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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2023
(n°143, 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 22/05796 – n° Portalis 35L7-V-B7G-CFPW4
sur renvoi après cassation, par arrêt de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation rendu le 13 octobre 2021 (pourvoi n°V 19-23.784), d’un arrêt du pôle 5 chambre 1 de la Cour d’appel de PARIS rendu le 23 octobre 2018 (RG n°16/14004) sur appel d’un jugement de la 3ème chambre 4ème section du Tribunal de grande instance de PARIS du 14 avril 2016 (RG n°14/15677)
DEMANDERESSE A LA SAISINE
S.A.S. DOMES PHARMA SC, venant aux droits de la S.A.S. LABORATOIRES AUVEX, agissant en la personne de son président en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Localité 4]
Immatriculée au rcs de Clermont-Ferrand sous le numéro 622 043 305
Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque L 0044
Assistée de Me Edouard DE MELLON plaidant pour la SELARL DELSOL AVOCATS, avocat au barreau de LYON
DEFENDERESSES A LA SAISINE
S.A.R.L. LABORATOIRES NOVODEX PHARMA, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 5]
[Localité 6]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 750 945 222
S.A.S. SABAVIAM, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 3]
Immatriculée au rcs de Clermont-Ferrand sous le numéro 501 365 035
S.A.R.L. N2P DISTRIBUTION, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 5]
[Localité 6]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 750 940 124
Représentées par Me Christelle VERRECCHIA, avocate au barreau de PARIS, toque C 1200
Assistées de Me Albane LAFANECHERE, avocate au barreau de LYON, case 3307
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique RENARD, Présidente, en présence de Mme Agnès MARCADE, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport
Mmes Véronique RENARD et Agnès MARCADE ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Véronique RENARD, Présidente
Mme Déborah BOHEE, Conseillère, désignée en remplacement de Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, empêchée
Mme Agnès MARCADE, Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire rendu le 14 avril 2016, par le tribunal de grande instance de Paris.
Vu l’arrêt contradictoire rendu le 23 octobre 2018, par la cour d’appel de Paris.
Vu l’arrêt de cassation partielle rendu le 13 octobre 2021, par la Cour de cassation.
Vu la déclaration de saisine de la présente cour de renvoi remise au greffe le 15 mars 2022 par la société Domes Pharma SC.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 4 janvier 2023 par la société Domes Pharma SC, demanderesse à la saisine.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 6 janvier 2023 par les sociétés SARL Laboratoire Novodex Pharma, SARL N2P Distribution et SAS Sabaviam, défenderesses à la saisine.
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 12 janvier 2023.
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
La société Aspilabo devenue Laboratoires Auvex puis Domes Pharma SC commercialise, sous la dénomination ASPIVENIN, une pompe permettant d’aspirer le venin suite à une piqûre d’insecte ou de reptile qui se présente sous la forme d’une pompe d’aspiration contenue dans un petit boîtier constituant un « kit de 1er secours ».
La société Aspilabo devenue Domes Pharma SC est notamment titulaire des marques suivantes :
– la marque française ASPIVENIN n°1259051, déposée le 30 janvier 1984, renouvelée depuis et valable jusqu’au 30 janvier 2024, pour désigner les produits « Pompes d’hygiène médicale à aspirer le venin ; appareils et instruments chirurgicaux, médicaux, dentaires et vétérinaires, membres, yeux et dents artificiels ; articles orthopédiques ; matériel de suture » en classe 10,
– la marque communautaire ASPIVENIN n°72710, déposée le 1er avril 1996 et valable jusqu’au 1er avril 2026, pour désigner les produits « pompes à usage médical » en classe 10,
La société Aspilabo devenue Domes Pharma SC a également déposé des dessins et modèles français.
La société Aspilabo devenue Domes Pharma SC expose avoir découvert la commercialisation d’un produit ASPIVEX par la société Laboratoires Novodex Pharma, filiale de la société Sabaviam, et le dépôt par cette dernière, le 24 septembre 2012, d’une marque française :
enregistrée sous le n°3948347 pour désigner les produits suivants : « pompes d’hygiène médicale à aspirer le venin », la distribution de l’ASPIVEX étant assurée par la société N2P Distribution, filiale de la société Sabaviam.
