banque populaire mal fondée en son appel.

– de confirmer la décision rendue par le Tribunal Judiciaire de Clermont-Ferrand le 06 juillet 2021, notamment ce qu’elle a’:

Condamné in solidum Mme [C] et la SA Banque Populaire Auvergne Rhône ALPES à verser à la société Vulcaderm la somme de 92’083, 33 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2018, date de l’assignation,

Condamné Madame [C] à garantir la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes pour l’intégralité à hauteur de 80%.

L’a condamnée à garantir la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes à hauteur de 50%, s’agissant des chèques n° 3043 du 21/05/2012, n° 4066 du 01/12/20114 pour un montant total de 1’225,32 euros,

Condamné Madame [H] [C] à la garantir à hauteur de 80% des condamnations mises à sa charge’

En conséquence,

-de débouter la Banque populaire de ses demandes à son encontre,

– de condamner la Banque populaire à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner la Banque populaire aux entiers dépens.

La Société Générale fait valoir que la distinction des chèques n° 3043 et 4066 des autres chèques détournés par Mme [C] est indispensable pour apprécier sa responsabilité dans la survenance du dommage.

Elle ajoute qu’il s’agit des deux seuls chèques présentant une anomalie apparente qui ne pouvait échapper à la banque tirée autant, qu’à la banque présentatrice, d’où le partage de responsabilité ordonnée entre elles. Concernant les autres chèques, elle estime que le contrôle de la signature incombe au seul banquier tiré. Elle soutient que le fonctionnement du compte de sa cliente, Mme [C], était normal, et les dépenses comme les remises n’étaient pas de nature à l’alerter.

Mme [C] n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 mars 2023.

MOTIVATION’:

I – Sur la recevabilité des demandes de la société Vulcaderm’:

– Sur la forclusion encourue au visa des dispositions de l’article L133-24 du code monétaire et financier

La SA BP AURA demande à la cour d’apprécier les demandes de la société Vulcaderm au regard des dispositions de l’article L 133-24 du code monétaire et financier et assure qu’en application de ce texte, l’action de l’intimé ne saurait prospérer pour les opérations antérieures au 22 février 2017.

La société Vulcaderm se prévaut des dispositions de l’article 2224 du code civil sur lesquelles s’est fondé le tribunal pour déclarer les demandes recevables, considérant que M. [J] n’était pas en mesure de connaître l’existence des détournements avant l’intervention du cabinet d’expert-comptable MBA lequel l’a alerté en 2017.

Il s’agit donc de dire si les dispositions de l’article L 133-24 font obstacle à la mise en ‘uvre de la responsabilité contractuelle de droit commun de la banque au-delà du délai fixé par ce texte qui dispose’:’«l »utilisateur de services de paiement signale, sans tarder, à son prestataire de services de paiement une opération de paiement non autorisée ou mal exécutée et au plus tard dans les treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion à moins que le prestataire de services de paiement ne lui ait pas fourni ou n’ait pas mis à sa disposition les informations relatives à cette opération de paiement conformément au chapitre IV du titre 1er du livre III. Sauf dans les cas où l’utilisateur est une personne physique agissant pour des besoins non professionnels, les parties peuvent convenir d’un délai distinct de celui prévu au présent article.’»

Par un arrêt du 2 septembre 2021 (C-337/20), la CJUE a dit pour droit que :

1) L’ article 58 et l’ article 60, paragraphe 1, de la directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 97/7/CE, 2002/65/CE, 2005/00/CE ainsi que 2006/48/CE abrogeant la directive 97/5/CE, doivent être interprétées en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un utilisateur de services de paiement puisse engager la responsabilité du prestataire de ces services sur le fondement d’un régime de responsabilité autre que celui prévu par ces dispositions lorsque ce prestataire a manqué à son obligation de notification prévue audit article 58. »

2) L’article’58 et l »article’60, paragraphe 1, de la directive 2007/64’doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que la caution d’un utilisateur de services de paiement invoque, en raison d’un manquement du prestataire de services de paiement à ses obligations liées à une opération non autorisée, la responsabilité civile d’un tel prestataire, bénéficiaire du cautionnement, pour contester le montant de la dette garantie, conformément à un régime de responsabilité contractuelle de droit commun.

