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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2023
(n°151, 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 23/02298 – n° Portalis 35L7-V-B7H-CHBTS
Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé mainlevée du 20 janvier 2023 – Tribunal Judiciaire de PARIS – 3ème chambre 2ème section – RG n°22/09365
APPELANTS
M. [W] [V] [B]
Né le 14 janvier 1981 à [Localité 9] (25)
De nationalité française
Exerçant la profession de chef de projet informatique
Demeurant [Adresse 1]
M. [Z] [U]
Né le 28 janvier 1961 à [Localité 10] (94)
De nationalité française
Demeurant [Adresse 5]
S.A.S. EVEDRUG, agissant en la personne de son président, M. [Z] [U], domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 6]
[Localité 8]
Immatriculée au rcs d’Evry sous le numéro 793 146 747
Représentés par Me Caroline HATET de la SCP CAROLINE HATET, avocate au barreau de PARIS, toque L 0046
Assistés de Me Guy LAMBOT, avocat au barreau de PARIS, toque B 733
INTIMES
S.A.S.U. AB CUBE, prise en la personne de son président, M. [L] [Y] [X], domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 4]
[Localité 7]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 490 191 194
M. [L] [Y] [X]
Né le 4 avril 1977 à [Localité 11]
De nationalité française
Exerçant la profession de développeur informatique
Demeurant [Adresse 2]
Représentés par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD – SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque J 125
Assistés de Me Marie-Adélaïde de MONTLIVAULT-JACQUOT plaidant pour la SELAS ALAIN BENSOUSSAN, avocate au barreau de PARIS, toque E 241
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique RENARD, Présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, en présence de Mme Agnès MARCADE, Conseillère
Mmes Véronique RENARD et Agnès MARCADE ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Véronique RENARD, Présidente
Mme Laurence LEHMANN, Conseillère
Mme Agnès MARCADE, Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu l’ordonnance de référé contradictoire rendue le 20 janvier 2023 qui a :
– rejeté la demande en mainlevée de la saisie-contrefaçon, destruction et restitution,
– condamné in solidum la société Evedrug et MM. [U] et [B] aux dépens (qui pourront être recouvrés par l’avocat de la société AB Cube et de M. [X] pour ceux dont il aurait fait l’avance sans en recevoir provision) ainsi qu’à payer 6 000 euros à la société AB cube et M. [X] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Vu l’appel interjeté le 7 février 2023 par M. [B], M. [U] et la SAS Evedrug,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 26 mai 2023 par la SAS Evedrug, M. [B] et M. [U], qui demandent à la cour de :
– déclarer M. [B], M. [U] et la société Evedrug tant recevables que bien fondés en leur appel,
-déclarer M. [X] et la société AB Cube irrecevables en leurs demandes, fins et conclusions, et les débouter de leur appel incident,
– infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’elle a dit recevables M. [B], M. [U] et la société Evedrug en leurs demandes de mainlevée de la saisie-contrefaçon du 18 juillet 2022, restitution ou destruction des pièces saisies,
Et statuant à nouveau :
– ordonner la mainlevée totale de la saisie-contrefaçon diligentée dans les locaux de la société Claranet le 18 juillet 2022,
En conséquence,
– ordonner que toutes les copies informatiques réalisées par le commissaire de justice instrumentaire lors des opérations de saisie-contrefaçon qu’il a diligentées dans les locaux de la société Claranet le 18 juillet 2022, devront, sans que les scellés soient ouverts, être détruites sous contrôle d’un commissaire de justice ou restituées à la société Evedrug dans les dix jours de la signification de l’ordonnance à intervenir (sic), sous astreinte de 500 euros par jour de retard,
– dire et juger que la société AB Cube et M. [X] ne pourront pas invoquer et utiliser le PV de saisie et ses annexes dressés pour retracer le déroulement des opérations de saisie diligentées dans les locaux de la société Claranet, le 18 juillet 2022,
– condamner solidairement la société AB Cube et M. [X] à payer à la société Evedrug, la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens de première instance et d’appel,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 24 mai 2023 par la société AB Cube et M. [X], qui demandent à la cour de :