Selon la société Aspilabo devenue Domes Pharma SC, la commercialisation du kit de premier secours et de la pompe ASPIVEX porte atteinte aux marques française et communautaire ASPIVENIN en raison de la confusion engendrée dans l’esprit du public.
C’est dans ces conditions que la société Aspilabo devenue Domes Pharma SC, a fait assigner les sociétés Laboratoires Novodex Pharma, Sabaviam et N2P Distribution devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de Paris par actes des 15 et 29 octobre 2014, en nullité de la marque ASPIVEX, en contrefaçon des marques et modèles ASPIVENIN et en concurrence déloyale et parasitaire.
A la suite d’une restructuration du groupe Domes Pharma, la société Laboratoires Auvex s’est vu transmettre l’intégralité des droits de propriété intellectuelle de la société Aspilabo et est intervenue volontairement à l’instance. Elle vient aux droits de la société Aspilabo.
Par jugement du 14 avril 2016, le tribunal a :
– constaté qu’au jour de l’assignation, la société Aspilabo avait qualité pour agir et que, depuis le 31 décembre 2014, cette société n’avait plus d’existence juridique,
– reçu l’intervention volontaire de la société Laboratoires Auvex venant aux droits de la société Aspilabo dans ses demandes en contrefaçon et en concurrence déloyale et parasitaire,
– annulé le procès-verbal de constat d’achat établi le 18 juin 2015 par huissier de justice,
– déclaré la société Laboratoires Auvex déchue partiellement de ses droits sur la marque n°1259051 à compter du 27 juin 1989 et sur la marque n°825497 à compter du 07 avril 2015, pour les produits désignés dans l’enregistrement autres que les « pompes d’hygiène médicale à aspirer le venin »,
– annulé pour défaut de distinctivité les marques n°1259051 et n°72710 dont la société Laboratoires Auvex est titulaire désignant les produits « pompes d’hygiène médicale à aspirer le venin »,
– débouté la société Laboratoires Auvex de ses demandes fondées sur la contrefaçon de sa marque tridimensionnelle ASPIVENIN n°825497,
– annulé le modèle français référencé 973296-002 dont la société Laboratoires Auvex est titulaire,
– dit valide le modèle de la société Laboratoires Auvex référencé 973296-001,
– dit que les sociétés Novodex Pharma et N2P Distribution se sont rendues coupables de contrefaçon par la commercialisation du kit ASPIVEX incorporant le modèle référencé 973296-001 dont la société Laboratoires Auvex est titulaire, dans sa vue version boîte ouverte,
– rejeté la demande de la société Laboratoires Auvex fondée sur la concurrence déloyale et parasitaire,
– dit irrecevable la demande de la société Laboratoires Auvex en dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait de la contrefaçon de modèle,
– fait interdiction à la société Novodex Pharma et à la société N2P Distribution de commercialiser le kit ASPIVEX incorporant le modèle ASPIVENIN dans sa vue de l’intérieur de la boîte ouverte, et ce dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement, sous astreinte de 100 euros par produit contrefaisant, en se réservant la liquidation de l’astreinte,
– dit que la société Laboratoires Auvex a commis des actes de concurrence déloyale en commercialisant son produit ASPIVENIN avec la mention « breveté » alors que le brevet est périmé,
– fait interdiction à la société Laboratoires Auvex de faire usage de la mention « breveté » sur son produit ASPIVENIN, et ce dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement, sous astreinte de 50 euros par produit comportant cette mention, en se réservant la liquidation de l’astreinte,
– dit que chacune des parties gardera la charge de ses dépens et rejeté toutes les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire de la décision, à l’exception de l’annulation des marques et du modèle.
Le 24 juin 2016, la société Laboratoires Auvex a relevé appel de ce jugement.