Dans ces circonstances, les dispositions de l’article L133-24 du code monétaire et financier s’opposent à ce que la SAS Vulcaderm puisse engager la responsabilité de la société BP AURA sur le fondement d’un régime de responsabilité autre que celui prévu par ce texte.

La mise en ‘uvre de la forclusion est subordonnée à la fourniture ou à la mise à disposition par le prestataire de services de paiement à l’utilisateur du service de paiement, de l’information relative à l’opération de paiement qu’il a accomplie, en pratique au moyen de l’envoi d’un relevé de compte.

La société Vulcaderm fait observer que la convention de compte-courant dont la Banque populaire sollicite l’application n’est ni datée ni signée de sorte qu’elle n’en a pas eu connaissance. Elle ajoute que cette convention de 2019 n’était pas en vigueur au moment de l’ouverture du compte auprès de la BP AURA.

Le débat ne porte cependant pas sur l’application de la convention de compte-courant dont la banque a produit la dernière version, mais bien sur l’application d’un délai de forclusion visé par le code monétaire et financier, dès lors que la responsabilité du prestataire de service de paiement est engagée.

La société Vulcaderm assure qu’au regard du dépôt de plainte des 3 et 6 mars 2017, aucune prescription ni forclusion ne seraient acquises’; qu’elle n’a pu avoir connaissance des opérations litigieuses concernant le mois de janvier 2017 que mi-février 2017, date de communication habituelle du relevé de compte’; qu’il n’est d’ailleurs pas établi qu’elle a reçu les relevés de compte qui lui aurait permis de constater l’existence des opérations litigieuses contestées puisqu’à supposer que les relevés aient été envoyés, c’est le service comptabilité qui les recevait . Elle ajoute qu’un relevé de compte ne permet en aucune façon de vérifier que les chèques émis ne correspondent à aucun achat utile pour la société.

Les dispositions de l’article L133-24 du code monétaire et financier prévoient que si la banque doit fournir au titulaire du compte les informations relatives aux opérations litigieuses, il ne lui appartient pas de s’assurer qu’il les avait effectivement reçues (Cass. Com.27/11/2019, n° 18-17.894).

En l’espèce, la BP AURA produit la liste des écritures relatives au compte courant de la société Vulcaderm depuis le 1er mars 2011 mais elle ne produit effectivement pas les relevés de compte adressés à la société Vulcaderm. Il ne peut être retenu du paragraphe rédigé au conditionnel («’si tant aient que les relevés aient été adressés.’» que la BP AURA justifie de l’envoi de ces documents.

Par ailleurs, si Mme [N] [U], collaboratrice au sein du cabinet d’expert-comptable Wolf, a pu déclarer devant les services de police que Melle [C] leur adressait mensuellement les factures, les justificatifs et relevés de banque, cette déclaration ne suffit pas pour déterminer’si pour les périodes considérées, la BP AURA a satisfait à ses obligations ainsi que pour fixer utilement le point de départ de la forclusion.

La fin de non-recevoir soulevée sur ce point sera donc écartée.

– Sur la prescription quinquennale’:

L’article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Au visa de ce texte, le tribunal a jugé la demande de la société Vulcaderm recevable, considérant que l’assignation avait été délivrée le 22 mars 2018 et que la direction de la société Vulcaderm, en la personne de M. [J], n’avait pas été en mesure de connaître l’existence des détournements avant l’intervention du cabinet MBA, lequel l’avait alerté en 2017.

La société BP AURA soutient qu’en raison de la prescription quinquennale les demandes sont prescrites pour une somme globale de 44.696,84 euros.