– déclarer recevables et bien fondés la société AB Cube et M. [X] en leur appel incident et en l’ensemble de leurs fins, moyens et prétentions, y faire droit,
-infirmer l’ordonnance du 20 janvier 2023 en ce qu’elle a rejeté la demande d’irrecevabilité de la société AB Cube et M. [X] et statuant à nouveau :
– déclarer irrecevables la société Evedrug et MM. [U] et [B] en leur demande de mainlevée de la saisie-contrefaçon du 18 juillet 2022,
– confirmer l’ordonnance du 20 janvier 2023 en ce qu’elle a :
– rejeté la demande de la société Evedrug et MM. [U] et [B] en mainlevée de la saisie-contrefaçon du 18 juillet 2022,
– rejeté la demande de la société Evedrug et MM. [U] et [B] de restitution et destruction des éléments saisis le 18 juillet 2022,
– condamné in solidum la société Evedrug, M. [B] et M. [U] à verser respectivement à la société AB Cube et M. [X] la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum la société Evedrug, M. [B] et M. [U] aux dépens de la procédure de première instance,
En conséquence :
– débouter la société Evedrug, M. [B] et M. [U] de leurs demandes de mainlevée de la saisie-contrefaçon du 18 juillet 2022, restitution et destruction des éléments saisis,
– subsidiairement, si la mainlevée était prononcée, rejeter la demande de la société Evedrug et MM [U] et [B] de restitution et destruction des éléments saisis le 18 juillet 2022 et en ordonner la conservation sous scellés par Me [E], commissaire de justice, membre de la SELARL [E] Guerin, [Adresse 3], jusqu’à ce que la décision à venir ne soit plus susceptible d’aucun recours,
– condamner in solidum la société Evedrug, M. [B] et M. [U] à verser respectivement à la société AB Cube et M. [X] la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure de première instance,
– condamner in solidum la société Evedrug, M. [B] et M. [U] aux dépens de la procédure de première instance,
En tout état de cause :
– condamner in solidum la société Evedrug, M. [B] et M. [U] à verser respectivement à la société AB Cube et M. [X] la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d’appel,
– condamner in solidum la société Evedrug, M. [B] et M. [U] à verser les dépens d’appel, dont distraction au profit de la AARPI Teytaud- Saleh, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 15 juin 2023 ;
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Il sera simplement rappelé que M. [X] se présente comme un ingénieur informatique ayant développé une suite logicielle de pharmacovigilance constituée d’un logiciel et d’une banque de données, dénommée « SafetyEasy », consistant pour les établissements de soins et de santé à recueillir des informations sur les effets indésirables des médicaments en vue de leur transmission aux autorités sanitaires.
Il a fondé en 2006, avec deux autres associés dont M. [U], la société AB cube qui indique commercialiser la suite logicielle SafetyEasy.
En juin 2014 M. [X] a acquis les parts de M. [U] puis celles de son autre associé et est aujourd’hui l’associé unique de la société AB Cube.
La société Evedrug, créé le 1er avril 2013 par M. [U] et trois autres associés, commercialise une suite logicielle de pharmacovigilance dénommée « eVeReport », la première version de cette suite logicielle ayant été développée par M. [B].
La société AB Cube expose avoir découvert en 2017, à partir d’informations remises par un client, que le logiciel « eVeReport » reproduisait illicitement des éléments du logiciel « SafetyEasy ».
Par requête du 23 avril 2019, M. [X] et la société AB Cube ont sollicité du président du tribunal de grande instance de Paris, qui a fait droit à la demande, l’autorisation de faire pratiquer une saisie-contrefaçon aux domiciles de M. [U] et de M. [B], respectivement associé de la société Evedrug et salarié d’un ancien prestataire informatique de la société AB Cube.
Les opérations de saisie-contrefaçon ont été réalisées chez M. [B] le 14 mai 2019 et n’ont pu être réalisées chez M. [U].
Par acte d’huissier de justice du 21 mai 2019, M. [X] et la société AB Cube ont fait assigner la société Evedrug, M. [U] et M. [B] devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droits d’auteur ainsi qu’en concurrence déloyale.
Lors de la saisie-contrefaçon réalisée le 14 mai 2019 chez M. [B] ont été copiés, d’une part, le code source du logiciel « EveReport » et la structure de la base de données qui ont été placés sous séquestre, d’autre part, divers documents qui ont été annexés au procès-verbal de saisie, dont des courriels répondant à certains mots-clés.