Par arrêt du 23 octobre 2018, la cour d’appel de Paris a :
– confirmé le jugement déféré, si ce n’est en ce qu’il a :
– dit irrecevable la demande en dommages et intérêts de la société Laboratoires Auvex en réparation des préjudices subis du fait de la contrefaçon de modèle,
– rejeté la demande en dommages et intérêts de la société Laboratoires Novodex Pharma en réparation du préjudice résultant de la concurrence déloyale commise par la société Laboratoires Auvex,
– en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
– condamné in solidum les sociétés Laboratoires Novodex Pharma et N2P Distribution à payer à la société Laboratoires Auvex :
– la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique résultant de la contrefaçon de son modèle 973296-001 (vue en position ouverte),
– la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la même contrefaçon,
– condamné la société Laboratoires Auvex à payer à la société Laboratoires Novodex Pharma la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant des actes de concurrence déloyale,
– condamné les sociétés Laboratoires Novodex Pharma et N2P Distribution in solidum aux dépens de première instance,
Y ajoutant,
– enjoint aux sociétés Laboratoires Novodex Pharma et N2P Distribution de détruire les produits contrefaisants restant encore en leur possession,
– condamné les sociétés Laboratoires Novodex Pharma et N2P in solidum aux dépens d’appel et au paiement à la société Laboratoires Auvex de la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,
– ordonné la communication de la présente décision, une fois celle-ci devenue définitive, à l’INPI et à l’EUIPO, à l’initiative de la partie la plus diligente, pour inscription sur leurs registres.
La société Laboratoires Auvex a formé un pourvoi contre cette décision.
Par arrêt du 13 octobre 2021, la Cour de cassation a :
– cassé et annulé, mais seulement en ce que, confirmant le jugement entrepris, il annule pour défaut de distinctivité la marque nationale n° 1259051 et la marque communautaire n°72710, dont la société Laboratoires Auvex est titulaire, désignant les « produits de pompes d’hygiène médicale à aspirer le venin », l’arrêt rendu le 23 octobre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Paris,
– remis, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée,
– condamné les sociétés Laboratoires Novodex Pharma, Sabaviam et N2P Distribution aux dépens,
– en application de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par les sociétés Laboratoires Novodex Pharma, Sabaviam et N2P Distribution et les condamne à payer à la société Laboratoires Auvex la somme globale de 3 000 euros,
– dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé.
Le 24 février 2021 la société Laboratoires Auvex, titulaires des marques en cause, a fait l’objet d’une fusion absorption par la société Domes Pharma SC ayant opéré une transmission universelle du patrimoine de la société Laboratoires Auvex à la société Domes Pharma.
La société Domes Pharma SC est donc devenue titulaire des marques n°1259051 et n°72710, objets du litige.
La cour relève que compte tenu du caractère limité de la cassation partielle prononcée par l’arrêt de la Cour de cassation du 13 octobre 2021, la présente cour de renvoi n’est plus saisie que de la question de la validité des marques française n°1259051 et communautaire n°72710, point sur lequel l’affaire et les parties sont remises dans l’état où elles se trouvaient avant l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 23 octobre 2018 et partant, de la question de la contrefaçon des marques ASPIVENIN, point sur lequel la Cour de cassation n’a pas statué en raison de l’annulation de ces marques prononcée par le tribunal puis par la première cour d’appel.