Elle indique qu’un chef d’entreprise normalement diligent ne peut ignorer de tels détournements ne serait-ce que par l’analyse de la rentabilité de sa société’; qu’en ayant eu connaissance de détournements imputables en 2009 de la part de Mme [C], la société Vulcaderm aurait dû redoubler de vigilance et alerter sur ce point les experts comptables qui ne pouvaient exercer leur mission que dans le cadre des pièces qui leur étaient communiquées.

Mme [C] a effectivement reconnu devant les services de police avoir, une première fois en 2009, détourné une somme de 6.000 euros au préjudice de la société Protect Alarme au sein de laquelle M. [J] était associé. Ce dernier lui avait accordé une seconde chance en acceptant de ne pas la licencier.

Il résulte néanmoins des déclarations de Mme [U] (Cabinet d’expertise comptable Wolf) que les comptes de la société Vulcaderm ne montraient aucune variation atypique du chiffre d’affaires et du résultat. Les chiffres n’amenaient aucune observation de leur part. Mme [C] tenait la comptabilité de base, le cabinet comptable tenait les comptes et la gestion des payes alors que M. [J] regardait le bilan. Ce dernier avait entière confiance en Mme [C] (suivant les propres déclarations de cette dernière) qui a expliqué avoir eu une parfaite connaissance des prix et des marchandises et toujours été attentive à ce qu’il y ait une cohérence entre le libellé et le prix de façon à ce que personne ne s’en aperçoive, ni M. [J] ni le comptable.

Il ne peut donc être reproché à M. [J] de n’avoir vu ce que l’expert-comptable n’a pu déceler ou même le fait d’avoir redonné sa confiance à Mme [C].

Ainsi, au regard des éléments retenus par le tribunal que la cour adopte, les demandes de la société Vulcaderm seront déclarées recevables et le jugement confirmé sur ce point.

II- Sur la responsabilité de la Banque populaire.

Le tribunal a retenu la responsabilité de la BP AURA au visa des dispositions des articles 1937 du code civil, L131-38 et L131-70 du code monétaire et financier considérant que la différence de graphisme des signatures qui lui étaient présentées permettait d’affirmer que les chèques remis à la banque étaient entachés d’une anomalie matérielle apparente.

La société BP AURA soutient le contraire et affirme que les chèques litigieux portent des signatures sans graphisme particulier’; elle ajoute que Mme [C] possédait un exemplaire de signature de M. [J] et que le tribunal ne précise pas les anomalies apparentes qui auraient dû l’alerter.

En l’espèce, il n’est pas contesté que les chèques litigieux étaient des chèques contrefaits par Mme [C]. Cette dernière a reconnu avoir établi de fausses factures et contrefait les chèques en les signant à la place du gérant. Les deux seuls mandataires autorisés sur le compte de la SAS Vulcaderm représentée par M. [E] [J], président, sont M. [E] [J] et M. [D] [J] (pièce N°3).

La banque tirée devait donc s’assurer de la signature de l’un ou de l’autre de ces mandataires pour accepter de payer. Toutefois en cas de faute du titulaire du compte, la responsabilité du banquier ne peut être engagée que si l’imitation de la signature est grossière et ne correspond pas au spécimen déposé, de sorte que la fraude aurait pu être décelée par un examen rapide. Les anomalies doivent avoir un caractère évident de nature à laisser suspecter un faux.

La BP AURA ne produit pas de spécimen de la signature de MM [D] et [E] [J]. Les copies de chèques sont produites par la société Vulcaderm qui produit également des spécimens de la signature de M. [E] [J] dont Mme [C] dit avoir imité la signature.

Sont ainsi versés aux débats’: la copie du passeport de M. [J], un procès-verbal d’assemblée générale portant la signature de M. [J]. Sur ce dernier document il est possible de constater que la signature de M. [J] n’est pas toujours similaire. En effet la première signature est plus allongée et se termine par un trait montant alors que la seconde comporte une boucle de plus et ne se termine pas par ce trait ascendant. Par ailleurs les deux signatures portées sur le procès-verbal d’assemblée générale diffèrent sensiblement de la signature portée sur le passeport. Cette dernière est plus large, moins haute et se termine par un trait presque horizontal sur la droite qui n’est pas présent dans les autres documents.