Alors que le juge de la mise en état avait ordonné une expertise pour comparer le logiciel saisi avec le logiciel « SafetyEasy » et que le juge des référés avait rejeté la demande de mainlevée de la saisie-contrefaçon mais ordonné le cantonnement à certains mots-clés, la cour d’appel de Paris, a, par arrêt du 6 novembre 2020, ordonné la mainlevée totale de la saisie-contrefaçon diligentée au domicile de M. [B] le 14 mai 2019 et la restitution des copies informatiques réalisées par l’huissier de justice instrumentaire, au motif que l”uvre invoquée n’était pas identifiée et que son l’originalité n’était pas caractérisée.
La demande de M. [X] et de la société AB Cube de modifier la mission de l’expert pour lui soumettre des « dumps » qu’ils détenaient à la place des éléments saisis a été par la suite rejetée par ordonnance du juge de la mise en état du 6 juillet 2021 au motif que ces éléments n’étaient pas un point de comparaison fiable ni complet.
Parallèlement, la société Evedrug, M. [U] et M. [B] ont obtenu sur requête le 3 juin 2020 la communication par l’Agence de protection des programmes des dépôts faits par une société Cetonia, ancien employeur de M. [X], liquidée à compter de 2008, et dont l’ancien dirigeant avait attesté que le logiciel « SafetyEasy » était en fait une copie de son propre logiciel. Une demande a ensuite été faite au juge de la mise en état afin d’étendre l’expertise à la comparaison de ces deux logiciels.
Le juge de la mise en état, qui avait reporté sa décision en raison de l’arrêt rendu sur la saisie-contrefaçon, n’a pas statué sur ce point, qu’il a considéré dans son ordonnance du 6 juillet 2021 comme relevant d’un incident distinct.
Depuis, l’expertise a été suspendue et a pris fin, et la rémunération de l’expert a été taxée le 14 décembre 2021, de sorte que la demande en extension de mission n’a plus d’objet.
C’est en cet état que sur requête du 12 mai 2022, M. [X] et la société AB cube, ont obtenu, par ordonnance du 20 mai 2022, l’autorisation de faire pratiquer une nouvelle saisie-contrefaçon dans les locaux de la société Claranet, hébergeur du logiciel « EveReport » et que les opérations de saisie-contrefaçon ont été réalisées le 18 juillet 2022.
La société Evedrug, M. [B] et M. [U] ont alors fait assigner devant le juge des référés M. [X] et la société AB cube en mainlevée de cette mesure par acte du 4 août 2022.
Par ailleurs, reprochant à M. [X] et à la société AB Cube de produire dans la procédure principale un courriel du 20 juillet 2017, avec ses pièces jointes, qui auraient été obtenus lors de la première saisie-contrefaçon dont la mainlevée totale avait été ordonnée par la présente cour, la société Evedrug, M. [B] et M. [U] ont formé un nouvel incident devant le juge de la mise en état le 25 mai 2022 tendant à voir écarter ces pièces des débats.
Enfin, par d’autres conclusions d’incident, M. [X] et la société AB cube ont demandé le 22 juillet 2022 au juge de la mise en état la levée du scellé des pièces saisies le 18 juillet 2022 lors de la deuxième saisie-contrefaçon, et de désigner un nouvel expert pour comparer les logiciels.
Par ordonnance du 13 janvier 2023 le juge de la mise en état a rejeté la demande de la société Evedrug, M. [B] et M. [U] de retrait de pièces et d’interdiction d’en tirer argument par voie de conclusions a été rejetée.
Les demandes d’expertise et de sursis à statuer seraient pendantes devant le tribunal.
Par ordonnance du 20 janvier 2023 dont appel, le juge des référés a rejeté la demande de mainlevée de la saisie-contrefaçon du 18 juillet 2022 formée par la société la société Evedrug, M. [B] et M. [U].
C’est dans cet état que se présente la procédure dont est saisie la cour qui porte uniquement sur cette ordonnance de référé du 20 janvier 2023.