Par ses dernières conclusions la société Domes Pharma SC demande à la cour de :
– réformer le jugement en ce qu’il a déclaré nulle la marque française ASPIVENIN n°1259051 et la marque communautaire ASPIVENIN n°72710,
Statuant à nouveau,
– constater que la marque française ASPIVEX n°3948347 déposée par la société Sabaviam, et son usage par les sociétés Sabaviam, Novodex Pharma et N2P Distribution pour commercialiser le Kit de 1er secours et la pompe à venin ASPIVEX, constituent une contrefaçon de la marque française antérieure ASPIVENIN n°1259051 et de la marque communautaire antérieure ASPIVENIN n°72710, détenues par la société Domes Pharma SC, anciennement Laboratoires Auvex,
– prononcer en conséquence la nullité de la marque ASPIVEX n°3948347 détenue par la société Sabaviam, en ce qu’elle porte atteinte au droit exclusif détenu par la société Domes Pharma SC, anciennement Laboratoires Auvex,
– faire interdiction aux sociétés Sabaviam, Novodex Pharma et N2P Distribution sous astreinte de 100 euros par infraction constatée, de faire usage dans la vie des affaires du signe ASPIVEX contrefaisant,
– ordonner aux sociétés Sabaviam, Novodex Pharma et N2P Distribution de détruire les produits contrefaisants qu’elles ont en leur possession,
– ordonner la publication de la décision à intervenir,
– condamner les sociétés Sabaviam, Novodex Pharma et N2P Distribution, solidairement, à verser à la société Domes Pharma SC, anciennement Laboratoires Auvex, la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice résultant de contrefaçon de ses marques dont elle a été victime,
– débouter les sociétés Sabaviam, Novodex Pharma et N2P Distribution de demandes, fins et conclusions,
– condamner les sociétés Sabaviam, Novodex Pharma et N2P Distribution, solidairement, à payer à la société Domes Pharma SC, anciennement Laboratoires Auvex, la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les sociétés Sabaviam, Novodex Pharma et N2P Distribution aux dépens.
Par leurs dernières conclusions, les sociétés Laboratoire Novodex Pharma, N2P Distribution et Sabaviam demandent à la cour de :
A titre principal,
– confirmer le jugement en ce qu’il a annulé la marque française ASPIVENIN n°1259051 au regard des « pompes d’hygiène médicale à aspirer le venin » pour défaut de caractère distinctif,
– confirmer le jugement en ce qu’il a annulé la marque communautaire ASPIVENIN n°72710 au regard des « pompes à usage médical » pour défaut de caractère distinctif,
– ordonner l’inscription de ces nullités aux registres tenus respectivement par l’INPI et l’Office de l’Union Européenne pour la propriété intellectuelle,
Par conséquent, dire sans objet les demandes en contrefaçon de la marque française ASPIVENIN n°1259051 et de la marque communautaire ASPIVENIN n°72710,
A titre subsidiaire,
– mettre hors de cause les sociétés Sabaviam et N2P Distribution s’agissant des demandes en contrefaçon,
– débouter la société Domes Pharma de ses demandes en contrefaçon de la marque française ASPIVENIN n°1259051 et de la marque communautaire ASPIVENIN n°72710,
– débouter la société Domes Pharma de sa demande de nullité de la marque ASPIVEX n°3948347,
– débouter la société Domes Pharma de ses demandes de dommages et intérêts, de destruction et de publication,
En tout état de cause,
– débouter la société Domes Pharma de toute demande ou prétention,
– condamner la société Domes Pharma à verser aux sociétés Laboratoires Novodex Pharma, Sabaviam et N2P Distribution, ensemble, la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Domes Pharma aux entiers dépens.
Sur la nullité des marques française et communautaire ASPIVENIN pour défaut de caractère distinctif
La société Domes Pharma SC fait valoir que les marques française et communautaire ASPIVENIN opposées dont le caractère distinctif doit s’apprécier au jour de leur dépôt et selon les dispositions en vigueur à cette date (loi du 31 décembre 1964 et le règlement communautaire n° 40/94), sont écrites dans une police particulière et constituées d’un néologisme évocateur et non pas descriptif de la nature ou des caractéristiques et qualités essentielles du produit ou service désigné. Elle fait en outre valoir que ces marques ont acquis un caractère distinctif par l’usage continu et important qui en a été fait depuis de nombreuses années et de la notoriété qui en est issue, ce dès avant les dépôts de la marque française et de la marque communautaire et depuis lors.