Cependant malgré ces différences, ces spécimens sont totalement différents des signatures portées sur les chèques tirés de 2011 à 2017 qui comportent beaucoup moins de boucles, sont plus sobres, plus larges et moins hautes, étant observé qu’un chèque de 1 144,86 euros du 21 mai 2012 et un chèque de 80.46 euros du 1er décembre 2014 ne sont pas signés.

Cette imitation grossière pouvait être décelée par un examen rapide. La responsabilité de la banque se trouve dès lors engagée et le jugement sera confirmé sur ce point par substitution partielle de motifs.

III-Sur la demande d’exonération de responsabilité de la BP AURA’:

La BP AURA soutient que la faute de Mme [C] l’exonère totalement de sa responsabilité. Cependant si la BP AURA peut demander à être relevée et garantie par Mme [C] des condamnations qui seraient prononcées contre elle, elle ne peut s’exonérer de sa responsabilité à l’égard de la société Vulcaderm en invoquant la faute et la condamnation de Mme [C]

La société BP AURA reproche à la société Vulcaderm d’avoir péché par excès de confiance après que Mme [C] a, en 2009, détourné des chèques à son profit’; de lui avoir confié la gérance de la société New Art Créatif et celle de la SAS Antares Services Associés et de lui avoir laissé de grandes responsabilités alors qu’elle avait commis des détournements. Elle s’étonne du fait que la société Vulcaderm n’ait rien remarqué alors que les détournements expliqueraient en grande partie le manque de trésorerie récurrent de la société qui n’a jamais réalisé de bénéfice.

Il sera rappelé d’une part que le présent litige porte sur les détournements effectués auprès de la société Vulcaderm uniquement’; d’autre part que la société BP AURA doit procéder par voie de démonstration et non par affirmation ou questionnement comme elle le fait concernant le manque de trésorerie de la société Vulcaderm en ne versant aucune pièce au soutien de ce qu’elle indique. Rien ne permet de considérer qu’il existait un manque chronique de trésorerie.

Par ailleurs, la vérification des relevés de compte n’aurait pas permis à la société Vulcaderm de déceler la fraude que le cabinet Wolf n’a pu détecter.

En effet, si l’employeur a l’obligation de surveiller l’activité de son salarié, il ne peut être reproché à la la société Vulcaderm de négligence, alors que le seul examen de ses relevés de compte ne permettait pas de déceler les malversations de Mme [C] qui établissait de fausses factures pour justifier les chèques qu’elle établissait.

Ainsi, la collaboratrice du cabinet d’expertise comptable (pièce 31) a indiqué qu’il leur était possible de détecter une facture fournisseur sans paiement, un paiement sans facture’; que des revues analytiques étaient opérées et suscitaient des questions en cas de variations notoires. Cependant aucune anomalie et facture suspectes n’ont été détectées par ce cabinet. Mme [C] a indiqué qu’elle disposait du carnet de chèques pour pouvoir préparer les chèques et les mettre à la signature de M. [J]. Elle signait elle-même les chèques qu’elle encaissait. Elle a précisé lors de ses auditions qu’elle était très prudente et faisait le nécessaire pour que ni M. [J] ni le comptable ne s’aperçoive de ses agissements. La société était certes déficitaire mais faiblement et la situation était quasiment stable.