Sur les fins de non- recevoir
– sur la recevabilité de la demande de mainlevée de la saisie-contrefaçon du 18 juillet 2022
La société AB Cube et M. [X] concluent à l’infirmation de l’ordonnance de référé du 20 janvier 2023 en ce qu’elle a rejeté leur fin de non-recevoir et entendent voir la société Evedrug et MM. [U] et [B] déclarés irrecevables en leur demande de mainlevée de la saisie-contrefaçon du 18 juillet 2022 pour défaut de qualité de saisi ou de tiers saisi au sens de l’article L.332-2 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle.
L’article L.332-2 du code de la propriété intellectuelle prévoit que :
« Dans un délai fixé par voie réglementaire, le saisi ou le tiers saisi peuvent demander au président du tribunal judiciaire de prononcer la mainlevée de la saisie ou d’en cantonner les effets, ou encore d’autoriser la reprise de la fabrication ou celle des représentations ou exécutions publiques, sous l’autorité d’un administrateur constitué séquestre, pour le compte de qui il appartiendra, des produits de cette fabrication ou de cette exploitation.
Le président du tribunal judiciaire statuant en référé peut, s’il fait droit à la demande du saisi ou du tiers saisi, ordonner à la charge du demandeur la consignation d’une somme affectée à la garantie des dommages et intérêts auxquels l’auteur pourrait prétendre. »
En l’espèce, la saisie-contrefaçon du 18 juillet 2022 a été effectuée dans les locaux de la société Claranet, hébergeur du logiciel « EveReport ». La société Evedrug, M. [B] et M. [U] indiquent être propriétaires des données et de la solution « EveReport » qui ont été saisies. La société Claranet a donc la qualité de tiers saisi et la société Evedrug, M. [B] et M. [U] de saisis.
En conséquence, les appelants ont bien qualité au sens des dispositions susvisées pour solliciter la mainlevée de la saisie-contrefaçon du 18 juillet 2022 et ajoutant à l’ordonnance dont appel, il y a lieu de rejeter la fin de non- recevoir soulevée par la société AB Cube et M. [X].
– sur la recevabilité des demandes de M. [X] et de la société AB Cube
Aux termes du dispositif de leurs dernières écritures qui lie la cour, la société Evedrug, M. [B] et M. [U] sollicitent que soit déclarées irrecevables les demandes de M. [X] et de la société AB Cube. Force est toutefois de constater qu’aucun moyen d’irrecevabilité n’est développé par eux dans les motifs de ces mêmes conclusions. En conséquence, les demandes de M. [X] et de la société AB Cube doivent être déclarées recevables.
Sur la demande de mainlevée de la saisie-contrefaçon du 18 juillet 2022
Les appelants font grief au premier juge d’avoir rejeté leur demande de mainlevée de la saisie-contrefaçon du 18 juillet 2022. Ils font valoir en substance que la requête du 12 mai 2022 a été présentée dans des conditions déloyales et que les conditions d’exécution de la saisie-contrefaçon ont diminué les droits de la défense au stade de la demande de mainlevée, que les éléments essentiels du débat ont été occultés dans la requête et les pièces jointes et que les conclusions comportant des images de pièces dont la restitution a été ordonnée par la cour d’appel le 6 novembre 2020 ont été produites, de même qu’une pièce 35 qui n’indique pas que le Dump Medday de 2019 a été jugé dépourvu de valeur probante par le juge de la mise en état, que ni le principe du contradictoire ni les articles 494 et 495 du code de procédure civile n’ont été respectés, que le juge saisi était incompétent pour statuer à la date de la requête, que les contours et les caractéristiques protégeables de la version logicielle arguée de contrefaçon n’ont pas été démontrés, pas plus que l’originalité de cette version du logiciel n’est caractérisée par les pièces jointes à la requête, communiquées lors de la première instance en mainlevée, versées aux débats dans le cadre de la présente instance ainsi que les termes mêmes de la requête et des conclusions des intimés du 24 mai 2023. Ils ajoutent que M. [X] ne démontre pas avoir la qualité d’auteur sur la version qu’il revendique et que la société AB Cube ne démontre pas plus être titulaire des droits d’exploitation sur cette version, que par ailleurs la saisie n’était pas suffisamment justifiée. Ils s’opposent enfin à la demande incidente des intimés tendant à titre subsidiaire, si la mainlevée de la saisie était prononcée, au rejet de la demande de restitution et de destruction des éléments saisis et de conservation sous scellés de ces éléments par commissaire de justice jusqu’à ce que la décision à intervenir ne soit plus susceptible d’aucun recours.