Les sociétés Laboratoires Novodex pharma, Sabaviam et N2P Distribution soutiennent la nullité des deux marques opposées pour défaut de caractère distinctif, la combinaison des éléments descriptifs ASPI et [E] ne créant pas un terme dont la signification est différente ou s’éloigne de celle des éléments qui le composent. Elles contestent le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque française comme de la marque communautaire, soutenant que ce caractère distinctif doit être acquis à la date de dépôt de la marque ASPIVEX critiquée soit le 27 septembre 2012, et que la demanderesse à la saisine échoue à démontrer que l’usage qu’elle a fait de l’expression ASPIVENIN l’a rendue apte à distinguer les pompes à aspirer le venin désignées à l’enregistrement. Elles font valoir que les éléments fournis au débat démontrent que loin d’avoir acquis un caractère distinctif du fait de son usage, le terme ASPIVENIN est employé comme un terme générique et est incapable d’assurer la fonction d’identification d’origine que doit remplir la marque.
La société Domes Pharma SC est titulaire des marques suivantes :
– la marque française
n°1259051, déposée le 30 janvier 1984, renouvelée depuis et valable jusqu’au 30 janvier 2024, pour désigner les produits « Pompes d’hygiène médicale à aspirer le venin » en classe 10,
– la marque communautaire
n°72710, déposée le 1er avril 1996 pour désigner les produits « pompes à usage médical » en classe 10.
Ainsi que le soutient pertinemment la demanderesse à la saisine, la validité d’une marque s’apprécie à la date de son dépôt et au regard des produits et services désignés.
La marque française ASPIVENIN n°1259051 a été déposée sous l’empire de la loi n° 64-1360 du 31 décembre 1964 dont l’article 3 prévoit que :
« Ne peuvent être considérés comme une marque ni en faire partie les signes dont l’utilisation serait contraire à l’ordre public ou aux bonnes m’urs, ainsi que les signes exclus par l’article 6 ter de la convention de [Localité 9] pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883 révisée.
Ne peuvent, en outre, être considérées comme marques :
Celles qui sont constituées exclusivement de la désignation nécessaire ou générique du produit et du service ou qui comportent des indications propres à tromper le public.
Celles qui sont composées exclusivement de termes indiquant la qualité essentielle du produit ou du service, ou la composition du produit. »
De même, la marque communautaire ASPIVENIN n°72710, a été déposée sous l’empire du règlement (CE) n° 40/94 du conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire dont l’article 7 « Motifs absolus de refus » dispose :
« 1. Sont refusés à l’enregistrement:
a) les signes qui ne sont pas conformes à l’article 4;
b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif;
c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci;
d) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce ; [‘] ».
Les signes ASPIVENIN déposés pour désigner des « pompes à usage médical » sont composés de la juxtaposition du préfixe ASPI, abréviation usuelle du verbe « aspirer », et du substantif [E].
Ce néologisme appliqué à des pompes à usage médical sera directement compris par le public auquel il est destiné, que ce soit le personnel médical ou le consommateur moyen français, ainsi que par une partie pertinente du marché communautaire à savoir le public francophone, comme indiquant la caractéristique essentielle de ces produits ou leur destination à savoir celle d’aspirer le venin. Le néologisme ASPIVENIN doit en conséquence être considéré comme dépourvu de caractère distinctif en ce qu’il est appliqué à des pompes médicales destinées à aspirer le venin, ce signe ne pouvant servir à indiquer l’origine de ces produits. Les polices de caractères dans lesquelles sont écrits les signes en cause tels que ci-dessus représentés, ne sont pas, en raison de leur caractère négligeable, de nature à conférer à la dénomination prédominante ASPIVENIN le caractère distinctif dont cette dernière est dénuée.
La société Domes Pharma SC invoque alors le caractère distinctif des marques en cause acquis par l’usage.
Il n’est pas discuté que s’agissant de marques enregistrées, elles ne seront pas déclarées nulles si un caractère distinctif a été acquis par l’usage après leur enregistrement.