Dès lors, compte-tenu de l’efficacité du procédé de dissimulation de ses détournements mis en ‘uvre par Mme [C], qui a également réussi à tromper le cabinet comptable de la société New Art Créatif, la société Vulcaderm n’a pu prendre connaissance de son dommage qu’à partir du mois de mars 2017, à l’occasion de vérifications menées par son expert-comptable à partir d’une anomalie sur deux factures (Pièce 25)

La société Vulcaderm a certes fait confiance à Mme [C] après les détournements commis en 2009 mais celle-ci n’a commis aucune malversation pendant deux ans. Mme [C] n’était pas une employée ordinaire, elle avait cédé ses parts dans la société New Art Créatif à M. [J] en Février 2010 et a été un temps associé de ce dernier, ce qui peut expliquer l’indulgence dont elle a bénéficié

Cette indulgence ne s’assimile pas à une négligence au regard des éléments de motivation qui précèdent. La BP AURA n’est par ailleurs pas fondée à invoquer le non-respect d’une convention de compte-courant postérieure aux faits, non signée imposant au client de vérifier dès réception l’exactitude des mentions portées sur les relevés de compte alors que de surcroit cette vérification aurait été inefficace.

Enfin, il ne peut être tiré argument du montant de la rémunération de Mme [C], et tenu pour acquis et certains les moyens de défense de cette dernière reposant sur sa déception, son faible salaire ou le nombre de ses heures supplémentaires impayées, pour considérer que «’la société Vulcaderm, par le biais de son dirigeant, a commis une faute de nature délictuelle au regard de la relation des plus étranges qu’elle entretenait avec cette salariée’».

La société BP AURA affirme que le cabinet comptable de la SAS Vulcaderm a commis une faute et qu’elle n’a pas à en subir les conséquences.

A l’instar du tribunal la cour observe que le cabinet d’expertise comptable n’est pas dans la cause et que l’appelante ne peut chercher à s’exonérer de sa responsabilité en invoquant la faute d’une partie qui n’a pas été appelée en cause.

Le tribunal a par ailleurs justement souligné que le préjudice subi par la société Vulcaderm est imputable aux malversations de Mme [C] et à la libération des fonds par la BP AURA qui n’a pas respecté son obligation de vigilance.

Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a considéré qu’aucun élément ne permettait d’exonérer la société BP AURA de sa responsabilité.

IV- Sur le préjudice de la société Vulcaderm.

La BP AURA rappelle que la société Vulcaderm a sollicité un euro symbolique devant le tribunal correctionnel. Elle soutient en conséquence que la société Vulcaderm a choisi de ne pas faire valoir ses droits sur intérêts civils devant le tribunal correctionnel’; qu’elle ne peut bénéficier d’une double indemnisation, ne justifie d’aucun préjudice et cherche à ne pas faire payer Mme [C].

Cette dernière affirmation est surprenante au vu du dispositif du jugement qui condamne Mme [C] et des demandes de la société Vulcaderm qui sollicite la confirmation de cette disposition du jugement.

La règle selon laquelle la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile ne peut la porter devant la juridiction répressive, n’est susceptible d’application qu’autant que les demandes, respectivement portées devant le juge civil et devant le juge pénal, ont le même objet, la même cause et visent les mêmes parties.

Le tribunal a justement fait observer que la juridiction répressive a alloué une somme d’un euro en réparation du préjudice moral de la société Vulcaderm. La société BP AURA n’était pas en cause devant la juridiction répressive. Enfin, en application de l’article 4 du code de procédure :

‘l’action civile en réparation du dommage causé par l’infraction prévue par l’article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l’action publique.’Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.’La mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil. »

En l’espèce, le tribunal correctionnel a statué le 8 janvier 2018 avant que la société Vulcaderm ne saisisse le tribunal judiciaire statuant en matière civile par acte d’huissier du 22 mars 2018.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la société Vulcaderm est fondée à solliciter réparation de son préjudice matériel devant une juridiction civile.

Le montant du préjudice matériel de la société Vulcaderm n’étant pas contesté et cette dernière ayant communiqués les chèques frauduleusement encaissés, le jugement sera confirmé en ce qu’il a évalué le préjudice de la société Vulcaderm à la somme de 92.083,33 euros.