La société AB Cube et M. [X] répliquent, également en substance, qu’aucune fin de non- recevoir tirée d’un défaut de qualité à agir des intimés n’a été soulevée devant le juge du fond, qu’ils justifient de la titularité des droits d’auteur sur le logiciel « SafetyEasy » version n° 3.136.175 et que cette version du logiciel est identifiée, que l’originalité d’un logiciel n’est pas exigée au stade de la requête mais a en tout état de cause été démontrée, que la saisie-contrefaçon est proportionnée aux intérêts en présence et à l’objectif de preuve de la contrefaçon, les actes de contrefaçon ayant été identifiés à la date de la requête, que la dérogation au principe du contradictoire était légitime, justifiée et utile pour le procès au fond du fait de la mauvaise foi avérée des appelants et qu’aucune déloyauté n’a été mise en ‘uvre devant le juge saisi de la requête. A titre subsidiaire, si la mainlevée de la saisie-contrefaçon du 18 juillet 2022 était ordonnée, ils sollicitent la confirmation de l’ordonnance dont appel sur le rejet de la demande de restitution et de destruction des éléments saisis.
Ceci étant exposé, il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 845 alinéa 3 du code de procédure civile « Les requêtes afférentes à une instance en cours sont présentées au président de la chambre saisie ou à laquelle l’affaire a été distribuée ou au juge déjà saisi ».
En l’espèce, la société AB Cube et M. [X] ont fait assigner la société Evedrug, M. [U] et M. [B] selon acte du 21 mai 2019 et l’affaire a été distribuée à la 3ème chambre 2ème section du tribunal. Il n’est pas discuté que la requête du 12 mai 2022, reçue au greffe le 16 mai 2022, a été présentée au président de la 3ème chambre du tribunal judiciaire de Paris avec l’indication que l’affaire était distribuée à la 2ème section sous le n°RG 19/06190, les appelants critiquant uniquement la compétence du juge ayant rendu l’ordonnance au motif qu’ils auraient saisi le tribunal d’une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir des demandeurs à l’action en contrefaçon que les premiers juges auraient dû trancher préalablement à la requête.
Pour autant, ils reconnaissent eux-mêmes dans leurs dernières écritures devant la cour avoir, aux termes du dispositif de leurs écritures notifiées devant le tribunal le 26 octobre 2021, conclu au seul débouté des demandeurs à l’action en contrefaçon. En conséquence le moyen manque en fait et est en tout état de cause inopérant dès lors qu’en application des dispositions susvisées, seul le président de la chambre saisie ou à laquelle l’affaire a été distribuée ou le juge déjà saisi est compétent pour connaitre de la requête et en apprécier le bien-fondé dont relève notamment la qualité à agir des demandeurs à la saisie-contrefaçon, soit en l’espèce le juge de la 3ème chambre 2ème section du tribunal judiciaire de Paris.
Les appelants soutiennent par ailleurs que les conditions dans lesquelles la requête du 12 mai 2022 a été présentée sont déloyales et que les conditions d’exécution de la saisie-contrefaçon ont diminué les droits de la défense, dès lors que la saisie-contrefaçon a été pratiquée le 18 juillet 2022, soit en période de vacances judiciaires, sur une ordonnance sur requête rendue le 20 mai 2022, que les pièces jointes à la requête ne leur ont été communiquées que le 25 juillet 2022 et que les éléments essentiels du débat ont été occultés dans la requête et ses pièces jointes à savoir l’incident du 1er septembre 2020 à fin d’expertise comparée des dépôts APP Cetonia et AB Cube et la cession de l’intégralité des parts sociales de AB Cube à un tiers, et que des conclusions comportant des images de pièces dont la restitution a été ordonnée par la cour d’appel le 6 novembre 2020 ont été produites ainsi qu’une pièce 35 sans indication que le Dump Medday de 2019, dont il est tiré argument, a été jugé dépourvu de valeur probante par le juge de la mise en état.