L’arrêt de la Cour de cassation en date du 13 octobre 2021 casse en effet partiellement l’arrêt de la cour d’appel de Paris rendu le 23 octobre 2018 au visa des articles 6 quinquies, C, de la Convention de Paris du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle, modifiée le 28 septembre 1979, et L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance no 2019-1169 du 13 novembre 2019, ainsi que l’article 52, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire aux motifs que :
9. Il résulte du premier de ces textes qu’une marque qui, à la date de son dépôt, était dépourvue de caractère distinctif, ne peut être annulée si, depuis cette date, elle a acquis, par l’effet de la durée de son usage, le caractère distinctif qui lui faisait défaut. Selon le deuxième, n’est pas déclarée nulle une marque enregistrée lorsque le caractère distinctif a été acquis après son enregistrement. Tel est le cas lorsqu’une marque enregistrée en application de la loi n° 64-1360 du 31 décembre 1964 a acquis un caractère distinctif postérieurement à l’entrée en vigueur, le 28 décembre 1991, de la loi no 91-7 du 4 janvier 1991.
10. Aux termes du troisième texte, lorsque la marque communautaire a été enregistrée alors qu’elle était dépourvue de caractère distinctif, elle ne peut toutefois être déclarée nulle si, par l’usage qui en a été fait, elle a acquis après son enregistrement un caractère distinctif pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée.
11. Pour confirmer le jugement entrepris en ce qu’il avait annulé les marques française et communautaire « Aspivenin » pour les produits « pompes d’hygiène médicale à aspirer le venin», l’arrêt retient que ces marques n’avaient pas, au moment de leurs dépôts respectifs, acquis un caractère distinctif par l’usage qui en avait été fait.
12. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces marques n’avaient pas acquis un caractère distinctif par l’usage qui en avait été fait depuis leurs dépôts respectifs, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.
Pour justifier de l’acquisition du caractère distinctif par l’usage du signe ASPIVENIN constituant tant sa marque française déposée le 30 janvier 1984 que sa marque communautaire déposée le 1er avril 1996, la société Domes Pharma SC verse au débat
– des extraits d’articles de journaux et de guides touristiques datés de 2001, 2002, 2013, 2014 et 2015 (pièces 1-14 et 1-15) citant la pompe Aspivenin ou comportant des publicités pour la pompe Aspivenin,
– des articles de presse spécialisées ou non, parus entre les années 1984 et 1990 et citant la pompe Aspivenin (pièce 1-14 bis),
– les diverses récompenses obtenues par M. [D] [P] en raison de son invention dénommée « mini-pompe à dépression » en 1982 ou Aspivenin « source de vide » ou Aspivenin en 1983 (pièce 1-15 bis),
– des lettres de mises en demeure adressées au cours de l’année 2014 par la société Aspilabo à diverses sociétés exploitant des sites internet et utilisant l’expression ASPIVENIN pour désigner des pompes aspirantes en provenance de sociétés tierces (pièce 1-13).
Il ressort également de l’attestation du commissaire aux comptes de la société Laboratoires Auvex devenue Domes Pharma SC du 30 juillet 2015, que le chiffre d’affaires réalisé en France par la commercialisation du produit ASPIVENIN a été de 514 207 euros sur l’exercice 2011/2012 et de 587 501 euros pour l’exercice 2012/2013 (pièce 3-1).
La société Domes Pharma SC invoque la nullité de la marque ASPIVEX déposée par la société Sabaviam le 24 septembre 2012 pour les produits suivants « pompes d’hygiène médicale pour aspirer le venin » estimant que ce dépôt de marque porte atteinte à ses droits antérieurs sur les marques ASPIVENIN et reproche également aux défenderesses à la saisine des actes de contrefaçon de ses marques par la commercialisation au début de l’année 2014 d’une pompe à venin ASPIVEX dans un kit de premier secours.