V- Sur les appels en garantie’:

La société BP AURA entend être relevée et garantie par la Société Générale, considérant que celle-ci a manqué à son devoir de vigilance et n’a pas tenu compte du fonctionnement anormal du compte de Mme [C].

Sur les chèques N°3043 et 4066′:

La Société générale reconnaît que les chèques N°3043 et 4066 présentaient une anomalie apparente la signature du tireur étant absente. Elle admet sur ce point une responsabilité partagée avec la banque tirée.

La BP AURA affirme que ces deux anomalies, dont la première en date du 21 mai 2012, auraient dû attirer la vigilance de la Société générale qui pouvait par ailleurs observer des mouvements anormaux du compte de sa cliente, des virements par chèques de plus en plus fréquents pour des montants supérieurs au salaire de Mme [C] et des dépenses excessives au regard de ce salaire.

S’agissant de ces deux chèques, la Société générale fait justement observer que l’irrégularité portait sur une absence de signature et non sur une contrefaçon ou une falsification. Si elle avait perçu cette anomalie elle aurait retourné le chèque à Mme [C] qui aurait procéder comme à l’habitude et la BP AURA aurait laissé passer le chèque signé par Mme [C] comme elle l’a fait pour les autres chèques.

Le tribunal a donc, par une juste appréciation des faits, condamné la Société générale à relever et garantir la société BP AURA s’agissant des chèques N° 3043 et 4066 pour un montant de 1.225,32 euros à concurrence de 50%.

-Sur les autres chèques détournés au préjudice de la société Vulcaderm’:

La Société générale avait pour obligation de vérifier la régularité formelle des chèques et la légitimité du porteur. Elle ne connaissait pas la signature de M. [M] et ne pouvait avoir de regard critique sur ce point.

Mme [C] a ouvert un compte auprès de la Société générale en 2004 alors qu’elle était étudiante. Le tribunal a justement considéré qu’en vertu du principe de non-immixtion, il n’appartenait pas à la Société générale d’exercer un contrôle sur les rentrées d’argent de sa cliente dont la situation professionnelle pouvait être évolutive.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes en garantie sur ce point.

– Sur la garantie due par Mme [C]

Mme [C] ayant été condamnée par le tribunal correctionnel pour les détournements réalisés à partir du 1er mars 2014 et ayant reconnu l’intégralité des faits qui lui étaient reprochés, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à relever et garantir’:

-la Société générale à hauteur de 80% des condamnations mises à sa charge’;

-la BP AURA à hauteur de 80% des condamnations mises à sa charge étant précisé que si Mme [C] est la principale responsable du préjudice subi par la société Vulcaderm, la société BP AURA a également contribué, dans une moindre mesure à ce préjudice.

VI- Sur les autres demandes’:

La BP AURA s’oppose à toute condamnation in solidum «’dans la mesure où les conditions de la solidarité judiciaire ne sont pas réunies’».

La condamnation in solidum résulte dans l’unicité du dommage. En l’espèce la société Vulcaderm est fondée à solliciter la condamnation in solidum des personnes morales et physiques dont la responsabilité est à l’origine de son préjudice matériel et économique.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

La société BP AURA succombant en ses demandes sera condamnée aux dépens de l’appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Vulcaderm et de la Société générale les frais exposés pour leur défense.

La société BP AURA sera condamnée in solidum avec Mme [C] à verser sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’la somme de 3.500 euros à la société Vulcaderm’;

Elle sera condamnée à verser la somme de 2.500 euros à la Société générale sur ce même fondement;

PAR CES MOTIFS’:

La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, rendu publiquement, par défaut’;

Confirme le jugement critiqué en toutes ses dispositions’;

Y ajoutant’;

Condamne in solidum la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes et Mme [H] [C] à verser sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’la somme de 3.500 euros à la SAS Vulcaderm’;

Condamne la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes à verser la somme de 2.500 euros à la SA Société générale au titre de ses frais irrépétibles’;

Condamne la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes aux dépens d’appel.

Le greffier La Présidente

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