L’ordonnance sur requête du 20 mai 2022 a accordé aux demandeurs un délai de 2 mois pour procéder aux opérations de saisie-contrefaçon qu’elle autorisait, soit jusqu’au 20 juillet 2022. En conséquence la saisie-contrefaçon pratiquée au sein de la société Claranet le 18 juillet 2022 a été faite dans le délai imparti et le fait qu’elle a été réalisée en période de vacances judiciaires est sans conséquence sur la procédure et les droits de la défense, toute personne intéressée pouvant saisir le juge pendant cette période pour la contester, ce que la société Evedrug, M. [B] et M. [U], défendeurs au principal, n’ont d’ailleurs pas manqué de faire en assignant de façon contradictoire le 4 août 2022 M. [X] et la société AB Cube en mainlevée de la saisie-contrefaçon. Enfin aucune disposition n’exige la communication des pièces jointes à la requête dans le délai accordé par le juge pour faire pratiquer les opérations de saisie-contrefaçon.
La mainlevée de la saisie-contrefaçon doit être prononcée lorsqu’il est démontré que le juge n’aurait pas fait droit à la requête s’il avait eu connaissance d’éléments essentiels du débat qui lui ont été cachés. En l’espèce, les demandeurs à la saisie-contrefaçon ont fait état dans leur requête du 12 mai 2022 de « l’incident aux fins de production par l’APP des dépôts de logiciel réalisés par la société Cetonia » au point 3.2.3 et de « L’incident aux fins de complément de mesure d’expertise » au point 3.2.4 ; ils ont par ailleurs informé le juge de la cession de l’intégralité des parts sociales de la société AB Cube à un tiers au point 15 de la requête en précisant que « une cession de parts sociales de la société AB Cube est intervenue fin 2021, sans toutefois impacter les droits patrimoniaux sur le logiciel SafetyEasy et les pouvoirs de M. [L] [X] en sa qualité de Président de la société AB Cubes ». Le moyen manque donc également en fait.
La société Evedrug et MM. [U] et [B] prétendent ensuite que la communication, au soutien de la requête à fin de saisie-contrefaçon, des dernières conclusions au fond de la société AB Cube et M. [X] du 19 janvier 2022 et de la pièce 35 serait déloyal, dès lors, s’agissant des conclusions, que celles-ci comportaient des images de pièces dont la restitution a été ordonnée par la cour d’appel le 6 novembre 2020 et de la pièce 35, qu’il s’agissait d’un « recyclage » auquel le juge de la mise en état a dénié toute force probante par ordonnance du 6 juillet 2021 en refusant de modifier l’expertise ordonnée le 5 juin 2020.
Les courriels incriminés, figurant dans les dernières conclusions au fond de la société AB Cube et de M. [X] du 19 janvier 2022 qui ont été produites à l’appui de la requête en saisie-contrefaçon en pièce 49, sont invoqués au titre de la concurrence déloyale. En conséquence, la production de ces conclusions ne présentait pas de caractère déloyal de nature à empêcher le juge des requêtes d’autoriser une saisie-contrefaçon sur le fondement de la violation de droits d’auteur, ces éléments n’étant en outre pas directement invoqués à l’appui de la requête.
S’agissant de la pièce 35, le fait que le juge de la mise en état ait considéré par ordonnance 6 juillet 2021 que le DUMP ne présentait pas suffisamment de garantie d’authenticité dans une décision provisoire pour refuser l’expertise n’empêchait pas les intimés de produire cette pièce à l’appui de leur requête. Ils ont indiqué à ce sujet au point 148, page 22 de cette requête, que « L’étude comparative de la structure des bases de données a été réalisée grâce à des sauvegardes de DUMPs reçus en 2019 pour eVeReport et SafetyEasy, et des copies de bases de données reçues début 2020 pour ArisG et Argus ».
Il résulte de ces énonciations que la requête du 12 mai 2022 n’a pas été présentée dans des conditions déloyales et que les conditions d’exécution de la saisie-contrefaçon n’ont pas diminué les droits de la défense au stade de la demande de mainlevée.
Par ailleurs, le premier juge doit être approuvé lorsqu’il a dit, s’agissant de la méconnaissance du principe du contradictoire et des articles 494 et 495 du code de procédure civile, qu’il ne peut être vu une violation du principe de la contradiction dans la communication, au soutien d’une requête, des conclusions au fond de l’ensemble des parties dès lors que les motifs de l’ordonnance sont bien ceux de la requête, et non l’entier argumentaire des conclusions au fond.