Ainsi que le font valoir les sociétés Laboratoires Novodex pharma, Sabaviam et N2P Distribution, la société Domes Pharma doit démontrer que le signe ASPIVENIN avait acquis un caractère distinctif par l’usage à la date de dépôt de la marque ASPIVEX arguée de nullité (24 septembre 2012) mais aussi à la date des actes de contrefaçon allégués (début de l’année 2014). Seules les pièces antérieures à ces périodes seront donc prises en considération pour apprécier s’il est démontré par la demanderesse à la saisine l’acquisition du caractère distinctif de ses marques par l’usage.
Les distinctions reçues par M. [P] en qualité d’inventeur de la pompe à venin dénommée Aspivenin dans les années 80 ne caractérise pas un usage de la marque aux fins d’identification par les milieux intéressés du produit ou du service comme provenant d’une entreprise déterminée. Il en va de même d’un article de presse du 7 juillet 1989 consacré à un équipage féminin pendant la course à la voile [Localité 8] – [Localité 7] participant « sous les couleurs Aspivenin ».
En outre les quelques éléments fournis au débat par la société Domes Pharma SC qui concernent des périodes courtes (1984 ‘ 1990 puis 2001-2002 et enfin 2013), ne démontrent pas un usage continu et intense de la marque notoire ASPIVENIN comme le soutient la demanderesse à la saisine, étant relevé que l’usage en tant que marque d’un signe dépourvu de caractère distinctif intrinsèque, fût-il continu, intense et de longue durée, ne rend pas nécessairement ce signe apte à identifier les produits et services désignés dans l’enregistrement comme provenant du titulaire de la marque.
Les éléments précités pour ceux antérieurs à 2014 et qui peuvent être pris en compte, montrent pour la plupart que le signe ASPIVENIN est utilisé dans les articles de presse comme la désignation de la pompe à aspirer le venin ‘ l’Aspivenin ou « type Aspivenin » – seuls le « Guide du routard » en 2002 mentionnant le « célèbre ASPIVENIN® ». En outre, les quelques publicités figurant en 2013 dans la brochure mensuelle mise à disposition de ses passagers par la compagnie aérienne Air France ou dans deux numéros de 2013 du Moniteur des pharmaciens et identifiant la marque ASPIVENIN comme provenant de la société Aspilabo sont insuffisants à caractériser l’acquisition du caractère distinctif de la marque ASPIVENIN par l’usage en tant que marque à savoir comme se référant à un usage aux fins de l’identification par les milieux intéressés (professionnels de santé ou consommateur moyen) du produit comme provenant d’une entreprise déterminée.
Aussi, il n’est pas établi que le signe ASPIVENIN est devenu apte, dans l’esprit du consommateur moyen, à identifier les produits désignés à son enregistrement comme provenant de la société Domes Pharma SC.
Le jugement qui a annulé la marque française n°1259051 et la marque communautaire n° 72710 ASPIVENIN en ce qu’elles désignent les pompes d’hygiène médicale à aspirer le venin sera pour ces motifs confirmé.
Les demandes de nullité de la marque ASPIVEX n°3948347 et au titre de la contrefaçon seront en conséquence rejetées.
Sur les autres demandes
L’article 639 du code de procédure civile dispose que la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée.
Le sens de l’arrêt conduit à infirmer les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles.
Parties perdantes, les sociétés Laboratoires Novodex Pharma et N2P seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d’appel et à payer à la société Laboratoires Domes Pharma SC en application de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel, les sociétés Sabaviam, Laboratoires Novodex Pharma et N2P étant déboutées de leur demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, dans les limites de la saisine,
Confirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles,
Y ajoutant,
Rejette les demandes de la société Domes Pharma SC tendant à la nullité de la marque ASPIVEX n°3948347 et au titre de la contrefaçon de marques ;
Condamne in solidum les sociétés Laboratoires Novodex Pharma et N2P Distribution à payer à la société Domes Pharma SC la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,
Déboute les sociétés Sabaviam, Laboratoires Novodex Pharma et N2P Distribution de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum les sociétés Laboratoires Novodex Pharma et N2P Distribution aux dépens de première instance et d’appel.
La Greffière La Présidente