S’agissant de l’identification de la version 3.136.175 du logiciel SafetyEasy revendiquée, la requête fait état du dépôt APP correspondant et le certificat IDDN délivré le 26 aout 2014 par l’APP à M. [X] a été produit (pièce 2) ainsi que la lettre de confirmation de l’enregistrement de l’APP du 2 septembre 2014 (pièce 3). Ces éléments permettent d’identifier la version logicielle revendiquée par M. [X] et confèrent à ce dernier une présomption de titularité des droits d’auteur sur le logiciel revendiqué. La société AB Cube justifie quant à elle de l’exploitation non équivoque sous son nom de différentes versions d’un logiciel « SafetyEasy » depuis 2006, ce qui n’exclut pas la version revendiquée. Ces éléments suffisent à justifier de la qualité à agir des demandeurs à l’action en contrefaçon pour les besoins d’une saisie-contrefaçon.
Enfin l’auteur, ses ayants droit ou ses ayants cause ont qualité pour agir en contrefaçon et solliciter à cet effet l’autorisation, par ordonnance rendue sur requête, de faire procéder à des opérations de saisie-contrefaçon, sans avoir à justifier, au préalable, de l’originalité de l”uvre sur laquelle ils déclarent être investis des droits d’auteur. La contestation de la valeur probante des pièces jointes à l’appui de la requête, communiquées lors de la première instance en mainlevée, versées aux débats dans le cadre de la présente instance et/ou des termes mêmes de la requête ainsi que des dernières conclusions des intimés devant la cour du 24 mai 2023 est donc à ce stade inopérante.
Les requérants ont justifié leur demande en saisie-contrefaçon par la reprise des caractéristiques du logiciel « SafetyEasy » version 3.136.175 qu’ils revendiquent par le logiciel « EveReport » qu’ils incriminent en produisant notamment à l’appui de leur demande une « Etude comparative des principales bases de données des logiciels SafetyEasy, EveReport, ArisG et Argus » de M. [I], en date du 12 janvier 2022, effectuée grâce à des sauvegardes de DUMPs reçus en 2019 pour les deux premiers logiciels et des copies de base de données reçues en 2020 pour les deux autres. Les appelants auront tout loisir de discuter au fond cette étude non contradictoire qui restera en tout état de cause soumise à l’appréciation du tribunal. Cette étude dont le volume n’est pas de nature à porter atteinte au principe du contradictoire dès lors qu’elle est lisible et exploitable, constitue néanmoins un indice de la contrefaçon alléguée, corroboré par l’ensemble des circonstances de l’espèce.
Ces éléments de preuve aisément accessibles au regard de l’objectif d’effectivité des mesures probatoires suffisent à justifier la mesure de saisie-contrefaçon sollicitée comme moyen de preuve de la contrefaçon alléguée, qui n’apparait pas disproportionnée en l’espèce au regard des intérêts des saisis dès lors notamment qu’aucun secret des affaires n’a été divulgué et que des mesures pourront être prises pour garder confidentiels tel ou tel élément.
En définitive, la saisie-contrefaçon du 18 juillet 2022 pratiquée à la demande de la société AB Cube et de M. [X] n’encourt aucun des griefs invoqués par les appelants.
En conséquence, ces derniers seront déboutés de l’ensemble de leurs demandes et l’ordonnance dont appel sera confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande en mainlevée.
Sur les autres demandes
L’issue de la présente procédure impose de confirmer les dispositions de l’ordonnance relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
La société Evedrug, M. [U] et M. [B] qui succombent seront condamnés aux dépens d’appel, dont distraction dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
Enfin les intimés ont dû engager en cause d’appel des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge. Il y a lieu en conséquence de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société AB Cube et M. [X] tirée du défaut de qualité à agir de la société Evedrug, M. [U] et M. [B].
Déclare recevables la société Evedrug, M. [U] et M. [B] en leur demande de mainlevée de la saisie-contrefaçon du 18 juillet 2022.
Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance dont appel.
Y ajoutant,
Condamne in solidum la société Evedrug, M. [U] et M. [B] à payer respectivement à la société AB Cube et à M. [X] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 pour les frais engagés dans le cadre de la procédure d’appel.
Condamne in solidum la société Evedrug, M. [U] et M. [B] aux dépens d’appel dont distraction dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente